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Lucrezia Tornabuoni

Lucrezia Tornabuoni (ou LucrĂšce), nĂ©e en 1425 Ă  Florence et morte le Ă  Florence, est l'Ă©pouse de Pierre de MĂ©dicis et la mĂšre de Laurent le Magnifique. Elle a Ă©galement laissĂ© une Ɠuvre poĂ©tique.

Lucrezia Tornabuoni
Portrait de Lucrezia Tornabuoni, attribué à Domenico Ghirlandaio,
National Gallery of Art, Washington D.C.
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
SĂ©pulture
Domicile
Activités
Famille
Famille Tornabuoni (d)
PĂšre
Francesco Tornabuoni (d)
MĂšre
Nanna di Niccolo di Luigi Guicciardini (d)
Fratrie
Giovanni Tornabuoni (en)
Conjoint
Enfants
Blason

Biographie

Lucrezia Tornabuoni est nĂ©e en 1425. C’est la fille de Francesco Tornabuoni et de Selvaggia Alessandri. Elle est issue d’une vieille famille de la noblesse florentine, les Tornaquinci, dont un des ancĂȘtres, Giovanni Tornaquinci, participa Ă  la bataille de Montaperti contre les Siennois en 1260[1]. Les Ordonnances de justice promulguĂ©es en 1292-1293 interdirent aux nobles d’accĂ©der aux charges publiques, sauf s’ils renonçaient Ă  leur titre de noblesse et changeaient de nom. C‘est ce que fit le grand-pĂšre de Lucrezia, Simone Tornaquinci, qui changea son nom en Tornabuoni. En 1444, Lucrezia Ă©pousa Pierre de MĂ©dicis. Ainsi les MĂ©dicis qui, en deux gĂ©nĂ©rations, Ă©taient passĂ©s de la bourgeoisie moyenne de Florence aux plus hautes fonctions de la citĂ©, s’alliaient-ils Ă  une famille au passĂ© beaucoup plus prestigieux que le leur. Le frĂšre de Lucrezia, Giovanni, fut lui-mĂȘme directeur de la filiale romaine de la banque MĂ©dicis et sa sƓur, Dianora, Ă©pousa Tommaso Soderini, un partisan des MĂ©dicis.

Elle eut sept enfants avec Pierre. Quatre survécurent à leur petite enfance, Bianca Maria (1445-1488), Lucrezia, appelée aussi Nannina pour la distinguer de sa mÚre (1448-1493), Lorenzo (Laurent,1449-1492), Giuliano (Julien, 1453-1478). Maria (1440-1479), la fille naturelle de Pierre, fut élevée avec eux. AprÚs la conjuration des Pazzi (1478), Lucrezia Tornabuoni éleva également le fils naturel de Julien de Médicis, Jules (le futur Clément VII).

Lucrezia Tornabuoni mourut le . Le jour mĂȘme de sa mort, Laurent Ă©crivit Ă  ElĂ©onore d’Este : « Votre excellence peut imaginer ma dĂ©solation, car, en perdant ma mĂšre, j’ai perdu aussi l’unique refuge Ă  tous mes ennuis, l’unique soulagement Ă  tous mes tourments. Â»

Son statut, son influence

Le rĂŽle des femmes dans la vie publique florentine Ă©tait limitĂ©. Le type d’activitĂ© jugĂ© le plus recommandable pour elles Ă©tait de se consacrer Ă  des Ɠuvres charitables. Lucrezia Tornabuoni contribua ainsi Ă  un fonds qui attribuait des dots Ă  des jeunes femmes pauvres (Monte delle’ doti). Elle fit plusieurs dons Ă  des hĂŽpitaux, comme l’hĂŽpital San Paolo de Florence. Elle avait la rĂ©putation de se rendre Ă  l’hĂŽpital Santa Maria Nova de Florence pour y nourrir les pauvres. Elle visitait les couvents, leur faisait des dons rĂ©guliers pour les fĂȘtes de PĂąques, de la Toussaint, de NoĂ«l. Sans douter de sa piĂ©tĂ©, ces actions charitables permettaient Ă©galement aux MĂ©dicis d’étendre leur base politique jusqu’aux plus pauvres et aux Ă©chelons les plus bas de la hiĂ©rarchie ecclĂ©siastique[2].

