Jean II Brinon
Jean II Brinon est un parlementaire, lettré, mécène et bibliophile français, né vers 1520 et mort à Paris en 1555.
Décès | |
---|---|
Activité |
Biographie
Jean II Brinon[1] est le fils unique de Jean I Brinon[2] et de Pernelle de Perdriel, dame de Médan. Né vers 1520, il n’a qu’environ huit ans à la mort de son père en , et hérite une fortune considérable ; il a pour tuteur Nicolas Séguier, seigneur de Saint-Cyr et conseiller des comptes. On lui donne pour précepteur Louis Chesneau[3]. Jean II étudie le droit à Orléans[4] ; il est ensuite reçu le officier en la Chambre des comptes[5], puis devient conseiller du Roi au Parlement de Paris. Il achète en 1545 l'Hôtel de Laval pour 8000 livres[6], et obtient une charge de maître des Requêtes, que sa mort prématurée l’empêchera d’exercer[7].
À Paris, Jean II Brinon s’entoure de poètes et d’humanistes, les régale et les convie dans son domaine de Médan, les rétribue pour leurs dédicaces et leur fait des cadeaux fréquents. Outre les dédicaces qu’il reçoit, détaillées plus bas, des témoignages importants le montrent en mécène actif et généreux :
- celui de Pierre Belon, qui dans son Histoire de la nature des oyseaux (1555) rappelle au Livre IV les séjours passés à Médan durant l’été 1551, avec Jean Dorat, Nicolas Denisot et autres, avec chasses, canotage, promenades et improvisations poétiques diverses[8].
- celui de Jean-Antoine de Baïf ensuite, qui dans le premier livre de ses Mimes, enseignemens et proverbes (Paris : Lucas Breyer, 1576) cite Brinon dans une longue satire, publiée dans une seconde édition augmentée. Les vers 1795-1824 mettent en scène un certain Norbin, anagramme de Brinon, l’évoquent sans complaisance mais avec affection, le montrent sympathique, nonchalant, dépensier, généreux, jouisseur. Il aurait mangé sa fortune en cinq ans, probable allusion à la période 1549-1555. D’autres pièces de Baïf, évoquent encore Brinon, notamment dans le troisième livre des Passetems ou dans les Eglogues[9]. Baïf disait de lui : Quel escrivant florissoit par la France / De qui Brinon n’ait gaigné l’accointance[10] ?
- celui de Pierre de Ronsard, enfin, qui est le témoignage d’un proche. La première édition de ses Meslanges, de 1555, contient sept pièces offertes au mécène ; Brinon est aussi cité dans l’élégie à Janet, peintre du roi. La seconde édition, parue la même année avec au titre la mention Dédiée à Jan Brinon. Seconde édition, suit la mort de Brinon et contient deux pièces supplémentaires[11].
- Te serai-je toujours redevable, Brinon ?
- Je pensoi estre quitte en paiant un canon,
- Une dague, un Bacus, un verre, une alumelle,
- Et voicy de rechef une debte nouvelle.
Outre les noms ci-dessus, il existe encore des pièces mineures qui le citent, dans les œuvres de René Guillon, Olivier de Magny, Étienne Pasquier, Jacques Peletier du Mans et Jacques Tahureau, André de Rivaudeau ou Louis Chesneau son ancien précepteur.
Brinon meurt en , à trente-cinq ans. À l’initiative de Jean Dorat, ses amis poètes font imprimer chez André Wechel un Tombeau en deux feuillets[12], qui regroupe des pièces françaises ou néo-latines, dues aux plumes de Ronsard, Étienne Jodelle, Guillaume Aubert, Rémy Belleau, Helias Andreas, du Toulousain Bernard Du Poey Du Luc et d’un mystérieux Calliste. Il s’est ruiné, semble-t-il, dans sa vie de plaisirs, devant vendre une maison en , cédant la majeure part de ses terres en à Charles de Lorraine, archevêque de Reims, disputant avec le roi les terres et châtellenies de Rémy, Gournay et Moyenneville en 1554[13]. Il est mort sans alliance ni postérité, et ne subsisteront que des branches cadettes pour perpétuer le nom de la famille Brinon.
Ĺ’uvres
Il publie vers 1548-1550 Les Amours de Sydere, œuvre perdue citée seulement par La Croix Du Maine[14].
DĂ©dicaces
Entre 1549 et 1555, période qui précède directement sa mort, plusieurs ouvrages lui sont dédiés par des auteurs souvent importants. Ces dédicaces révèlent un entourage de poètes bien sûr, mais aussi d’hellénistes (Thomas Sébillet et Gabriel Bounin) et de musiciens, tels Claude Martin et Claude Goudimel, qui venaient émailler un cercle poético-musical assez serré.
