Accueil🇫🇷Chercher

Hyacinthe Dobremel

Hyacinthe Augustin Dobremel est un ouvrier tisserand et homme politique français né le 6 juin 1814 à Saint-Riquier (Somme) et décédé à Villabé (Essonne) le 19 novembre 1878.

Hyacinthe Dobremel
Fonctions
Député
–
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Saint-Riquier
Date de décès
Lieu de décès Villabé
Nationalité Française
Profession Tisserand Homme politique

Éléments biographiques

Il s’agit d’un personnage mĂ©connu, fort mal traitĂ© dans la notice biographique que lui consacre le Dictionnaire des parlementaires français de 1789 Ă  1889[1], qui fourmille d’erreurs Ă  son encontre (mais que reprend pourtant in extenso le site actuel de l’AssemblĂ©e Nationale). Cette mĂ©connaissance totale du personnage peut s’expliquer par son passage Ă©clair Ă  l’AssemblĂ©e, puis sa disparition, qui n’ont guère laissĂ© le temps aux biographes et journalistes contemporains de l’interroger. Non, il n’est pas nĂ© Ă  Elbeuf (Seine-Maritime) mais Ă  Saint-Riquier (Somme)[2], le , dans une famille très modeste : son père François Auguste Dobremel est un manouvrier de 29 ans, qui dĂ©clare ne pas savoir signer. Sa mère, Aimable Vitry, dĂ©cède Ă  Saint-Riquier le alors qu’il est encore petit enfant. Il n’a pas Ă©tĂ© tisserand au Havre, comme on l’a Ă©crit parfois. Sans doute peu avant 1838 il s’est rendu Ă  Rouen oĂą, pendant une annĂ©e il aurait exercĂ© les fonctions de surveillant de collège[3]. Lorsqu’il y Ă©pouse, le mercredi , Marie Suzanne Courayer, il se dit prĂ©posĂ© Ă  l’octroi et habite 5 rue du Grand Maulevrier[4]. Lors de la naissance d’un premier garçon, Hyacinthe Marie, le , toujours Ă  Rouen, mais cette fois rue Saint-Sever, il se dĂ©clare cordonnier[5]. Il quitte par la suite cet emploi et vient se fixer Ă  Elbeuf, « oĂą il fut d’abord surveillant de l’institution de M. Lebeurrier Â»[6]. Lorsqu’il y prĂ©sente en mairie un fils prĂ©nommĂ© ThĂ©odore Pierre Auguste, nĂ© le , il se dit « professeur Â» et habite 72 rue des Trois-Cornets[7]. Mais quelques mois plus tard, lors du recensement de la population[8] de la mĂŞme annĂ©e, il se dĂ©clare tisserand[9]. Il faut rappeler qu’Elbeuf Ă©tait alors le plus important centre de fabrication de drap de laine cardĂ©e de France et connaissait un très fort dĂ©veloppement du fait de l’introduction du mĂ©tier Jacquard et de la production d’étoffes dites « nouveautĂ©s Â» aux motifs très variĂ©s[10]. Selon l’historien elbeuvien H. Saint-Denis, il occupait cet emploi depuis huit annĂ©es (donc depuis 1840 environ) lorsqu’il fut Ă©lu « Ă  la satisfaction de ses patrons Â». En 1848, la liste Ă©lectorale mentionne qu’il demeure Ă  prĂ©sent rue de la Justice et est dĂ©sormais « dessinateur Â»[11], ce qui dĂ©montre de très grandes capacitĂ©s d’adaptation. Dire que c’était « un ancien professeur Â»[12] est sans doute exagĂ©rĂ© (il ne possĂ©dait apparemment aucun diplĂ´me), mais il s’agissait assurĂ©ment d’un ĂŞtre quelque peu hybride, intelligent et cultivĂ©, sans doute autodidacte[13], mi-intellectuel mi-ouvrier. Les Ă©vĂ©nements rĂ©volutionnaires l’avaient fait rĂ©agir publiquement. Dès le , Ă  l’AssemblĂ©e municipale d’Elbeuf on avait lu une lettre signĂ© de lui « contenant des considĂ©rations sur l’utilitĂ© d’admettre un plus grand nombre de travailleurs dans l’administration, sur la nĂ©cessitĂ© de guider leur intelligence de diriger leurs sentiments, naturellement bons, et d’empĂŞcher ainsi l’influence des maximes exagĂ©rĂ©es et de doctrines dĂ©magogiques. »[14]Il s’agit donc d’un modĂ©rĂ©, que les Ă©vĂ©nements incitent Ă  s’engager en politique. Le ComitĂ© dĂ©partemental rĂ©publicain, Ă  la recherche de candidats « ouvriers Â», a dĂ» le repĂ©rer. « La facilitĂ© de parole qu’on lui avait reconnu dans les clubs et son intelligence l’avaient fait dĂ©signer pour la candidature Â». Il Ă©tait estimĂ© et s’était fait en tout cas suffisamment connaĂ®tre localement –sa rĂ©putation ayant mĂŞme dĂ©jĂ  dĂ©passĂ© sans doute le cadre elbeuvien – pour que sa candidature soit patronnĂ©e « par sept comitĂ©s centraux de Rouen ou du dĂ©partement sur les huit existants. Â»[15] La circulaire qu’il adresse aux Ă©lecteurs du dĂ©partement rĂ©vèle quelques aspects de sa pensĂ©e et de son style oratoire[16]. Au « spectacle sublime Â» de la RĂ©volution Ă©crit-il, « les peuples ont applaudi et les rois ont tremblĂ© Â». Mais qu’ils « ne puissent pas dire : Qu’ont-ils fait de leur libertĂ© ? Pour Ă©viter ce malheur, il faut, citoyens, nous mĂŞler tous ensemble, nous appuyer l’un sur l’autre, nous unir, et après avoir excitĂ© l’admiration par notre courage, nous faire admirer encore par notre fraternitĂ© ! Â» Il poursuit ce discours rassembleur par des considĂ©rations rĂ©publicaines autour des concepts de libertĂ©, Ă©galitĂ©, fraternitĂ©.

