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Leslie Kish

Leslie Kish, nĂ© le et mort le , est un statisticien amĂ©ricain d'origine hongroise qui a jouĂ© un rĂŽle considĂ©rable dans le domaine des mĂ©thodes de sondage et d'enquĂȘte par l'enseignement, les manuels, les recherches et les publications.

Jeunesse

LĂĄszlĂł Kish est nĂ© le Ă  Poprad, alors ville du royaume de Hongrie, qui fera partie de la TchĂ©coslovaquie de 1918 Ă  1992 et est aujourd’hui situĂ©e en Slovaquie. En raison des affectations successives de son pĂšre, ingĂ©nieur d’une compagnie d’électricitĂ©, sa famille se dĂ©place au grĂ© des mutations successives de ville en ville dans les frontiĂšres qu'avait la Hongrie Ă  l’époque. En 1926, considĂ©rant qu’il n’y a pas d’avenir pour des juifs hongrois en Roumanie, la famille Ă©migre de Zilah[1] vers les États-Unis.

À son arrivĂ©e Ă  Ellis Island le , il ne connaĂźt que les quelques mots d’anglais que son pĂšre lui a enseignĂ© sur le bateau pendant la traversĂ©e. Il apprend la langue en lisant des livres en anglais et est scolarisĂ© avec ses deux sƓurs et son frĂšre, dont il est l’aĂźnĂ©. Son pĂšre meurt Ă  Brooklyn en , cinq mois aprĂšs son arrivĂ©e. À 16 ans, en , LĂĄszlĂł, qui anglicise son prĂ©nom en Leslie, commence Ă  travailler tout en suivant des cours du soir. En 1929, il devient assistant de laboratoire Ă  l’Institut Rockefeller pour la recherche mĂ©dicale[2], et y travaille 9 heures par jour et 6 jours par semaine pour 70 dollars
 par mois. Son travail le pousse Ă  lire les ouvrages de statistique de l’époque. AprĂšs avoir obtenu son diplĂŽme d’études secondaires de la Bay Ridge Evening High School en 1930, il suit les cours du soir du City College tout en travaillant le jour. Il devient citoyen amĂ©ricain en 1936[3].

La guerre d'Espagne

En , Leslie quitte l’Institut Rockefeller et le City College pour se rendre en Espagne combattre aux cĂŽtĂ©s des rĂ©publicains dans une brigade hongroise. Il y apprend l’espagnol et un peu le français, langue officielle des Brigades internationales. AffectĂ© Ă  un hĂŽpital en raison des connaissances qu’il est censĂ© avoir acquises Ă  l’Institut Rockefeller, il rencontre le Norman Bethune, crĂ©ateur de l'UnitĂ© mobile de transfusion sanguine. Le lendemain, il est blessĂ© et hospitalisĂ©, puis transfĂ©rĂ© Ă  la Batterie antiaĂ©rienne John Brown, une unitĂ© d’artillerie anglo-amĂ©ricano-canadienne. Il sera transfĂ©rĂ© plus tard dans une unitĂ© espagnole[4].

Le Bureau du recensement

À son retour aux États-Unis en , il reprend ses Ă©tudes au City College tout en faisant des « petits boulots ». Il reçoit le diplĂŽme de « bachelor of science » en mathĂ©matique en juin avec distinction : il est Ă©lu Phi Beta Kappa. Il passe brillamment un concours d’entrĂ©e au Bureau du recensement des États-Unis qu’il rejoint le comme chef de section au recensement de l’agriculture. Il y fait la connaissance du directeur adjoint, William Edwards Deming, de Morris Hansen et William Hurwitz dont il suivit les cours, ainsi que Rensis Likert. En 1941 il suit un cours de sondage Ă  l’école du DĂ©partement de l’Agriculture (U.S. Department of Agriculture Graduate School). À l’époque, la seule enquĂȘte nationale utilisant un Ă©chantillon probabiliste Ă©tait l’enquĂȘte sur le chĂŽmage de la Work Projects Administration (WPA)[5], qui ne faisait pas partie du gouvernement FĂ©dĂ©ral. Leslie devint ainsi le premier spĂ©cialiste de sondage de l’administration amĂ©ricaine. À l'Ă©poque, les seuls « sondages » du Census Bureau se limitaient au dĂ©pouillement (traitement d’un questionnaire sur cinq) et Ă  l'utilisation de quotas pour les enquĂȘtes.

