Accueil🇫🇷Chercher

Littérature des secrets

La littérature des secrets est un genre littéraire.

Il a été identifié par John Ferguson[1] en 1959 puis étudié par William Eamon[2].

Historique

Catarina Sforza

Les grands recueils de secrets (secreti en italien) se banalisent à partir de l'Italie[3] où à la Renaissance les villes italiennes connaîtront un véritable engouement[4] notamment pour la cosmétologie et particulièrement à Venise, qui est encore jusqu'au milieu du XVIe siècle, le principal port des grandes routes commerciales reliant l'Orient à l’Europe du Nord : considérée comme la capitale européenne du luxe[5], la Sérénissime offrira à la littérature des secreti le terreau favorable à son épanouissement. Les recueils de secreti abordent tous le thème de la beauté féminine et les femmes aussi s'y intéressent comme Catarina Sforza qui rédigera Gli Experimenti.

Et vers 1555, c’est tout naturellement à Venise que paraît le premier traité européen de parfumerie traduit en français sous le titre de Secrets de Maître Alexis le Piémontais[6].

Contenu

Ces livres, souvent populaires, parfois savants, quelquefois ésotériques, rassemblent des recettes qui concernent la métallurgie, la verrerie, la fabrication des pigments pour la peinture, la teinture des tissus ou peaux ou métaux, l'alchimie pratique, la magie folklorique, la médecine par les herbes, la cuisine, la cosmétologie etc.

À côté de l'aspect livres, on doit avoir à l'esprit l'aspect sociétés savantes. On peut citer :

  • l'Accademia Segreta (AcadĂ©mie secrète), fondĂ©e en 1541 par Girolamo Ruscelli, forte de 24 membres ;
  • l'Accademia dei Secreti (AcadĂ©mie des secrets), fondĂ©e vers 1563 par Della Porta (qu'il mentionne dans sa Magia naturalis, 2° Ă©d., 1589) ;
  • l'Accademia dei Lincei (AcadĂ©mie des LyncĂ©ens), fondĂ©e en 1603, inspirĂ©e par Della Porta et sa Magia naturalis (1558), qui avait pour membres Della Porta et GalilĂ©e ;
  • la Royal Society of London (SociĂ©tĂ© Royale de Londres), fondĂ©e en 1660, inspirĂ©e par Francis Bacon, oĂą Robert Boyle (1627-1691) faisait toutes sortes d'expĂ©riences et condamnait l'Ă©sotĂ©risme, les secrets (An Epistolical Discourse... inviting all true lovers of Virtue and Mankind, to a free and generous Communication of their Secrets and Receits in Physick, 1655).

Textes relevant de la littérature des secrets

Antiquité

  • Bolos de Mendès le Pseudo-DĂ©mocrite (100 av. J.-C. selon R. Halleux). Traduction (contestĂ©e) des Phusika kai mustika. Questions naturelles et mystĂ©rieuses de Bolos de Mendès ("DĂ©mocrite") : Marcelin Berthelot et Charles-Émile Ruelle, Collection des anciens alchimistes grecs (C.A.A.G., 1888, rĂ©impr. OsnabrĂĽck 1967), t. III : Traduction. [3]. Traduction Ă  paraĂ®tre : Les alchimistes grecs, Les Belles Lettres, vol. 2 : Les vieux auteurs, I. Les 'physica et mystica' du Pseudo-DĂ©mocrite. Ostanès, ClĂ©opâtre. Comarios. Isis Ă  Horus. Hermès TrismĂ©giste. Extraits : Les prĂ©socratiques (1988), Ă©di. Jean-Paul Dumont, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1991, p. 572-584.
  • Les Cyranides (Ier-IV°s.), dans : Les Lapidaires de l'AntiquitĂ© et du Moyen Ă‚ge, Ă©d. par Fernand de MĂ©ly, t. II (Ă©dition par Ruelle, 1898), t. III (traduction par MĂ©ly, 1902), Paris, Ernest Leroux[7].
  • Papyrus de Leyde et de Stockholm (vers 300) : Les alchimistes grecs, t. I : Papyrus de Leyde. Papyrus de Stockholm. Recettes, trad. du grec, Les Belles Lettres, Paris, 1981. Le papyrus X de Leyde contient 99 recettes sur la fabrication ou la contrefaçon de l'or et de l'argent et sur la teinture en fausse pourpre.