Une éphémère carrière d’élu

Aux Ă©lections lĂ©gislatives du , les Ă©lecteurs du dĂ©partement devaient dĂ©signer 19 reprĂ©sentants. Six Elbeuviens se prĂ©sentèrent ; trois furent Ă©lus : deux patrons Victor Grandin (qui avait obtenu 130 004 voix) et Camille Randoing (100 604 voix) et un ouvrier Hyacinthe Dobremel (qui Ă©tait arrivĂ© en 12ème position avec 121 305 voix[17]). On imagine sa fiertĂ© et l’ascension sociale que cela reprĂ©sentait pour lui. Les trois hommes quittèrent ensemble la ville pour assister Ă  la sĂ©ance d’ouverture de l’AssemblĂ©e Nationale[18]. Dobremel siège donc Ă  l’AssemblĂ©e nationale constituante du au en tant que reprĂ©sentant du dĂ©partement de Seine-InfĂ©rieure. Il semble avoir voulu s’impliquer d’emblĂ©e dans le fonctionnement de l’AssemblĂ©e : il est nommĂ© commissaire du 17e bureau[19] et fait partie du « ComitĂ© des travailleurs Â» de l’AssemblĂ©e. ComposĂ© de 60 membres, ce comitĂ©, qui incluait les 36 commissaires des 18 bureaux de l’AssemblĂ©e, comprenait en rĂ©alitĂ© des travailleurs, des patrons, des avocats…En compagnie d’autres dĂ©putĂ©s de la Seine-InfĂ©rieure, il reçoit le une dĂ©putation de la Garde nationale de Rouen dans la salle des Pas Perdus de l’AssemblĂ©e[20].Mais il eut Ă  peine le temps de siĂ©ger. Son nom ayant Ă©tĂ© publiĂ© dans tous les journaux de province Ă  l’occasion du rĂ©sultat des Ă©lections, Hyacinthe Dobromel semble avoir Ă©tĂ© en effet rattrapĂ© par son passĂ©. Il est attaquĂ© apparemment par une campagne de presse concernant des « malheurs judiciaires Â»[21] anciens, Ă©voquĂ©s Ă  mots couverts et dont il est difficile de percevoir la nature (s’agirait-il d’une erreur de jeunesse ? D’affaires de mĹ“urs ? En fait, les journaux ne prĂ©cisent pas grand-chose, ainsi qu’en tĂ©moigne cet article assez sibyllin : « Les faits qui nous avaient Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©s et que nous n’avions pas cru devoir divulguer seraient-ils donc vrais ? M. Dobremel reprĂ©sentant Ă©lu par le dĂ©partement de la Seine-InfĂ©rieure serait-il le mĂŞme que le Dobromel, nĂ© Ă  Saint-Riquier (Somme) ? Â»[22] Le Journal de Rouen affirme quant Ă  lui[23] : « M. Dobremel a donnĂ© hier sa dĂ©mission de reprĂ©sentant du Peuple. Nous ignorons quel est le motif de cette dĂ©mission. Â» Et malheureusement la presse elbeuvienne de 1848 n’a pas Ă©tĂ© conservĂ©e. Le grand historien local Henri Saint-Denis – qui composa sa monumentale Histoire d’Elbeuf