Lucrezia Tornuaboni avait suffisamment d’influence sur son mari et sur Laurent le Magnifique pour que des gens de toute condition sollicitent son appui ou sa protection, comme le montre sa correspondance. Une nonne du couvent de San Domenico Ă  Pise intervient auprĂšs d’elle pour faire cesser le pillage par les soldats florentins des fermes attenant au couvent. Les notables de Galeata demandent son aide pour un prĂȘtre qui avait fabriquĂ© de la fausse monnaie. La derniĂšre reine de Bosnie elle-mĂȘme, Katarina Kosača Kotromanić, rĂ©fugiĂ©e Ă  Rome aprĂšs la conquĂȘte de son pays par les Turcs lui demande d’intervenir auprĂšs de la filiale romaine de la banque MĂ©dicis[3].

Parfois Lucrezia Tornuaboni eut l’occasion de dĂ©passer le simple cadre assignĂ© aux femmes Ă  Florence. Ainsi montra-t-elle son sens politique en conseillant Ă  son mari de rappeler Ă  Florence Filippo Strozzi, qui vivait exilĂ© Ă  Naples, Ă  un moment oĂč sa mĂ©diation avec le roi de Naples pouvait ĂȘtre utile Ă  Florence. Elle s’acquitta au mieux de la mission diplomatique que Pierre de MĂ©dicis lui confia en 1467, lorsqu’elle vint Ă  Rome pour rencontrer Clarisse Orsini, la future Ă©pouse de Laurent le Magnifique. Il s'agissait d’alerter le Pape de la menace que faisait peser Venise contre Florence.

Une des entreprises les plus remarquables de Lucrezia fut la rĂ©novation des thermes de Bano a Morba (prĂšs de Larderello), Ces bains avaient Ă©tĂ© cĂ©lĂšbres sous l’antiquitĂ© (on parlait alors des Aquas Volaternas) puis avaient dĂ©clinĂ©. Sous son contrĂŽle, on refit les canalisations, on construisit un hĂŽtel et une muraille fortifiĂ©e pour protĂ©ger les installations. Sa correspondance et son livre de compte Ă  double entrĂ©e montrent Ă©galement une femme qui sait gĂ©rer les biens privĂ©s des MĂ©dicis, des Ă©choppes, des fermages, des rentes tirĂ©es de la location de propriĂ©tĂ©s.

Son Ɠuvre, son mĂ©cĂ©nat

L’Ɠuvre poĂ©tique

L’Ɠuvre littĂ©raire de Lucrezia Tornuaboni (ce qui nous en est parvenu) est double. Elle comprend d’abord neuf laudi - sur la mort du Christ, sa montĂ©e au ciel, le Jugement Dernier, la NativitĂ©. Les laudi Ă©taient des poĂšmes consacrĂ©s Ă  des thĂšmes religieux, mais chantĂ©s sur des airs Ă  la mode (Ă  la place des paroles profanes donc)[4]. Ils Ă©taient composĂ©s en italien vernaculaire, et non en latin. Le plus cĂ©lĂšbre des laudi de Lucrezia met en scĂšne un nouveau converti qui rĂ©siste aux forces dĂ©moniaques qui l'assaillent (O ennemi, j’ai passĂ©/maintenant la voie du doute;/JĂ©sus m’a libĂ©rĂ©[5]). Les laudi avaient Ă©tĂ© trĂšs populaires au XIIIe siĂšcle. Peut-ĂȘtre le choix de ce genre par Lucrezia visait-il Ă  se concilier la faveur des patriarches florentins attachĂ©s Ă  cette forme ancienne et rĂ©ticents envers la culture humaniste chĂšre Ă  Laurent le Magnifique. Elle a d’autre part laissĂ© des poĂšmes plus longs, des storie sacre (poĂšmes sacrĂ©s), composĂ©s soit en stances de huit vers (ceux sur saint Jean-Baptiste, Judith), soit en stances de trois vers (ceux consacrĂ©s Ă  Esther, Suzanne, et Tobie) composĂ©s en italien. Dans Sacred Narratives, Jane Tylus note que certaines des scĂšnes dĂ©crites dans ces poĂšmes, les fĂȘtes des premiĂšres pages de la vie d’Esther, la cĂ©rĂ©monie de mariage entre Sarah et Tobie, faisaient Ă©cho Ă  des situations que Lucrezia Tornuaboni avaient dĂ» elle-mĂȘme connaĂźtre[6]. Le choix des sujets n’est pas non plus neutre : saint Jean-Baptiste Ă©tait le saint patron de Florence et Judith symbolisait la victoire de la citĂ© contre la tyrannie. La Judith de Donatello resta d’ailleurs exposĂ©e dans le jardin du palais MĂ©dicis sur la via Larga jusqu'en 1494.