1942-1945 : la guerre

En il rĂ©ussit Ă  entrer dans l’armĂ©e. AprĂšs ses aventures en Espagne, il avait Ă©tĂ© catĂ©gorisĂ© comme « antifasciste prĂ©maturĂ© », plus ou moins suspect, et il fut confinĂ© Ă  des postes de mĂ©tĂ©orologiste sur diverses bases aĂ©riennes militaires aux États-Unis, puis Ă  HawaĂŻ. Il est de retour Ă  la Division of Program Surveys du Bureau du recensement des États-Unis en .

La carriÚre à l'université du Michigan

En 1947, il dĂ©mĂ©nage Ă  Ann Arbor avec un groupe de collĂšgues de l’USDA pour crĂ©er Ă  l’universitĂ© du Michigan le Centre de recherche sur les enquĂȘtes (Survey Research Center), qui sera le noyau du futur Institut pour la recherche sociale (Institute for Social Research), oĂč il enseignera jusqu’en 1981.

Il dĂ©veloppe la mĂ©thode de sĂ©lection d’individus au sein d’un mĂ©nage (« individus Kish ») connue aujourd’hui sous le nom de « mĂ©thode de Kish[6] ».

Il dĂ©veloppe Ă©galement les mĂ©thodes d’analyse des non-rĂ©ponses ; Ă  l'Ă©poque, le plus souvent, les statisticiens « faisaient comme si » elles n’existaient pas.

Enfin, il amĂ©liore la mĂ©thode d’échantillonnage des banlieues qui croissaient rapidement et Ă©taient mal reprĂ©sentĂ©es dans les enquĂȘtes.

Il développa également avec Roe Goodman la méthode de « sélection contrÎlée[7] ».

En 1948, quand le dĂ©mocrate Harry S. Truman se prĂ©sente Ă  la prĂ©sidence des États-Unis contre le rĂ©publicain Thomas E. Dewey, les enquĂȘtes d’opinion – qui utilisaient la mĂ©thode des quotas – donnaient ce dernier largement favori au point que le Chicago Tribune avait titrĂ© en premiĂšre page « Dewey a battu Truman ». Or les 400 Ă©lecteurs de l’échantillon de l’enquĂȘte Survey of Consumer Finances, Ă  qui la question avait Ă©tĂ© posĂ©e, avaient donnĂ© Truman vainqueur. Certains journalistes en ont dĂ©duit la supĂ©rioritĂ© du sondage probabiliste sur la mĂ©thode des quotas. En fait, il s’agissait d’un pur hasard, l’intervalle de confiance du rĂ©sultat Ă©tant de plus ou moins 5 %. La prĂ©vision de la victoire de Truman Ă©tait statistiquement non significative et n’avait pas Ă©tĂ© publiĂ©e[8].

La mĂȘme annĂ©e, il obtint une maĂźtrise en statistique mathĂ©matique alors qu’il est dĂ©jĂ  professeur. Il continua ses Ă©tudes en statistique mathĂ©matique mais les abandonna, considĂ©rant qu’elles ne servaient Ă  rien Ă  l’époque pour la thĂ©orie des sondages, et se lança dans des Ă©tudes de sociologie, obtenant un doctorat en 1952.

De 1955 Ă  1965, il rĂ©dige le manuel de sondage qui le rendit cĂ©lĂšbre et servit Ă  la formation de milliers d’étudiants[9].

Ses travaux ont portĂ© sur de nombreux aspects thĂ©oriques, mais surtout pratiques, des sondages et enquĂȘte par sondage[10] :

  • MĂ©thodes d’estimation de la variance.
  • EnquĂȘtes polyvalentes
  • Estimations par domaine (grands domaines, petit domaines.
  • Remplacement des recensements par des enquĂȘtes Ă  Ă©chantillons successifs. Il mettra au point la mĂ©thode des Ă©chantillons tournants[11] qui sera utilisĂ©e par l’enquĂȘte permanente « American Community Survey » et inspirera la mĂ©thode de recensement rĂ©novĂ© utilisĂ©e en France.
  • Echantillonnage de populations rares ou imprĂ©cises.
  • Maximisation du chevauchement d’échantillons successifs.
  • Echantillonnage d’unitĂ©s de niveaux diffĂ©rents.
  • Erreurs dues Ă  la mĂ©thode de sondage.
  • Études destinĂ©es Ă  Ă©tudier des liens de causalitĂ©.

