Khirbet Qeiyafa
Khirbet Qeiyafa est un tel identifié en 2008 avec la ville biblique de Sha'arayim (שעריים) ou forteresse d'Elah par les archéologues Saar Ganor et Yosef Garfinkel. C'est une ville du début de l'âge de fer II, à l'époque supposée du roi David. Un ostracon en hébreu ancien y a été découvert.
Khirbet Qeiyafa Sha'arayim - Forteresse d'Elah | ||
Le tel vu d'avion | ||
Localisation | ||
---|---|---|
Pays | Israël | |
Coordonnées | 31° 41′ 47″ nord, 34° 57′ 26″ est | |
Géolocalisation sur la carte : Israël
| ||
Le site de Khirbet Qeiyafa se trouve dans le territoire de la Tribu de Juda, à l'ouest de la Shephelah, sur une colline qui surplombe la vallée d'Elah, entre Azéqa (2 km plus à l'ouest) et Sokho (2 km au sud-est). Elle se trouve près de la frontière avec les Philistins, près de Gath (12 km plus bas à l'ouest), sur la route principale qui mène de la plaine côtière philistine à Jérusalem et Hébron dans les montagnes israélites.
Le site archéologique
Le site est visité au XIXe siècle par plusieurs archéologues, puis oublié jusqu'à être visité à la fin du XXe siècle par une large prospection de la vallée. En 2008, des excavations sont entreprises par Saar Ganor et Yosef Garfinkel sur une durée totale de 7 semaines.
Il s'agit d'un site du tout début de l'âge de fer IIA, recouvert par une toute petite ville de la période hellénistique. Il est daté relativement par l'absence de bols philistins "bell-shaped" (Tel Qasile X, Tel Miqneh IV), spécifique de l'âge de Fer I, et par des datations au carbone 14 de 4 noyaux d'olives entre -1050 et -970.
C'est un site de 2,3 hectares, fortifié par une double muraille (mur à casemate - casemate wall) de 2 à 3 mètres de haut, et de deux portails dont un à 4 chambres et l'autre massif (entouré de deux pierres de 10 tonnes) qui est l'entrée principale, tournée vers Jérusalem à l'est. Plusieurs archéologues ont proposé l'identification du site avec la Sha'aryim biblique avant la découverte du second portail (en hébreu, sha'arayim signifie deux portes). Pour Ganor et Garfinkel la découverte du second portail en novembre permet d'identifier le site avec certitude, car c'est le seul site de tout Israël à avoir deux portails. Cependant Nadav Na'aman propose lui la ville de Gob[1] - [2], et réfute, après que le deuxième portail ait été découvert, la signification littérale de double porte, à laquelle il préfère le sens de porte dans le sens de frontière[3].
On y a retrouvé l'ostracon de Khirbet Qeiyafa, qui pourrait être la plus ancienne trace d'ancien hébreu trouvée à ce jour[4].
Cette découverte permet à Ganor et Garfinkel d'attribuer ce site à la tribu de Judah, ce que confirme la porte principale dirigée vers Jérusalem, la différence avec les poteries retrouvée dans la voisine philistine Gath, notamment l'absence de poterie philistine décorée tardive et l'absence d'os de porc dans les restes découverts.
Une autre découverte majeure est celle de sanctuaires portables (vus aussi comme des maquettes de sanctuaires) l'un en argile, l'autre en calcaire dont les façades comportent des triglyphes qui d'une part sont bien antérieurs à leur utilisation en Grèce et d'autre part pourraient correspondre à d'obscurs termes techniques utilisés dans la Bible pour la description du Temple de Salomon[5]. Ils montrent une maîtrise des éléments d'architecture royale antérieure de 150 ans aux estimations précédentes[5].
Dans les textes bibliques
La première occurrence de Sha'arayim se trouve dans la description de l'héritage de la Tribu de Juda en Josué 15, juste après les villes Sokho et Azéka.
« Dans la plaine, Eshtaol, Tsoréa, Ashna, Zanoach, En-Gannim, Tappouah, Énam, Yarmuth, Adoullam, Sokho, Azéka, Shaaraïm, Adithaïm, Guédéra, et Guédérothaïm, quatorze villes et leurs villages; »
Dans le Premier livre de Samuel (17:52), les Philistins s'enfuient par la route de Sha'arayim après que David a tué Goliath.
