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Les Derniers Moments de Michel Lepeletier

Les Derniers Moments de Michel Lepeletier (titres alternatifs La Mort de Lepeletier de Saint-Fargeau ou Lepeletier sur son lit de mort) est un tableau peint par Jacques-Louis David en 1793, représentant le député Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau sur son lit de mort.

Les Derniers Moments
de Michel Lepeletier
Les Derniers moments de Michel Lepeletier gravure de Tardieu d'après le tableau de David.
Artiste
Date
1793
Type
Technique
Mouvement
Commentaire
Tableau disparu

C'est un hommage du peintre au conventionnel assassiné pour avoir voté la mort du roi Louis XVI. Le tableau constitue avec La Mort de Marat un diptyque qui fut installé dans la salle des séances de la Convention nationale. Retiré en 1795 et confié à l'artiste qui le conserva jusqu'à sa mort à Bruxelles, le tableau fut vendu par sa famille à la fille du conventionnel Louise Suzanne de Mortefontaine. Après cette vente le tableau disparut, l'hypothèse la plus probable est qu'il fut détruit par sa fille qui voulait faire disparaître le passé révolutionnaire de son père, en détruisant le tableau et les gravures qui en furent tirées[1]. Il n'est connu que par un dessin d'Anatole Desvosge et un tirage de la gravure de Tardieu qui échappa partiellement à la destruction. Ce tableau constitue avec La Mort de Marat et La Mort du jeune Bara une série consacrée par le peintre aux martyrs de la Révolution.

Contexte historique

Le , à la veille de l'exécution de Louis XVI, le royaliste Philippe Nicolas Marie de Pâris a l'intention de tuer Philippe Égalité qu'il considère comme un traître. Il l'attend au Palais Royal, mais comme celui qu'il considère comme un régicide ne paraît pas, Pâris se rend chez le traiteur Février où dîne un autre régicide : le conventionnel Le Peletier et il le tue[2].

Le Peletier est considéré comme le premier martyr de la révolution, son corps est exposé place des Piques. C'est David, sur proposition de Bertrand Barère, qui conçoit la scénographie de ses funérailles[3]. Les funérailles sont spectaculaires : après un défilé du peuple devant le corps, le président de la Convention pose sur la tête du mort la couronne de l'Immortalité, et un cortège impressionnant remonte la rue Saint-Honoré jusqu'au Panthéon. Selon Jules Michelet « Les funérailles de Lepeletier eurent un caractère de religion[4] »

Description

« David dispose le corps étendu à l'antique comme l'Hector, entouré de candélabres et de brûle-parfums. Sa plaie est largement exposée. Le , le peintre présente à la Convention le tableau qu'il a peint[3]. »

« Le Peletier gît à demi-nu sur sa couche, avec des amas d'oreillers, un glaive est suspendu au-dessus de lui (celui de Pâris) et dont le sang dégoutte sur le cadavre[5]. » L'arme porte une fleur de lys pour bien montrer d'où vient le coup.

« C'est clairement un acte de propagande oĂą est exaltĂ© l'hĂ©roĂŻsme rĂ©publicain. Ĺ’uvre accueillie avec enthousiasme, le tableau est exposĂ© dans la salle des SĂ©ances, sa diffusion est autorisĂ©e au moyen de gravures et de tapisseries et David reçoit la somme de 11 000 livres dont il fait don aux veuves et orphelins de la patrie[5] »

Le tableau est saisissant par la « force du symbolisme », il porte au bas la dédicace : « David à Lepeletier[5]. »

Dans son ouvrage Histoire de la ville et du comtĂ© de Saint-Fargeau[6] (1856) Aristide DĂ©y donne une description du tableau disparu, qu'il tient du tĂ©moignage d'un artiste datĂ© de 1825 :

« Le tableau pouvait avoir 2 mètres de haut sur 1 m 50 c de large Le fond d'un gris clair qui se rembrunissait Ă  mesure qu’il se rapprochait du bas du tableau, reprĂ©sentait un mur plat et nu, sans aucun accident. Un grossier lit de sangle recouvert d un seul matelas Ă  carreaux blancs et bleus traversait horizontalement toute la toile, environ Ă  moitiĂ© de sa hauteur. Sur ce matelas, et dans le mĂŞme sens, Ă©tait Ă©tendu le corps de Lepeletier de Saint Fargeau, la tĂŞte Ă  droite, les pieds et une partie des jambes allant se perdre Ă  gauche dans la bordure. Sur le bas du cadavre Ă©tait jetĂ© un manteau de couleur sombre, dont quelques plis tombaient jusqu’à terre. La tĂŞte pâle et calme, n'ayant aucun soutien, Ă©tait Ă  demi renversĂ©e ; elle se prĂ©sentait de profil et accompagnĂ©e d un flot de cheveux en dĂ©sordre portant encore quelques vestiges de poudre; le front Ă©tait haut le nez fortement aquilin, la bouche et le menton vivement accusĂ©s, l'ensemble noble et d un grand caractère. La chemise toute sanglante, et ouverte sur la poitrine, laissait voir la plaie bĂ©ante; la main droite vue en raccourci Ă©tait ramenĂ©e vers cette plaie et le bras gauche pendait hors du lit. Une vive lumière venant d'en haut, illuminait le visage et le buste ; le reste du corps dĂ©jĂ  dissimulĂ© par le manteau se perdait dans une large demi teinte. Sur le fond et au milieu Ă©tait appendu Ă  un clou un sabre sanglant de forme très-vulgaire, et une couronne de chĂŞne. Sur le plancher, au-dessous de la main pendante, se trouvait un papier sur lequel Ă©tait inscrit le dernier vote de Lepeletier ; dans l'un des angles du tableau, en grosses lettres, le nom de L DAVID avec le millĂ©sime de 1793 ! En somme l'effet de cette peinture Ă©tait un peu artificiel, mĂ©lodramatique. On sentait que l'artiste avait fait effort pour arriver Ă  l’émotion qui lui Ă©tait venue si naturellement et de prime-saut pour son admirable Ă©tude de Marat expirant[7]. »

Un tableau perdu

Suzanne Le Peletier de Mortefontaine portraiturée en 1804 par David. Après avoir été acquise par elle des héritiers du peintre, la toile disparut, soit qu'elle la fit détruire ou qu'elle l'ait dissimulée.

