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Jean de Lespinay

Jean de Lespinay (1448-1524), noble écuyer, seigneur de L'Epinay, de Beaudouan et de Trémar, trésorier et receveur général des finances du duché de Bretagne, conseiller du roi.

Jean de Lespinay
Biographie
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Propriétaire de
Château de l'Epinay (d)
Blason

Biographie

Jean de Lespinay, fils de Jean III de Lespinay (mort en 1465), seigneur de Beaudouan, et de Brience Pinart[1] (morte en 1500), épouse Bertranne Robelot[2] en 1465 dont il aura six enfants. Sa mère, Brience, vivra autour de 90 ans[3]. Quant au père de Jean, Jean III de Lespinay il a vécu environ 82 ans.

C'est le quatrième du nom. Son arrière grand-père, son grand-père et son père portait également le prénom "Jean" (Jean I, Jean II et Jean III), si bien qu'on l'appelle aussi Jean IV de Lespinay pour le différencier de ses prédécesseurs.

Sa date de naissance exacte est incertaine, située quelque temps après le mariage de son père Jean III vers 1445. Néanmoins on sait qu'il se marie en 1479 et qu'il s'écoule encore 45 ans avant sa mort, période pendant laquelle il a marié son fils et son petit-fils [4].

Sa maison forte et ses terres se trouvent Ă  PlessĂ© près de Nantes. Il fut Ă  la fois trĂ©sorier et conseiller de la Duchesse Anne de Bretagne Ă  partir de 1488. Il devient ensuite conseiller de deux rois de France successifs pour les affaires bretonnes : Charles VIII et Louis XII, puis de Claude de France, duchesse de Bretagne devenue Ă  son tour reine de France par son mariage avec François 1er.

Un homme de confiance

Fermier et receveur du Gâvre (près de Nantes) au dĂ©but de sa carrière, Jean de Lespinay est promu trĂ©sorier et receveur gĂ©nĂ©ral le Ă  l'âge de quarante ans. "Sa carrière avait commencĂ© dès 1475 comme receveur ordinaire du Gâvre et, jusqu’en 1489, il avait multipliĂ© les activitĂ©s tant comme fermier que comme receveur des fouages" (J. KerhervĂ©, Cat., t. I, notice 55, p. 52-53), le plus souvent en association avec son père. Le , il est promu Ă  la trĂ©sorerie gĂ©nĂ©rale et le reste jusqu’à la nomination de Thomas Bohier[5]. Cette charge n'est accordĂ©e par les princes qu'Ă  des notables Ă  la fois riches et d'une fiabilitĂ© extrĂŞme. En effet, le TrĂ©sorier gère sa propre fortune et celle du duchĂ© comme un tout, la première garantissant l'autre. En cas de banqueroute il est solidaire sur ses biens propres. On est loin des ministres des finances d'aujourd'hui. Cette fonction est d'une grande importance car le fonctionnement et la dĂ©fense du duchĂ© ne tiennent que par l'argent collectĂ© par le trĂ©sorier. il le fait de multiples façons diffĂ©rentes, quelquefois dans l'urgence pour satisfaire  sa suzeraine "dont les exigences financières sont considĂ©rables" (Georges Minois). Enfin, il ne doit pas s'enrichir aux dĂ©pens de son pays, reproche qui lui sera fait après sa mort et qui a Ă©tĂ© le lot de nombre de trĂ©soriers en Europe, justement car il Ă©tait difficile de sĂ©parer leur fortune personnelle de la fortune de leur royaume. En tout Ă©tat de cause, la Duchesse Anne puis Ă  son dĂ©cès sa fille Claude de France lui expriment constamment leur confiance[6] - [7].

Pour pallier ses absences fréquentes de Bretagne, Jean délègue le contrôle de la perception des impôts par les receveurs à des hommes de confiance responsables chacun de leur région : les "commis". Ceux-ci possèdent comme lui une certaine fortune. Pour se prémunir en cas de non-versement des recettes il leur fixe des cautions qu'ils versent au départ. Comme lui, ils sont passibles de poursuites en cas de défaillance.

