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Littérature mauricienne anglophone

Vieille de deux siÚcles, la littérature mauricienne existe en plusieurs langues.

En effet, il existe une littĂ©rature mauricienne d’expression française, une littĂ©rature mauricienne d’expression crĂ©ole, une littĂ©rature mauricienne d’expression hindi, entre autres.

Cet article sera basĂ©e sur la littĂ©rature mauricienne d’expression anglaise, peu nombreuse et peu Ă©tudiĂ©e.

Histoire

L’üle Maurice a connu une double colonisation importante : la colonisation française de 1715 Ă  1810 et la colonisation britannique de 1810 Ă  1968. Ces bouleversements politiques, en particulier, la reprise de l’üle par les Anglais, ont amenĂ© des changements dans la vie sur l'Ăźle mais aussi dans la littĂ©rature mauricienne. Comme le souligne Vicram Ramharai : « Pour la minoritĂ© des ex-colons français, cette seconde colonisation ressemble Ă  celle qui a eu lieu au Canada oĂč justement les colons français ont Ă©tĂ© colonisĂ©s Ă  leur tour[1]. »

Jean-Georges Prosper dans son Histoire de la littĂ©rature mauricienne de langue française[2] offre une analyse approfondie de l’histoire de l’imprimerie et une analyse de certains auteurs mauriciens et de quelques Ɠuvres d'expression française dĂšs son tout dĂ©but.

Il est alors contastĂ© une richesse de la littĂ©rature mauricienne. C’est grĂące Ă  l’initiative de Pierre Poivre que la premiĂšre imprimerie voit le jour en 1768 Ă  l’üle Maurice, ancienne Ile-de-France. À l’époque, les ouvrages littĂ©raires publiĂ©s, sauf exception, Ă©taient Ă  compte d’auteur et par des imprimeries. Il n’existait pas de maison d’édition Ă  Maurice. Il existe aussi pendant la colonisation plusieurs sociĂ©tĂ©s littĂ©raires dans l’üle et la diffusion des Ɠuvres se faisait entre amis. Il faut noter que c’est plutĂŽt sous la colonisation britannique que la littĂ©rature mauricienne d’expression française a pris de l’essor, en particulier dans les revues et les journaux. Ainsi, la prise de l'Ăźle par les Anglais a crĂ©Ă© un dĂ©sir ardent, chez les colons français, de lutter contre les envahisseurs britanniques. De mĂȘme « toutes les aires gĂ©ographiques oĂč l’on Ă©voque une littĂ©rature de langue française, Maurice et le QuĂ©bec sont les seuls pays oĂč cette littĂ©rature s’est dĂ©veloppĂ©e sous la colonisation britannique »[1]. En effet, ce sont les revues qui « ont contribuĂ© Ă  maintenir une vie culturelle Ă  un moment oĂč la conception mĂȘme des maisons d’éditions Ă©tait inopĂ©rante. Il semble que l’unique objectif de ces revues, aussi Ă©phĂ©mĂšres soient-elles dans leur existence, ait Ă©tĂ© de constituer une plateforme pour encourager les talents locaux. Seuls ceux qui maĂźtrisaient la langue française pouvaient s’y faire publier »[1]. À l’époque, les publications se faisaient aussi, le plus souvent, Ă  compte d’auteur. Il fallait prĂ©server la langue française, et montrer son attachement Ă  la France. Toutefois, le premier texte Ă  ĂȘtre publiĂ© en anglais est Fugitive and Miscellaneous Verses in English and French[3], Ɠuvre d'un auteur anonyme, qui paraĂźt en 1814.

