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L'Affaire Sextus, 81 avant J.C.

L’Affaire Sextus, 81 avant J.-C. est un docu-fiction historique britannique réalisé par Dave Stewart, coproduit par la BBC et Discovery Channel et diffusé au Royaume-Uni en 2005. Il est consacré à la reconstitution d’un des premiers procès menés par l'avocat Cicéron, notamment sur la base de son discours Pro Sexto Roscio Amerino (pour Sextus Roscius d'Amérie).

Synopsis

Nous sommes à Rome en 81 av. J.-C. (an 673 de Rome[1]). La seconde guerre civile entre Marius et Sylla s'est terminée, au profit de Sylla. Le riche propriétaire terrien Sextus Roscius est trouvé assassiné dans une ruelle mal famée du quartier de Subure. D'après le plaidoyer de Cicéron, « Sextus Roscius, revenant de dîner, fut tué près des bains du mont Palatin[2] ». Son fils, également nommé Sextus Roscius, dénué d'instruction et vivant dans les champs de son père loin de Rome : « Le jeune Sextus ne quittait jamais ses champs, où, conformément à la volonté de son père, il se livrait à l'administration domestique et rurale[3] », se voit accusé de parricide : il aurait agi pour se venger d'avoir été déshérité. L'accusation a été fabriquée par Erucius : « Sextus Roscius ; autant que je puisse en juger, a, dans ce moment trois obstacles à combattre : l'accusation intentée contre lui, l'audace de ses adversaires et leur pouvoir. Erucius s'est chargé du soin de fabriquer l'accusation[4] », chargé de ce rôle par Chrysogonus, l'affranchi favori de Sylla. Par chance, Sextus est protégé par Caecilia Metella, de la puissante famille des Caecilii Metelli. Elle demande au jeune avocat Cicéron, âgé de vingt-cinq ans et qui a déjà derrière lui un début de carrière prometteur, de se charger de la défense de Sextus Roscius. Le parti de l'accusation est puissant : Metella conseille à Cicéron de ne pas faire de vagues. Mais le jeune avocat trouve là l'occasion de se faire remarquer pour son talent et se lance dans une défense offensive. La majeure partie de son discours est fondée sur l'argument « Cui bono ? », à qui profite le crime : « Titus fut l'ennemi de Roscius, Sextus est son fils : lequel doit être présumé son assassin ? » Cicéron, lors du procès, prend un risque important : en effet, il va accuser Chrysogonus d'être lié à l'affaire et d'être en partie responsable du meurtre de Sextus Roscius, même si sa protectrice Cecilia Metella le lui déconseille.

Déroulement du procès

Le procès dure trois jours. Une foule y assiste, au Forum romain. En effet, Cicéron dit dans son plaidoyer: « Vous voyez quelle foule s'empresse pour assister à ce jugement [...] ici même, dans le forum, devant ce tribunal[5]. »

Dans le documentaire, le procès de Sextus Roscius se déroule uniquement de jour, respectant ainsi les procédures de la Rome antique. Cette règle, nécessaire pour pouvoir lire les preuves et voir les témoins, est inscrite sur la Loi des Douze Table, dans la procédure civile : "Si tous les deux sont présents, que le crépuscule mette fin au litige.".

Production

  • Les scènes d’extĂ©rieur ont Ă©tĂ© tournĂ©es au Maroc, qui fournit aussi des figurants pour la foule.


Anachronismes

  • CicĂ©ron dĂ©clare que Jules CĂ©sar est un avocat qui s’est fait connaĂ®tre en gagnant des batailles : c'est un anachronisme, en 81 av. J.-C., CĂ©sar, âgĂ© de 19 ans, n’avait exercĂ© aucune activitĂ© militaire ni plaidĂ© devant un tribunal[6].
  • La similitude avec le système anglo-saxon est telle qu'Erucius est prĂ©sentĂ© comme procureur, ce qui est un anachronisme, que corrige le commentaire off en rappelant que le ministère public n’existait pas Ă  cette Ă©poque. Erucius est plus exactement l’accusateur, qui avait le droit comme tout citoyen d’intenter une action devant le tribunal.
  • Du temps de CicĂ©ron, en 81 av. J.-C., on punit bien le parricide en cousant l'auteur du crime dans un sac et en le jetant Ă  l'eau[7]. Mais ce n'est qu'en 52~53 avant J-C que PompĂ©e Ă©crit la lex pompeia[8] qui inclut dans le châtiment les animaux mentionnĂ©s dans le documentaire.