Pendant la pĂ©riode de « chasse aux sorciĂšres » du Maccarthisme, Leslie fut inquiĂ©tĂ©, comme bien d’autres, par les enquĂȘteurs du ComitĂ© de la Chambre sur les activitĂ©s antiamĂ©ricaines. Il coopĂ©ra pour tout ce qui le concernait personnellement, en particulier ses activitĂ©s pendant la guerre d’Espagne, mais refusa de fournir la moindre information concernant d’autres personnes[12].

Kish a Ă©tĂ© un des pĂšres fondateurs de l’Association internationale des statisticiens d’enquĂȘte (IASS), crĂ©Ă©e en 1975[13], dont il sera vice-prĂ©sident de 1977 Ă  1979 et prĂ©sident de 1983 Ă  1985.

Kish et les pays en voie de développement

Leslie Kish a beaucoup travaillĂ© au dĂ©veloppement des mĂ©thodes de sondage dans les pays du Tiers-monde. Il a Ă©tĂ© consultant en sondages du programme mondial d’enquĂȘtes sur la fĂ©conditĂ© (World Fertility Survey) de 1973 Ă  1983 et pour diffĂ©rents programmes d’agences de l’ONU. Il a organisĂ© un grand nombre de cours de sondage au Survey Research Center pour les statisticiens des pays en dĂ©veloppement et a conduit Ă©galement de nombreux cours et missions d’appui dans ces pays.

Une retraite active

À 71 ans, en 1981, il prend sa retraite mais n’arrĂȘtera jamais ses activitĂ©s professionnelles.

Il rĂ©dige « Statistical Design for Research » qui sera publiĂ© en 1987. Il rĂ©digera Ă©galement le manuel « Sampling Methods for Agricultural Surveys » publiĂ© en 1989 par l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), et partagera son expĂ©rience au cours de missions de consultation dans de nombreux pays.

Il dĂ©cĂšde le Ă  Ann Arbor, laissant dans le deuil sa sƓur, Magda Bondy, son Ă©pouse, Rhea Kish (nĂ©e Rhea Kuleske), qui participera activement Ă  la diffusion des Ɠuvres de son mari, et ses deux filles, Carla et Andrea Kish[14].

La principale caractĂ©ristique de l’Ɠuvre de Leslie Kish aura Ă©tĂ© de « rĂ©ussir Ă  cerner les questions qui comptaient vraiment dans la pratique d’enquĂȘte et Ă  y rĂ©pondre[15] ». Il aura ainsi exercĂ© une influence considĂ©rable dans le domaine des sondages, et en particulier sur les mĂ©thodes d’échantillonnage probabiliste pour les enquĂȘtes.

Notes

  1. Nom hongrois de la ville devenue roumaine en 1919 sous le nom de Zalău
  2. Rockefeller Institute for Medical Research (en)
  3. Frankel & King (1996).
  4. Frankel & King (1996), p. 68-69.
  5. La mĂ©thode scientifique de sondage n'Ă©tait utilisĂ©e pour les enquĂȘtes auprĂšs des mĂ©nages qu'au Royaume-Uni, en Inde et par quelques « instituts de sondage » privĂ©s.
  6. Ou « mĂ©thode du tableau de Kish », ou de la « table de sĂ©lection de Kish ». Kish, Leslie “A Procedure for Objective Respondent Selection within the Household”. Journal of the American Statistical Association, Vol. 44, 1949, p. 380-387.
  7. Goodman, Roe and Kish, Leslie (1950). “Controlled Selection A Technique in Probability Sampling”. Journal of the American Statistical Association, Vol. 45, 1950, p. 350-372.
  8. Frankel & King (1996) p. 72-73.
  9. Kish, Leslie « Survey Sampling », 1965. Wiley-Interscience, février 1995, 664 pp.
  10. Cf. Kalton (06-2002) ; Verma (2001).
  11. Ou « Ă©chantillons rotatifs » (“rolling samples“). Pace, oct. 2000 & avril 2001, p. 14).
  12. Frankel & King (1996) p. 85-86. Ses collĂšgues Mark Nickerson, Clement Markert (en) et Chandler Davis (en), qui refusĂšrent totalement de coopĂ©rer, furent renvoyĂ©s de l’universitĂ© du Michigan. Chandler Davis (en) fit mĂȘme six mois de prison et Ă©migra au Canada.
  13. Une des sections de l'Institut international de statistique.
  14. Pace (10-2000).
  15. Verma (2001), p. 1.

Références

Liens externes

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