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La Ville dont le prince est un enfant

La Ville dont le prince est un enfant est une pièce de théâtre en trois actes d'Henry de Montherlant, publiée pour la première fois en 1951.

La Ville dont le prince
est un enfant
Dans la collection Soleil, no 133 paru en 1972.
Dans la collection Soleil, no 133 paru en 1972.

Auteur Henry de Montherlant
Nb. d'actes 3
Lieu de parution Paris
Éditeur Éditions Gallimard
Date de parution 1951
Nombre de pages 208
Date de création en français 1967
Lieu de création en français Théâtre Michel

Genèse de la pièce

La Ville dont le prince est un enfant (dont le titre est inspiré d’un verset de l’Ecclésiaste[1] : « Malheur au pays dont le roi est un enfant et dont les princes ont mangé dès le matin ») est l'une des premières œuvres de Montherlant, ébauchée dès 1912 sous le titre de Serge Sandrier[2], puis reprise et transformée pendant presque 40 ans avant d’être publiée en 1951 (version définitive : 1967). Cette pièce s’inspire de l’adolescence de Montherlant, et particulièrement de son renvoi du collège Sainte-Croix de Neuilly en 1912. Il s'y représente sous les traits d’André Sevrais. Le modèle de Serge, Philippe Giquel, deviendra un as de l'aviation durant la Première Guerre mondiale, puis un militant des Croix-de-Feu[3]. En 1971, un an avant sa mort, Montherlant écrira que l'inspirateur du personnage de Serge fut le seul être qu'il aima réellement de sa vie entière[4].

Son roman Les Garçons, publié en 1969, reprend et approfondit la même histoire (dans cette version, André Sevrais devient Alban de Bricoule, qui servit déjà de double à Montherlant dans Le Songe et Les Bestiaires). Montherlant avait lui-même pratiqué d’importantes coupes dans son roman. Une version intégrale paraîtra après sa mort, en 1973, avec des illustrations d’Édouard Mac-Avoy.

Intrigue

Dans un collège catholique, Serge Souplier, jeune garçon un peu rebelle, mais touchant de naturel, attire l'attention de l'abbé de Pradts et d'André Sevrais, un de ses camarades plus âgé. L'amour trouble et exigeant qu'éprouvent ces deux personnages pour le jeune garçon va les faire entrer en conflit après une tentative de coopération. Emporté par sa passion, l'abbé utilisera sa position d'autorité pour tenter de manipuler son rival adolescent, au prétexte de protéger le cadet, et finalement il sera entraîné par les événements qu'il aura provoqués.

Représentations

  • Montherlant fera reprĂ©senter la pièce pour la première fois le Ă  Genève (Suisse) par une troupe de comĂ©diens amateurs, afin de tester les rĂ©actions du public[5].
  • En 1963, le premier acte est jouĂ© au théâtre des Mathurins, Ă  Paris, en lever de rideau d'une autre pièce de Montherlant, Fils de personne. Le rĂ´le de Sevrais y est jouĂ© par Patrick Maurin (le futur Patrick Dewaere).
  • Elle sera enfin crĂ©Ă©e en totalitĂ© le (« gĂ©nĂ©rale ») au théâtre Michel, Ă  Paris, avec Paul Guers dans le rĂ´le de l'abbĂ© de Pradts, Didier Haudepin jouant Sevrais, Souplier Ă©tant jouĂ© en alternance par Philippe Paulino et Pascal Bressy. Elle sera jouĂ©e jusqu'en 1972, soit plus de 1 500 fois[6], avec une interruption en mai 68.
  • En 1970 Philippe Paulino reprend le rĂ´le de Sevrais. Lors de la « dernière » il sera avec Bernard Ristroph le comĂ©dien ayant jouĂ© la « gĂ©nĂ©rale » et la « dernière ».
  • En 1971, elle est reprĂ©sentĂ©e en tournĂ©e en Belgique par la troupe du Rideau de Bruxelles (mise en scène Jean Meyer - avec Philippe Paulino dans le rĂ´le de Sevrais)[7].
  • Un film de la pièce, tournĂ© en studio, est rĂ©alisĂ© par Jean Meyer, diffusĂ© une première fois en 1969 et rediffusĂ© le sur la 2e chaĂ®ne de l'ORTF[8] avec la distribution de la « gĂ©nĂ©rale ».
  • En 1974, elle est reprise au théâtre des Mathurins.
  • En avril 1994 elle est remontĂ©e au Théâtre HĂ©bertot avec Christophe Malavoy (l'abbĂ© De Pradts) et Claude Giraud (le supĂ©rieur)[9]. Malavoy et Michel Aumont (le supĂ©rieur) joueront dans un tĂ©lĂ©film adaptĂ© de la pièce rĂ©alisĂ© par Christophe Malavoy[10]. Guillaume Canet est Sevrais, le rĂ´le de Serge Souplier est tenu en alternance par quatre enfants : AurĂ©lien Wiik, Boris Roatta, Alexis Tomassian et Simon Milinkovitch. La pièce est ensuite jouĂ©e en tournĂ©e en France; Ă  cette occasion, NaĂ«l Marandin endosse le rĂ´le de Souplier, il sera plus tard Sevrais dans l'adaptation filmĂ©e de Christophe Malavoy.
  • En 2006, la pièce est montĂ©e Ă  Paris, au Théâtre du Nord-Ouest[11], avec une interprĂ©tation remarquĂ©e de Sevrais par le jeune Maxime Raoust[12].
  • En 2007, la pièce est montĂ©e Ă  Bruxelles, Ă  la ComĂ©die Claude Volter.

