L'Avantage de la science
L'Avantage de la science est la dix-neuvième fable du livre VIII de Jean de La Fontaine situé dans le second recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1678.
| L'Avantage de la science | |
Gravure de Pierre-Étienne Moitte d'après Jean-Baptiste Oudry, édition Desaint & Saillant, 1755-1759 | |
| Auteur | Jean de La Fontaine |
|---|---|
| Pays | |
| Genre | Fable |
| Éditeur | Claude Barbin |
| Lieu de parution | Paris |
| Date de parution | 1678 |
| Chronologie | |
Texte de la fable

Entre deux Bourgeois d’une Ville
S’émut[N 1] jadis un différend.
L’un était pauvre, mais habile ;
L’autre riche, mais ignorant.
Celui-ci sur son concurrent
Voulait emporter l’avantage :
Prétendait que tout homme sage
Était tenu de l’honorer.
C’était tout homme sot ; car pourquoi révérer
Des biens dépourvus de mérite ?
La raison m’en semble petite.
Mon ami, disait-il souvent
Au savant,
Vous vous croyez considérable ;
Mais, dites-moi, tenez-vous table[N 2] ?
Que sert Ă vos pareils de lire incessamment ?
Ils sont toujours logés à la troisième chambre[N 3] ,
Vêtus au mois de Juin comme au mois de décembre,
Ayant pour tout laquais leur ombre seulement.
La République a bien affaire
De gens qui ne dépensent rien :
Je ne sais d’homme nécessaire
Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien.
Nous en usons, Dieu sait : notre plaisir occupe
L’artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe,
Et celle qui la porte, et vous qui dédiez
Ă€ Messieurs les gens de finance
De méchants livres bien payés.
Ces mots remplis d’impertinence
Eurent le sort qu’ils méritaient.
L’homme lettré se tut, il avait trop à dire.
La guerre le vengea, bien mieux qu’une satire.
Mars détruisit le lieu que nos gens habitaient.
L’un et l’autre quitta sa Ville.
L’ignorant resta sans asile ;
Il reçut partout des mépris :
L’autre reçut partout quelque faveur nouvelle.
Cela décida leur querelle.
Laissez dire les sots ; le savoir a son prix.
— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, L'Avantage de la science, texte établi par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 326
Notes
- s'éleva
- on dit qu'un homme tient table, quand il a à son ordinaire plusieurs couverts pour les étrangers et les écornifleurs (Furetière)
- au troisième étage, donc dans une mansarde
