Li Wangyang
Li Wangyang (李旺陽/李旺阳) (né le dans le Hunan et mort le à Shaoyang) est un militant des droits du travail et un dissident chinois, membre du syndicat « Fédération autonome des travailleurs » et président de la section de la ville de Shaoyang. À la suite de son rôle dans les évènements liés aux Manifestations de la place Tian'anmen en 1989, il a été emprisonné sur des accusations de « propagande contre-révolutionnaire », et d'« incitation à la subversion ». Il a passé 22 ans en prison, soit la plus longue durée connue parmi les survivants chinois militants pour la démocratie de 1989.
Le , un an après sa sortie de prison, il a été trouvé « pendu » dans une chambre d'hôpital dans des conditions jugées suspectes[1]. Les conditions de son décès ont entraîné de fortes réactions aussi bien en Chine qu'en Occident.
Dissidence et détention
Li Wangyang était un ouvrier travaillant dans l'industrie du verre, à Shaoyang, (province du Hunan). Sensibilisé à la réflexion politique lors de l'épisode du Mur de la démocratie, il y fonde un syndicat en 1983. Après les manifestations de la place Tian'anmen, il place dans les rues de la ville des affiches incitant à la grève générale pour manifester un soutien aux victimes de l’événement. À la suite de son rôle de meneur syndicaliste dans ces révoltes ouvrières[2] Li Wangyang est condamné à 13 ans de prison, pour « crimes contre-révolutionnaires ». Il est libéré par anticipation deux ans avant l'échéance de sa peine, dans un état de santé fortement dégradé en raison de ses conditions de détention, dans un cachot de 2 mètres sur 2, avec des entraves de 50 kg aux pieds[3]. Quasiment sourd et aveugle, atteint de différentes autres pathologies, il tente de faire reconnaître la responsabilité des autorités chinoises, ce qui lui vaut une peine supplémentaire de dix ans de prison, prononcée en 2001. Il est libéré après 22 ans cumulés de détention et hospitalisé à la fin de sa seconde peine, en 2011[4].
Témoignage moral
Lors de son apparition publique sur une chaîne de télévision à Hong Kong[5], Li WangYang, avait dénoncé les sévices dont il avait été l'objet lors de son emprisonnement, et avait affirmé « Je jure de me battre encore et toujours contre la dictature du parti unique… Ses jours sont désormais comptés car, regardez, Taïwan est devenue une démocratie, et même la Birmanie semble sur le point de renoncer au régime du parti unique » puis « Je ne regrette rien. Même si on m’avait guillotiné, je n’aurais rien regretté, et j’estime être de mon devoir de continuer à me battre pour que la Chine adopte un système multipartis »[3].
Mort
Le , il meurt un an après sa libération de prison, à l'hôpital[6]. Li a été trouvé mort dans sa chambre à l’hôpital Daxiang où il était soigné pour sa maladie cardio-vasculaire et diabète, debout sur ses pieds avec une bande de tissu nouée autour de son cou et attachée à un barreau de fenêtre[7]. Sa sœur Li Wangling et son mari Zhao Baozhu auraient reçu un appel téléphonique vers 6h00 du matin pour passer à l’hôpital. Ils arrivèrent à l'hôpital peu de temps après pour constater sa mort[8]. Selon son beau-frère, le corps était « sur ses pieds à côté du lit, avec une bande blanche de tissu serrée autour de son cou et attachée à un barreau de la fenêtre »[7]. Les autorités avaient promis aux parents une autopsie officielle. Malgré l'interdiction de prendre des photos, quelques images et une vidéo de son état apparurent sur l'Internet[8] - [9] - [10]. Plus tard, i-Cable Télévision Hong Kong a indiqué que des fonctionnaires avaient tenté de persuader les membres de la famille de faire incinérer le corps de Li immédiatement[11].
Les autorités ont prononcé le suicide dans une annonce, mais cette dernière a causé l'indignation au sein de la communauté dissidente chinoise[12]. La famille de Li a demandé comment ce vieillard aveugle et presque sourd aurait pu être capable de s'ôter la vie. Même sans prendre en compte la surveillance dont il faisait l'objet, Li pouvait « à peine tenir un bol sans que les mains tremblent »[8]. Les amis et militants locaux allèguent fortement que Li avait « était suicidé » (被自殺 : subir un suicide), et a formé un « Comité en quête de la vérité sur la mort de Li »[13] - [14]. The Wall Street Journal a commenté que les activistes chinois, dont Hu Jia, sur Twitter avait fait leurs propres déclarations qu'ils n'avaient pas d'intention de se suicider (#我不自杀)[15]. Pour éviter la censure sur Internet, « être suicidé » est devenu un terme Web de recherche de choix[16].