« Alors les hommes d'Israël et de Juda se levèrent, jetèrent des cris de joie, et poursuivirent les Philistins jusqu'à l'entrée de la vallée, et jusqu'aux portes d'Ékron ; et les Philistins blessés à mort tombèrent par le chemin de Shaaraïm, jusqu'à Gath, et jusqu'à Ékron. »
La ville est ensuite mentionnée en 1 Chronique 4, cette fois parmi l'héritage de Siméon.
« Fils de Siméon: Némuel, Jamin, Jarib, Zérach, Saül; Shallum, son fils; Mibsam, son fils, et Mishma, son fils.Fils de Mishma: Hamuel, son fils; Zaccur, son fils; Shimeï, son fils. Shimeï eut seize fils et six filles; ses frères n'eurent pas beaucoup d'enfants, et toutes leurs familles ne se multiplièrent pas autant que les fils de Juda. Ils habitèrent à Béer-Shéba, à Molada, à Hatsar-Shual, A Bilha, à Etsem, à Tholad, A Béthuel, à Horma, à Tsiklag, A Beth-Marcaboth, à Hatsar-Susim, à Beth-Biréï et à Shaaraïm. Ce furent là leurs villes jusqu'au règne de David. »
Cette occurrence pose problème car elle situerait la ville dans le Néguev. Toutefois à la même place dans trois listes similaires (Josué 15, Josué 19, et 1Chronique4) on trouve respectivement Shilhim, Sharuhen et Sha'arayim. Il pourrait s'agir d'une erreur de copie par un scribe.
Le contexte biblique situe Sha'arayim sur la frontière entre les Philistins et les Israélites. Gath, la ville de Goliath se trouve à 12 km en descendant les collines. C'est une région de conflit permanent entre les Israélites et les Philistins, comme l'illustrent les nombreuses histoires de guerriers dont celles de Goliath. L'histoire de Samson se déroule autour de Bet Shemesh, à proximité dans la Shéphélah.
Datation du Fer IIA
Cette découverte archéologique apporte des éléments nouveaux à la controverse sur le début du Fer II. Finkelstein propose une chronologie basse[6] (début du fer II autour de 920), suivi par Sharon et al (900)[7]. Cette découverte est un point en faveur des chronologies hautes. Garfinkel pense que les analyses faites en faveur d'une chronologie basse reposent uniquement sur des éléments plus tardifs du fer II, des strates comme Megiddo Vb n'ayant jamais été soumises à des datations radiométriques. Khirbet Qeiyafa daterait selon lui des années 1020-980[8].
Sha'arayim est associée deux fois à David avant qu'il ne devienne roi, donc à l'époque charnière entre les royaumes de Saül et David. Les défenses massives (200 000 tonnes de pierre selon Garfinkel et Ganor) de la ville sont en faveur d'une organisation politique centralisée dans le pays, comme le proposent A. Mazar[9] et L. Stager[10], plutôt que des organisations autonomes locales comme le proposent Finkelstein[6] et Herzog[11]. Elles indiquent également que ce type de fortification est possible au début du Fer II, ce qui a des implications pour les datations de Arad XI, Beer-Sheva VI et Lachish IV.
Polémique
Les découvertes de Khirbet Qeiyafa donnent lieu à une vive polémique entre les tenants de l'« archéologie biblique » et ceux qui nient l'existence d'un royaume de David et de Salomon[12].
Selon le professeur Garfinkel, « C'est la première fois que les archéologues ont découvert une ville fortifiée en Juda datant de l'époque du roi David. Même à Jérusalem, nous n'avons pas une évidence claire d’une ville fortifiée de cette époque. Ainsi, les écrits qui nient complètement la tradition biblique en ce qui concerne le roi David et prétendent qu'il était un personnage mythologique, ou tout simplement un chef de file d'une petite tribu, sont maintenant réfutés »[8].
