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Le Bouffon Barberousse

Le Bouffon « Barberousse Â», Don Cristobal de Castañeda y Pernia est une huile sur toile de Diego Velázquez (SĂ©ville, 1599 - Madrid, 1660) peint pour le palais du Buen Retiro Ă  Madrid et conservĂ©e au MusĂ©e du Prado depuis 1827. Elle appartient au groupe des portraits de bouffons et «hommes de plaisir» de la cour. peintes par Velázquez pour dĂ©corer les chambres secondaires et couloirs des palais royaux. Compte tenu de leurs caractères informels, le peintre a pu tester de nouvelles techniques expressives avec une plus grande libertĂ© que dans les portraits officiels de la famille royale.

Le Bouffon « Barberousse Â»
Artiste
Date
Type
Technique
Dimensions (H Ă— L)
198 Ă— 121 cm
No d’inventaire
P001199
Localisation

Histoire

Le portrait fut inventorié en 1701 au Palais du Buen Retiro comme « retratto de Vn Bufón, con hávito turquesco llamado pernea de mano de Velázquez y que estta por acavar[1] ». Il est marqué en noir du prix de 25 doublons. L'inventaire le mentionne avec cinq autres portraits de bouffons, tous de la main de Velasquez, au moins pour ceux qui purent être identifiés : Pablo de Valladolid et le Bouffon don Juan d'Autriche. Selon Jonathan Brown et John H. Elliott, Velasquez reçut de l'argent le pour des toiles (en nombre et thèmes indéfinis) pour décorer les alcôves du palais. D'après eux, les six portraits pourraient avoir été peints entre 1633 et 1634. Ils formeraient partie d'une série destinée à décorer les appartements privés de la reine au palais du Buen Retiro[2]. Cette hypothèse est contestée par José López-Rey qui ne pense pas que ces toiles forment une série, ni qu'il existât une «pièce des bouffons » au palais. Il discute leurs dates de mise en œuvre que ce portrait inachevé serait de 1637-1640[3].

La localisation concrète dans le palais fut donnée par Antonio Palomino. Par snobisme, il ne s'attarde pas sur ces portraits, et après avoir énuméré tous les personnages qui avaient posé pour le peintre depuis 1624, il expédie les bouffons par un phrase laconique « sans trop d'autres portraits de personnes célèbres, ceux de plaisir sont dans l'escalier qui sort au jardin des Royaumes du Palais du Buen Retiro : par où Sa Majesté descend prendre ses voitures[4] ».

En 1772, il Ă©tait dans la grande salle du Palais royal de Madrid oĂą Antonio Ponz le vit avec trois portraits de la famille royale Ă©galement de la main de Velazquez. Ponz, confondant le surnom avec le vrai et redoutable pirate barbaresque Khair ad Din, surnommĂ© Barberousse, il dĂ©clara que le portrait « reprĂ©sente un personnage africain, mais ce n'est pas l'authentique et cĂ©lèbre Barberousse, comme cela a Ă©tĂ© cru, Velazquez vĂ©cut beaucoup plus tard, sauf Ă  ce qu'il ait copiĂ© une toile plus ancienne. ». La toile fut inventoriĂ©e en 1789 dans la quatrième chambre du prince comme «portrait d'un Maure avec une Ă©pĂ©e Â» avec d'autres bouffons : Pablo de Valladolid et Don Juan d'Autriche, puis en 1811 comme « Portrait de FrĂ©dĂ©ric Barbe rouge Â». En 1816, elle fut intĂ©grĂ©e Ă  l'AcadĂ©mie royale des beaux-arts de San Fernando et en 1827 et rejoignit le musĂ©e du Prado. Elle apparut dans l'inventaire de 1834 comme « Portrait dit de Barberousse, le cĂ©lèbre pirate Â», une confusion qui dura encore de nombreuses annĂ©es.

