Kinji Imanishi
Kinji Imanishi (今西 錦司, Imanishi Kinji) est un écologue, primatologue[1] - [2] et anthropologue japonais né le et mort le .
Nom de naissance | 今西錦司 |
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Naissance | |
Décès | |
Nationalité | japonais |
Profession |
Imanishi a été le premier, dans les années 1950, à parler de cultures animales. Considéré comme le cofondateur de la primatologie au Japon avec Jun'ichirō Itani, il est en outre à l'origine de l'Institut de recherche sur les primates de l'université de Kyōto.
Son ouvrage le plus connu s'intitule Le Monde des êtres vivants.
Des recherches suggèrent que les idées d'Imanishi peuvent aujourd'hui être utiles pour étudier la question des rapports entre espèces et communautés d'espèces (concernant, par exemple, la question du microbiome)[3].
Les macaques de Koshima laveurs de patates
« Dès 1952, Kinji Imanishi, qui est déjà un biologiste de premier plan, publie un article intitulé Evolution of Humanity. Il y évoque le succès rencontré par les primatologues japonais pour approvisionner les macaques de la presqu'île de Koshima, au sud du Japon[4]. »
En , les macaques (macaca fuscata) de la presqu'île de Koshima commencent à être approvisionnés. En , une femelle, F-111 âgée d'un an et deux ou trois mois, porte une patate douce dans un ruisseau qui coule près de la plage de sable. De ses deux mains elle lave le légume pour enlever le sable avant de le manger. En , Shunzo Kawamura observe la troupe de macaques avec Masao Kawai ; le mâle M-10, qui a un an de plus que F-111, lave lui aussi les patates douces. En un autre mâle M-12 d'un âge similaire adopte le même comportement. La mère, F-105, de F-111 montre un comportement sensiblement différent. Très attentive à la nouvelle pratique observée, elle ne se résout à l'adopter que plus tard.
« En , l'acquisition des nouvelles pratiques « culinaires » s'accélère. » Quatre singes trempent les patates dans de l'eau de mer. Shunzo Kawamura explique cette situation en recourant à la notion « d'opportunité d'imitation ». M-10 et M-12 ont acquis le comportement par le jeu et la proximité sociale avec F-111. « Que F-105 soit le seul adulte à avoir acquis le comportement peut être attribué à l'intensité de la relation mère/enfant »[5].
Dès l'automne 1955, lors de la réunion générale de la société japonaise d'éthologie, Kinji Imanishi et Shunzo Kawamura n'hésitent pas à parler de culture chez les singes sauvages japonais. L'observation continue et au cours des années onze à trente singes de la troupe plongent des patates dans l'eau et en 1958 ils sont dix-sept, trente-six en 1962 sur cinquante-neuf membres (73,4 %). Le nouveau comportement se répand à travers la génération la plus jeune et dans les groupes apparentés à travers les lignées maternelles[6].
« F-111 ne s'est par ailleurs pas arrêtée là. Elle invente d'autres comportements. Pour séparer le sable et le blé, par exemple, elle les jette dans l'eau. Quant au lavage du froment, en 1959, huit macaques recourent à cette pratique inventée par Imo[7]. »
« Ces travaux étonnants ne commencent à être connus des primatologues étrangers qu'à partir de 1957. Les primatologues japonais sont, en effet, les premiers à aborder les cultures singes. Pourquoi eux ? »[8]. Le bouddhisme insiste sur l'affinité entre l'homme et l'animal et sur le lien qui unit toutes les créatures vivantes. Le « groupisme » des Japonais, qui les conduit à privilégier les petits groupes et les relations personnelles, incite les primatologues à se focaliser sur les interactions entre des animaux bien identifiés, à montrer les différences comportementales entre groupe et à s'intéresser à ces derniers plutôt qu'à l'espèce en général.
Bibliographie
- Le monde des êtres vivants : une théorie écologique des êtres vivants (trad. du japonais), Marseille, Wildproject, , 190 p. (ISBN 978-2-918490-07-4), traduction de Seibutsu no sekai (生物の世界), 1941.
- La liberté dans l'évolution : le vivant comme sujet (trad. du japonais), Marseille, Wildproject, , 192 p. (ISBN 978-2-918490-52-4), traduction d'Augustin Berque de Shutaisei no shinkaron (主体性の進化論), 1980.
- Comment la nature fait science : Entretiens, souvenirs et intuitions (trad. du japonais), Marseille, Wildproject, , 280 p. (ISBN 978-2-381140-353), traduction d'Augustin Berque de Shinzengaku no teishō (自然学の提唱), 1987.
Notes et références
- (en) Tetsuro Matsuzawa et William C. McGrew, « Kinji Imanishi and 60 years of Japanese primatology », Current Biology, vol. 18, no 14, , R587-R591 (ISSN 0960-9822, DOI 10.1016/j.cub.2008.05.040, lire en ligne).
- (en) Hiroyuki Takasati, « Imanishi, Kinji », The International Encyclopedia of Primatology, John Wiley & Sons, Inc., , p. 1 (DOI 10.1002/9781119179313.wbprim0351, résumé), in (en) Agustín Fuentes (dir.), The International Encyclopedia of Primatology, Chichester, West Sussex, John Wiley & Sons, Inc., , xlvii + 1535, 3 volumes (ISBN 978-0-470-67337-9 et 0-470-67337-0, DOI 10.1002/9781119179313, lire en ligne).
- (en) Droz Laÿna, Romaric Jannel et Christoph D. D. Rupprecht, « Living through multispecies societies: Approaching the microbiome with Imanishi Kinji », Endeavour, , p. 100814 (ISSN 0160-9327, DOI 10.1016/j.endeavour.2022.100814, lire en ligne, consulté le )
- Dominique Lestel dans Les origines animales de la culture, livre de poche Flammarion, Champs essais, 2001, page 122.
- Les origines animales de la culture, page 123.
- De ces mêmes observations de 1958, il faut lire aussi l'article en ligne fort intéressant de la revue La Recherche : « Machiavel chez les macaques »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) sur les systèmes de dominance matrilinéaire décrites par Masao Kawai et Shunzo Kawamura disciples de Kinji Imanishi.
- Les origines animales de la culture page 123.
- Les origines animales de la culture page 126-127. Cette question de Dominique Lestel et les éléments de réponse qu'il donne a frappé aussi François Flahault dans Où est passé le bien commun ? (page 91) car les primatologues japonais ne jetaient pas sur les singes le même regard que les occidentaux parce qu'ils n'étaient pas marqués par la tradition dualiste qui établit une coupure entre l'homme et les animaux et qu'ils étaient plus disposés à reconnaître une individualité à chacun des membres du groupe de singes qu'ils observaient.
Liens externes
- Sylvie Briet, « Chez certains animaux on peut parler de culture », Libération Week-End, le 17 novembre 2001. Interview de Frans de Waal.
- (en) The Kinji Imanishi Archive.
- Kaluchua - Cultures, techniques et traditions des sociétés animales.
- La subjectité dans l’évolution, Séminaire « Poétique de la Terre », Compte rendu du cours du vendredi .