Une autre raison pour laquelle la langue anglaise a pris du temps pour se faire une place importante dans la sociĂ©tĂ© mauricienne est plutĂŽt politique. Quel Ă©tait le principal souci des Britanniques ? En effet, il leur fallait contrĂŽler l’administration, la justice et l’économie. Ce n'est qu'en 1844 que la langue anglaise devient langue officielle. De plus, la majoritĂ© des parents d’origine indienne commence Ă  envoyer leurs enfants Ă  l’école qu'au dĂ©but du XXe siĂšcle, aprĂšs le passage du Mahatma Gandhi et de Manilal Doctor Ă  Maurice en 1901 et 1907 respectivement[4]. C’est la langue anglaise qui a le plus sĂ©duit les Ă©crivains de la communautĂ© indienne Ă  l’époque de la colonisation. La langue anglaise Ă©tait un moyen pour eux de lutter et de couper le lien avec ceux qui les exploitaient. Autrement dit, les anciens colons français possĂ©daient les terres oĂč leurs semblables Ă©taient exploitĂ©s et il fallait donc se diffĂ©rencier d’eux et le seul moyen Ă©tait par la langue : « Azize Asgarally a publiĂ© de nombreuses piĂšces de thĂ©Ăątre dans les annĂ©es 1950 et 1960 et les romanciers Deepchand Beeharry et Anand Mulloo, dans les annĂ©es 1960, ont produit des Ɠuvres engagĂ©es dans la mesure oĂč ils prĂŽnaient la lutte politique pour combattre les injustices contre les Indiens. Un des rares Ă©crivains Ă  Ă©crire en français dans les annĂ©es 1960 a Ă©tĂ© Ibrahim Dossa. Les autres refusaient de propager la culture et la langue françaises pour ne pas ĂȘtre identifiĂ©s avec ceux-lĂ  mĂȘmes qui exploitaient les membres de leur communautĂ© dans les champs de canne et qui dĂ©nigraient leur culture en refusant d’accorder une place Ă  leur langue et de reconnaĂźtre leur religion dans la sociĂ©tĂ© coloniale. Au dĂ©but des annĂ©es 1940, une campagne virulente contre les langues indiennes est menĂ©e dans la presse Ă©crite contrĂŽlĂ©e par les Blancs et les gens de couleur (P. de Sornay, 1943). Ces langues ne pouvaient s’enseigner Ă  l’école pour des raisons pratiques (G. LefĂ©bure, 1949)[5]. »

En effet, jusqu’à 1968, le refus d’adopter la langue française comme langue littĂ©raire faisait partie d’un choix politique et idĂ©ologique. Le choix portait sur la langue anglaise. Ce n’est qu’aprĂšs l’indĂ©pendance que le français est utilisĂ© par la diaspora indienne « qui l’a acceptĂ© comme un hĂ©ritage de l’histoire au mĂȘme titre que les autres hĂ©ritages culturels »[5] : « Les membres de la diaspora indienne sont presque invisibles dans le domaine littĂ©raire avant 1968, surtout en ce qu’il s’agit d’écriture de langue française. Un relevĂ© montre qu’ils ne sont que cinq auteurs Ă  publier en français : Aunauth Beejadhur, A. R. Buxoo, Ashrufaly Bhunnoo, Ibrahim Dossa et Hassam Wachill. Deepchand Beeharry, Ă©crivain de langue anglaise, a Ă©crit deux nouvelles et un roman en français. Et si l’on s’appuie sur le chiffre de 225 concernant le nombre d’auteurs de langue française fourni par J.G. Prosper (1978), il s’avĂšre que les Ă©crivains de la diaspora indienne reprĂ©sentent moins de 3 % du nombre total[5]. »

La langue française continue Ă  s’imposer dans presque tous les secteurs de la colonie britannique et vers la fin du XIXe siĂšcle, l'Ăźle Maurice, colonie britannique, n’avait pas encore de vrai projet pour angliciser, par exemple, le systĂšme Ă©ducatif : « la volontĂ© des Britanniques d’angliciser le systĂšme Ă©ducatif est timide. [
] Dans les annĂ©es 1840, les Britanniques prennent des dĂ©cisions qui ont surtout une valeur emblĂ©matique : octroi de bourses d’études aux deux candidats ayant le mieux travaillĂ© en anglais et nomination d’un directeur anglais Ă  la tĂȘte du CollĂšge Royal. La premiĂšre dĂ©cision imposant d’user de l’anglais comme langue d’enseignement est limitĂ©e au seul CollĂšge Royal[6] » L’école Ă©tait pourtant le lieu idĂ©al pour « acculturer » et imposer une langue et une politique. Mais, les Anglais n’obligeaient pas l’utilisation de leur langue aux Franco-mauriciens. La seule raison Ă©tait d’« Ă©viter d’entrer en conflits avec les francophones »[6]. Lorsque l’anglicisation de l’éducation est soutenue au niveau national, « un compromis linguistique » entre les francophones et les anglophones est obligatoire ; et « Ă  partir de 1890, le français devient une matiĂšre obligatoire dĂšs la premiĂšre annĂ©e du primaire », tout comme l'anglais. Cependant, avant cette dĂ©cision d’imposer la langue anglaise, les gouverneurs pouvaient dĂ©cider comme bon leur semblait sur cette question de l’importance des langues. D’ailleurs, « s’agissant de la question du rapport de force au sein de la sociĂ©tĂ©, les historiens affirment qu’il se rĂ©sume Ă  un conflit entre deux groupes linguistiques dominants que sont les anglophones et les francophones[7] ».

DĂ©mographie[8]

Le tableau[9] ci-dessous, dont les informations ont été tirées du recensement de population de 1962, démontre le nombre d'hommes et de femmes qui habitaient l'ßle avant l'Indépendance.