Jean n'est pas seulement trĂ©sorier de la duchesse Anne, il fait aussi partie du cercle restreint de ses conseillers. " La Duchesse Anne s’appuie sur un conseil particulier, distinct du conseil royal, qui est associĂ© aux principales dĂ©cisions (...) MalgrĂ© le nombre rĂ©duit d’actes, on voit apparaĂ®tre quelques conseillers privilĂ©giĂ©s : Guillaume GuĂ©guen jusqu’à son dĂ©cès en 1506, le maĂ®tre d’hĂ´tel RĂ©gnaud de Brignac[8], Cardonne[9] et Lespinay, le chancelier Philippe de Montauban" [10].

Un grand voyageur

Jean de Lespinay est un grand voyageur. Il passe sa vie en dĂ©placements pour rejoindre Anne depuis Nantes, la citĂ© ducale. Devenue reine de France Ă  quinze ans, elle n'habite plus la Bretagne. "Tout au long de ces annĂ©es, les dĂ©placements de Lespinay correspondent Ă  ceux d’Anne de Bretagne, ce qui atteste Ă  la fois la confiance dont il bĂ©nĂ©ficiait et la relation directe qui s’est instaurĂ©e entre lui et la duchesse''[11]. Elle vit essentiellement dans les châteaux royaux d'Amboise (6 voyages), de Loches et du Plessis ou, pendant les guerres d'Italie, dans les villes de Lyon, Grenoble ou Moulins (4 voyages). C'est lĂ  que Jean la rejoint. Mais on le trouve aussi pour ses affaires Ă  Langeais, Paris, Vienne, Bourges, Angers, Rennes (19 voyages), Brest, Saint-Malo, Tours, Concarneau, Étampes. En 1505, il accompagne la reine Anne dans son voyage triomphal Ă  travers la Bretagne, le premier qu'elle fait de sa vie, oĂą ils sont reçus partout avec enthousiasme : Hennebont, Vannes, Quimper, Locronan, Le FolgoĂ«t, Brest, Saint-Pol-de-LĂ©on, TrĂ©guier, Guingamp, Saint-Brieuc, Lamballe, Dinan, VitrĂ©, Clermont (près de Laval), Vanne, Blois. Ne perdant pas le nord, Jean en profite pour s'assurer de la bonne collecte des impĂ´ts.

Sa fidĂ©litĂ© Ă  sa suzeraine l'expose Ă  quelques risques. Lors de la guerre que la France mène contre la Bretagne pour l'annexer au royaume, sa maison forte de PlessĂ© est incendiĂ©e par les troupes françaises "car il tenait le parti de son prince" (c'est-Ă -dire celui du Duc François II, père d'Anne). Puis il est assiĂ©gĂ© Ă  GuĂ©rande avec Philippe de Montauban et ne doit sa libĂ©ration qu'aux secours envoyĂ©s par Anne (qui avait 12 ans Ă  l'Ă©poque). « Il n'Ă©tait pas facile de tromper la Duchesse, tant qu’elle avait auprès d’elle le Chancelier de Montauban, qui ne s’endormait point sur les dĂ©marches du MarĂ©chal (Jean de Rieux, tuteur d’Anne de Bretagne), et qui faisait Ă©viter tous ses pièges Ă  la Duchesse ; le MarĂ©chal ne haĂŻssait rien tant au monde que le Chancelier, et ayant Ă©tĂ© informĂ© vers le mois de juin [1489] que le Chancelier, le TrĂ©sorier GĂ©nĂ©ral Jean de Lespinay et quelques autres officiers de la Duchesse Ă©taient allĂ©s Ă  GuĂ©rande pour quelques affaires, le MarĂ©chal les y fit aussitĂ´t assiĂ©ger par ceux du Croisic et par quelques autres troupes. Mais la Duchesse ayant appris le danger oĂą se trouvait l’homme du monde en qui elle avait le plus de confiance, envoya Ă  son secours le Comte de Dunois, Jacques GuibĂ© Lieutenant du Prince d’Orange, Capitaine de cent Gentilshommes de l’Hostel, Gilles de Condest, Chevalier, Capitaine des Archers de la garde, Jean de Louan, Capitaine des gens de guerre du Duc d’OrlĂ©ans, avec une partie des Allemands qui Ă©taient en Bretagne et quelques autres troupes, qui firent lever le siège.[12] Â»   

