La Mer (Tristan L'Hermite)
La Mer est une ode de Tristan L'Hermite parue à la fin de l'année 1627 ou au début de 1628, dédiée à Gaston d'Orléans dit « Monsieur, frère du roi ». Il s'agit de la première plaquette imprimée du poète, qui signe de son pseudonyme Tristan sans mention de son nom de famille.
La Mer | |
Page de titre de l'édition originale | |
Auteur | Tristan L'Hermite |
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Pays | Royaume de France |
Genre | Ode |
Éditeur | Nicolas Caillemont |
Date de parution | 1627 ou 1628 |
Nombre de pages | 18 |
Chronologie | |
Une version corrigée, passant de trente-et-un à ving-cinq dizains, a été intégrée dans le recueil des Vers héroïques de 1648.
Présentation
Contexte
Tristan L'Hermite rentre au service de Gaston d'Orléans, après une période de disgrâce dont la cause reste inconnue[1], dans le courant de l'année 1627[2]. Ce prince, « qui manqua toute sa vie de caractère, et qui a trahi lâchement tous ceux qui s'étaient compromis pour lui, pouvait, dans sa première jeunesse, faire illusion aux personnes qui l'approchaient[3] ». Tristan l'accompagne dans sa participation au siège de La Rochelle[4], qui sert de cadre à sa composition.
Le jeune homme met à profit la relative « oisiveté de l'armée pour écrire une longue ode de trois cent-dix vers[5] », qui commence par une déploration sur la mort du sieur de Maricour, gentilhomme de Picardie et ami de Tristan, tué lors des combats autour de La Rochelle[6].
Dédicace
La strophe XXV explicite la dédicace adressée à Gaston d'Orléans[7] :
Divin GASTON, vois ce tableau |
Publications
L'arrivée du Louis XIII entraîne le retour de son frère à Paris dès le mois de novembre. Tristan « s'empresse de livrer son ode à l'impression, et elle est bientôt mise en vente sous ce titre : La Mer, à Monsieur, frère du Roi[8] ». Le poème compte alors trente-et-un dizains. De cette édition « rarissime », un seul exemplaire est conservé à la Bibliothèque nationale de France[8].
Dans sa biographie du poète, Napoléon-Maurice Bernardin émet un doute sur l'année de publication, maladroitement imprimée MDCXVII.I[8], et sur la gratitude du dédicataire : « Monsieur du moins se montra généreux dans une grande et longue maladie dont le poète ne tarda pas à être atteint — sans doute la phtisie qui finit par l'emporter[9] ». Dans les anthologies, la date de publication de La Mer est 1627[10] ou 1628[11]. Il s'agit de la première plaquette imprimée du poète, qui signe de son pseudonyme Tristan sans mention de son nom de famille[12].
Le poème est corrigé, et ramené de trente-et-un à ving-cinq dizains, dans le recueil des Vers héroïques en 1648[13]. Cette version a été longtemps la seule retenue par les éditeurs[14].
Analyse
Philippe Martinon relève que Tristan L'Hermite inaugure, avec ce poème, la forme du dizain d'octosyllabes sous la forme abab ccd ede[15] :
III |
V |
X |
Dès 1960, Amédée Carriat propose un rapprochement avec Le Cimetière marin de Paul Valéry, paru en 1920 : « Ne serait-ce pas Valéry qui parle lorsque la mer fait étinceler mille pointes de diamants[16] ? »
Cette étude détaillée a été réalisée en 1995, dans le cadre des Cahiers Tristan L'Hermite, autour des « possibles parentés entre les vingt-cinq dizains d'octosyllabes qui constituent l'ode de Tristan et le poème de vingt-quatre sizains de décasyllabes que Valéry nomme aussi ode[17] » — mais aussi des contrastes remarquables, puisqu'« il est seulement midi dans le poème de Valéry, et c'est la seule heure qui ne soit pas représentée dans l'ode de Tristan[18] ».
Postérité
Éditions nouvelles
En 1895, Napoléon-Maurice Bernardin publie en appendice de sa biographie de Tristan L'Hermite « sept strophes qui ont disparu de l'ode en 1648[19] ». En 1909, Adolphe van Bever reprend les vingt-cinq strophes de la version de La Mer intégrée dans une sélection de poèmes des Vers héroïques dans la collection « Les plus belles pages » pour le Mercure de France[20].
En 1925, Pierre Camo intègre La Mer dans sa sélection de poèmes des Vers héroïques[21]. Il s'agit de la première édition du recueil depuis 1648[22]. En 1960, Amédée Carriat retient dix-sept strophes de La Mer dans son Choix de pages de toute l'œuvre en vers et en prose de Tristan[23] : cette ode, l'Églogue maritime et La Maison d'Astrée lui apparaissent comme de « longs poèmes baroques[24] ». En 1962, Philip Wadsworth reprend l'ode complète dans son choix de Poésies de Tristan pour Pierre Seghers[25].