Publication

  • Édition prĂ©liminaire :
    • 1948 - Serge Sandrier (Ă©bauche de l'intrigue de la pièce, dont les premiers jets datent de 1912) - Ă©ditions Gilbert Drouin, avec 11 eaux-fortes de Mariette Lydis, tirage 250 exemplaires.
  • Éditions courantes :
    • 1951 - Paris, Gallimard, collection blanche.
    • 1955 - La PlĂ©iade - Théâtre, volume II, avec les premières Ă©bauches de la pièce.
    • 1963 - Paris, Gallimard, collection Soleil, reliure toilĂ©e bleue, rĂ©impression en 1972, tirage total environ 4100 exemplaires.
    • 1967 - Paris, Gallimard (texte remaniĂ©)
    • 1971 - Le Livre de poche
    • 1973 - Folio, de Gallimard (rĂ©Ă©ditĂ© en 1994)

La pièce est également intégralement publiée dans le no 436 () de L'Avant-scène théâtre.

  • Éditions de luxe :
    • 1952 - Plon, Ă©dition illustrĂ©e de photos de Marcelle d'Heilly, tirage 1600 exemplaires.
    • 1961 - SociĂ©tĂ© de bibliophiles « Hippocrate et ses amis» , lithographies d'Édouard Georges Mac-Avoy, tirage 130 exemplaires.
    • 1966 - Éditions Lidis, Imprimerie Nationale, L'Ĺ’uvre théâtrale complète (5 volumes), volume 4, avec des lithographies de Noe Canjura, tirage 3500 exemplaires.
    • 1967 - Bourg-la-Reine, Ă©diteur Dominique Viglino, illustrĂ©es de 21 burins originaux de Raymond Carrance, tirage 300 exemplaires.

Adaptation télévisuelle et DVD

Publication audio

Un coffret 3 disques 33 tours est publié par Pathé en 1958 (Grand prix de l’Académie Charles-Cros en 1958) avec Jean Desailly (abbé de Pradts), Pierre Gothot (Sevrais) et Jacques Simonet (Souplier). Pierre Gothot avait déjà tenu le rôle de Sevrais dans la représentation privée de à Liège.

Dans les bonus audio DVD du téléfilm réalisé par C. Malavoy, on trouve entre autres:

  • Extraits de l'enregistrement de la pièce en 1957 avec Jean Desailly et Jacques Simonet.
  • Extraits de la pièce mise en scène au théâtre Michel par Jean Meyer en 1967 avec Paul Guers et Philippe Paulino,
  • PrĂ©sentation et commentaires de Henry de Montherlant pour Les Garçons (1969).
  • Lecture des Garçons dans l'Ă©mission de radio « Un livre, des voix » sur France Culture en 1969.

Distribution : Didier Haudepin : Alban, Paul Guers : le récitant, Jean Topart : L'abbé de Pradts, Robert Party : Le supérieur, et Liliane Carolles : Mme de Bricoule.

Commentaires

Montherlant a pris beaucoup de précautions pour aborder le thème des amitiés particulières et de l'amour inavouable d'un adulte pour un enfant, surtout dans un environnement catholique. Craignant d'écrire un texte qui aurait dévalorisé la religion, il s'en est expliqué dans la longue préface et dans les appendices publiés avec la pièce.