Fidélité de l'adaptation

Le documentaire s'éloigne parfois du texte de Cicéron:

  • Le film montre de nombreuses fois Cecilia Metella s'impliquer hardiment dans le procès : elle y assiste, conseille CicĂ©ron, etc. Or, dans le plaidoyer de CicĂ©ron, il est Ă©crit que Cecilia ne fait que s'occuper de son hĂ´te, Sextus Roscius, et le protĂ©ger : « Certes, la manière dont on le dĂ©fend ne doit pas offenser ses adversaires ; ils ne peuvent pas dire qu'ils soient Ă©crasĂ©s par la puissance. Cecilia s'acquitte de tous les soins domestiques ; et Messalla, comme vous le voyez, s'est chargĂ© de la conduite du procès. Il plaiderait lui-mĂŞme, s'il avait assez d'âge et de force, mais sa jeunesse et cette pudeur qui en est le plus bel ornement, ne lui permettent pas ; et comme il sait quelle est et quelle doit ĂŞtre mon ardeur Ă  seconder ses gĂ©nĂ©reux desseins, il m'a confiĂ© le soin de porter la parole[9] ».
  • Dans le docu-fiction "L’Affaire Sextus, 81 avant J.-C" prĂ©sentĂ© comme un documentaire par la BBC, il est dit Ă  30:00 que Chrysogonus Ă©tait en chemin vers Rome or, dans le plaidoyer de CicĂ©ron, il en n'est fait aucune mention.
  • Le film montre que CicĂ©ron est effrayĂ© Ă  l'idĂ©e de dĂ©fendre le jeune Roscius comme dans le passage Ă  03 minutes et 23 secondes, on constate que CicĂ©ron est appeurĂ© au nom de "Chrysogonus", et demande d'une voix fĂ©brile pourquoi l'avoir choisi lui. Par la suite on remarque une expression faciale qui affiche une sorte d'effroi de la part de ce-dernier, et Sextus dit "regarde le battre en retraite comme tous les autres", ce qui n'est pas en accord avec les propres paroles de CicĂ©ron dans son plaidoyer : "Vos espĂ©rances ont Ă©tĂ© déçues, et vous voyez, Érucius, que tout a changĂ© de face ; que la cause de Sextus est plaidĂ©e, sinon avec Ă©loquence, du moins avec courage. Vous pensiez qu'il Ă©tait abandonnĂ©; on ose le dĂ©fendre que les juges le livreraient sans examen; ils veulent prononcer un arrĂŞt Ă©quitable." [10]. Ainsi, CicĂ©ron se prĂ©sente comme constamment dĂ©terminĂ© et courageux dans son plaidoyer, Ă  l'inverse du documentaire qui le prĂ©sente parfois hĂ©sitant et effrayĂ©.
  • Dans le documentaire, Metella Cecilia est prĂ©sentĂ©e comme ayant une dette envers la famille de Roscius, car Sextus Roscius, père, aurait toujours Ă©tĂ© loyal envers la famille de Cecilia. "His father was loyal to my family always. (...) It is my duty to help his son" TimeCode : 2'30". Mais cette information n'est prĂ©cisĂ©e nulle part dans le texte ou ailleurs. Le seul lien entre Sextus Roscius, père, et Metella Cecilia explicitĂ© dans le plaidoyer est celui d'une amitiĂ©. "X. Dès qu'il s'en fut aperçu, celui-ci, de l'avis de ses amis et de ses parents, vint Ă  Rome se rĂ©fugier auprès de CĂ©cilia, fille de NĂ©pos, l'amie de son père"[11], en latin dans le texte : "qua pater usus erat plurimum", le verbe "usus erat" signifie ici, "Ă©tait en relation avec".

En revanche, le documentaire est fidèle sur certains points :

