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Karen Jeppe

Karen Jeppe, née le à Gylling (Danemark) et morte le à Alep (Syrie), est une missionnaire danoise et travailleur social connue pour son aide apportée aux réfugiés arméniens ottomans et aux survivants du génocide des Arméniens, principalement des veuves et des orphelins, depuis 1903 et jusqu'à sa mort en Syrie en 1935[1]. Elle était membre de la mission orientale allemande de Johannes Lepsius[2] en assumant la responsabilité (en 1903[3]) des enfants arméniens de l'orphelinat allemand Millet Khan après les massacres d'Urfa de 1895[4].

Karen Jeppe
Karen Jeppe avec Misak et Hadjim Pasha près d'Alep.
Biographie
Naissance

Gylling (en)
Décès
(Ă  59 ans)
Alep
SĂ©pulture
Nom de naissance
Karen Vel Jeppe
Nationalité
Activités
Mémorial dédié à Karen Jeppe dans sa ville natale de Gylling, l'inscription dit : « Karen Jeppe, mère des Arméniens. »

Travail et activités

Avant la Première Guerre mondiale

En 1902, Jeppe a entendu parler pour la première fois des persécutions à l'encontre des Arméniens dans l'Empire ottoman par son directeur d'école H. C. Frederiksen (appelé aussi Friser) qui a présenté un article écrit par Aage Meyer-Benedictsen (1866-1927) [5], un linguiste danois juif islandais, écrivain, philologue et intellectuel anti-impérialiste laïc[6]. Peu après, elle assiste à une lecture de Benedictsen à Copenhague où il achève son discours par un appel à l'aide pour le peuple arménien transmis par un vieil Arménien. Benedictsen lui-même a été l'un des premiers cosmopolites danois à s'intéresser à la persécution subie par les Arméniens ottomans et, durant l'un de ses voyages en Perse, il a visité la mission orientale allemande d'Urfa qui avait entamé l'édification d'une école orphelinat sous la supervision directe du pasteur allemand Johannes Lepsius. Lorsque Benedictsen est retourné au Danemark en 1902, il a pris l'initiative de fonder l'organisation laïque des « Amis danois des Arméniens » (Danske Armeniervenner DA)[5].

Profondément bouleversée par la lecture de Benedictsen, ce dernier informe Jeppe que le docteur Lepsius cherche une enseignante pour son école d'Urfa. Le , elle quitte son domicile pour un long voyage à travers l'Europe et l'Asie mineure pour arriver à Urfa (aujourd'hui Şanlıurfa en Turquie), où elle est accueillie par des centaines d'Arméniens, rassemblés pour rencontrer la femme européenne nouvellement arrivée[5]. En moins d'un an, elle apprend l'arménien, l'arabe et le turc, puis elle commence à travailler à l'école en y introduisant de nouvelles méthodes d'enseignement.

En 1909, après les massacres d'Adana, Jeppe poursuit son travail en fournissant chaque jour du pain aux Arméniens, en achetant un terrain dans les montagnes où elle plante des vignes, et en tissant de bonnes relations avec des Kurdes et des Arabes. Elle est assistée par Misak Meklonian, un jeune orphelin arménien qu'elle a adopté[7]. Pendant cette période, Jeppe a également adopté Lucia, une orpheline rescapée du génocide[5].

Pendant la Première Guerre mondiale

Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, des massacres et des tueries en masse d'Arméniens sont perpetrés par les Jeunes-Turcs. Jeppe a tenté d'organiser les efforts de secours et aidé les réfugiés arméniens à traverser Urfa en route pour les camps de la mort dans le désert syrien de Deir ez-Zor, leur fournissant eau et nourriture et en cachant plusieurs d'entre eux sous le plancher de sa maison[3] - [8] - [9]. Elle ne quittera jamais Urfa durant la guerre et aura aidé de nombreux Arméniens à s'échapper en les déguisant en Kurdes et en Arabes[5] - [10]. Après la Première Guerre mondiale, elle est obligée, pour des raisons de santé, de retourner au Danemark en 1918, où elle fait campagne en faveur des Arméniens.

Jeppe Ă  Alep

Après avoir passé trois ans au Danemark, Jeppe décide de retourner en Syrie. Lors de son arrivée à Alep en 1921, elle s'occupe des veuves arméniennes en créant des orphelinats, des écoles, des dispensaires et des salles de travail, et a secouru deux mille femmes et enfants arméniens dispersés dans la région, en tant que directeur à Alep de la Commission pour la protection des femmes et enfants au proche-Orient, sous l'égide de la Société des nations[3] - [11] - [12]. Cependant, la situation s'aggrave en 1922, avec l'arrivée de nouvelles vagues de réfugiés arméniens à Alep, échappant aux massacres de Cilicie, alors que les troupes françaises — contrairement à leurs promesses — évacuent Cilicie en 1921, laissant des milliers d'Arméniens se faire tuer ou expulser par les nationalistes turcs[5] - [13].

En 1924, après des négociations avec un riche sheik bédouin, Hadjim Pasha, Jeppe loue une partie de ses terres à l'ouest d'Alep, dans la vallée d'Euphrate, pour un bon prix[14]. En 1925, elle est rejointe par deux nouvelles assistantes venues du Danemark, Jenny Jensen et Karen Bjerre, qui l'ont aidée à concentrer ses efforts sur ce projet. D'un autre côté, les dirigeants français en Syrie ont proposé de créer une colonie agricole pour les réfugiés arméniens, mais personne n'y a adhéré. Les Arméniens ont perdu toute confiance envers les dirigeants français, après leur retrait de Cilicie qui a eu des conséquences fatales pour nombre de leurs compatriotes[5] - [15].

