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Louis Abel Beffroy de Reigny

Louis Abel Beffroy de Reigny, dit « le Cousin Jacques », né le à Laon et mort le à Paris, est un journaliste, dramaturge et poète comique français, surnommé par ses contemporains « le poète comique de la Révolution[1] ».

Louis Abel Beffroy de Reigny
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  54 ans)
Paris
Pseudonymes
Le C. J., Cousin-Jacques, G. D. D ..., Citoyen G.M.D ...
Nationalité
Activités
Nicodème dans la lune.
Cette comédie à grand succès du Cousin Jacques fut représentée plus de 400 fois pendant la Terreur.

Sa vie et son Ĺ“uvre

Il fait ses études au collège Louis-le-Grand de Paris, où il a pour condisciples Robespierre et Camille Desmoulins. D'abord professeur dans plusieurs villes de province, il se marie en 1780 et abandonne l'enseignement pour se consacrer au journalisme, à la poésie burlesque et au théâtre.

Entre 1785 et 1791, il fait paraître un journal mensuel, appelé tour à tour Les Lunes du Cousin Jacques, Le Courrier des planètes et Les Nouvelles Lunes du Cousin Jacques, avec l'aide de sa sœur, Marie Catherine Abel Beffroy baronne de Cuzey. Les lecteurs, qui peuvent s'y abonner en échange d'un don en nature, par exemple une culotte de velours, y trouvent des récits, des satires, des chansons, des poèmes, des saynètes, des billets d’humeur et des articles de critique. L'allégorie lunaire permet à l'auteur de situer dans un lieu utopique ses observations sur les transformations politiques et sociales de son temps. Aussi, se trouvant sur les lieux de la prise de la Bastille en 1789, il recueille les témoignages des participants ; son texte est lu le jour même en public à l'hôtel de ville et imprimé peu après. Mais lorsqu'il publie en 1793 La Constitution de la Lune, le contraste entre ce « rêve politique et moral » et la réalité de la terreur ambiante est tel que les autorités révolutionnaires le font incarcérer. Sans doute doit-il à la protection de son frère, Louis Étienne Beffroy, procureur de Laon et député à la Convention, d'être bientôt relâché.

Au théâtre, son plus grand succès est Nicodème dans la lune, ou la Révolution pacifique, folie en prose et en 3 actes, mêlée d'ariettes et de vaudevilles, joué pour la première fois en . Deux villageois, Frérot et Lolotte, se lamentent de la tyrannie qui sévit sous le gouvernement lunaire, lorsque survient un voyageur aérien, Nicodème, qui vante à l'Empereur de la Lune les bienfaits de la révolution qui vient d'avoir lieu dans le lointain pays de France. La pièce est représentée sans interruption jusqu'en , puis reprise en 1797. Une autre de ses pièces, Le Club des bonnes-gens, dont la première a lieu en 1791, connaît elle aussi un grand succès populaire. L'auteur toutefois ne se renouvelle guère et les comédies fantasques qu'il continue à produire sont torpillées par la critique et finissent par lasser le public.

Dans son Dictionnaire néologique des hommes et des choses, Beffroy de Reigny rassemble des notices biographiques sur ses contemporains et des articles sur les mots et concepts nouveaux apparus pendant la Révolution. Au bout de trois volumes, parus en 1799, la censure en interrompt la publication. Sa dernière pièce, Le Bonhomme, fait un four en décembre de la même année. L'auteur se retire et met fin à sa carrière en publiant une dernière compilation de ses poèmes et chansons en 1803.

Dom Gosse a donné l’origine du sobriquet de Beffroy de Reigny, dans ses Essais posthumes[2] : Beffroy de Reigny ayant vécu quelque temps aux eaux de Saint-Amand, eut souvent l’occasion de voir un pauvre paysan, imbécile, nommé Jacques-Joseph Leclercq, né à Nivelle-lez-Saint-Amand, le , et mort à Saint-Amand le , fort bien portant et très gai, toujours vêtu de six ou sept habits de différentes couleurs. Une plaisanterie de quelques dames, qui comparèrent cette variété d’habits avec la féconde imagination de Reigny, l’engagea à prendre le nom du paysan qui n’était connu que sous le sobriquet du « Cousin Jacques », par la raison que son nom de baptême était Jacques, et qu’il avait dans son village beaucoup de parents qui l’appelaient leur cousin.

