La Morale anarchiste
La Morale anarchiste est un essai de Pierre Kropotkine paru en 1889.
Arguments
La Morale anarchiste est l'une des principales Ćuvres de Pierre Kropotkine, un thĂ©oricien important du communisme libertaire. Il dĂ©veloppe dans cette Ćuvre l'idĂ©e selon laquelle le juge, le gouvernant et le prĂȘtre ont abusĂ© de la crĂ©dulitĂ© du peuple. La religion et la loi ne seraient que de fausses morales, la vraie morale Ă©tant naturelle, existant mĂȘme chez les espĂšces animales Ă des degrĂ©s diffĂ©rents. Cette morale ne serait alors pas une morale Ă tendance individualiste ou Ă©goĂŻste, comme le suggĂšre Bentham, ni une morale attachĂ©e aux idĂ©es de Kant ou Ă des prĂ©ceptes religieux. Cette morale serait une morale qui consisterait Ă la recherche de l'accomplissement du bien commun, de l'intĂ©rĂȘt de l'humanitĂ©. Kropotkine dit aussi que l'Homme a une nature Ă©goĂŻste, que, mĂȘme quand il accomplit le bien, c'est un peu pour son bien propre, c'est pour son bonheur ou pour se prĂ©server d'une peine ; par exemple, si un homme aide un pauvre, c'est pour se prĂ©server de la souffrance qu'il ressentirait Ă voir un autre souffrir. Pour son idĂ©e de morale naturelle, il se rĂ©fĂšre Ă Adam Smith, Ă©conomiste libĂ©ral, dont il rĂ©fute les idĂ©es individualistes, mais dont il apprĂ©cie une Ćuvre de jeunesse, ThĂ©orie des sentiments moraux.
Toutefois, il n'adopte pas une conception relativiste et dĂ©nonce par exemple la rĂ©pression de la Commune de Paris de 1871 par Adolphe Thiers. Il dit que l'Homme doit se fier Ă une morale qui dirait : "Traite les autres comme tu aimerais Ă ĂȘtre traitĂ© par eux dans des circonstances analogues." Il ajoute : "Le bonheur de chacun est intimement liĂ© au bonheur de tous ceux qui l'entourent." Kropotkine, Ă©tant d'un courant anarchiste, bien que divergent quelque peu de Proudhon ou de Bakounine, Ă©met une critique des autoritĂ©s sans concession. Il dit des rĂ©volutions que c'est une rĂ©action pour rĂ©tablir la solidaritĂ©. Kropotkine parle aussi de "vie inconsciente" pour expliquer une grande partie de la vie et de l'activitĂ© humaine. L'homme agit donc souvent spontanĂ©ment, sans rĂ©flĂ©chir aux consĂ©quences de ses actes. Et la morale est donc en grande partie inconsciente. Kropotkine dit ensuite que l'absence d'ordre, l'anarchie, serait prĂ©fĂ©rable aprĂšs avoir dĂ©lĂ©gitimĂ© la Justice qui s'exprime Ă travers le juge et la condamnation. Il considĂšre que l'Homme n'aura pas besoin de contraintes lĂ©gales pour l'empĂȘcher de commettre des fautes car il se fixera lui-mĂȘme ses contraintes morales.
Il y défend notamment que chacun des choix que nous effectuons est guidé par la recherche du plaisir ou l'évitement du déplaisir, mais que la considération de l'autre et l'entraide sont inscrits dans la nature humaine. L'auteur y attaque la morale religieuse, la morale kantienne de l'impératif catégorique, ou encore l'idée selon laquelle la mort de Dieu engendrerait la fin de toute morale possible. Néanmoins, le texte a aussi une dimension positive :
« Nous ne voulons pas ĂȘtre gouvernĂ©s. Mais, par cela mĂȘme, ne dĂ©clarons-nous pas que nous ne voulons gouverner personne ? Nous ne voulons pas ĂȘtre trompĂ©s, nous voulons quâon nous dise toujours rien que la vĂ©ritĂ©. Mais, par cela mĂȘme, ne dĂ©clarons-nous pas que nous-mĂȘme ne voulons tromper personne, que nous nous engageons Ă dire toujours la vĂ©ritĂ©, rien que la vĂ©ritĂ©, toute la vĂ©ritĂ© ? Nous ne voulons pas quâon nous vole les fruits de notre labeur ; mais, par cela mĂȘme, ne dĂ©clarons-nous pas respecter les fruits du labeur dâautrui ? »
Kropotkine, dans cette Ćuvre, montre finalement le rĂ©gime qui serait idĂ©al selon lui, un rĂ©gime qu'il juge possible, sinon inĂ©luctable : ce serait une sociĂ©tĂ© composĂ©e d'anarchie, donc d'absence d'autoritĂ©, et de communisme au sens alors non marxiste du terme. Il pense de la sociĂ©tĂ© qu'elle pourra et qu'elle saura concilier libertĂ© et Ă©galitĂ©. Il appelle les hommes Ă se soulever en toute circonstance d'inĂ©galitĂ© et d'injustice.