Iminosydnone
Les iminosydnones sont des composĂ©s chimiques mĂ©soioniques caractĂ©risĂ©s par leurs structures hĂ©tĂ©rocycliques. Ils sont composĂ©s dâun groupe 1,2,3-oxadiazole substituĂ© par un groupement imine contrairement aux sydnones substituĂ©es par une cĂ©tone[1].
Ils possĂšdent une charge positive et une charge nĂ©gative dĂ©localisĂ©es sur le cycle et sont pour cette raison des composĂ©s dipolaires. Ils ont de nombreuses applications en biologie chimique (chimie bio-orthogonale et chimie click) en tant quâintermĂ©diaire pour la modification de biomolĂ©cules ou de relargage de composĂ©s actifs[1]. Ils sont Ă©galement utilisĂ©s comme mĂ©dicaments tels que le mĂ©socarb ou la molsidomine.
Contexte historique
Les iminosydnones sont des composĂ©s assez nouveaux pour la communautĂ© scientifique. RapportĂ©s pour la premiĂšre fois en 1957 par Brookes[2], les recherches menĂ©es sur ces composĂ©s avaient pour but dâĂ©tudier leurs propriĂ©tĂ©s biologiques en tant que donneurs de monoxyde dâazote[3]. Dans les annĂ©es 1970, un iminosydnone - la molsidomine - a Ă©tĂ© utilisĂ© comme vasodilatateur pour cette propriĂ©tĂ©[4]. Depuis, les recherches se sont concentrĂ©es sur les rĂ©actions click-and-release en chimie bio-orthogonale car les iminosydnones possĂšdent une rĂ©activitĂ© particuliĂšrement adaptĂ©e aux rĂ©actions dans les milieux biologiques.
SynthĂšse
La synthĂšse des iminosydnones est une synthĂšse multi-Ă©tapes qui consiste dans un premier temps Ă former des N-arylamino-acĂ©tonitriles grĂące Ă une rĂ©action dâalkylation ou de Strecker. Une aniline correspondante est donc alkylĂ©e en prĂ©sence de chloroacĂ©tonitrile et d'iodure de sodium dans la rĂ©action dâalkylation alors que la rĂ©action de Strecker se dĂ©roule avec du KCN et du paraformaldĂ©hyde. Ensuite, des nitrosoaminoacĂ©tonitriles sont formĂ©s avec du nitrite dâisoamyle ou de tert-butyle : cette Ă©tape sâappelle la nitrolysation[5]. Enfin, les sels des iminosydnones sont formĂ©s lors dâune cyclisation en prĂ©sence de HCl et de dioxane[6].
Cette voie de synthĂšse a Ă©tĂ© la seule dĂ©crite jusquâĂ prĂ©sent pour former des sels iminosydnones. Ces derniers sont ensuite capables de rĂ©agir avec de puissants Ă©lectrophiles[7] pour produire des iminosydnones possĂ©dant lâamine exocyclique substituĂ©e et ainsi dĂ©cliner cette famille chimique. En condition basique, lâiminosydnone non substituĂ© sur son azote exocyclique nâest pas stable et retourne Ă son nitrile prĂ©curseur. Ces sels peuvent en revanche rĂ©agir avec des Ă©lectrophiles afin de former des produits stables[1].
Réactivité
Stabilité et formes mésomÚres
Les iminosydnones possÚdent différentes structures mésomériques[5]illustrées ci-dessous.
Différence de réactivité entre les sydnones et les iminosydnones
Moins les dipĂŽles mĂ©soioniques sont stabilisĂ©s par des effets mĂ©somĂšres, plus ils sont rĂ©actifs. La diffĂ©rence de rĂ©activitĂ© entre les sydnones et les iminosydnones peut donc sâexpliquer par la diffĂ©rence de stabilisation de rĂ©sonance apportĂ©e par leurs diffĂ©rents substituants. LâoxygĂšne exocyclique substituant les sydnones ayant des propriĂ©tĂ©s stabilisantes plus importantes que lâazote exocyclique substituant les iminosydnones, ces derniĂšres sont moins stabilisĂ©es et sont donc plus rĂ©actifs que les sydnones classiques[8].
Fonctionnalisation des iminosydnones
Lâajout de fonctions aux iminosydnones sur leur azote exocyclique peut se faire selon deux mĂ©thodes diffĂ©rentes, par lâajout de p-nitrobenzyl carbamate ou dâun sel dâurĂ©e imidazolium. Lâajout de ce sel en milieu basique entraĂźne la formation de carbonylimidazolium-ImSyd qui avec un nuclĂ©ophile comme une amine ou un alcool permet la fonctionnalisation de lâiminosydnone sur son azote exocyclique.