Description

La toile montre un homme au regard arrogant et un peu grotesque, avec une Ă©pĂ©e dans une main et le fourreau dans l'autre. Il porte une robe et des chaussures rouges, « la turque Â», une chemises Ă  col blanc en dentelle, et d'une sorte de bonnet ou un turban rouge bordĂ©e de blanc. Ă€ l'Ă©paule, porte une cape grise mal terminĂ©. La couleur vive de la robe se dĂ©tache sur un fond brun foncĂ© peint de manière très irrĂ©gulière.

Le protagoniste de la peinture, Christopher Castaneda et Pernia, dit Barberousse. C'Ă©tait un bouffon, «l'homme de plaisir Â», clown ou «fou discret» qui faisait rire de ses blagues. Ses services Ă  la cour sont documentĂ©s de 1633 Ă  1649. Il tenait son surnom de son rĂ´le Ă  la cour, oĂą selon l'ambassadeur de Toscane, il Ă©tait premier des bouffons. Il Ă©tait Ă©galement torĂ©ro et remplit des missions au service du cardinal-infant Ferdinand d'Autriche. Sa spĂ©cialitĂ© pourrait avoir ĂŞtre des dictons cassants et drĂ´le, dont l'un lui a coĂ»tĂ© un bannissement Ă  SĂ©ville en 1634 : Alors que le roi avait demandĂ© s'il y avait des olives dans les forĂŞts de pins de ValsaĂ­n, Castaneda rĂ©pondit: « Señor, ni olivas ni olivares[5] » que le Comte-Duc d'Olivares prit pour une allusion malveillante.

En plus d'ĂŞtre rĂ©putĂ© inachevĂ©e comme indiquĂ© dans l'inventaire de 1701, le tableau prĂ©sente le problème d'ĂŞtre exĂ©cutĂ© avec une facture très diffĂ©rente pour la figure, avec des touches très espacĂ©es, presque sommaires et une couleur rouge dissonante sur le fond marron appliquĂ©e Ă  la brosse ou Ă  la spatule de façon très libre, Ă  la hâte, en opposition aux coups de pinceau brun polis de la cape que tient l'homme sur son l'Ă©paule et qui est finement terminĂ©e, de façon «presque sculpturale Â». Ainsi, il a Ă©tĂ© proposĂ© que deux personnes aient participĂ© Ă  cette toile. La cape serait peinte par quelqu'un d'autre que Velazquez. Alternativement, deux dates d'exĂ©cutions très Ă©loignĂ©es pourraient expliquer cette composition s'appuyant sur l'idĂ©e que VĂ©lasquez retouchait ses Ĺ“uvres plusieurs annĂ©es après d'une part et sur la grande libertĂ© qu'il acquit lors de son deuxième voyage Ă  l'Italie d'autre part. Ces dates, d'après JosĂ© Camon Aznar, seraient 1623 pour le portrait initial (mais Ă  cette Ă©poque Castañeda n'Ă©tait pas encore entrĂ© Ă  la cour), et son remaniement durant la pĂ©riode 1648 - 1653. Mais cette très longue pĂ©riode aurait impliquĂ© des changements profonds dans le visage que la radiographie ne montre pas. LĂłpez-Rey, qui dĂ©fend l'exĂ©cution par deux mains diffĂ©rentes, indique une date autour de 1637-1640 pour la peinture de VĂ©lasquez. La couche correspondant Ă  une seconde main serait du dix-huitième siècle, entre 1772 et 1794, puisque l'inventaire de cette annĂ©e n'indiquait pas que la toile Ă©tait inachevĂ©e, au contraire des prĂ©cĂ©dents.