- François Habert. Le Temple de chasteté, avec plusieurs épigrammes... Paris : Michel Fezandat, 1549. 8°. Contient aussi une épitaphe pour Jean I Brinon et deux pour sa femme.
- L'Iphigène d'Euripide, poète tragiq. tourné de grec en françois par l'auteur de l'Art poétique [Thomas Sebillet]. Paris : Gilles Corrozet, 1549 ou 1550. 8°, 75 f.
- Claude Martin. Elementorum musices practicae pars prior, libris duobus absoluta, nunc primùm in lucem aedita... Paris : Nicolas Du Chemin, 1551. 4° obl., 48 p. Lesure 1553 no 7, dédicace reproduite p. 280.
- Claude Goudimel. Premier livre contenant huyct pseaulmes de David, traduictz par Clement Marot, & mis en musique au long (en forme de mottetz)... Paris : Nicolas Du Chemin, 1551. 4 vol. 4° obl. Lesure 1953 no 17, dédicace publiée dans Brenet 1898.
- Marc Antoine Muret. Juvenilia. Paris : Veuve Maurice de La Porte, 1553. 8°, 126 p.
- Claude Colet, trad. Le Neufvième livre d’Amadis de Gaule, auquel sont contenus les gestes de dom Florisel de Niquée, surnommé le Chevalier de la Bergere. Paris : Vincent Sertenas, 1553. 2°.
- Didier Érasme. Les troys derniers livres des Apophtegmes, c'est-à -dire brièves & subtiles rencontres recueillies par Erasme. Paris : Étienne Groulleau, 1553. 8°, [8]-192 f. Édition partagée avec Vincent Sertenas. La traduction est d’Étienne des Planches.
- Louis-François Le Duchat (de Troyes). Praeludiorum lib. III. Paris : Jean Caveiller, 1554.
- Gabriel Bounin, trad. Les Œconomiques d'Aristote, c'est-à -dire la manière de bien gouverner une famille, nouvellement traduictes de grec en françois. Paris : Michel de Vascosan, 1554. 8°, 16 f.
- Charles Fontaine. S’ensuyvent les ruisseaux de Fontaines : œuvre contenant epitres, elegies, chants divers, epigrammes, odes & estrenes pour cette presente année 1555. Lyon : Thibauld Payen, 1555. 8°, 366 p.
- Pierre de Ronsard. Les Meslanges de P. de Ronsard, dédiées à Jan Brinon. Seconde édition. Paris : Gilles Corrozet, 1555. 8°, 106 p.
Reliures et bibliophilie
Brinon a été amateur de belles reliures, faisant relier ses livres dans un style assez homogène[15]. Ses reliures, presque toujours en veau blond ou fauve, portent des filets, neuf monogrammes et ses armes, entourés de la devise « ESPOIR ME TORMENTE » ou de sa marque « I • BRINON • SR • DE VILLAINES • CONSEIL • DV • ROY ». On distingue deux manières, la première sur six livres parus entre 1515 et 1545, la seconde sur cinq livres publiés entre 1539 et 1551. Ces reliures sont très caractéristiques par leurs monogrammes et leurs armes, que Brinon est un des premiers à faire porter sur ses reliures. Il existe encore un Aristophane de 1498[16], à la reliure atypique et ayant ensuite appartenu à Jacques de Malenfant. Enfin, Brinon a possédé un manuscrit du Roman de la Rose[17].
Notes
- Sur lui, consulter : Balmas 1962 p. 147-172, avec une revue des principaux auteurs de son cercle, Huppert 1999 (chapitre 2) et Girot 2002 p. 320-325, qui mentionne beaucoup d’éléments originaux. Jean II Brinon ne doit pas être confondu avec son contemporain Jean Brinon (1480-1570), seigneur de Pontillaud, fils de Jean I Brinon et de Marguerite de Boysleve, et marié à Jeanne Luillier.
- Jean I Brinon, seigneur de Villaines, Rémy, Auteuil, Gournay et Moyenville, est assez connu pour avoir été procureur au Parlement de Paris, premier président au Parlement de Normandie, chancelier d’Alençon, et président des conseils de la régente Louise de Savoie durant la captivité de François Ier. François Ier avait en lui un homme de confiance et l’avait chargé de plusieurs missions diplomatiques.
- dit Ludovicus Querculus, qui fut ensuite principal du collège de Tours puis lecteur d'hébreu au collège de Vendôme. Brinon lui fait donation le 5 octobre 1548 de l’usufruit d’une ferme à Villiers, paroisse de Poissy. Cf. Paris AN : Y 94, f. 63r, cité dans Champion 1925 p. 77, entre autres. Une autre donation intervient en septembre 1552 (Paris AN : Y 98, f. 84r, même source).