Critiques
Les avis sont partagés parmi les critiques littéraires : Jean Tortel estime que les poètes du début du XVIIe siècle sont « maladroits devant les grandes représentations naturelles, même Saint-Amant dans sa Solitude. La Mer, de Tristan, L'Ode sur une Tempête, de Théophile, sont froides[26] ». Napoléon-Maurice Bernardin juge également cette ode « encore assez faible[27] ». Antoine Adam est enthousiaste devant l'« une des plus belles choses que notre lyrisme ait produites à cette époque : chatoyante, toute semée d'images neuves et heureuses, très supérieure à coup sûr aux descriptions trop minutieuses de Saint-Amant[28] ».
Dès 1892, Pierre Quillard redécouvre le poème et s'émerveille de « la passion en lui quand Tristan parle de la mer : il l'a contemplée à toutes les heures du jour, il en a saisi le mystère, la force et la douceur[29] ».
Bibliographie
Édition originale
- Tristan L'Hermite, La Mer : à Monsieur, frère du Roy, Paris, Nicolas Caillemont, mdcxvii.i, 18 p. (lire en ligne)Seul exemplaire connu, conservé à la Bibliothèque nationale de France.
Œuvres complètes
- Jean-Pierre Chauveau et al., Tristan L'Hermite, Œuvres complètes (tome II) : Poésie I, Paris, Honoré Champion, coll. « Sources classiques » (no 41), , 576 p. (ISBN 978-2-7453-0606-7)
Anthologies
- Pierre Camo (préface et notes), Les Amours et autres poésies choisies, Paris, Garnier Frères, , XXVII-311 p.
- Amédée Carriat (présentation et annotations), Tristan L'Hermite : Choix de pages, Limoges, Éditions Rougerie, , 264 p.
- Adolphe van Bever (notice et appendices), Tristan L'Hermite, Paris, Mercure de France, coll. « Les plus belles pages », , 320 p.
- Philip Wadsworth (présentation et notes), Tristan L'Hermite : Poésies, Paris, Pierre Seghers, , 150 p.
Ouvrages généraux
- Philippe Martinon, Les Strophes : Étude historique et critique sur les formes de la poésie lyrique en France depuis la Renaissance, Paris, Honoré Champion, , 615 p.
- Collectif et Jean Tortel (éd.), Le préclassicisme français, Paris, Les Cahiers du Sud, , 374 p.
- Jean Tortel, Quelques constantes du lyrisme préclassique, p. 123–161
- Jean Tortel, Petit memento pour un demi-siècle, p. 232–259
Biographie
- Napoléon-Maurice Bernardin, Un Précurseur de Racine : Tristan L'Hermite, sieur du Solier (1601-1655), sa famille, sa vie, ses œuvres, Paris, Alphonse Picard, , XI-632 p.
Articles et analyses
- Cahiers Tristan L'Hermite, Les Fortunes de Tristan, Limoges, Éditions Rougerie (no XVII), , 72 p.
- Thérèse Lassalle, De Tristan à Valéry : images de la mer, p. 36–49
- Cahiers Tristan L'Hermite, Thèmes et variations, Limoges, Éditions Rougerie (no XXVIII), , 110 p.
- Lionel Philipps, Le Poète et le Prince dans les Vers héroïques : Agonie d'une relation mythique, p. 64–87
- Pierre Quillard, « Les poètes hétéroclites : François Tristan L'Hermitte de Soliers », t. V, Mercure de France, , 370 p. (lire en ligne), p. 317-333
Références
- Bernardin 1895, p. 112.
- Bernardin 1895, p. 122.
- Bernardin 1895, p. 124.
- Bernardin 1895, p. 128.
- Bernardin 1895, p. 128-129.
- Bernardin 1895, p. 105.
- Tristan L'Hermite 1628, p. 15.
- Bernardin 1895, p. 130.
- Bernardin 1895, p. 130-131.
- Memento 1952, p. 246.
- Carriat 1960, p. 21.
- Camo 1925, p. 300.
- Bernardin 1895, p. 270.
- Bernardin 1895, p. 282.
- Martinon 1912, p. 377.
- Carriat 1960, p. 16.
- Lassalle 1995, p. 36.
- Lassalle 1995, p. 45.
- Bernardin 1895, p. 585-587.
- Van Bever 1909, p. 101-111.
- Camo 1925, p. 215-222.
- Camo 1925, p. XXII.
- Carriat 1960, p. 30-34.
- Carriat 1960, p. 15.
- Wadsworth 1962, p. 107-113.
- Tortel 1952, p. 135-136.
- Bernardin 1895, p. 129.
- Cité par Carriat 1960, p. 232
- Quillard 1892, p. 328.