Tableau 1 : Population de l'Ăźle Maurice

Population Générale Population Générale Les Indo-Mauriciens Les Indo-Mauriciens Les Chinois Les Chinois
Année Homme Femme Homme Femme Homme Femme
1846 55 663 46 554 48 935 7 310 0 0
1851 55 059 47 768 64 282 13 714 0 0
1861 59 796 560 680 141 615 51 019 1 550 2
1871 49 487 48 010 141 804 74 454 2 284 3
1881 53 754 53 569 151 352 97 641 3 549 9
1891 55 397 56 120 147 499 108 421 3 142 9
1901 52 995 55 427 143 100 115 986 3 457 58
1911 51 808 55 624 138 974 118 723 3 313 349

Tableau 2 : Instruction en 1962

Les prochains tableaux donnent un exemple de l'alphabĂ©tisation en 1952 et en 1962. Le tableau 4 dĂ©signe en dĂ©tail les personnes ayant eu une instruction. Il est notĂ© que les femmes demeurent moins privilĂ©giĂ©es que les hommes lorsqu'il s'agit d'Ă©ducation. En outre, la communautĂ© ethnique joue aussi un grand rĂŽle lorsqu'il s'agit d'accĂšs Ă  l'Ă©ducation. Cela explique, peut-ĂȘtre, le nombre restreint d'hommes et de femmes dans l'Ă©criture et la publication pendant cette pĂ©riode.

Population totale AlphabĂšte Ceux qui peuvent lire uniquement AnalphabĂšte
Homme Femme Homme Femme Homme Femme Homme Femme
342 306 339 313 203 073 153 231 18 103 19 486 121 130 166 596

Tableau 3 : Instruction en 1952

Population générale Indo-Mauriciens Chinois
Homme (70 370) Femme (77 868) Homme (171 241) Femme (164 086) Homme (10 421) Femme (7 429)
Jamais eu accĂšs Ă  l'Ă©ducation 16 429 20 262 59 134 95 642 1 154 1 451
Éducation (primaire, collĂšge, lycĂ©e, universitĂ©) 42 855 46 690 80 932 37 805 7 665 4 454

Tableau 4 : Niveau d'instruction en 1952

Le tableau suivant précise le nombre de personnes ayant eu une instruction universitaire et accentue l'inégalité entre l'homme et la femme, et entre les différentes ethnies.

Population générale Population générale Indo-Mauriciens Indo-Mauriciens Chinois Chinois
Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes
No education/Pas d'instruction 16 429 20 262 59 134 95 642 1 154 1 451
Lower Primary/Primaire 26 813 20 603 66 138 34 175 6 116 3 630
Sixth Standard/niveau CM2 7 730 8 335 9 546 2 462 711 442
Lower Secondary/CollĂšge 5 549 7 227 4 035 1 074 651 335
School Certificate/niveau brevet 1 608 1 256 646 63 100 35
Matriculation (London University) 345 121 379 16 41 3
Higher School Certificate (niveau bac) 171 74 61 6 24 5
University degree (diplĂŽme universitaire) 157 27 58 8 13 3
Professional diploma/diplĂŽme professionnel 482 47 69 1 9 1

A la quĂȘte des Ă©crits anglophones

Les types d'écrits (revues, journaux, romans, nouvelles et contes en anglais) publiés à Maurice ont été relevés. Certains auteurs sont uniquement mentionnés tel Basdeo Bissoondayal, qui a écrit environ 400 livres en anglais, français, hindi et créole[10]. La liste ci-dessous n'est pas exhaustive, mais elle permet de constater que les écrits en anglais ont une place importante dans la littérature mauricienne.

Revues/Journaux/Magazines

  • 1909 : EnvoyĂ© par Mahatma Gandhi, Manilall Doctor lance Hindustani
  • 1911 : Le Ārya-Samāj lance le Mauritius Arya Patrika
  • 1919 : The Indian Miscellany par l'Ă©diteur Soliman Mohabat
  • 1920 : Ramkhelawon Boodhun en collaboration avec Ghanesseesing Kawalessursing lancent The Mauritius Indian Times[11]
  • 1939 (vol 2, no 1)-1959 : la revue The Indian Cultural Review

De nos jours, des journaux existent en anglais uniquement : Independent Daily, News on Sunday, Sunday Times...