  • Le dĂ©roulement du procès est historiquement exact : sĂ©ance publique sur l’esplanade d’un temple sur le forum, jury composĂ© de sĂ©nateurs reconnaissables Ă  la bande rouge de leur vĂŞtement, procès Ă©talĂ© sur trois jours, interrogatoire et contre-interrogatoire des tĂ©moins par l’accusateur et le dĂ©fenseur uniquement, plaidoiries finales, vote pour le verdict Ă  l’aide de tablettes marquĂ©es A (Absolvo) ou C (Condamno).
  • Les personnages d'Erucius, Capiton, Magnus, Sextus, Lucius Cornelius Chrysogonus, Tiro ont tous existĂ©, de mĂŞme que Caecilia Metella. En revanche, il est dĂ©crit un lien de parentĂ©, celui de cousin, pour les personnages de Capiton[12] et Titus Magnus[13] au personnage de Roscius fils, alors que cette relation n'est mentionnĂ©e nulle part dans le plaidoyer de CicĂ©ron. En ce qui concerne le rĂ´le de Cecilia Metella, c'est une crĂ©ation du scĂ©nariste, et quelques erreurs minimes se trouvent dans les scènes imaginĂ©es autour de Cecilia : on la prĂ©sente par exemple sous le nom de Cecilia Metellus, au lieu de Cecilia Metella (accord au fĂ©minin).
  • Le film reprend la punition du calomniateur Ă©voquĂ©e dans le plaidoyer de CicĂ©ron. En effet, au dĂ©but du documentaire, le personnage de CicĂ©ron met en garde son adversaire Erucius Ă  propos de son accusation de parricide envers l'accusĂ© Roscius : il lui rappelle qu'il risque de recevoir la lettre K, faisant rĂ©fĂ©rence au terme "Calumniator", imprimĂ©e sur son front si l'accusateur Ă©met volontairement des fausses accusations donc des calomnies. Comme dans l'adaptation, CicĂ©ron fait la mĂŞme mise en garde dans son plaidoyer pour Roscius fils : « Mais si vous accusez un fils d'avoir tuĂ© son père, sans pouvoir dire ni pourquoi, ni comment il l'a tuĂ©; si vous aboyez, sans que rien excite le soupçon, l'on ne vous assommera pas; mais, ou je connais mal les juges qui nous Ă©coutent, ou cette lettre, qui vous est tellement odieuse que vous avez toutes les lettres en aversion, vous sera imprimĂ©e sur le front, de manière que vous ne pourrez plus accuser que votre mauvaise fortune. »[14]
  • La valeur des biens de Sextus et le prix d'achat dans le film sont exacts comme l'indique le texte original : « Quel en est l'objet? Ce sont les biens du père de Sextus. Ces biens, dont la valeur est de six millions de sesterces, un jeune homme aujourd'hui tout puissant dans Rome, L. Cornelius Chrysogonus, dit les avoir achetĂ©s deux mille sesterces, d'un citoyen cĂ©lèbre par sa valeur et ses exploits, et dont je ne prononce le nom qu'avec respect, de L. Sylla. »[9]
  • Le docu-fiction de la BBC nous prĂ©sente CĂ©cilia Metella. Celle-ci n'est pas prĂ©sentĂ©e comme la femme de Sylla : Caecilia Metella Dalmatica, ce qui corrobore avec le texte latin contrairement Ă  l'Ă©dition de M. Nisard de 1848. En effet le texte latin fait mention de « Caecilia Baliarici filia, Nepotis sororem [9] » (CĂ©cilia, fille de Baliaricus, sĹ“ur de NĂ©pos). Elle ne s'appelle pas Dalmatica. Nous ne connaissons pas la date de naissance et mort, nĂ©anmoins nous connaissons celle de son frère : Quintus Caecilius Metellus Nepos (135 av. J.-C.- 55 av. J.-C.) ; le procès se passant en 81 av. J.-C. (an 673 de Rome). Les dates concordent.

Fiche technique

  • Titre français : L’Affaire Sextus, 81 avant JĂ©sus-Christ
  • Titre original : Murder in Rome
  • RĂ©alisation : Dave Stewart
  • ScĂ©nario : Collin Swash d’après le plaidoyer Pro Roscio de CicĂ©ron
  • Superviseur du script : Carole Salisburg
  • Consultant historique : Tom Holland
  • DĂ©cors : Samiri Menouer
  • Son : Andrew Yarme
  • Musique : John Waddell, Will Parnell
  • Costumes : Hassan Taghriti
  • Éditeur : Nicolas Packer
  • Directeur de la photographie : Paul Kirsop
  • Production : Dave Stewart pour la BBC/Discovery Channel avec la participation de France 3, Ahmed Abounouom pour le Maroc
  • Pays : Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
  • Langue : anglais, latin
  • DurĂ©e : 50 minutes
  • Date de première diffusion :

Distribution

Notes et références

  1. Selon Nisard, dans Plaidoyer pour Sextus Roscius par Cicéron, Discours deuxième, Introduction
  2. Cicéron, Plaidoyer pour Sextus Roscius d'Amérie, paragraphe VII, tome deux, traduction en français publiée sous la direction de Nisard.
  3. Plaidoyer pour Sextus Roscius d'Amérie, paragraphe VII, tome deux, traduction en français publiée sous la direction de Nisard.
  4. Plaidoyer pour Sextus Roscius d'Amérie, paragraphe XIII, tome deux, traduction en français publiée sous la direction de Nisard.
  5. Plaidoyer pour Sextus Roscius d'Amérie, in Œuvres complètes de Cicéron, traduction de Nisard, Tome 2, Paris, 1848, chapitre 5.
  6. Velleius Paterculus, Histoire romaine Livre II, 41,2 : « Il avait environ dix-huit ans à l’époque où Sylla s’empara du pouvoir ». En effet, l’avènement de Sylla avait eu lieu en 82 av. J.-C., ce qui donne 100 av. J.-C. comme date de naissance de César. Or, le procès se déroule en 81 av. J.-C.
  7. Cicéron, Pro Roscio Amerino, 25, 26, 72 ; De inventione, II, 50, 148 ; Ad Quintum, I, 2, 2, 5.
  8. « Lex Pompeia de parricidiis ( Mommsen ) », sur droitromain.univ-grenoble-alpes.fr
  9. Plaidoyer pour Sextus Roscius d'Amérie, LI.
  10. Cicéron, Plaidoyer pour Sextus Roscius d'Amérie, paragraphe XXII, tome deux, traduction en français publiée sous la direction de Nisard.
  11. Plaidoyer pour Sextus Roscius d'Amérie, paragraphe X, tome deux, traduction en français publiée sous la direction de Nisard.
  12. Ă  11 minutes et 28 secondes du film
  13. Ă  16 minutes et 18 secondes du film
  14. Cicéron, Plaidoyer pour Sextus Roscius d'Amérie, paragraphe XX, tome deux, traduction en français publiée sous la direction de Nisard.

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