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Joseph et Loys Roux

Les frères Joseph et Louis, dit « Loys », Roux sont deux photographes qui ont réalisé près de deux mille clichés pendant la Grande Guerre.

Joseph et Loys Roux
Joseph et Loys Roux à La Fontenelle, cote 627, le 21 juin 1915.
Biographie
Naissance
(Joseph) et 12 novembre 1882 (Louis) à
Quincié-en-Beaujolais (Joseph) et à Buxy (Louis)
Décès
(Joseph) et 16 juillet 1970 (Loys) (à 34 ans)
Hartmannswillerkopf (Joseph) et Vernaison (Loys)
Nationalité
Formation
autodidactes

Biographie

Les frères Roux sont les fils de Jean-Baptiste Roux, receveur des postes, et de Marie Monnet. Joseph naît le à Quincié-en-Beaujolais (Rhône) et Louis le à Buxy (Saône-et-Loire).

Joseph et Loys suivent un parcours scolaire identique, qui les conduit du petit séminaire de Saint-Godard aux grands séminaires d'Aix et de Lyon. L'aîné est ordonné prêtre en 1907 et le cadet un an plus tard.

Ils sont engagés volontaires en 1914 en tant qu'infirmiers. Loys est caporal, Joseph simple soldat. Ils servent d'abord au sein de l'ambulance 13 du 7e corps d'armée, un peu à l'arrière du front, dans les Vosges. Dès les premières semaines du conflit, Joseph, et dans une bien moindre mesure, Loys prennent des photographies : bâtiments en ruine dans Saint-Dié, prisonniers allemands en route vers un camp, inhumation de soldats français. Loys, lui, tient un journal de guerre. En mai 1915, désireux d'être au plus près des combats, ils rejoignent le 23e régiment d'infanterie après avoir rencontré le médecin major Frantz Adam (lui-même photographe[1]) qui officie au 1er bataillon de l'unité.

Mort de Joseph

Joseph Roux meurt le dans la bataille du Hartmannswillerkopf en voulant sauver un camarade blessé. Loys constate son absence dès le lendemain : « Pas de nouvelle de Joseph. Nul ne l'a vu, ça me paraît bizarre. » Il devine rapidement qu'on lui cache quelque chose : « Couché, je ne dormais pas. J'entendis chuchoter mystérieusement et certes j'avais déjà trouvé bizarre la réponse unanime "nous n'avons pas vu votre frère !" Harassé, je ne me frappais pas trop. » Le 23, il est encore animé d'un inquiétant pressentiment : « Nul ne l'a vu. On me cache quelque chose.» Puis c'est la vérité : « Bogo m'apprend la triste nouvelle. Joseph tué en pansant le sous-lieutenant Bois. Tué sur le coup[2].» Loys tente à plusieurs reprises de retrouver la dépouille de son frère pour lui offrir une sépulture. Mais son corps est dans un zone reprise par les Allemands. Le 6 janvier 1916, il se résigne : « Combien Joseph va me manquer. Nous nous étions toujours suivis. Il est certainement enterré déjà par les Allemands. » Son régiment quitte le Hartmannswillerkopf peu de temps après.

Le parcours de Loys

Loys Roux suit son unité au gré des affectations et participe notamment aux batailles de la Somme et du Chemin des Dames. Il prend des photographies des combats et de la vie dans les tranchées jusqu'à la démobilisation au début de 1919[3]. Il a aussi livré un récit circonstancié — mais sans photographies — de la mutinerie de son régiment en juin 1917 à Ville-en-Tardenois. Il meurt à Vernaison (Rhône) le .

Technique photographique et diffusion

Les frères Roux pratiquaient la photographie dès avant 1914 et leur technique s'est affinée au cours du conflit : utilisation du magnésium pour créer une sorte de flash, réglages sur plusieurs types de papier révélateur (Kodak, Nikko, Lumière), développement sur pellicule Agfa.

Joseph et Loys ont également vendu certains de leurs tirages aux hebdomadaires L'Illustration et Le Miroir. Ainsi, le numéro 3797 et daté du 11 décembre 1915 du premier de ces magazines propose en pleine page un cliché du 7 novembre précédent réalisé par Joseph et montrant Loys procédant à l'absoute. Pour le numéro du 9 mai 1917, c'est une photographie de prisonniers allemands réalisée dans les premières heures de l'offensive Nivelle et pour celui du 13 octobre, c'est celle de l'arrivée du régiment dans des camions au camp de Suippes, datée du 16 juin de la même année.