Famille

Il est le fils d'Étienne Nicolas Beffroy, lieutenant de la maréchaussée à Laon (1751-1757) et de Marie Madeleine Fromage[3].

Il est le frère de

- Louis Étienne Beffroy (1755 Laon - 1825 Liège) député de l'Aisne à la Convention et au Conseil des Cinq- cents

- Marie Catherine Abel Beffroy baronne de Cuzey (1751 Laon - 1818 Bourguignon-sous-Montbavin) mariée à Laon en 1772 à Simon Michel Cardinal de Cuzey, capitaine des grenadiers au régiment provincial de Soissons (1772), femme de lettres auteur de deux romans parus après son décès: Damasse ou le Bienfaiteur inconnu, 1819, 4 vol. et Melina, ou la femme sacrifiée, 1820, 3 vol.[4]

Jugements

1791 / La Chronique de Paris

« On a donné, lundi 21, au théâtre de la rue Feydeau, la première représentation des Deux Nicomèdes dans la planète de Jupiter, par le Cousin Jacques. Nous ne pouvons en rendre un compte détaillé, parce que c'est la plus ridicule rapsodie, la plus plate flagornerie que l'on connoisse dans les annales du théâtre, parce que dans une nuées de couplets il n'y en a pas un à citer, parce que la langue et le bon sens y sont également blessés, parce que c'est le dernier degré du genre niais ; mais nous observons qu'il n'est rien d'aussi dangereux que ces espèces d'hochepots aristo-démocratiques, qui ne sont bons qu'à tenir les esprits dans la fermentation, & où chaque instant peut devenir le signal d'une rixe sanglante[5]. »

1886 / Lazare Hippolyte Carnot

« Beffroy de Reigny, fameux autrefois sous le nom du cousin Jacques, aujourd'hui parfaitement oublié, était un type bien original pourtant, bouffon qui riait et faisait rire le public en pleine terreur; journaliste, poète, auteur de pièces de théâtre dont il composait la musique. Il a fait courir tout Paris au Club des bonnes gens, à Nicodème dans la lune […]. Ce qui vaut mieux que tout cela, c'est que le cousin Jacques, grâce à des amis influents qu'il avait conservés, se fit, pendant la révolution, l'intermédiaire de beaucoup d'actes de clémence et de bienfaisance. Je l'ai vu peu de temps avant sa mort ; il me paraissait vieux, quoiqu'il ne le fût pas, mais j'étais si jeune ! D'ailleurs toujours le même : franchise et gaieté[6]. »

1972 / Pierre Versins

« Son style, en harmonie avec ses manières, est étonnamment décontracté, et ses thèmes ne le sont pas moins. [...] On lui doit un très grand nombre de brochures, saynètes, poèmes, pièces de théâtre, discours, romans, nouvelles, périodiques, où la fantaisie se présente souvent sous une forme qui enchanterait les chercheurs actuels. [...] Et dans tout ceci, à profusion, une imagination conjecturale à faire rêver[7]. »

Notes, sources et références

  1. Dictionnaire des lettres françaises. Le Dix-huitième Siècle, publié sous la direction du cardinal Georges Grente, A. Fayard, Paris, 1959-1960.
  2. p. 92.
  3. Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790 : Ville de Laon, Laon, Impr. A. Cortilliot , 1885, p. 7.
  4. Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790 : Ville de Laon, Laon, Impr. A. Cortilliot , 1885, p. 69. « CUZEY (MARIE-CATHERINE-ABEL de BEFFROY, baronne de) Biographie universelle, tome 2, Paris, Furnes & Cie, 1838, p. 284 (indique par erreur sa naissance en 1761): Lire en ligne.
  5. La Chronique de Paris, nÂş 328, 24 novembre 1791.
  6. Lazare Hippolyte Carnot, « Les Rosati d'Arras », Le Magasin pittoresque, 1886.
  7. Pierre Versins, Encyclopédie de l'utopie, des voyages extraordinaires et de la science-fiction, L'Âge d'Homme, Lausanne, 1972.