- Le Ms. 331 de la bibliothèque de Troyes contient, dans une copie du XVIIe siècle, deux textes de Jean II Brinon : le premier pourrait être un travail académique : Jani Brinonii, doctoris Aurelianensis, et postea senatoris Parisiensis, Praelectiones in titulum codicis, de rei vendicatione, Aurelia habitae, anno 1542, tandis que le second est son discours d’accession au Parlement de Paris : Ejusdem orationes II, prima quidem quum gradum doctoris adipisceretur, secunda quum in senatum admitteretur, anno 1544.
- Sur sa carrière parlementaire, voir Maugis 1916 et Blanchard 1647 p. 69.
- Sauval 1724, vol. 2, p. 239.
- Du Rosset 1658, p. 11.
- Belon, P. (1555). L'histoire de la nature des oyseaux: 222
- On peut encore citer le manuscrit Paris BNF : Ms. Dupuy 951 qui contient quelques pièces de Baïf à Brinon et une pièce anonyme (détail dans Girot 2002 note 32).
- Les Muses (Édition Marty-Lavaux vol. II p. 90).
- Pièces analysées dans McFarlane 1975.
- Paris Maz. : 10694(A) f. 14 et 15 (recueil Rasse des Neux). Intégralement reproduit dans Ronsard 1985 p. 47 et étudié dans Ijsewijn 1984. C’est ce tombeau qui permet de déduire l’époque de sa naissance.
- Les sources qui documentent ce déclin sont citées dans Girot 2002 n. 31. En novembre 1553 déjà , il signait une reconnaissance de dette pour 920 lt empruntées aux Florentins Bernard Delbarbigia et André Boussy : voir Paris AN : MC C, 48, 23 novembre 1553.
- La Croix Du Maine 1772 vol. I p. 465.
- Sur les reliures faites pour Brinon, voir Scheler 1949, Hobson-Culot 1991, et Guillo 2002 pour une liste récente des reliures connues.
- Aristophanis comoediae novem... Venise : Alde Manuce, 1498. Cambridge UL : Saint-John College, Ii.1.22.
- Paris BNF (Mss.) : Ms. fr. 800, sur vélin, qui porte la mention Ce Roman de la Roze a esté achapté de l'inventaire de feu maistre Jehan Brinon, seigneur de Villennes, par moy. De Ranconnet.
Références
- Enea Balmas, Un poeta del Rinascimento francese : Étienne Jodelle, la sua vita il suo tempo. Firenze : Olschki, 1962.
- François Blanchard, Les Présidents à mortier du Parlement de Paris. Paris : Cardin Besongne, 1647.
- Michel Brenet (pseud. de Marie Bobillier), Claude Goudimel : essai bio-bibliographique. Besançon : P. Jaquin, 1898. Rééd. : Paris/Tours, Éditions Coderg et Librairie Ars Musicæ, 1982.
- Pierre Champion. Ronsard et son temps. Paris : Honoré Champion, 1925.
- G. Du Rosset, Généalogie de la maison de Brinon. Paris : S. Martin, 1658.
- Jean-Eudes Girot, Pindare avant Ronsard : de l’émergence du grec à la publication des Quatre premiers livres des Odes de Ronsard. Genève : Droz, 2002.
- François Grudé de La Croix du Maine. La Bibliothèque... (1584). Rééd. de Paris, 1772.
- Laurent Guillo, Jean-Michel Noailly et Pierre Pidoux †. Un recueil parisien de psaumes, de chansons spirituelles et de motets (ca. 1565) : Genève BGE Ms. Mus. 572. In Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français 158 (2012), p. 199-233.
- Anthony R. A. Hobson et Paul Culot. Italian and french 16th century bookbindings = La reliure en Italie et en France au XVIIe siècle. Bruxelles : Bibliotheca Wittockiana, 1991.
- George Huppert, The style of Paris : Renaissance origins of the French enlightenment. Bloomington and Indianapolis : Indiana University Press, 1999.
- J. Ijsewijn, G. Tournoy et M. de Schepper, Jean Dorat and his Tumulus Iani Brynonis, in Neo-latin and the vernacular in Renaissance France, ed. G. Castor & Terence Cave (Oxford : Clarendon Press, 1984) p. 129-155.
- I. D. McFarlane, Ronsard’s poems to Jean Brinon. In French Renaissance studies in honor of Isidore Silver, ed. F. S. Brown (Kentucky : Romance Quarterly Supplement to vol. 21, 1975), p. 53-67.
- Édouard Maugis, Histoire du parlement de Paris de l’avènement des rois Valois à la mort d’Henry IV. 3 : Rôle de la cour par règnes (1345-1610). Paris : Auguste Picard, 1916).
- Ronsard : la Trompette et la lyre : catalogue de l’exposition, Bibliothèque nationale, – . Paris : 1985.
- Henri Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris. Paris : Charles Moette, 1724, 3 vol.
- Lucien Scheler, Jean de Brinon, bibliophile, in Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance 11 (1949) p. 215-218.