À sa publication chez Gallimard, l'écrivain catholique Daniel-Rops publie dans le journal L'Aurore du un long article intitulé « La Ville dont le prince est un enfant peut-elle choquer les catholiques ou bien les satisfera-t-elle ? » qui, de l'aveu même de Montherlant, orienta favorablement la critique. Daniel-Rops répond dans sa conclusion :

« … il faudra être profondément catholique pour accepter cette pièce et en entendre toutes les véritables résonances. Mais ma conviction, quant à moi, est faite : ne la jugeront comme scandaleuse que les pharisiens. »

Georges Sion Ă©crit :

« Montherlant a ciselé avec beaucoup de soin les situations et les dialogues. L'univers un peu suranné du collège est bien rendu, et la force des émotions éprouvées par les personnages est évoquée sans emphase, restant toujours entre le naturel du quotidien et l'exaltation des sentiments[13]. »

Le personnage de l'abbé de Pradts est extrêmement complexe et attachant, tiraillé entre ses désirs humains et ses exigences spirituelles. Il dit au jeune Serge : « Dieu a créé des hommes plus sensibles que les pères, en vue d'enfants qui ne sont pas les leurs, et qui sont mal aimés, et il se trouve que vous êtes tombé sur un de ces hommes-là[14]. » Et à Sevrais qui vient d'être renvoyé et qui refuse cette fatalité : « Vous sourirez de tout cela quand vous aurez vingt ans », à quoi le garçon répond : « Non, je n'en sourirai jamais ! » En effet, Montherlant sera toute sa vie hanté par cet amour de jeunesse qui lui avait valu le renvoi du collège Sainte-Croix de Neuilly en 1912.

Jugements sur la pièce

  • « C'est une des plus belles pièces de la littĂ©rature mondiale moderne. » (Harold Robson, The Sunday Times)
  • « C'est la pièce la plus importante de notre théâtre depuis le dĂ©but du siècle. » (Jean Meyer, France-Soir)
  • « Cette pièce est forte et belle. La Ville m'apparaĂ®t comme une des pièces capitales de son théâtre, celle oĂą il s'est exprimĂ©, peut-ĂŞtre, de la façon la plus stricte. Montherlant a nourri La Ville du meilleur de son inspiration et de son art. » (Marcel Arland, Gazette de Lausanne, 1951)
  • « Cette pièce atteint Ă  l'extrĂ©mitĂ© du dĂ©pouillement et est sans doute l’œuvre la plus proche du gĂ©nie profond de Montherlant... Montherlant porte le scandale Ă  son point d'incandescence oĂą, par la vertu du gĂ©nie grave qui suscite une telle lueur, c'est la part noble de l'âme qui se trouve illuminĂ©e. » (Louis Pauwels, Arts, )
  • « Une manière de chef-d’œuvre, unique, je crois, dans notre littĂ©rature. Une pièce d'abord pĂ©nible par son sujet mĂŞme, mais d'une facture sobre, vigoureuse, et qui, pour finir, atteint au sublime. » (H. Gaillard de Champris, Revue dominicaine, MontrĂ©al, 1951)

Notes et références

  1. Ecc X,16 : « Malheur à toi, terre dont le roi est un jeune homme et dont les princes mangent au matin ».
  2. Le nom du personnage évoluera avec le temps, sous des prétextes divers : Serge Sandrier, Serge Soubrier, enfin Serge Souplier
  3. cf. "Philippe Giquel, le prince des airs", de Christian Lançon, sur le site Montherlant.be
  4. cf. Montherlant, "Mais aimons-nous ceux que nous aimons", Gallimard, 1973 - pp:216-217, Montherlant parle d'un rêve qu'il a fait « [ce rêve] m’a montré que cet être était le seul que j’aie aimé de ma vie entière, que mes autres amours n’avaient été que des caricatures de celui-là, et que le bonheur même avait été peu de choses après lui ».
  5. Voir l'article Yves Sandrier apportant une anecdote inédite sur cette représentation
  6. Article dans Télé 7 jours no 575, du 4 mai 1971.
  7. DĂ©tails sur le site Aspasia.be.
  8. La page du programme de télévision Télé 7 jours sur le site Base de données de films français avec image.
  9. « La Ville dont le prince est un enfant », sur Les Archives du Spectacle (consulté le )
  10. The Fire That Burns (lire en ligne)
  11. Notice sur cette représentation, sur le site Froggy's delight.
  12. Voir sur yanous.com.
  13. Georges Sion, Les Beaux-Arts, 1955.
  14. C'est dans le texte mais cela a été coupé lors de la mise en scène.
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