Publications

Théâtre
  • Compliment 1781. Paris, Théâtre de l'HĂ´tel de Bourgogne, .
  • Les Ailes de l'amour, comĂ©die en 1 acte en vers et en vaudevilles mĂŞlĂ©e d'airs nouveaux. Paris, Théâtre Italien (salle Favart), .
  • Les Clefs du jardin, ou les Pots de fleurs, divertissement en vers et en vaudevilles. Paris, Théâtre Italien (salle Favart), .
  • La Fin du bail, ou le Repas des fermiers, divertissement en prose et en vaudevilles. Paris, Théâtre Italien (salle Favart), .
  • Sans adieu, compliment de clĂ´ture 1789. Paris, Théâtre Italien (salle Favart), .
  • La Couronne de fleurs, comĂ©die en un acte et en vaudevilles. Paris, Théâtre Italien (salle Favart), . Texte en ligne
  • La ConfĂ©dĂ©ration du Parnasse. Paris, Théâtre des Beaujolais, .
  • Le Retour du Champ de Mars. Paris, Théâtre des Beaujolais, .
  • Nicodème dans la lune, ou la RĂ©volution pacifique, folie en prose et en 3 actes, mĂŞlĂ©e d'ariettes et de vaudevilles. Paris, Théâtre-Français, . RĂ©Ă©dition : Nizet, Paris, 1983. Texte en ligne
  • L'Histoire universelle, comĂ©die en vers et en 2 actes, mĂŞlĂ©e de vaudevilles et d'airs nouveaux. Paris, Théâtre de Monsieur, .
  • Le Club des bonnes-gens, ou la RĂ©conciliation, comĂ©die en vers et en 2 actes, mĂŞlĂ©e de vaudevilles et d'airs nouveaux. Paris, Théâtre de Monsieur, . Texte en ligne
  • Les Deux Nicodèmes, ou les Français sur la planète de Jupiter. Paris, Théâtre Feydeau, .
  • Allons, ça va, ou le Quaker en France, tableau patriotique en vers et en 1 acte. Paris, Théâtre Feydeau, . Texte en ligne
  • Toute la Grèce, ou Ce que peut la libertĂ©, tableau patriotique en un acte. Paris, Théâtre de la Porte-Saint-Martin, . Texte en ligne
  • Le Compère Luc ou les Dangers de l'ivrognerie. Paris, Théâtre Feydeau, .
  • La Petite Nannette, opĂ©ra-comique en 2 actes. Paris,  musique de Nicolas Dalayrac, Théâtre Feydeau, .lire en ligne sur Gallica
  • Turlututu, empereur de l'Isle verte, folie, bĂŞtise, farce ou parade, comme on voudra, en prose et en 3 actes. Paris, Théâtre de la CitĂ©, .
  • Jean-Baptiste, opĂ©ra comique en prose et en 1 acte. Paris, Théâtre Feydeau, .
  • Un Rien, ou l'Habit de noces, folie Ă©pisodique en 1 acte et en prose, mĂŞlĂ©e de vaudevilles et d'airs nouveaux. Paris, Théâtre de l'Ambigu-Comique, .
  • Le Grand Genre. Paris, Théâtre de l'Ambigu-Comique, .
  • Magdelon, comĂ©die Ă©pisodique en prose et en 1 acte, mĂŞlĂ©e d'ariettes. Paris, Théâtre Montansier, .
  • Émilie ou les Caprices, comĂ©die en vers et en 3 actes. Paris, Théâtre des Jeunes-Artistes, .
  • Les Deux Charbonniers, ou les Contrastes, comĂ©die en prose et en 2 actes mĂŞlĂ©e d'ariettes. Paris, Théâtre Montansier, .
  • Le Bonhomme, ou Poulot et Fanchon. Paris, Théâtre Montansier, .
Poésie
  • Les Petites PoĂ©sies d'Antoine Jacques, citoyen de la place Maubert (1782)
  • Turlututu, ou la Science du bonheur, poème hĂ©roĂŻ-comique en vers et en huit chants, par le Cousin Jacques (1783)
  • Hurluberlu, ou le CĂ©libataire, poème demi-burlesque avec des airs nouveaux, en vers et en trois chants, par le Cousin Jacques, avec des notes de M. de Kerkorkurkayladeck (1783)
  • Marlborough, poĂ«me comique en prose rimĂ©e, par le Cousin-Jacques, avec des notes de M. de Kerkorkurkayladeck, gentilhomme bas-breton (1783)