Selon Human Rights in China, la sœur de Li a été arrêtée par la suite par la police et détenue dans un hôtel[17]. Les médias ont rapporté que la famille Li faisait l'objet de pressions pour consentir à une autopsie, et que la police avait donné un ultimatum pour le midi du . Les membres de la famille se sont vu refuser l'accès au corps après que la police l'eut retiré de l'hôpital. Les parents étaient pourtant prêts à accorder une autopsie, sous réserve de la présence d'un avocat indépendant ne provenant pas de Shaoyang[18]. Le , une autopsie du corps de Li a été effectuée par les autorités à Shaoyang, apparemment contre la volonté de sa famille, et le corps fut incinéré le lendemain[19] - . Selon le Centre d'information pour les droits de l'homme et la démocratie, un membre anonyme du personnel d'une entreprise de pompes funèbres a laissé entendre que le gouvernement a ordonné la crémation ; un autre travailleur a déclaré à la télévision que la sœur de Li et son beau-frère avaient donné leur consentement[20].
Les autorités de la ville de Shaoyang ont affirmé que d'autres patients de sa chambre auraient vu Li « se conduire de façon étrange », et se tenir près de la fenêtre à 3 heures du matin le jour de sa mort, et qu'il n'y avait pas d'autres ecchymoses sur son corps. Selon le communiqué, « les images de caméra de surveillance ont montré que durant la nuit où Li Wangyang est mort, aucune personne suspecte n'a pénétré dans la chambre, sauf ceux qui partageaient la chambre de Li ainsi que le personnel hospitalier ... La porte du service n'a pas été forcée »[21].
Les autorités de Shaoyang ont déclaré que l'autopsie avait été menée par quatre légistes de l'Université Sun-Yat-sen le , et que l'ensemble du processus avait été filmé et contrôlé par les médias, les membres du Congrès National du Peuple et la Conférence des consultative du peuple chinois. Le rapport de l'autopsie était attendu sous quatre jours. La ville a continué à affirmer que Li s'était suicidé, que son corps avait été incinéré à la demande de sa famille, et que ses cendres avaient été enterrées sous la supervision de sa sœur et son beau-frère[21].
Réactions internationales
Le lendemain, plus de 2 700 personnes, dont le dissident Ai Weiwei, ont signé une pétition en ligne appelant à une enquête indépendante[22]. Le Centre d'information pour les droits de l'homme et la démocratie a soulevé la possibilité que « les surveillants l'aient torturé à mort, puis maquillé sa mort en suicide »[6]. Amnesty International a réclamé au gouvernement chinois « une enquête approfondie sur les circonstances entourant le décès de Li Wangyang et de prendre au sérieux les allégations formulées par sa famille et ses amis selon lesquelles il ne s'agit pas d'un suicide »[12].
De l'avis de plusieurs observateurs cités par le journal La Croix, ce décès s'inscrit dans une logique de musellement de la dissidence et des médias à l'approche du renouvellement des dirigeants chinois, plusieurs autres dissidents ayant été condamnés sous le motif fourre-tout d" « incitation à la subversion du pouvoir de l'État »[4].
Selon RFI, 'Li Wangyang' (李旺陽/李旺阳) a été un paramétré interdit dans les moteurs de recherche internet; les personnes le soutenant ont fait l'objet de pressions en vue de les dissuader de ce soutien[2].
Réception à Hong Kong
L'Alliance de Hong Kong pour le soutien aux mouvements patriotiques et démocratiques en Chine a démenti les allégations selon lesquels Li se serait suicidé. Son animateur, Lee Cheuk-yan a fait valoir le maintien de son soutien à la démocratie tout au long de son emprisonnement, et que son mauvais état de santé ne lui permettait pas de se pendre sous la surveillance des gardes de sécurité nationale. Kinseng Lam, qui avait eu un dernier entretien avec Li, a dénoncé le meurtre ; selon lui, c'est cet entretien qui a conduit à son meurtre[23]. Sa mort et ses conséquences secouèrent les politiciens de Hong Kong. Alan Leong, le législateur du Parti civique à Hong Kong, dit que Li aurait fait « le dernier sacrifice » pour son interview à la chaîne télévision iCable[18]. Plusieurs députés hongkongais à l'Assemblée populaire nationale (APN), dont le président du Parti libéral Miriam Lau, Maria Tam, Michael Tien, ont appelé le gouvernement central à se pencher sur ce cas[20] - [18]. Notamment, le législateur hongkongais Ip Kwok Him du DAB, après avoir déclaré la manifestation « inutile », a par la suite changé d'avis au vu des événements rapportés dans la presse et exprimé son intention d'écrire ses préoccupations aux dirigeants à Pékin[24]. Lors du City Forum, Lew Mon-hung venant à la défense du gouvernement central, a expliqué qu'il restait toujours une incertitude sur la qualification de suicide ou d'homicide à attribuer à la mort de Li[24].
