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Le Chant de Hildebrand

Hildebrandslied

Hildebrandslied
Image illustrative de l’article Le Chant de Hildebrand
PremiĂšre page du manuscrit

Pays Drapeau de l'Allemagne Allemagne
Genre PoÚme héroïque
Version originale
Langue Vieux haut allemand
Lieu de parution Fulda
Date de parution 830

Le Chant de Hildebrand (en allemand : Das Hildebrandslied), est un exemple unique de la vieille poĂ©sie allitĂ©rative allemande. Il apparaĂźt Ă©galement dans deux versions scandinaves : la premiĂšre dans Gesta Danorum (Hildiger) et la seconde dans la saga d’Ásmundar.

Le texte du Hildebrandslied fut notamment étudié par le philologue Karl Lachmann au début du XIXe siÚcle.

Source et genĂšse

Le manuscrit

Le Hildebrandslied est contenu dans la premiĂšre et derniĂšre page d’un codex de la bibliothĂšque universitaire de Cassel. La prĂ©sence d’erreurs semble indiquer que ce manuscrit n’est qu’une copie, scrupuleuse nĂ©anmoins, comme l’attestent les nombreuses ratures et corrections[1].

Durant la seconde guerre mondiale, le directeur de la bibliothĂšque de Cassel place une vingtaine de manuscrits afin de les protĂ©ger des bombardements, parmi lesquels le ‘’Liber Sapientae’’ contenant le Hildebrandslied. Le manuscrit est cependant volĂ© en Ă  la faveur de la confusion consĂ©cutive Ă  la fin de la guerre. En , un officier de l’armĂ©e amĂ©ricaine vend le manuscrit pour 1000$ Ă  la fondation du Dr Abraham Rosenbach. Celui-ci les conserve et la premiĂšre page est finalement retournĂ©e en 1955. Ce n’est qu’en 1972 que le neveu de Rosenbach avoue Ă  Lessing J. Rosenwald que le parchemin disparu se trouve parmi les Ɠuvres non rĂ©pertoriĂ©es de la fondation. Le , Dieter Hennig, le directeur de la bibliothĂšque de Cassel, et Rosenwald dĂ©couvrent et authentifient le manuscrit [2].

Le manuscrit a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© par deux copistes, peut ĂȘtre le maĂźtre et son Ă©lĂšve, en minuscule caroline [3]. Les ratures et corrections montrent combien il Ă©tait encore difficile, Ă  l’époque, d’écrire l’allemand[1].

La rédaction

Il n’y a pas d’unitĂ© linguistique dans le chant : si le texte est principalement en vieux haut-allemand, il comporte un mĂ©lange d’autres langues. L’absence de la seconde mutation consonantique du [t] (tĂŽ, uuĂȘt, luttila), la nasalisation de dentales (Ă»sere, gĂ»dhamun, ĂŽdre) ou encore la transformation du ei en ĂȘ (ĂȘnan, hĂšme, wĂȘt), indiquent la prĂ©sence du bas-allemand. Les formes telles que prĂ»t, pist, et chint relĂšvent quant Ă  elles de l’allemand supĂ©rieur[1].

Deux hypothĂšses demeurent donc quant Ă  la genĂšse du chant : l’original pourrait avoir Ă©tĂ© Ă©crit en bas-allemand, puis copiĂ© en haut-allemand. Ce peut ĂȘtre Ă©galement l’inverse[1].

Pour Helmut de Boor, c’est cette deuxiĂšme solution qui est la plus probable. Le texte prĂ©sente fondamentalement des formes en haut-allemand et seulement des ajouts, une superficie, en bas-allemand. Cela tendrait mĂȘme Ă  montrer que le texte n’a pas Ă©tĂ© Ă©crit par un Saxon, mais par un homme dont la langue maternelle Ă©tait le haut-allemand, et ayant tentĂ© de le traduire en bas-allemand[4]. Toutefois, c’est l’opinion inverse – celle supposant un original bas-allemand – qui est la plus partagĂ©e parmi les chercheurs[3].