L'Ă©tude technique de Carmen Garrido Ă©carte toutes ces spĂ©culations et met en relations la technique utilisĂ©e avec celle des deux autres bouffons peints pour le palais du Buen Retiro. Comme indiquĂ© dans cette Ă©tude du MusĂ©e du Prado par radiographie, l'utilisation de blanc de plomb de grande opacitĂ©, masque la figure reprĂ©sentĂ©e en raison de la lĂ©gèretĂ© des couches de peinture utilisĂ©s, tant le personnage que sur le fond. Mais cela mĂŞme permet de se prononcer contre une exĂ©cution en deux temps sĂ©parĂ©s par un grand nombre d'annĂ©es pendant lesquelles l'art du peintre avait subi des changements majeurs. Tant la prĂ©paration que la manière de rĂ©partir les couches de couleurs, avec des pigments plus lĂ©gers diluĂ©s dans une grande quantitĂ© de liant, sont les mĂŞmes que ceux utilisĂ©s dans les portraits royaux peints pour le Salon des Royaumes ; la seule Ă©volution est la plus grande libertĂ© dans l'usage de la brosse ou du pinceau. La couche est peinte directement sur le costume rouge et cette diffĂ©rence de traitement semble due Ă  l'utilisation du blanc de plomb appliquĂ© d'une manière plus compacte. C'est sans doute ces diffĂ©rents aspects entre la surface de la cape « finie » et le reste de la peinture, en particulier l'arrière-plan crĂ©Ă© Ă  l'aide coups de pinceau irrĂ©guliers et le visage flou, qui ont fait penser lors des premiers inventaires que la peinture Ă©tait «inachevé» ; et non pas la prĂ©sence de zones non-peintes qui auraient Ă©tĂ© cachĂ©es avec la cape. Il est plus probable que Velasquez ait voulu jouer avec le contraste des surfaces picturales en essayant de s'adapter au « touchĂ© Â» des tissus, comme il l'avait fait dans les lances oĂą le pardessus du soldat est une surface compacte, contrairement au reflet de l'armure et Ă  la texture de la soie.

Biographies

  • Fernando Bouza, Locos, enanos y hombres de placer en la corte de los Austrias. Oficio de burlas, Madrid, Ediciones Temas de Hoy, (ISBN 84-7880-126-X)
  • Jonathan Brown, Velázquez. Pintor y cortesano, Madrid, Alianza Editorial, , 322 p. (ISBN 84-206-9031-7)
  • Jonathan Brown et J.H. Elliott, Un palacio para el rey. El Buen Retiro y la corte de Felipe IV, Madrid, Alianza Editorial, (ISBN 84-292-5111-1)
  • « Velázquez », Catalogue de l'exposition, Madrid, MusĂ©e National du Prado,‎ (ISBN 84-87317-01-4)
  • (es) J. M. Pita Andrade (dir.), Corpus velazqueño. Documentos y textos, vol. 2, Madrid, Ministerio de educaciĂłn, cultura y deporte, DirecciĂłn general de bellas artes y bienes culturales, , 964 p. (ISBN 84-369-3347-8)
  • Carmen Garrido PĂ©rez, Velázquez, tĂ©cnica y evoluciĂłn, Madrid, MusĂ©e National du Prado, (ISBN 84-87317-16-2)
  • (en) JosĂ© LĂłpez-Rey, Velázquez. Catalogue raisonnĂ©, vol. II, Cologne, Taschen Wildenstein Institute, , 328 p. (ISBN 3-8228-8731-5)
  • (es) Fernando MarĂ­as Franco, Velázquez. Pintor y criado del rey, Madrid, Nerea, , 247 p. (ISBN 84-89569-33-9)
  • Antonio Palomino, El museo pictĂłrico y escala Ăłptica III. El parnaso español pintoresco laureado, Madrid, Aguilar S.A. de Ediciones, (ISBN 84-03-88005-7)

Fiction

  • Dans Leçons de tĂ©nèbres (Éditions de la DiffĂ©rence, 2002), traduit de l'italien, Lezioni di tenebre (2000), Patrizia Runfola (1951-1999) imagine un tĂ©moignage apparemment du Bouffon Barberousse, dans la nouvelle Les vagues de la terre[6].

Notes et références

  1. Portrait d'Vn Bouffon avec habit turc nommé Pernea de la main de Vélazquez et qui est à finir
  2. Brown y Elliott, Un palacio para el rey, p. 271-272.
  3. LĂłpez-Rey, p. 204-207.
  4. Palomino, p. 234.
  5. Seigneur, ni olives ni oliviers
  6. http://www.bibliomonde.com/livre/lecons-tenebres-6888.html

Liens externes

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