Jehan Chardavoine
Jehan Chardavoine est un compositeur et « arrangeur » de musique, né en 1538 et mort vers 1580, actif à Paris dans la seconde moitié du XVIe siècle. Il a probablement été aussi « praticien », c’est-à -dire juriste.
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Biographie
Son acte de naissance a été retrouvé ; elle se situe à Beaufort-en-Vallée le (n. st.), actuellement Beaufort-en-Anjou (Maine-et-Loire). Il est fils de « Jean Cerdavoine » et de Pétronille Cerne[1]. Ses parents appartiennent à la bourgeoisie locale et sa famille est alliée, par mariage ou par parrainage, à d'autres familles notables (tels les Roy, les Phelippeau ou les Migon). Jean est l'aîné de quatre filles et deux garçons. Une tradition locale dit que la famille habitait alors la maison située au « carrefour Chardavoine ».
Un acte parisien est connu qui pourrait se rapporter à lui, sans que ce soit certain : le , Jehane Guespin, veuve de feu Guillaume Drouet mesureur de sel, vend à Jehan Chardavoine praticien une maison faite en appentis acquise de Julian Tremblay libraire, rue de Versailles, près le collège du cardinal Lemoine en la censive des chanoines et chapitre Notre-Dame de Paris[2].
Ĺ’uvres
Chardavoine a fait imprimer un recueil de chansons à une voix très connu de nos jours :
- Recueil des plus belles et excellentes chansons en forme de voix de ville, tirées de divers autheurs & Poëtes François, tant anciens que modernes. Ausquelles a esté nouvellement adaptée la Musique de leur chant commun, à fin que chacun les puisse chanter en tout endroit qu'il se trouvera, tant de voix que sur les instruments, par Jean Chardavoine de Beau-fort en Anjou. Paris : Claude Micart, 1576. In-8°, [8]-280 p.[3]. Numérisée sur Gallica. Paris BNF (Impr.) : RES P-YE-440 ; Paris BNF (Mus.) : RES VM-COIRAULT-184.
- La préface au lecteur est signée de sa devise « Bien vivre, et se réjouir ». Elle insiste sur le fait que ses mises en musique empruntent les rythmes de nombreuses danses : « la pavane double, à la simple, et de la commune, rondoyante, moyenne ou héroïque ; le bransle gay, le bransle simple, le bransle rondoyante, le tourdion etc. ». Elle précise encore que l’auteur a longtemps différé de publier son ouvrage et qu’il s’y est résolu après en avoir été sollicité par ses amis.
- Le livre est protégé par un privilège pour 10 ans donné le à maître Jean Chardavoyne, qui lui permet de publier une collection de chansons « en forme de voix de ville » par tel imprimeur de son choix. Le privilège précise qu’un partie des musiques sont de sa composition. L’ouvrage est composé avec un élégant caractère de musique « en ove », taillé par Philippe Dandrie et très peu utilisé à Paris. Fac-similé : Genève, Minkoff, 1980.
- Une réédition paraît chez Marc Loqueneux en 1588, partagée avec Claude Micard[4], in-16°, [6]-281-[1] p. Dans cette réédition, 44 pièces de l’édition de 1576 disparaissent, 25 sont nouvelles, et quelques airs sont modifiés. La préface est signée « M. A. C. », ce qui laisse supposer Chardavoine serait mort avant et a eu un continuateur, non identifié.
La collection de pièces du recueil est constituée de 190 poèmes (toujours anonymes[5], dont 186 ont de la musique à une voix sous la première strophe, et 4 seulement une indication de timbre (c'est-à -dire d'une autre chanson dont la musique convient). Beaucoup de ces poèmes apparaissent dans d’autres recueils poétiques contemporains (sans musique), et on peut de fait les qualifier de « populaires ». La musique qui leur a été jointe provient de chansons ou d’airs mis en musique écrits pour 3 ou 4 voix par des compositeurs déjà un peu anciens, tels Jacques Arcadelt, Pierre Certon, Pierre Cléreau, Nicolas de La Grotte, Adrian Le Roy, Fabrice Marin Caietain ou Antoine de Mornable essentiellement (leurs musiques paraissent à partir des années 1550, en parties séparées et parfois en transcription pour voix et luth). Chardavoine en reprend généralement la voix de dessus, mais il l’adapte souvent à sa manière (ce qui permet de le qualifier d’arrangeur, si ce n’est de compositeur).
Le recueil de Chardavoine est unique en son genre, étant le seul à fournir des musiques à une voix sur des poèmes supposés répandus à cette époque. Il se réclame du genre des « voix-de-ville », c’est-à -dire de cette manière de chanter qui privilégie la voix de dessus[6], genre qui apparaît historiquement être une des sources de l’air (par opposition à la chanson polyphonique, où les voix sont équivalentes).
Parmi les poèmes qu'il a mis en musique et publiés dans son anthologie se trouvent le célèbre Mignonne allons voir si la rose et Ma petite colombelle de Ronsard, Si vous regardez madame de Du Bellay ou encore Longtemps y a que je vis en espoir de Marot.
Notes et références
- Archives départementales du Maine-et-Loire, registres paroissiaux de Beaufort-en-Vallée, Notre-Dame, baptêmes, registre 1527-1547.
- Paris AN : MC/ET/VI/45, notaire Bruslé.
- USTC n° 94764.
- USTC n° 19487 et 49998, RISM 158813.
- Ont été identifiés Jean-Antoine de Baïf, Rémy Belleau, Philippe Desportes, Joachim Du Bellay, Étienne Forcadel, Clément Marot, Pierre de Ronsard, Mellin de Saint-Gelais et Pontus de Tyard. Sur ces identifications voir notamment Verchaly 1963.
- Ici, la voix de dessus est non seulement privilégiée mais isolée des autres qui figuraient dans les sources.
Bibliographie
- N. L. Rioux, Vau de ville, voix de ville and vau de vire : a study in sixteenth century monophonic popular music (Ph. D. diss., West Virginia University, 1979).
- Franck Jubeau, Un praticien-musicien du XVIe siècle : Jehan Chardavoine et son recueil, mémoire de maîtrise, Université de Tours, 1999.
- J. Denais, Un musicien du XVIe siècle : Jehan Chardavoine de Beaufort en Anjou et le premier recueil imprimé de chansons populaires en 1575–1576. Paris : 1889. Le compte rendu par Germain Lefèvre-Pontalis est disponible sur Persée.
- C. Frissard, « A propos d'un recueil de chansons de Jehan Chardavoine », Revue de Musicologie 27 (1948), p. 58–75.
- André Verchaly, « Le recueil authentique des chansons de Jehan Chardavoine (1576) », Revue de Musicologie 49 (1963), p. 203–219.
- Georges Dottin, « Ronsard et les voix de ville », Revue de Musicologie 74 (1988), p. 165–172.
- USTC : Universal Short Title Catalogue. Voir [ici http://ustc.ac.uk/index.php/search].
Discographie
- Mignonne allons voir si la rose par l'Ensemble vocal Philippe Caillard (1964)
- Mignonne allons voir si la rose par Les MĂ©nestriers (1972)
- Ma petite Colombelle par les MĂ©nestriers (1972)
- Mignonne allons voir si la rose, Guide des instruments de la Renaissance, Ricercar, RIC 95 001 A, 1995, CD 1 (version instrumentale)