PoĂšmes/Romans/Contes/ Nouvelles

Quelques nouvelles, contes, poĂšmes se trouvant dans Indian Cultural Review :

  • dans le volume de 1939 :
    • Jane, Garden Plots
    • un poĂšme en anglais de Harindranath Chattopadhyaya
  • dans le volume de :
    • A chapter from Boswell's life of Johnson – a parody, par H. R. Vaghjee
    • Traduction de R.E.Hart, A Rabindranath Tagore par RC Wilkinson
  • dans le volume d'
    • quelques Poems of RC Wilkinson
    • Meri Pujarin, par Jaya Narayan Roy

AprĂšs la DeuxiĂšme Guerre mondiale

  • Pahlad Ramsurrun, Folk tales of Mauritius (1982)
  • Lindsey Collen a publiĂ© :
    • des romans : There's a tide (1990), The Rape of Sita (1993), Getting rid of it (1997), Mutiny (2001), Boy (2004), The malaria man and her neighbours (2010)
    • des nouvelles dans la Collection Maurice en anglais et en crĂ©ole.
  • Ramesh Bucktawar a publiĂ© :
    • des nouvelles : A Halo of sand (1991) et The Tamarind boy (2000)
    • des romans : Father’s wish (1983), The Sting of the wasp (1994), A Temple of the island (1999) et The Vanishing village(2000)[12]
  • Bhageeruthy Gopaul : The changing pattern (1995)
  • Sewtohul Goswami : A Modern Pandit and Other Stories (1995)
  • Chaya Parmessur : The snake spirit (2002)
  • Aujayeb, Anitah, et al. : Mauritian Short Stories (2003)
  • Bucktawor Luckeenarainsing : Some Stories of Mauritian Life (2004)
  • Hawoldar Shakuntala : Roses are ashes - ashes are roses/Rose de cendre - cendre de roses (2005)

Recueil de nouvelles depuis 1995

  • Revue littĂ©raire - L'atelier d'Ă©criture (2009-2012)
  • Collection Maurice[13] (depuis 1995)

Notes et références

  1. Vicram Ramharai, « Entre littĂ©rature mauricienne et littĂ©rature francophone : quels enjeux pour les Ă©crivains mauriciens ? » dans L’ici et l’ailleurs: Postcolonial Literatures of the Francophone Indian Ocean e-France : an on-line Journal of French Studies, vol. 2, 2008, p. 19-20.
  2. Jean-Georges Prosper, Histoire de la littĂ©rature mauricienne de langue française, Maurice, Éditions de l'ocĂ©an Indien, 1994.
  3. Vicram Ramharai, « Le champ littéraire mauricien », Revue de littérature comparée, 2/2006 (no 318), p. 173-194.
  4. Vicram Ramharai, « Littérature mauricienne de langue française et diaspora indienne », 2006. , p. 193
  5. Ibid., p. 154-155
  6. Rada Tirvassen (dir.), École et plurilinguisme dans le sud-ouest de l'ocĂ©an Indien, Paris Budapest Torino Paris, L'Harmattan Institut de la francophonie, coll. « Langues et dĂ©veloppement », , 209 p. (ISBN 978-2-747-51627-3 et 2-747-51627-X, BNF 38948812, lire en ligne), p. 139
  7. Rada Tirvassen 2002, p. 136
  8. Les tableaux ci-dessous sur la dĂ©mographie, tirĂ©s de Statistics Mauritius, Population Census of Mauritius & its dependencies, 1952, 1962. , ont Ă©tĂ© prĂ©parĂ©s et prĂ©sentĂ©s lors de la « JournĂ©e d'Études sur les Ă©crivaines de l'ombre Ă  l'Ăźle Maurice » au Mauritius Institute of Education (avril 2016) par Dr Neelam Pirbhai-Jetha pendant sa communication intitulĂ©e « Ces oubliĂ©es de l'histoire : Ă©tude des nouvelles de quelques Ă©crivaines de l'Ăźle Maurice pendant la pĂ©riode coloniale »
  9. Dans tous les tableaux, les termes ont été traduits de l'anglais
  10. Abha Pandey & Ashima Pandey, Multiculturalism in Mauritian Folk Tales and Short Stories, International Journal on Studies in English Language and Literature (IJSELL), volume 2, Issue 2, février 2014, p. 29-33
  11. Pahlad Ramsurrun, Inspiration: Rabindranath Tagore and his impact on Mauritian intellectual, Le Mauricien du 27 octobre 2011. .
  12. Emmanuel Bruno Jean-François et Evelyn Kee Mew, « Les auteurs de l’ombre du champ littĂ©raire mauricien : entre critĂšres de lĂ©gitimation et stratĂ©gies de reconnaissance », paru dans Loxias, Loxias no 37
  13. 156 auteurs ont écrit des nouvelles en anglais dans Collection Maurice, édité par Barlen Pyamootoo et Rama Poonoosamy de 1995 à 2004 et par Rama Poonoosamy de 2005 à maintenant. Voir : Fatema Capery, Littérature : Le 23e titre de la collection Maurice sort début décembre, 21 novembre 2016. .
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