Médiévaux

  • Compositiones ad tingenda musica (vers 800), Ă©di. par H. Hedfors, Uppsala, 1932. Original grec. Recettes de mĂ©tallurgie, de verrerie, de teinture de peaux, d'Ă©criture en or et en argent.
  • Mappae Clavicula (Petite clĂ© de la peinture, vers 820), Ă©di. et trad. an. par C. S. Smith et J. G. Hawthorne, Mappae clavicula. A little Key to the World of Medieval Technique, Philadelphie, 1974.
  • Secretum Secretorum (vers 940 ?). Se prĂ©sente comme une lettre adressĂ©e par Aristote Ă  son ancien disciple Alexandre le Grand qui vient de vaincre Darius III. Un best-seller au Moyen Ă‚ge. Texte occultiste, avec physiognomonie, alchimie, mais aussi mĂ©decine, politique. CommentĂ© comme authentique par Roger Bacon en 1275-1280. Le secret des secrets, ou Lettre [d'Aristote] Ă  Alexandre [le Grand] (texte arabe Kitâb Sirr al-Asrâr. Livre du secret des secrets) vers 730, par Sâlim abĂ» al-'Alâ, mais certains historiens, dont J. Ruska (Al-Razi's Buch Geheimnis der Geheimnisse, 1937, rĂ©Ă©d. 1973) lui donnent pour auteur Abu Bakr Mohammad Ibn Zakariya al-Razi (865-925), d'autres ont proposĂ© Yuhannâ ibn al-BitrĂ®q, vers 941 ; texte latin Secretum secretorum en version longue vers 1243, par Philippe de Tripoli. Secretum secretorum Aristotelis ad Alexandrum Magnum, Cambridge (Mass.), Omnisys, 1990, 153 p. (reprint de l’éd. de Venise en 1555)[8].
  • HĂ©raclius, De coloribus et artibus Romanorum (Des couleurs et des arts chez les Romains, X° s.), Ă©di. par M. P. Merrifield, Original Treatises on the arts of painting in oil..., Londres, 1849, t. I, p. 166-257.
  • Theophilus Presbyter (= Roger d'Helmarshausen ?), De diversis artibus (Des divers arts, 1120), Ă©di. et trad. anglaise, C. R. Dodwell, Londres et Édimbourg, Thomas Nelson, 1961. Theophili presbyteri et monachi libri tres, seu diversarum artium schedula.- ThĂ©ophile prĂŞtre et moine, essais sur divers arts, trad. par le comte Charles de l'Escalopier, introduction par J.-M. Guichard, 1844.
  • Liber ignium attribuĂ© Ă  Marcus Graecus, compilation de recettes pyrotechniques
  • Grand Albert (1245 ?–1703) : Claude Seignolle (Ă©di.), Les Évangiles du diable. Le Grand et le Petit Albert, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1999, 1050 p., p. 687-806 (Le Grand Albert), 807-895 (Secrets merveilleux de la magie naturelle et cabalistique du Petit Albert).