Le Charles VIII, soucieux d'asseoir son pouvoir sur le duché, écarte Jean de Lespinay de sa charge et nomme un autre trésorier, français celui-là. Jean n'est plus trésorier général mais trésorier ducal. En effet, le roi compte malgré tout sur son expertise précieuse de la Bretagne et l'a nommé à la chambre des comptes du duché. "Quoi qu’il en soit, l’importance du trésorier et receveur général s’est accrue à partir de 1491 en raison de l’effacement des autres officiers comptables, effacement que la suite de la période est venu confirmer"[13]. À la mort du roi en 1498, la confiance de la Reine de France et de l'administration ducale envers Jean est restée telle qu'il est aussitôt réintégré dans ses fonctions. Au remariage d'Anne avec le nouveau roi Louis XII, celui-ci le qualifie ainsi dans une lettre patente (1513) : « féal et aimé conseiller Jehan de Lespinay »[14] - [15].

Jean demeure trésorier de Bretagne encore dix ans après le décès d'Anne. Il est confirmé dans ses fonctions par pas moins de 24 mandements qui lui sont adressés par la nouvelle duchesse Claude de Bretagne (fille d'Anne). "Ces mandements, souvent cités par les historiens, montrent qu'il s'en fallut de bien peu que la Bretagne échappat à la France et fut unie à l'Allemagne"[16]. À sa mort, le , c'est le dernier dignitaire de la Bretagne indépendante qui disparaît.

La dette du trésorier

Un mois seulement après son dĂ©cès () l’administration française du nouveau roi de France, François 1er, se dĂ©chaĂ®ne contre Jean de Lespinay,Ă  titre posthume comme si elle s'en retenait depuis des annĂ©es. Peut-ĂŞtre pour se venger d'avoir Ă©tĂ© empĂŞchĂ©e si longtemps par ce grand dignitaire de rĂ©gner sur la gestion de la Bretagne, mĂŞme après la disparition d'Anne. Elle l'accuse de malversations mais n'en apporte pas la preuve. Elle saisit toutes les terres et biens Lespinay, s'empare de sa comptabilitĂ© et poursuit ses hĂ©ritiers leur rĂ©clamant 80 000 livres. C'est une grosse somme que jamais ils ne pourront payer. Elle lui reproche de n'avoir pas rendu tous ses comptes[17]. Mais d'abord il n'est plus lĂ  pour se dĂ©fendre et ensuite, comme elle a saisi sa comptabilitĂ©, les hĂ©ritiers poursuivis ne peuvent vĂ©rifier la rĂ©alitĂ© de la dette. On ne sait toujours pas aujourd'hui, par exemple, si ce passif de 80 000 livres tient compte ou non des actifs du TrĂ©sorier. La Duchesse Anne, entre autres, lui devait 60 000 livres en 1500. Les avait-elle remboursĂ©es ?