  • Les Petites-Maisons du Parnasse, ouvrage comico-littĂ©raire d'un genre nouveau, en vers et en prose, par le Cousin Jacques, traduit de l'arabe, etc., et donnĂ© au public par un drĂ´le de corps, avec des notes de Messire Ives de KerkorkurkaĂŻladek-Kakabek, seigneur de Konkalek, Kikokikar, et autres lieux (1783-84)
  • Nouveau Te Deum en vers saphiques, avec des notes sur le Pape, sur le lĂ©gal, sur le nouvel archevĂŞque de Paris, sur les philosophes (1802)
  • Les SoirĂ©es chantantes, ou le Chansonnier bourgeois, formĂ© du choix de tous les vaudevilles, couplets, romances, rondes, scènes chantantes du Cousin-Jacques, recueil revu, Ă©purĂ© par l'auteur, avec les airs nouveaux notĂ©s (1803)
Journalisme et divers
  • Le Cousin Jacques hors du Sallon, folie sans consĂ©quence, Ă  l'occasion des tableaux exposĂ©s au Louvre en 1787 (1787)
  • Histoire de France pendant trois mois, ou Relation exacte, impartiale et suivie des Ă©vĂ©nemens qui ont eu lieu Ă  Paris, Ă  Versailles et dans les provinces, depuis le jusqu'au , avec des anecdotes qui n'ont point encore Ă©tĂ© publiĂ©es et des rĂ©flexions sur l'Ă©tat actuel de la France, et suivie d'une Ă©pĂ®tre en vers Ă  Louis XVI (1789)
  • PrĂ©cis exact de la prise de la Bastille rĂ©digĂ© sous les yeux des principaux acteurs qui ont jouĂ© un rĂ´le dans cette expĂ©dition et lu le mĂŞme jour Ă  l'HĂ´tel-de-Ville (1789)
  • SupplĂ©ment nĂ©cessaire au PrĂ©cis exact de la prise de la Bastille, avec des anecdotes curieuses sur le mĂŞme sujet (1789). Texte en ligne
  • Les Repentirs de l'annĂ©e 1788, suivis de douze petites lettres, Ă©crites a qui voudra les lire (1789)
  • Le Lendemain, ou l'Esprit des feuilles de la veille ( - ).
  • Les Lunes du Cousin Jacques (1785-1787). Texte en ligne
  • Courrier des planètes, ou Correspondance du Cousin Jacques avec le firmament, folie pĂ©riodique dĂ©diĂ©e Ă  la Lune (1788-1790)
  • Les Nouvelles Lunes du Cousin Jacques (1791)
  • Almanach gĂ©nĂ©ral de tous les spectacles de Paris et des provinces pour l'annĂ©e 1791 [et 1792] par une sociĂ©tĂ© de gens de lettres et d'artistes (2 volumes, en collaboration, 1792-93)
  • Ah ! sauvons la France, puisqu'on le peut encore, ou Plan de finances, simple, facile, prompt et moral dans son exĂ©cution, soumis Ă  l'opinion publique par un citoyen de Paris, qui veut garder l'anonyme (1793). Texte en ligne
  • La Constitution de la Lune, rĂŞve politique et moral, par le Cousin-Jacques (1793). Texte en ligne
  • Testament d'un Ă©lecteur de Paris (1795)
  • Dictionnaire nĂ©ologique des hommes et des choses, ou Notice alphabĂ©tique des personnes des deux sexes, des Ă©vĂ©nemens, des dĂ©couvertes et des mots qui ont paru le plus remarquables Ă  l'auteur, dans tout le cours de la RĂ©volution française, par le Cousin-Jacques (3 volumes, 1799)

Bibliographie

  • Charles Westercamp, Beffroy de Reigny dit le Cousin Jacques, 1757-1811. Sa vie et ses Ĺ’uvres, Tablettes de l’Aisne, Laon, 1930.
  • L.-A. Beffroy de Reigny, Nicodème dans la lune ou la RĂ©volution pacifique, Folie en prose et en trois actes, Michèle Sajous D'Oria (Ă©d.), Fasano-Paris, Schena-Nizet, 1983.

Liens externes

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