Ces conclusions sont remises en cause par Israël Finkelstein qui, lui, penche plutôt pour un site nord-israélite ayant été détruit durant la seconde partie du xe siècle av. J.-C. et ne voit aucune preuve de son appartenance à un royaume naissant de Juda[13], ce que Garfinkel réfute dans un article de 2017 où il démontre que Khirbet Qeyafa était une ville judéenne — et non cananéenne ni philistine — remontant à la fin du XIe siècle av. J.-C. où se developpait une nouvelle organisation sociale[14].
La même année 2017, Nadav Na'aman réfute ces conclusions et parle de spéculations infondées quant aux liens de Khirbet Qeiyafa avec les hautes terres de Judée[15].
Notes et références
- nadav na’aman, in search of the ancient name of khirbet qeiyafa, Journal of Hebrew Scriptures, volume 8, article 21, 2008
- Qeiyafa: Is it biblical Gob?
- Nadav Na’aman, Shaaraim – The gateway to the kingdom of Judah, Journal of Hebrew Scriptures, VOLUME 8, ARTICLE 24, 2008
- Earliest Known Hebrew Text In Proto-Canaanite Script Discovered In Area Where 'David Slew Goliath'
- (en) Yosef Garfinkel et Madeleine Mumcuoglu, « Triglyphs and Recessed Doorframes on a Building Model from Khirbet Qeiyafa: New Light on Two Technical Terms in the Biblical Descriptions of Solomon’s Palace and Temple », Israel Exploration Journal, vol. 63, no 2, (lire en ligne) (accès payant)
- Finkelstein, I., 1996, The Archaeology of the United Monarchy: an Alternative View. Levant 28: 177–187.
- Sharon, I., Gilboa, A., Jull, T. and Boaretto, E., 2007, Report on the First Stage of the Iron Age Dating Project in Israel: Supporting the Low Chronology. Radiocarbon 49: 1–46.
- « Un culte au temps du roi David ? La découverte d'un archéologue de l'UHJ » [archive du ], sur Université hébraïque de Jérusalem,
- Mazar, A., 1990, Archaeology of the Land of the Bible 10,000–586 BCE. New York: Doubleday.
- Stager, L.E. 2003, The Patrimonial Kingdom of Solomon. In: Dever, W.G. and Gitin, S. eds. Symbiosis, Symbolism, and the Power of the Past: Canaan, Ancient Israel and their Neighbors from the Late Bronze Age through Roman Palaestina. Winona Lake, Ind.: Eisenbrauns: 63–74.
- Herzog, Z. and Singer-Avitz, L., 2004, Redefining the Centre: the Emergence of State in Judah. Tel Aviv 31: 209–244.
- (en) Herschel Shanks, « Prize Find: Oldest Hebrew Inscription Discovered in Israelite Fort on Philistine Border », Biblical Archaeology Review, vol. 36, no 2, (lire en ligne)
- (en) Israël Finkelstein et Alexander Fantalkin, « Khirbet Qeiyafa: An Unsensational Archaeological and Historical Interpretation », sur Institut d'archéologie de l'université de Tel Aviv,
- (en) Yosef Garfinkel, « Khirbet Qeiyafa in the Shephelah:Data and Interpretations », sur academia.edu,
- Nadav Na'aman, « Was Khirbet Qeiyafa a Judahite City? The Case against It », Journal of ebrew Scriptures, vol. 17, (lire en ligne)
Bibliographie
- A Fortified City from the Time of King David. Khirbet Qeiyafa Vol. 1 (2007-2008 Seasons). Jerusalem
- Garfinkel, Yosef et Saar Ganor, "Khirbet Qeiyafa: Sha’arayim," The Journal of Hebrew Scriptures, 8, article 22
- Garfinkel, Y. et Ganor, S. 2008. Horvat Qeiyafa - a Fortified City on the Philistia-Judah Border in the Early Iron II. In: Amit, D. and Stiebel, G.D. eds. New Studies in the Archaeology of Jerusalem and its Religion, Collected Papers, vol. II. Jerusalem: 88-96 (Hebrew).
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Khirbet Qeiyafa Archaeological Project
- Horvat Qeiyafa: The Fortification of the Border of the Kingdom of Judah
- Qeiyafa: Is it biblical Gob?
- (en) Yosef Garfinkel, « Why Khirbet Qeiyafa is a Judean city », sur Université hébraïque de Jérusalem, 2012-2013