La DĂ©collation de saint Jean-Baptiste (Le Caravage)
La Décollation de saint Jean-Baptiste (en italien Decollazione di san Giovanni Battista) est un tableau de Caravage peint en 1608[1] et conservé dans la co-cathédrale Saint-Jean à La Valette à Malte.
Artiste | |
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Date |
vers 1608 |
Type | |
Technique |
Huile sur toile |
Dimensions (H Ă L) |
361 Ă 520 cm |
Mouvement | |
Localisation | |
Coordonnées |
35° 53âČ 52âł N, 14° 30âČ 46âł E |
Historique
Le tableau fut commandĂ© par le grand maĂźtre de l'ordre de Saint-Jean de JĂ©rusalem, pour ĂȘtre placĂ© en retable dans l'oratoire Saint-Jean, chapelle des novices de l'ordre. Il est probable que Caravage paya ainsi son accĂšs au noviciat. Le tableau ne quitta jamais son emplacement originel, destinĂ© Ă l'Ă©ducation religieuse des novices, aux rĂ©unions des Chevaliers, mais aussi au secours spirituel des condamnĂ©s Ă mort[2]. Le jour de l'inauguration du tableau, jour de la fĂȘte du saint-patron de l'ordre, Caravage n'assiste pas Ă la cĂ©rĂ©monie, arrĂȘtĂ© le jour mĂȘme pour la rixe du 18 aoĂ»t 1608.
Sujet
La DĂ©collation de Jean-Baptiste est un Ă©pisode du Nouveau Testament qui relate l'exĂ©cution du saint. Selon Marc[3], HĂ©rode, excĂ©dĂ©, fait arrĂȘter Jean et « le fait lier en prison ». Sa femme HĂ©rodiade veut faire tuer Jean mais HĂ©rode Antipas le protĂšge, car il le « [connaĂźt] pour un homme juste et saint » et « [l'Ă©coute] avec plaisir »[4]. SalomĂ©, la fille d'HĂ©rodiade demande pour sa mĂšre la tĂȘte de Jean Baptiste prĂ©sentĂ©e sur un plateau. HĂ©rode, fort attristĂ©, envoie cependant un garde dĂ©capiter Jean dans sa prison, placer sa tĂȘte sur un plateau et la prĂ©senter Ă SalomĂ©, qui l'offre Ă sa mĂšre HĂ©rodiade. Caravage respecte l'ordre des Ă©pisodes bibliques en rĂ©alisant ensuite SalomĂ© avec la tĂȘte de saint Jean-Baptiste (1607) et SalomĂ© avec la tĂȘte de saint Jean-Baptiste (1609) qui en sont les Ă©tapes suivantes.
Description
La reprĂ©sentation habituelle, qui expose la tĂȘte du saint dĂ©tachĂ©e du corps et transmise Ă SalomĂ© qui la porte ensuite sur un plateau, est ici, dans ce tableau, traduite par Caravage, qui immobilise souvent l'action, Ă un moment trĂšs prĂ©cis : le bourreau va terminer son office commencĂ© avec une Ă©pĂ©e (qu'on remarque par terre), en donnant, Ă saint Jean-Baptiste plaquĂ© Ă terre encore drapĂ© de sa cape rouge[alpha 1], et dont la tĂȘte est encore dans l'axe du corps, le coup de grĂące avec un petit poignard[alpha 2] qu'il tient encore dans son dos de la main droite[5]. Le geĂŽlier placĂ© au centre (trousseau de clefs Ă la ceinture), montre du doigt le plateau destinĂ© Ă recevoir la tĂȘte ; il est tenu par SalomĂ© placĂ©e Ă gauche ; entre les deux, une vieille servante se prend la tĂȘte entre les mains, en signe de terreur. La scĂšne se dĂ©roule dans la cour de la prison, qui laisse apercevoir sur la droite, une fenĂȘtre barrĂ©e, par laquelle deux prisonniers assistent, de loin, Ă l'exĂ©cution. Jean semble paradoxalement plus solitaire encore dans cette scĂšne de groupe que dans tous les tableaux prĂ©cĂ©dents dont il Ă©tait la seule figure. Tous les regards convergent vers son corps ligotĂ©, allongĂ© et placĂ© en pleine lumiĂšre au centre du tableau ; mais ses yeux sont dĂ©jĂ clos, et sa tĂȘte dĂ©tournĂ©e par le poing du bourreau n'offre plus le regard habitĂ© des Ćuvres plus anciennes. La peau de bĂȘte qui le dĂ©signe couramment est tout juste visible ; la scĂšne est suffisamment explicite sans qu'il soit besoin de dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment le personnage, notamment du fait de la prĂ©sence de SalomĂ© et du plateau.
Analyse
La scÚne, placée traditionnellement dans la cour d'une prison, figure les détails de la cour devant le palais du grand maßtre de l'Ordre des chevaliers de Malte, à La Valette. Les membres de l'ordre peuvent ainsi s'approprier la scÚne dans leur époque[2].
La signature du peintre (qui est assez rare dans ses Ćuvres) est tracĂ©e dans le sang mĂȘme de la victime sainte, libellĂ©e « Fra' Michel Angelo », titre qui rappelle son admission rĂ©cente, le , parmi les novices des chevaliers de l'ordre de Saint-Jean de JĂ©rusalem[alpha 3].
Postérité
La peinture fait partie du musée imaginaire de l'historien français Paul Veyne, qui le décrit dans son ouvrage justement intitulé Mon musée imaginaire[6].
Bibliographie
- GĂ©rard-Julien Salvy, Le Caravage, Paris, Ăditions Gallimard, coll. « Folio », , 316 p. (ISBN 978-2-07-034131-3), p. 248-253.
- Sybille Ebert-Schifferer (trad. de l'allemand par Virginie de Bermond et Jean-LĂ©on Muller), Caravage, Paris, Ă©ditions Hazan, , 319 p., 32 cm (ISBN 978-2-7541-0399-2), p. 297.
- Michel Hilaire, Caravage, le SacrĂ© et la Vie : 33 tableaux expliquĂ©s, Paris, Ăditions Herscher, coll. « Le MusĂ©e miniature », , 62 p. (ISBN 2-7335-0251-4), p. 58-59.
Notes et références
Notes
- couleur qui symbolise la passion
- appelé misericordia
- Le texte de la signature lui-mĂȘme porte Ă plusieurs interprĂ©tations : il peut ĂȘtre lu f. Michelang.o (frĂšre Michel-Ange) ou i. Michelang.o (peint par moi, Michel-Ange).
Références
- Sybille Ebert-Schifferer 2009, p. 297
- GĂ©rard-Julien Salvy 2008, p. 248-253
- Voir Ă©vangile selon Marc : Marc 6,14
- Marc 6,20
- Michel Hilaire 1995, p. 58-59
- Paul Veyne, Mon musĂ©e imaginaire, ou les chefs-d'Ćuvre de la peinture italienne, Paris, Albin Michel, , 504 p. (ISBN 9782226208194), p. 427.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (it) Le chef-d'Ćuvre du Caravage Ă Malte : la DĂ©capitation de saint Jean Baptiste, Finestre sull'Arte