Le texte a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© Ă  l’Abbaye de Fulda, qui seule permettait Ă  cette Ă©poque de rĂ©aliser un tel ouvrage[1]. La rĂ©daction du Hildebrandslied rĂ©pond peut ĂȘtre Ă  un ordre de Charlemagne. En effet, selon Éginhard, celui-ci aurait fait consigner les traditions orales des peuples placĂ©s sous sa domination. En outre, Walafrid Strabon affirme que Charlemagne avait fait placer une statue de ThĂ©odoric le Grand, mentionnĂ© dans le rĂ©cit, devant le porche d'Aix-la-Chapelle. Son intĂ©rĂȘt pour celui-ci est donc attestĂ©[5].

Argument

DeuxiĂšme page du parchemin

Le fragment rapporte principalement un dialogue entre Hildebrand et son fils Hadubrand. Quand Hildebrand suit son maĂźtre, ThĂ©odoric le Grand, qui fuit Odoacre vers l’est, il laisse sa jeune Ă©pouse et un enfant en bas Ăąge derriĂšre lui. De retour aprĂšs trente ans d'absence parmi les Huns, il rencontre un jeune guerrier qui le dĂ©fie en duel. Avant de commencer Ă  lutter, Hildebrand veut savoir le nom de son adversaire et se rend compte qu'il s'agit de son propre fils. Il essaie bien Ă©videmment d'Ă©viter le combat, mais en vain ; Hadubrand prend les mots du vieil homme pour l'excuse de sa poltronnerie. Dans un fracas, les lances s'abattent sur les boucliers, puis les guerriers saisissent leurs Ă©pĂ©es et combattent jusqu'Ă  ce que leurs boucliers soient taillĂ©s en piĂšces. Le rĂ©cit s'arrĂȘte ici, le fragment Ă©tant incomplet.

Le combat du pĂšre et du fils

Une issue probablement tragique et un changement de société

Dans la mesure oĂč l’issue du combat ne nous est pas rĂ©vĂ©lĂ©e, il ne peut ĂȘtre affirmĂ© avec certitude qu’elle est tragique. Toutefois, plusieurs indices non concordants peuvent nous renseigner. Dans le « Hildebrand Sterbelied», tirĂ© d’une saga nordique du XIIIe siĂšcle, le hĂ©ros rappelle qu’il a tuĂ© au combat son propre fils.

Pour autant, d’autres sources ultĂ©rieures font varier l’issue de rencontres semblables : Dans la ÞiĂ°rekssaga norvĂ©gienne, le motif du combat entre le pĂšre et le fils apparaĂźt Ă©galement. Dietrich, de retour du massacre des Nibelungen, combat son fils, mais le combat s’achĂšve cette fois dans la rĂ©conciliation. Le « JĂŒngeres Hildebrandslied », retrouvĂ© dans plusieurs manuscrits du XVe au XVIIe siĂšcle, propose lui aussi cet heureux dĂ©nouement[6].

Ce motif de l'affrontement du pĂšre et du fils illustre le passage de la sociĂ©tĂ© lignagĂšre Ă  la sociĂ©tĂ© hĂ©roĂŻque. Alors que dans la sociĂ©tĂ© lignagĂšre, l'essentiel rĂ©side dans la lignĂ©e et l'individu privilĂ©gie sa descendance par laquelle il survit, avec la sociĂ©tĂ© hĂ©roĂŻque apparaĂźt une nouvelle conception de l'outre-tombe, la « voie des dieux Â» rĂ©servĂ©e au hĂ©ros. Elle marque une transformation de la sociĂ©tĂ© oĂč un chef rĂ©unit autour de lui des compagnons qu'il a choisi et qui lui doivent davantage qu'au lignage dont ils sont issus. Ils doivent au besoin affronter des membres de leur lignage, voire leur propre descendance. Le seigneur devient le pĂšre et ses compagnons ses enfants[7].