Le tableau a disparu. On ne le connaĂ®t que par le dessin de Devosges et la gravure lacĂ©rĂ©e de Pierre Alexandre Tardieu. Rendue Ă  David, cette peinture engagĂ©e a Ă©tĂ© vendue Ă  un prix très Ă©levĂ© (100 000 francs) Ă  la fille de Lepeletier, Suzanne Le Peletier de Mortefontaine, royaliste, qui alla peut-ĂŞtre jusqu'Ă  brĂ»ler l'image de son père[8]. Des tĂ©moignages concordants affirment qu'elle fit dĂ©truire les estampes, et mĂŞme les cuivres du graveur.

L'acadĂ©micien Jean d'Ormesson, descendant direct de Suzanne Lepeletier[9] dĂ©clare : « La tradition familiale assure que Suzanne a dissimulĂ© le tableau honni de David dans l'Ă©paisseur des murs de Saint-Fargeau. On a fait venir des voyants, des sourciers, des chercheurs de tout poil : ces efforts n'ont rien donnĂ©. Au dĂ©sespoir de mon père, le tableau de David a toujours gardĂ© son secret, sans doute perdu Ă  jamais, peut-ĂŞtre dans les formidables murs roses du château de Saint-Fargeau[10] ».

Notes et références

  1. Simon Lee David p. 160.
  2. Sahut et Michel p.78.
  3. Sahut et Michel p.80.
  4. Jules Michelet, Histoire de la Révolution Française, t. IV, chap. Les Funérailles de Lepelletier, (orthographe de Michelet), réédition 2001, Elibron classics citésSahut et Michel p.80.
  5. Sahut et Michel p.81.
  6. Histoire de la ville et du comté de Saint-Fargeau, en ligne..
  7. Aristide Déy, Histoire de la ville et du comté de Saint-Fargeau, p. 402.
  8. Sahut et Michel p.82.
  9. « La généalogie de Jean d'Ormesson », sur La revue française de Généalogie (consulté le ).
  10. Jean d'Ormesson, « La légende du tableau introuvable de David », Le Figaro,‎ (lire en ligne Accès payant, consulté le ).

Bibliographie

Sources primaires

  • Aristide DĂ©y, Histoire de la ville et du comtĂ© de Saint-Fargeau, Perriquet et RouillĂ©, .
  • Maurice Tourneux, « Notes pour servir Ă  l'histoire d'un chef-d'Ĺ“uvre inconnu : Le Pelletier sur son lit de mort, par David », Nouvelles Archives de l'Art français, Paris,‎ , p. 52-59 (lire en ligne)

Monographie

  • Antoine Schnapper, David : TĂ©moin de son temps, Fribourg, Office du Livre, , 315 p. [dĂ©tail des Ă©ditions] (ISBN 2-85047-000-7)
  • RĂ©gis Michel et Marie-Catherine Sahut, David, l'art et le politique, Paris, Gallimard, coll. « DĂ©couvertes », (ISBN 2-07-053068-X)
  • Robert Simon, « Portrait de martyr : Le Peletier de Saint-Fargeau », dans RĂ©gis Michel, David contre David, vol. 1, Documentation Française, (ISBN 2110026138), p. 349-378.
  • Simon Lee (trad. de l'anglais), David, Paris, Phaidon, , 351 p. (ISBN 0-7148-9105-3)

Articles

  • Jean Vallery-Radot, « Autour du portrait de Lepeletier de Saint- Fargeau sur son lit de mort par David : d'après des documents inĂ©dits », Archives de l'Art français, Paris,‎ , p. 354-361.
  • Jeannine Baticle, « La seconde mort de Lepeletier de Saint-Fargeau : Recherches sur le sort du tableau de David », Bulletin de la SociĂ©tĂ© de l'histoire de l'art français, Paris,‎ , p. 131-145.
  • Anne Leurquin, « La mort de Le Peletier de Saint-Fargeau : le tableau de David at-il Ă©tĂ© dĂ©truit ? », Historia, Librairie Jules Tallandier, no 507,‎ , p. 97-102
  • (en) Robert Simon, « David's Martyr-Portrait of Le Peletier De Saint-Fargeau and the Conundrums of Revolutionary Representation », Art History, vol. 14, no 4,‎ , p. 459–487 (ISSN 1467-8365, DOI 10.1111/j.1467-8365.1991.tb00454.x)
  • M. Vanden Berghe, I. Plesca, Lepelletier de Saint-Fargeau sur son lit de mort par Jacques-Louis David : saint SĂ©bastien rĂ©volutionnaire, miroir multirĂ©fĂ©rencĂ© de Rome, Bruxelles (2005)

Essais

  • Alain Jouffroy, De l'Individualisme rĂ©volutionnaire, Union gĂ©nĂ©rale d'Ă©ditions, collection 10/18, 1972.
  • Alain Jouffroy, Aimer David, Ă©ditions Terrain Vague, 1989.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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