Entre 1939 et le début des années 1960, Loys a recopié son journal dans quatre cahiers en l'agrémentant de commentaires et rassemblé en six albums les quelque deux mille clichés pris pendant le conflit.

En 2011, la société Aristophil acquiert l'ensemble des dix documents, qui font l'objet en 2014 d'une exposition au Musée des lettres et des manuscrits[4], dont Jean-Pierre Guéno est le commissaire. Après la liquidation d'Aristophil, les documents ont été achetés en 2020 par les Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon, qui ont mis en ligne l'intégralité du journal de guerre[5]. Enfin, en 2021, 1 000 autres clichés des frères Roux réalisés pendant la Grande Guerre, mais indépendants de ceux acquis par les Archives du Rhône, sont donnés par Claude Raffin, petit-neveu de Joseph et Loys, à l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense[6].

Apports à l'historiographie de la Grande Guerre

Un canon pendant la bataille de la Somme, en juillet 1916.

Les photographies des frères Roux sont souvent des scènes prises sur le vif, comme des obusiers servant un canon, et montrent parfois des sujets jusqu'alors peu représentés, voire inédits : des soldats allemands qui courent pour se rendre, un soldat allemand noir, un sous-officier français exhortant les soldats du régiment à tuer les prisonniers. Elles enrichissent l'historiographie en mettant en valeur certaines zones moins actives, aujourd'hui mal documentées, tant par les témoignages que les images, comme les combats à La Fontenelle[7].

L'historien André Loez émet l'hypothèse que Loys Roux aurait pris des photographies de la mutinerie de son régiment les 1er et 2 juin 1917[8]. En effet, Frantz Adam mentionne dans Sentinelles, prenez garde à vous l'existence de deux clichés de la révolte et ajoute : « Les photos prises par un infirmier furent saisies et servirent de pièces à conviction devant le conseil de guerre. » À l'appui de cette hypothèse est avancé le fait que le journal de Loys, pendant cette période et de façon inhabituelle, cesse d'illustrer le texte par la photographie. Il n'existe toutefois aucune trace de ces éventuelles photographies, les archives de la 41e division d'infanterie, à laquelle était rattaché le 23e, ayant par ailleurs été détruites (de même qu'il n'existe aucune photographie pour l'ensemble des mutineries de 1917).

Distinctions

  • Joseph Roux : citation à l'ordre du 23e régiment d'infanterie le 20 octobre 1915 et Croix de guerre 1914-1918, étoile de bronze[9].
  • Loys Roux : citation à l'ordre de la 82e brigade le 12 août1916 et le 11 mai 1917, citation à l'ordre du 23e régiment d'infanterie le 6 juin 1918 et Croix de guerre 1914-1918, étoile de bronze[10].

Exposition

2014 (9 avril-31 août 2014) : « Entre les lignes et les tranchées », Musée des lettres et manuscrits, Paris.

Notes et références

  1. André Loez, Alain Navarro, Frantz Adam - ce que j'ai vu de la Grande Guerre, Paris, La Découverte, coll. « Hors collection Essais & Documents », , 200 pages.
  2. Loys Roux, « Mon journal de guerre 1914-1919 » (consulté le ).
  3. Jean-Pierre Guéno, Gérard Lhéritier, Entre les lignes et les tranchées - Photographies, lettres et carnets 1914-1918, Paris, Galllimard, , 280 p..
  4. Antoine Flandrin, « Une exposition sur les vrais mobiles de la Grande Guerre au Musée des lettres et manuscrits », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  5. Loÿs Roux, « Mon journal de guerre 1914-1919 », .
  6. « Les archives des frères Roux entrent dans les collections de l’ECPAD », .
  7. Nadège Mariotti et Marie-France Paquin (dir.),Yann Prouillet, Les Images de la Grande Guerre à l’épreuve du temps, Les Éditions du Net, , p. 45-56..
  8. André Loez, Alain Navarro, Frantz Adam - ce que j'ai vu de la Grande Guerre, Paris, La Découverte, , p. 9-11.
  9. « Fiche matricule - Marie Joseph Roux (matricule 1091) », sur archives.rhone.fr/.
  10. « Fiche matricule - Jean Louis Roux (matricule 1106) », sur archives.rhone.fr/.
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