Lucrezia Tornabuoni a Ă©galement Ă©crit un sonnet dans le style burlesque dans le cadre d’un Ă©change de lettres avec Bernardo Bellincioni et elle a laissĂ© une correspondance composĂ©e de trente-sept lettres, la plupart Ă©crites des villas mĂ©dicĂ©ennes oĂč elle sĂ©journait ou des bains oĂč elle se soignait. Elle fut aussi la protectrice de Matteo Franco[7] et de Luigi Pulci. Celui-ci affirma mĂȘme avoir composĂ© son Morgante pour rĂ©pondre au souhait de Lucrezia.

Le mécénat

Le problĂšme du mĂ©cĂ©nat de Lucrezia Tornuaboni est indissociable de celui du pouvoir Ă©conomique. Celui-ci Ă©tait entre les mains des hommes et non des femmes. L’historienne Stefanie Solum a donc fait appel Ă  une conception Ă©largie du mĂ©cĂ©nat, « oĂč les idĂ©es d’une femme ou ses directives pouvaient avoir une influence dĂ©terminante sur un travail en dĂ©pit du fait qu’il soit payĂ© par quelqu’un d’autre[8] ». Benedetto da Cepparello fait rĂ©fĂ©rence dans une lettre de 1476 adressĂ©e Ă  Lucrezia aux enluminures d’un missel rĂ©alisĂ©es pour elle Ă  Venise. La BibliothĂšque nationale centrale de Florence en possĂšde un manuscrit enluminĂ©, une Vie de saint Jean Baptiste par Francesco Filelfo[9]. Lucrezia en est sans doute la commanditaire. Cette hypothĂšse est fondĂ©e Ă  la fois sur l’attachement de Lucrezia Ă  saint Jean Baptiste et sur les armoiries entrelacĂ©es des MĂ©dicis et des Tornabuoni sur le codex (les Palle des MĂ©dicis et le lion rampant des Tornabuoni). Cependant, aucune autre commande importante n’a pu ĂȘtre trouvĂ©e jusqu'Ă  prĂ©sent, seulement deux ex-voto en argent pour l'Ă©glise Santissima Annunziata, des riches vĂȘtements fournis pour la vĂ©nĂ©ration d’un saint local, des objets liturgiques et des missels illustrĂ©s.

Notes et références

  1. La bataille de Montaperti marqua les victoires (provisoires) de Sienne sur Florence et des Gibelins sur les Guelfes. Giovanni Villani dans sa Nuova Cronica cite les Tornaquinci parmi les familles guelfes qui, aprÚs la défaite, se réfugiÚrent un temps à Lucques.
  2. Rosalind Russell, Lucrezia Tornabuoni, in : Italian women writers
  3. « La reine lui demandait d’intervenir Ă  Rome auprĂšs de la banque des MĂ©dicis, pour que le secours que le pape lui accordait lui fut versĂ© en argent liquide et non plus en marchandises dont elle ne savait que faire. Â» AndrĂ© Rochon, La jeunesse de Laurent de MĂ©dicis (1449 - 1478), les Belles Lettres, 1963
  4. Quatre des laudi de Lucrezia Buonaroni se chantaient sur l’air du Ben venga maggio (bienvenue en mai) de Politien.
  5. O nimico, i’ho passata / Oramai la dubbia strada;/Gùsu mio m’ha liberata
  6. Jane Tylus, Sacred Narratives, University of Chicago Press, 2001.
  7. Matteo Franco (1447-1494) est un prĂȘtre qui fut au service de Laurent de MĂ©dicis, puis de sa fille Maddelena. Il a laissĂ© des poĂšmes burlesques.
  8. Stephanie Solum, 15th century AD, The Art Bulletin, 2008.
  9. Il est conservĂ© sous la rĂ©fĂ©rence Magliabechiano VII, 49. L’enlumineur est probablement Francesco d'Antonio del Chirico.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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