Lucien Blyau
Lucien Blyau, né le à Everbeek et mort le à Gand, était un ancien coureur cycliste de nationalité belge. De par son âge, Blyau avait encore vu de ses propres yeux courir de nombreux champions d'avant-guerre dans les années 1930 et il était un fin connaisseur des palmarès. À partir de 1975 et jusqu'à la saison 2015 incluse, Blyau suivait sur place les courses à étapes européennes, dans lesquelles il a vu passer et ravitaillé des générations entières de coureurs professionnels. Dans le milieu des coureurs cyclistes professionnels et des organisateurs de courses, il était connu comme supporter-suiveur exceptionnel surnommé Cola-man ou encore l'ami des coureurs. À l'instar de par exemple l'allemand Didi Senft, Blyau - plus discret - a rejoint le cercle restreint de personnages hors norme qui font ou qui ont fait l'histoire de l'entourage[1] du Tour de France.
Enfance et années de guerre[2]
Lucien Blyau était l'aîné d'une fratrie de quatre enfants dans une famille paysanne de Brakel (Flandre-Orientale, Belgique). Passionné dès son plus jeune âge par le sport cycliste, il collectionnait photos et coupures de presse des as de la petite reine. Son père, qui ne voyait pas d'un bon œil cette passion, anéantit un jour cette collection. Sur ce, son fils Lucien lui rétorqua qu'il avait peut-être brûlé ses papiers, mais que cela ne faisait rien puisqu'il avait de toute façon tout en tête.
Engagé volontaire[3] dans la brigade Piron durant la deuxième guerre mondiale pour refouler l'occupant nazi, Lucien Blyau a au sein du deuxième corps d'armée britannique[4] et sous les ordres du général Montgomery notamment participé à la libération des Pays-Bas, ainsi qu'à la bataille des Ardennes.
Dans un incident avec du phospore durant la guerre, il s'était gravement brûlé mains et pieds[2]. Ceci n'empêcha pas Lucien Blyau d'entamer après la fin de la seconde guerre mondiale une carrière cycliste.
Une carrière cycliste éphémère d'après-guerre
À partir de 1949, il a couru pour l'équipe Van Hauwaert-Dubonnet, renommée Van Hauwaert-Englebert l'année suivante[5] - [6]. Une rotule cassée[1] - [4], résultant d'une chute et inopérable à l'époque, mit un terme à sa carrière cycliste et à son rêve de courir lui-même le Tour de France[2]. Un projet de contrat prêt à signer pour passer professionnel chez Peugeot existait au moment de la chute[2] - [4].
Sa vie professionnelle se déroula entre les activités de l'entreprise agricole familiale et le travail dans une usine de Volkswagen. Dans les années 1960, il fut de manière temporaire touché d'une mystérieuse paralysie des membres inférieurs, qu'il parvint finalement à surmonter avec une volonté et un courage inébranlables[7]. Marié, Lucien Blyau eût trois filles. Chez l'une d'entre elles, il avait même suscité une vocation pour la participation à des courses cyclistes[2].
Retraité, Lucien Blyau devient le super-fan suiveur du cyclisme professionnel mondial
À partir de son départ à la retraite, Lucien Blyau profita de sa liberté pour poursuivre sur place comme supporter les courses cyclistes professionnelles, avec comme prédilection les grandes courses à étapes (Tour de France, Tour d'Espagne, Critérium du Dauphiné Libéré, Tour de Suisse et Paris-Nice), mais également le Tour des Flandres et la « Classique des feuilles mortes » Paris-Tours[8] Dans un véhicule qu'il avait lui-même réaménagé en mobilhome[8], il allait suivre au fil des années d'innombrables courses. Il est à relever que Lucien Blyau se déplaçait sans l'aide d'un système de navigation GPS, en ne faisant que consulter tout au plus les cartes pour naviguer à travers l'Europe[2].
Lucien Blyau avait l'habitude de présenter un drapeau de sa fabrique sur fond des couleurs de la Belgique avec le slogan en forme de jeu de mots "Crie! Qui? Le lion!" en hommage indirect aux exploits cyclistes de son compatriote Claude Criquielion. Le fait qu'il présentait encore ce drapeau bien après la fin de la carrière professionnelle active de Criquielion (1979-91) avait même retenu l'attention de Robert Chapatte, qui s'étonnait de voir encore un supporter de cet ancien coureur sur le bord des routes[9].
Porteur d'eau et bon samaritain[10] du cyclisme mondial
Avec sa compagne Marie-Thérèse Rousseau[8], il avait pris l'habitude de se poster à proximité du sommet de l'avant-dernière difficulté (côte ou col) d'une étape ou d'un parcours. Sa présence en fin de course était devenu une vue familière des coureurs, qui savaient que l'arrivée était à présent proche[11]. À ses propres frais et comme lui-même disait "pour son plus grand plaisir", il était connu pour distribuer, en tant que point de ravitaillement inofficiel accepté par les coureurs qui le connaissaient et avaient pris au fil des années pleinement confiance[12] en lui, de petites canettes de boisson gazeuse caféinée ou d'autres boissons. Ceci lui avait valu le surnom de Cola-man dans le peleton[13]. Reconnaissable de loin à son maillot et à la casquette de l'ancienne équipe Collstrop[14], il est arrivé à Lucien Blyau de distribuer sur une étape de la Vuelta jusqu'à 60 boissons[15] - [4] aux coureurs qui avaient éventuellement manqué leur ravitaillement officiel.