Ce motif n’est pas exclusivement germanique, on le retrouve dans de nombreux pays sous diffĂ©rentes variantes, Ă  Rome, en Perse, en Russie, en Irlande, dans lesquelles le fils meurt de la main du pĂšre. L’issue tragique semble en consĂ©quence plus probable dans la version du bas Moyen Âge, la rĂ©conciliation passant pour rĂ©vĂ©latrice d’une Ă©poque aux mƓurs plus douces[8].

Un événement peu réaliste

L’hypothĂ©tique obligation morale de l’époque qui aurait obligĂ© le pĂšre, afin de prouver son honneur, Ă  affronter son propre fils paraĂźt peu crĂ©dible aux yeux du lecteur d’aujourd’hui. Probablement, elle ne l’était pas non plus pour l’auditeur contemporain, qui accordait sans doute plus d’importance Ă  la famille qu’au respect d’une Ă©thique guerriĂšre. Toutes les tentatives, jusqu’à prĂ©sent, de trouver dans le haut Moyen Âge une raison, que ce soit l’honneur, l’inflexible hĂ©roĂŻsme ou la culpabilitĂ©, qui pousserait le pĂšre Ă  affronter son fils, ont Ă©chouĂ©, rendant le rĂ©cit peu vraisemblable[9].

Annexes

Références

  1. Helmut von Boor, Richard Newald, Geschichte der deutsche Literatur, Vol. 1, C.H. Beck’sche Verlag, MĂŒnchen, 1949, p. 65.
  2. Klaus Graf, ‘’ Spannender Kulturgut-Krimi ‘’, 05.06.2004
  3. David E. Wellbery, ‘’Eine Neue Geschichte der deutschen Literatur’’, Berlin University Press, 2007, p. 40.
  4. Helmut von Boor, Richard Newald, Geschichte der deutsche Literatur, Vol. 1, C.H. Beck’sche Verlag, MĂŒnchen, 1949, p. 66.
  5. Depreux Philippe, « Ambitions et limites des réformes culturelles à l'époque carolingienne », Revue historique, 2002/3 n°623, p. 730-731.
  6. (de) Helmut von Boor, Richard Newald, Geschichte der deutsche Literatur, Vol. 1, C.H. Beck’sche Verlag, MĂŒnchen, 1949, p. 67.
  7. (de) Jan de Vries, « Das Motiv des Vater-Sohn-Kampfes im Hildebrandslied Â», Germanisch-romanische Monatsschrift, 34, p.257-274
  8. (de) David E. Wellbery, ‘’Eine Neue Geschichte der deutschen Literatur’’, Berlin University Press, 2007, p. 41
  9. David E. Wellbery, ‘’Eine Neue Geschichte der deutschen Literatur’’, Berlin University Press, 2007, pp. 44-45.

Bibliographie

  • (de) Christian Wilhelm, Michael Grein, Das Hildebrandslied, 1858
  • (de) Jan de Vries, « Das Motiv des Vater-Sohn-Kampfes im Hildebrandslied Â», Germanisch-romanische Monatsschrift, 34, p.257-274
  • (en) Frederick Norman, Three essays on the Hildebrandslied, Institute of Germanic Studies, University of London, 1973
  • Jacques Bril, L'Affaire Hildebrand ou le Meurtre du fils, collection Le Fait psychanalytique, Presses universitaires de France, 1989
  • (it) Laura Mancinelli : De Charlemagne Ă  Luther : La littĂ©rature allemande mĂ©diĂ©vale, Ă©d. Bollati Boringhieri, Turin, 1996 (ISBN 978-8-83390-963-9)
  • (en) Opritsa D. Popa, Bibliophiles and Bibliothieves. The Search for the Hildebrandslied and the Willehalm Codex, Berlin / New York: Walter de Gruyter, 2003, 265 p. 33 (ISBN 3110177307)
  • (de) Klaus DĂŒwel, Nikolaus Ruge, Hildebrandslied. In: Rolf Bergmann (ed.): Althochdeutsche und altsĂ€chsische Literatur. de Gruyter, Berlin/Boston 2013, (ISBN 978-3-11-024549-3), p. 171–183.

Traductions

  • Jules Michelet, Le Chant de Hildebrand
  • Jean-Jacques AmpĂšre

Liens externes

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