Selon les organisateurs, la manifestation du à Hong Kong, réclamant une enquête approfondie sur la mort de Li, a rassemblé 25 000 personnes[25]. La police a estimé le nombre de participation à 5 400[24] - [26].
Les éditoriaux publiés dans les principaux journaux évoquent tous la mort de Li comme étant « suspecte », déclarent que la publicité en cours sur le cas est défavorable à l'image de la Chine, et qu'il serait dans l'intérêt de la Chine que les autorités centrales enquêtent sur cette mort de manière transparente[27] - [28].
Notes et références
- Le Monde, AFP, Un dissident chinois meurt dans des conditions suspectes, 7 juin 2012
- Chine : décès suspect du dissident Li Wangyang Stéphane Lagarde, RFI, 7 juin 2012
- L’étrange suicide de l’opposant chinois Li Wangyang Philippe Grangereau, Libération, 11 juin 2012
- L'opposant chinois Li Wangyang est mort dans des circonstances suspectes La Croix, 12 juin 2012
- "23 rd anniversary of Tiananmen Massacre, when will it end?", Travelling Back and Forth between China. Hong Kong Cable TV, 2 juin 2012 – article avec clip du dernier entretien de Li Wangyang
- (en) « China dissident Li Wangyang found dead in Shaoyang », BBC News, (consulté le )
- (en) « China dissident Li Wangyang found dead in hospital », The Guardian, Associated Press, (consulté le )
- (en) Barbara Demick, « Tiananmen activist found hanged in Chinese hospital room », Los Angeles Times, (consulté le )
- "Li Wangyang est mort" – video par membre de la famille à la suite de la découverte du corps de Li, pendu. YouTube, 6 juin 2012
- Images de Li a hôpital constatant la mort – "par témoin"
- Siu, Phila; Agence France-Presse (8 June 2012). "Death probe calls snowball" « Copie archivée » (version du 12 novembre 2013 sur Internet Archive). The Standard. Retrieved 10 June 2012.
- (en) « China must investigate veteran dissident's death », Amnesty International, (consulté le )
- (zh) « 六四民運人士李旺陽死因遭疑 家人恐遭監控 », 中央社, (consulté le )
- (zh) « 关于成立李旺阳被自杀真相调查委员会的声明 », Boxun, (lire en ligne, consulté le )
- Chen, Te-Ping; Spegele, Brian (12 June 2012). "Protests Erupt Over Death of Tiananmen Dissident". 'China Realtime Report', Wall Street Journal
- Jacobs, Andrew (June 8, 2012). "Chinese Activist’s Death Called Suicide, but Supporters Are Suspicious". The New York Times
- (en)« Chinese police detain Tiananmen Square veteran's relatives » Tania Branigan, The Guardian, 8 juin 2012
- Ng, Tze-wei; Cheung, Simpson (8 juin 2012). "Answers demanded in activist's death".
- (en) « Mainland activist Li Wangyang cremated »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), (consulté le )
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- Siu, Phila (11 June 2012). "Shaoyang cadres defend cremation" « Copie archivée » (version du 8 juin 2015 sur Internet Archive), The Standard.
- (en) James Pomfret and Stefanie McIntyre, « Online petitioners seek probe into China dissident death », Reuters, (consulté le )
- (zh) Lam Ying, « 內疚訪問 林建誠﹕不滿可殺我 [Kinseng Lam regrette l'entretien. 'Ils devraient me tuer s'ils sont mécontents'] », Mingpao Daily, (consulté le )
- Siu, Phila (11 juin 2012). "Li death sparks mass protest" « Copie archivée » (version du 8 juin 2015 sur Internet Archive). The Standard.
- (en) « Protesters demand dissident death probe »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), (consulté le )
- Lau, Stuart; Lee, Colleen; Tam, Johnny; Shi, Jiangtao (11 juin 2012). "Thousands demand Li Wangyang probe" South China Morning Post
- (en)LEADER: (11 juin 2012). "Suspicious death of June 4 activist Li Wangyang warrants an inquiry". South China Morning Post
- Mary Ma (11 juin 2012). "An inconvenient deadly truth" « Copie archivée » (version du 18 mai 2014 sur Internet Archive), The Standard.