Les autres mĂ©thodes permettant dâajouter des fonctions aux iminosydnones sont similaires Ă celles pour les sydnones classiques, les iminosydnones possĂ©dant Ă©galement un carbone endocyclique possĂ©dant des propriĂ©tĂ©s nuclĂ©ophiles[9].
RĂ©actions click-and-release
La rĂ©action SPICC strain-promoted iminosydnoneâcycloalkyne cycloaddition se produit via un processus en deux Ă©tapes; deux composĂ©s d'intĂ©rĂȘt sont formĂ©s de maniĂšre simultanĂ©e : un produit click et un produit release. L'iminosydnone rĂ©agit d'abord avec le cyclooctyne par une cycloaddition pour former un intermĂ©diaire bicyclique qui subit une rĂ©action rĂ©tro-Diels-Alder pour donner un pyrazole (produit click) et un isocyanate d'acyle qui est instantanĂ©ment converti en l'amide terminal correspondant (produit release), par hydrolyse et dĂ©carboxylation[9].
La prĂ©sence d'une urĂ©e ou d'un groupement sulfonamide sur lâazote exocyclique a un effet positif sur la vitesse de rĂ©action, tandis que la prĂ©sence d'un groupement amide ou carbamate diminue la rĂ©activitĂ© de l'iminosydnone[9]. La vitesse de cette rĂ©action augmente en conditions basiques, celles-ci Ă©tant plus propices Ă la prĂ©sence dâun plus grand nombre de formes mesoioniques. Cela peut constituer une contrainte car certains compartiments cellulaires, tels que les lysosomes, peuvent prĂ©senter un pH acide[7].
Le N6-sulfonyl iminosydnone peut ĂȘtre utilisĂ© pour la libĂ©ration bio-orthogonale de mĂ©dicaments. Cette stratĂ©gie permet de libĂ©rer par exemple le cĂ©lĂ©coxib, un anti-inflammatoire non stĂ©roĂŻdien, par la rĂ©action SPICC click-and-release avec DBCO-COOH[9],ce qui prĂ©sage pour le futur une possibilitĂ© de cibler efficacement lâaction de cet anti-inflammatoire avec une efficacitĂ© lĂ©gĂšrement infĂ©rieure Ă celle du CĂ©lĂ©coxib en prise directe[8].
Relargage de monoxyde dâazote par la Molsidomine
Les iminosydnones ont la capacitĂ© de relarguer du monoxyde dâazote, une molĂ©cule aux propriĂ©tĂ©s de vasodilatateur. Cette rĂ©action sâeffectue par le mĂ©canisme suivant avec, par exemple, la molĂ©cule de molsidomine comme rĂ©actif[10].
Aza-iminosydnones
La structure des aza-iminosydnones est similaire Ă celle des iminosydnones classiques, la diffĂ©rence Ă©tant le changement dâun de ses carbones cycliques en azote. Ceci influe sur leur utilisation en chimie bioorthogonale, contrairement aux iminosydnones, les azaiminosydnones ne rĂ©agissent pas avec les cyclooctynes. Ainsi elles rĂ©agissent plutĂŽt dans le cas addition dâalcyne catalysĂ©e par le cuivre Ă lâinverse des sydnones[6].
Applications médicinales
Les propriĂ©tĂ©s thĂ©rapeutiques de lâiminosydnone sont le plus souvent dues Ă leur rĂŽle en tant quâagent exogĂšne donneurs de monoxyde dâazote avec pour applications des mĂ©dicaments contre la tension, lâangine et les thromboses. Ils possĂšdent Ă©galement dâautres propriĂ©tĂ©s biologiques[11] telles que des effets psychostimulants et antibactĂ©riens.
La molsidomine[12], utilisé pour son effet anti-angineux et vasodilatateur, ainsi que le mésocarb[13], un traitement développé contre la maladie de Parkinson, sont des composés étudiés pour de telles propriétés.
Le suivi cellulaire des deux composĂ©s issues de la rĂ©action SPICC des iminosydnones (pyrazole et la naphtalimide) peut ĂȘtre effectuĂ© grĂące Ă leurs propriĂ©tĂ©s fluorescentes. La rĂ©action bioorthogonale click-and-release permet de libĂ©rer ces marqueurs cellulaires fluorophores distincts dans des milieux biologiques et ainsi effectuer leur suivi par une sonde Ă base dâiminosydnone[5]. Ces nouveaux outils trouvent des applications lors de la libĂ©ration contrĂŽlĂ©e de principes actifs et de leur suivi par fluorescence[14]. La crĂ©ation dâune micelle issue dâune rĂ©action bioorthogonale click-and-release accĂ©lĂ©rerait la libĂ©ration du mĂ©dicaments dans lâorganisme[11]. Cette derniĂšre permettrait dans le milieu hydrophile dâune membrane cellulaire, le passage de substances lipophiles. Cela facilite ainsi lâabsorption et la diffusion du mĂ©dicament dans lâorganisme et lui permet alors dâatteindre sa cible molĂ©culaire plus rapidement[12].