XVIe-XVIIe

  • les KunstbĂĽchlein (1530 ss.), de Christian Egenolff (Gebrauch d'Alchimei, 1531), etc. : cf. Ferguson, Some Early Treatises on Technological Chemistry, Proceedings of the Philosophical Society of Glasgow, 19 (1888), p. 126-159 ; 25 (1894), p. 224-235 ; 43 (1911), p. 232-258 ; 44 (1912), p. 149-181.
  • Antoine Mizauld (v. 1520–1578), Memorabilium aliquod naturae arcanorum silvula, rerum variarum sympathias et antipathias..., Paris, 1555. Première encyclopĂ©die des secrets (selon W. Eamon).
  • Alessio Piemontese (Pseudo-Alexis de PiĂ©mont), Secreti del reverando donno Alessio piemontese (Venise, 1555). Trad. : Les secrets du seigneur Alexis Piemontois, Paris, 1573. Premier des grands professeurs des secrets en Italie (i professori de' secreti, 1520-1643).
  • Giambattista della Porta (1535 ?–1615), Magia naturalis (1558 ; Ă©d. aug. 1589), trad. : La Magie Naturelle ou les Secrets et Miracles de la Nature J-B De Porta - Édition conforme Ă  celle de Lyon (1631) - H. Daragon Paris - Éditions du PrieurĂ© (sans date). Deuxième grand professeur des secrets en Italie.
  • Levinus Lemnius (1505–1558), Occulta naturae miracula (Anvers, 1559). Compendium de phĂ©nomènes occultes, de prodiges de la nature, de croyances populaires. Trad. : Les occultes merveilles et secrets de nature (1574)[9]. Deuxième encyclopĂ©die des secrets.
  • Isabella Cortese (dates ?), I secreti, Venise, 1561[10]. Grand professeur des secrets en Italie, l'unique femme.
  • Leonardo Fioravanti (1518-1588), Del Compendio de i secreti rationali (Venise, 1564). Trad. an. : A Compendium of the rational secrets, Londres, 1582. Grand professeur des secrets en Italie.
  • Girolamo Ruscelli (1500- v. 1566), Secreti nuovi di maravigliosi virtu (Venise, 1566). Grand professeur des secrets en Italie. Il serait l'auteur vĂ©ritable des Secreti del reverando donno Alessio piemontese
  • Thomas Lupton, Thousand notable things of sundrie sorts (1579). Compilation de folklore magique utilisant Pline, le Pseudo-Albert le Grand, Della Porta, Alessio Piemontese, Mizault, Cardan.
  • Johann Jakob Wecker (1528-1586), De secretis, 1582. Trad. : Les secrets et merveilles de nature. Recueillies de divers auteurs et divisĂ©s en XVII livres (1633). Contient des extraits d'HĂ©raclius. Troisième encyclopĂ©die des secrets.
  • Thomas Johnson, Cornucopie, or divers secrets. Werein is contained the rare secrets in Man, Beasts, Foules, Fishes, Trees, Plantes, Stones and such like (Londres, 1594). Merveilles et expĂ©riences magiques.
  • Nicolas LĂ©mery (1645-1715), Nouveau recueil des plus beaux secrets de mĂ©decine, pour la guĂ©rison de toutes les maladies, blessures et autres accidens qui surviennent au corps humain, avec un TraitĂ© des plus excellens prĂ©servatifs contre la peste, fièvre pestilentielle et toutes sortes de maladies contagieuses. Le tout expĂ©rimentĂ©, recueilli et donnĂ© au public par une personne très-habile et charitable (1694). Nouveau recueil des plus beaux secrets de mĂ©decine. pour la guĂ©rison de toute sorte de maladies. AugmentĂ© d'un nouveau Recueil de recettes et d'expĂ©riences oĂą l'on voit ce que l'art, la nature, la physique et ma mĂ©decine renferment de plus curieux, 1737, rĂ©Ă©d. Kessinger, 2009. Les tomes III et IV portent sur tous les domaines[11]
  • P. Macquer, Dictionnaire portatif des arts et mĂ©tiers, contenant en abrĂ©gĂ© l'histoire, la description et la police des arts et mĂ©tiers, des fabriques et manufactures de France et des pays Ă©trangers, Paris, 1766, 2 vol.

Moderne

  • Jean-SĂ©bastien-Eugène Julia de Fontenelle, Manuel complet du bijoutier, du joaillier, de l'orfèvre, du graveur de mĂ©taux et du changeur, Paris, Roret, 1832. Ce sont les Manuels Roret.
  • Marcel Bourdais, Livre d'or des connaissances utiles : Arts et mĂ©tiers... ouvrage contenant les tours de main et les procĂ©dĂ©s les plus modernes pour la fabrication de tout en gĂ©nĂ©ral bois, fer, verre, porcelaine, papier, tissus, dorure, argenture, nickelage, Ă©maillage, vernissage, peinture, timbres en caoutchouc, encres, colles, ciments, badigeons, manchons Ă  incandescence, filaments pour lampes Ă©lectriques, etc., Paris, 1929.

Bibliographie

  • John Ferguson, Bibliographical Notes on Histories of Inventions and Books of Secrets, Londres, Holland Press, 1959, 2 vol.
  • Allen G. Debus (dir.), World Who’s Who in Science. A Biographical Dictionary of Notable Scientists from Antiquity to the Present, Marquis-Who’s Who (Chicago), 1968, xvi + 1855 p.
  • Robert Halleux, Les textes alchimiques, Brepols, UniversitĂ© catholique de Louvain, 1979.
  • William Eamon, Science and The Secrets of Nature, Princeton University Press, 1996.
  • Pierre Hadot, Le voile d'Isis : essai sur l'histoire de l'idĂ©e de nature, Paris, Gallimard, coll. « Folio », , 394 p. (ISBN 978-2-07-073088-9, OCLC 300984283, BNF 39153103).

Notes et références

  1. Books of Secrets : Bibliographical Notes on Histories of Inventions and Books of Secrets, Londres, Holland Press, 1959, 2 vol.
  2. Science and The Secrets of Nature, Princeton University Press, 1996.
  3. Gérard Chasseigne, Quête de beauté, pratiques culturelles et risques Coll. Psychologie et Vie quotidienne 2013, p. 26.
  4. Jean-Louis Flandrin, Soins de beauté et recueils de secrets, Actes du IIIe Colloque international, Grasse, 1985 p. 17.
  5. Fernand Braudel, La vita economica di Venezia nel secolo XVI, Florence, Sansoni, 1958, p. 84.
  6. Elisabeth de Feydeau’s news, juin 2012..
  7. lire en ligne.
  8. lire en ligne.
  9. Les occultes merveilles et secrets de nature (1574).
  10. Isabella Cortese, I secreti sur Gallica.
  11. lire en ligne.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.