Hadjim Pasha devient un excellent ami de Karen Jeppe, l'aidant à des tâches pratiques et en assurant la sécurité des colons arméniens grâce à son statut et son emprise sur la région[16].

Vie dans les années 1930 et mort

Lycée arménien Karen-Jeppe à Alep en 1973.

Karen Jeppe a déployé tous les efforts possibles pour établir de bonnes relations entre les bédouins et les paysans arméniens, grâce à quoi elle a réussi à créer six colonies agricoles arméniennes dans la région de Raqqa comme Tel Armen, Tel Samen, Charp Bedros, Tineh, etc.[17].

Jeppe revient au Danemark pour la dernière fois à l'automne 1933. À son retour en Syrie, elle contracte le paludisme. Après une rémission partielle, elle continue ses efforts envers le développement des communautés arméniennes nouvellement créées. À l'été 1935, elle subit une grave attaque de paludisme lors de son séjour dans sa maison blanche de la colonie agricole. Transférée à l'hôpital d'Alep, elle y meurt le à l'âge de 59 ans[5]. Elle est enterrée dans le cimetière arménien d'Alep[18].

Hommages

Karen Jeppe a été désignée comme la « mère danoise des Arméniens » par le Festival international du film d'Erevan connu comme le « Festival international du film de l'Abricot d'or » [19].

Le premier établissement d'enseignement supérieur arménien d'Alep (ouvert en 1946) porte le nom de Karen Jeppe[20].

En 1927, le Danemark lui a décerné la médaille d'or du Mérite (en danois Fortjenstmedaljen i Guld)[21].

Voir aussi

Notes

  1. Nordic Perspectives on Colonialism: Conference arranged by Netværk for Global Kulturhistorie (Réseau pour l'histoire culturelle globale), université d'Aarhus, à Höör, Suède, 11 et 12 janvier 2007.
  2. http://etd.lib.fsu.edu/theses/available/etd-07062006-120724/unrestricted/JK_Dissertation.pdf Danes, Orientalism and the Modern Middle East: Perspectives from the Nordic Periphery, p. 125, thèse non publiée, université de l'État de Floride, 2006, par Jonas Kauffeldt
  3. K. Jernazian Ephraim (Alice Haig (trad.)), Judgment Unto Truth (Zoryan Institute Survivors' Memoirs), Transaction Publishers, (ISBN 0-88738-823-X), p. 65–67
  4. (en) Jakob KĂĽnzler (trad. de l'allemand), In the Land of Blood and Tears : experiences in Mesopotamia during the World War, 1914-1918, Arlington, Armenian Cultural Foundation, , 187 p. (ISBN 978-0-9674621-8-9 et 0-9674621-8-5), xxiv
  5. http://www.fredsakademiet.dk/library/ukjeppe.htm The Danish Peace Academy: Karen Jeppe, Denmark's First Peace Philosopher par Eva Lous 2003
  6. Before the Armenian Genocide: Danish Missionary and Rescue Operations in the Ottoman Empire, 1900-1914 par Matthias Bjørnlund, Haigazian Armenological Review, Vol. 26, 2006, p. 141-156.
  7. Armeniervennen, Vol. 6, numéros 9-10, septembre–octobre 1926, p. 40
  8. Autobiography and Recollections par Bedros Der Bedrossian, Philadelphie 2005
  9. Armenien und die Schweiz – Geschichte der Schweizerischen Armenierhilfe par Karl Meyer, Berne : Blaukreuz-Verlag 1974, p. 94, 110
  10. Pigen fra Danmark par Ingeborg Marie Sick, Copenhague : Gyldendal 1928, p. 89-132.
  11. Nick Baron, Homelands : War, Population and Statehood in Eastern Europe and Russia, 1918-1924, City, Anthem Press, (ISBN 1-84331-121-6), p. 197
  12. (en) Keith Watenpaugh, Being Modern in the Middle East : revolution, nationalism, colonialism, and the Arab middle class, Princeton, Princeton University Press, , 325 p. (ISBN 0-691-12169-9), p. 284
  13. Testimonies on the French defeat in and evacuation of Cilicia provided by Armenian survivors Digin Gulinian et Sahag Boghosian dans les archives KMA, Arkivnr. 10.360, Pk. Nr. 15, Armenier-Missionen, Diverse Skildringer vedr. Arminierne [sic] 1906-1927.
  14. Archives Karen Jepp, lettre de Jeppe Ă  Nyholm, 22 novembre 1924.
  15. Kolonierne i Syrien, Armeniervennen par Henni Forchhammer, Vol. 4, numéros 11 et 12, novembre–décembre 1924, p. 49-50.
  16. Kolonierne i Syrien, Armeniervennen par Henni Forchhammer Vol. 6, numéros 7 et 8, juillet–août 1926, p. 31.
  17. Den Hvide Slavehandel. Bekæmpelse af Handel med Kvinder 1900-1950 par Hanne Rimmen Nielsen, Kvinder, Køn & Forskning, Vol. 19, no 3, 2001, p. 10-24.
  18. http://www.aibidji.dk/version_ENGELSK_AIBIDJI/historie/karen_jeppe/karen_jeppe.htm Histoire : Karen Jeppe
  19. Festival international du film d'Erevan
  20. http://www.karenjeppegemaran.com/ Lycée arménien Karen-Jeppe, Alep
  21. Karen Jeppe – den glemte heltinde(da)

Liens externes

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