Notes et références
- (en) Margaux Riomet, Karine Porte, LĂ©a Madegard, Pierre ThuĂ©ry, Davide Audisio et FrĂ©dĂ©ric Taran, « Access to N-Carbonyl Derivatives of Iminosydnones by Carbonylimidazolium Activation », Organic Letters, vol. 22, no 6,â , p. 2403â2408 (ISSN 1523-7060, DOI 10.1021/acs.orglett.0c00600)
- Peter Brookes et James Walker, « 889. Formation and properties of sydnone imines, a new class of meso-ionic compound, and some sydnones related to natural α-amino-acids », J. Chem. Soc., no 0,â , p. 4409â4416 (DOI 10.1039/JR9570004409)
- M. Feelisch, « The use of nitric oxide donors in pharmacological studies », Naunyn-Schmiedeberg's Archives of Pharmacology, vol. 358, no 1,â , p. 113â122 (ISSN 1432-1912, DOI 10.1007/PL00005231)
- M. Hirata et K. Kikuchi, « Coronary collateral vasodilator action of n-ethoxycarbonyl-3-morpholinosydnonimine (sin-10) in heart with chronic coronary insufficiency in dogs », The Japanese Journal of Pharmacology, vol. 20, no 2,â , p. 187â193 (DOI 10.1254/jjp.20.187)
- Margaux Riomet, « Les iminosydnones, de nouveaux outils pour la chimie bioorthogonale », HAL,â .
- Margaux Riomet, Elodie Decuypere, Karine Porte, Sabrina Bernard, Lucie Plougastel, Sergii Kolodych, Davide Audisio et FrĂ©dĂ©ric Taran, « Design and Synthesis of Iminosydnones for Fast Click and Release Reactions with Cycloalkynes », Chemistry â A European Journal, vol. 24, no 34,â , p. 8535â8541 (DOI https://doi.org/10.1002/chem.201801163)
- Maxime RibĂ©raud, Karine Porte, Arnaud Chevalier, LĂ©a Madegard, AurĂ©lie Rachet, AgnĂšs Delaunay-Moisan, Florian Vinchon, Pierre ThuĂ©ry, Giovanni Chiappetta, Pier Alexandre Champagne, GrĂ©gory Pieters, Davide Audisio et FrĂ©dĂ©ric Taran, « Fast and Bioorthogonal Release of Isocyanates in Living Cells from Iminosydnones and Cycloalkynes », Journal of the American Chemical Society, vol. 145, no 4,â , p. 2219â2229 (ISSN 0002-7863, DOI 10.1021/jacs.2c09865).
- Zhuzhou Shao, Wei Liu, Huimin Tao, Fang Liu, Ruxin Zeng, Pier Alexandre Champagne, Yang Cao, K.N. Houk et Yong Liang, « Bioorthogonal release of sulfonamides and mutually orthogonal liberation of two drugs », Chemical communications (Cambridge, England), vol. 54, no 100,â , p. 14089â14092 (ISSN 1359-7345, DOI 10.1039/c8cc08533a).
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- CEA, « Chimie « Click and Release » pour la délivrance ciblée de médicaments in vivo » [Actualité:Fait marquant:Résultat scientifique], sur CEA/Institut des sciences du vivant Frédéric Joliot, (consulté le ).
- « Ătapes du devenir du mĂ©dicament » (consultĂ© le )
- (en) Nicolas PĂ©try, Florian Luttringer, Xavier Bantreil et FrĂ©dĂ©ric Lamaty, « A mechanochemical approach to the synthesis of sydnones and derivatives », Faraday Discuss., vol. 241, no 0,â , p. 114â127 (DOI 10.1039/D2FD00096B).
- Margaux Riomet, Karine Porte, Anne Wijkhuisen, Davide Audisio et FrĂ©dĂ©ric Taran, « Fluorogenic iminosydnones: bioorthogonal tools for double turn-on click-and-release reactions », Chemical Communications, vol. 56, no 52,â , p. 7183â7186 (ISSN 1364-548X, DOI 10.1039/D0CC03067H, lire en ligne, consultĂ© le ).