Les terres confisquĂ©es sont donnĂ©es Ă  Louis du Perreau en 1527. Lequel s'Ă©tonne de cette confiscation post mortem aux dĂ©pens des hĂ©ritiers, affirmant fort noblement que " le roy luy avoit donnĂ© charge de dire Ă  Messieurs des comptes qu’il trouvoit estrange que l’on n’avoit fait compter le feu tresorier en son vivant et que en recompense ilz s’acquitent Ă  faire compter l’heritier dudit feu tresorier" [18]. Ses autres possessions sont confiĂ©es Ă  un administrateur, Ă  charge pour lui de rendre les comptes Ă  la place du dĂ©funt. L'hĂ©ritier de Jean, son petit-fils Guillaume de Lespinay (voir le dessin de sa pierre tombale ci-joint), ne peut rembourser les 80 000 livres et est incarcĂ©rĂ© pendant cinq ans (de 1528 Ă  1532). Cette incapacitĂ© de payer en dĂ©pit de l'Ă©preuve subie aurait dĂ» suffire Ă  dĂ©montrer que son grand-père - qui le connaissait bien puisqu'il Ă©tait prĂ©sent Ă  son mariage - ne l'avait pas enrichi en puisant dans les caisses du duchĂ©. Faute de comptabilitĂ©, l'administrateur est Ă  son tour dans l'incapacitĂ© de clore les comptes du TrĂ©sorier. Ă€ sa mort en 1537 saisie est faite Ă  son tour sur ses biens.

Finalement, tout rentre dans l'ordre le avec le versement par les hĂ©ritiers de la somme modique de 1 077 livres[19]. S'ils ont retrouvĂ© la paix, cet accord ne leur permet cependant pas de rĂ©cupĂ©rer les terres Lespinay, encore entre les mains des du Perreau.

L'histoire de la dette du TrĂ©sorier Jean de Lespinay prend un tour amusant seize ans plus tard. Son arrière petit-fils Pierre de Lespinay, fils de Guillaume, rĂ©alise un joli coup : en 1563, il Ă©pouse ÉlĂ©onore du Perreau, hĂ©ritière de Louis du Perreau. Ce faisant, il rĂ©cupère toutes les terres Lespinay soustraites du temps de François Ier, plus celles des du Perreau [20].  

Bibliographie

Notes et références

  1. Brience Pinart
  2. Bertranne ROBELLOT
  3. Briance vivra autour de 90 ans
  4. d'Hozier, Armorial général de la France, Volume VII, note manuscrite d'Hozier
  5. confiance
  6. Pierre Hyacinthe Morice et Charles Taillandie, Mémoires pour servir de preuves à l'histoire ecclésiastique et civile de Bretagne : tirés des Archives de cette province, de celles de France et d'Angleterre, des Recueils de plusieurs sçavans Antiquaires. Tome III., "Maximilien et Anne, par la grâce de Dieu roi et reine des Romains, Duc de Bretagne; à notre bien aimé & féal Conseiller Jehan de Lespinay notre trésorier et receveur général (...) salut."
  7. RĂ©gnaud de Brignac
  8. Cardonne
  9. Dominique Le Page, FINANCES ET POLITIQUE EN BRETAGNEAu début des temps modernes 1491-1547
  10. Dominique Le Page, FINANCES ET POLITIQUE EN BRETAGNE, , 748 p. (ISBN 978-2-8218-2860-5, lire en ligne)
  11. Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, t.I,, 800 p.
  12. Dominique Le Page, FINANCES ET POLITIQUE EN BRETAGNE Au début des temps modernes 1491-1547, 170 p.
  13. Arch.dép. Nantes B. Chambre des comptes, dans les lettres de Don, cotté 69
  14. François-Alexandre Aubert de La Chesnaye Des Bois, Dictionnaire de La Noblesse Tome VIII, 1774
  15. Marquise de Lespînay, Jehan de Lespinay, Thrésorier de Bretagne, 1448-1524, Chantonnay, Vendée, ?, , 190-191 p.
  16. d'Hozier, Armorial général de France 1770
  17. Dominique Le Page, Finances et politique en Bretagne, (lire en ligne)
  18. ALA B 575 f° 226
  19. Louis P. d'Hozier, Antoine-Marie d' Hozier de Sérigny, Armorial général de la France, volume 4, Collombat, , Chapitre "de LESPINAY seigneurs de la Vrignonière en Bretagne, et en Poitou", page 2 en commentaire
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