Quatre décennies en tant que suiveur inofficiel sur les courses
Après 40 années accumulées depuis 1975[16] comme suiveur inofficiel, Lucien Blyau avait acquis une notoriété certaine dans le monde cycliste. Blyau comptait parmi ses amis les plus grands champions, tels qu'entre autres Fabian Cancellara, Robbie McEwen, Cadel Evans[17] - [18], Greg Van Avermaet et Michael Matthews. L'absence pour raison de santé de Lucien Blyau sur les routes de l'édition 2016 du Tour de France n'était pas passée inaperçue et avait fait l'objet de multiples reportages et hommages dans la presse écrite et audio-visuelle[1] - [13] - [17] - [19]. L'organisation du Tour de France lui avait fait parvenir dans sa dernière année de vie, en signe de reconnaissance, un badge distinctif l'assimilant aux suiveurs officiels de la compétition[2]. L'autorisation de se stationner parmi les véhicules officiels s'il le souhaitait lui était déjà acquise avant[1].
Disparition
Face à une maladie incurable qui s'était déclarée en début d'année, Lucien Blyau s'est éteint le à Gand - date de son 91e anniversaire -, à peine quelques jours après les sacres respectifs aux Jeux olympiques de Rio de ses amis Fabian Cancellara (contre-la-montre individuel) et Greg Van Avermaet (course en ligne) qu'il a encore suivi à la télévision. Le décès du doyen d'âge des supporters suiveurs des épreuves cyclistes professionnelles a été largement relayé par la presse cycliste mondiale[20] - [21] - [22] - [23] - [24].
Notes et références
- (en-US) « Aérogramme Day 1: Lucien Blyau - Peloton Magazine », (consulté le )
- Informations fournies oralement par la famille
- Lucien Blyau eût droit aux honneurs militaires à son enterrement le 20 août 2016, avec la présence dans l'église Saint-Joseph à Everbeek de près d'une douzaine de porteurs de drapeaux et l'exécution d'un salut au clairon militaire.
- André Soleau, A notre tour: les acteurs de l'ombre soufflent les 100 bougies du Tour de France, Marcq-en-Baroeul (France), Pourparler éditions, , 179 p. (ISBN 2-916655-27-1), chapitre "Lucien Blyau. Le distributeur de boissons fraîches"
- « Mémoire du cyclisme », sur www.memoire-du-cyclisme.eu (consulté le )
- « museociclismo.it atteste d'une 21ième place de Lucien Blyau au G.P. Zottegem, Édition n.15, couru le 22 août 1950 », sur museociclismo.it (consulté le )
- La sœur de Blyau affirme que, malgré sa paralysie partielle, Lucien n'hésitait pas à descendre seul les escaliers en rampant pour s'acquitter de sa tâche d'arrachage des mauvaises herbes dans le jardin.
- .(nl) « "Al 40 jaar cola voor elke renner" | HLN Brakel », sur hln.be, (consulté le )
- « Revenu la nuit du Tour de France », sur lavenir.net, (consulté le )
- L'éditeur Schortgen du livre en deux volumes l´Histoire du cyclisme luxembourgeois (parus respectivement en 2010 et 2011), des auteurs Henri Bressler et Fernand Thill spécialistes en la matière, utilisa ces mots dans la dédicace d'un jeu qui fut offert à Blyau.
- « Message de Lance Armstrong sur Twitter à l'annonce du décès de Blyau: 'Sad news. Riding around France for a month was hard. But seeing Lucien everyday always meant, "almost home boys".' » (consulté le )
- En dehors de leur équipe, les coureurs professionnels refusent systématiquement des ravitaillements de personnes inconnues par peur qu'ils pourraient contenir des substances prohibées qui pourraient les rendre positifs malgré eux dans un contrôle antidopage.
- (nl + en + fr) « Bekijk de integrale uitzending van Vive le Vélo (voir la séquence à partir de 1 h 01 min consacrée à Lucien Blyau) », (consulté le )
- Hilaire Van der Schueren, gendre de Lucien Blyau et manager connu sur la scène cycliste belge de l'équipe Wanty-Groupe Gobert (2016), est à l'origine de l'utilisation du maillot vert Collstrop (vraisemblablement de l'année 1999), que Blyau ne changera plus car il était ainsi plus facilement identifiable.
- Il est légitime d'affirmer que ceci constitue un record inofficiel quasiment inégalable en la matière, quand l'on sait qu'un soigneur officiel d'une équipe n'a qu'une dizaine de coureurs à approvisionner.
- (nl) Het Nieuwsblad, « Legendarische ‘vriend van het peloton’ ingeslapen » (consulté le )
- (en) The Cycling Newb, « Portrait of Lucien », (consulté le )
- Cadel Evans a offert son maillot de champion du monde à Blyau, après avoir attendu près d'un an l'occasion de le faire en personne.
- Tim Henau, « Lucien Blyau », (consulté le )
- « Carnet Noir: Décès de Lucien Blyau, l'éternel supporteur », sur www.cyclismactu.net (consulté le )
- Thomas Beaudiau, « RIP Lucien, ce grand monsieur du cyclisme, aimé par de nombreux coureur », (consulté le )
- (en) « inrng : lucien blyau obituary », sur inrng.com (consulté le )
- (es) Diario AS, « El ciclismo llora a Lucien Blyau, uno de sus grandes aficionados | Más Ciclismo | AS.com », (consulté le )
- (en) « CYCLING ART BLOG: Lucien Blyau: A Hero with a big heart », sur cyclingart.blogspot.lu (consulté le )
Lien externe
- Ressources relatives au sport :
- (en + nl) ProCyclingStats
- (en) Site du Cyclisme