en 12 volumes cinquante annĂ©es plus tard – ne donne pas non plus d’explications. En tout cas, parce qu’il ne pouvait se justifier ou parce que son honneur Ă©tait atteint, H. Dobromel prĂ©fĂ©ra se retirer. Le prĂ©sident de l’AssemblĂ©e annonce le qu’il a reçu une lettre de dĂ©mission de sa part[24]. Il abandonne alors dĂ©finitivement la vie politique et semble avoir Ă©galement quittĂ© Elbeuf : alors qu’il figure bien sur la liste Ă©lectorale datĂ©e du , son nom est rayĂ© sur la nouvelle liste achevĂ©e le , avec la mention « parti d’Elbeuf en avril dernier Â»[25] (sans doute plus exactement en mai, Ă  moins qu’il n’ait dĂ©mĂ©nagĂ© vers Paris dès son Ă©lection). Il disparaĂ®t ensuite et l’on perd sa trace[26]. Le rĂ©seau internet permet de retrouver son dĂ©cès, survenu en son domicile de VillabĂ© (actuel dĂ©partement de l’Essonne), le Ă  l’âge dĂ©clarĂ© de 65 ans (en rĂ©alitĂ© 64 ans rĂ©volus)[27]. Il Ă©tait alors « teneur de livres Â», c’est-Ă -dire employĂ© aux Ă©critures, vraisemblablement dans l’une des manufactures installĂ©es le long de l’Essonne (dont la grande papeterie Darblay).

Notes et références

  1. Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Edgar Bourloton, 1889-1891, p. 393.
  2. Archives départementales de la Somme, registre d’état civil, année 1814, acte n°21 (5 Mi D1212). Les témoins sont un oncle tisserand et un couvreur en tuile. Au moment du mariage de son fils en 1838, son père est dit charpentier.
  3. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X (de 1846 à 1865), p. 129.
  4. Archives dĂ©partementales de la Seine-Maritime, registre d’état civil de Rouen, annĂ©e 1838, acte n°723. Sa femme, lingère, nĂ©e en novembre 1806, veuve depuis aoĂ»t 1836, vit avec sa mère Ă  la mĂŞme adresse que lui. Les tĂ©moins de Hyacinthe Dobremel sont un cordonnier et un « employĂ© au collage Â».
  5. Registre d’état civil de Rouen, actes de naissance, n°2 316.
  6. Henri Saint-Denis, op. cit., t. X (de 1846 Ă  1865), p. 129.
  7. Elbeuf, Centre d’archives patrimoniales, année 1841, registre des naissances, acte n°17. Les témoins sont Pierre Georges Marsollet, un ouvrier de fabrique demeurant dans la même rue et Laurent Leseaux, marchand épicier.
  8. Elbeuf, Centre d’archives patrimoniales, 1 F_ELB 7. Il demeure toujours rue des Trois-Cornets avec son épouse, repasseuse, leurs deux enfants Hyacinthe et Théodore, ainsi que sa belle-mère (déjà présente à Rouen).
  9. Ouvrier chargĂ© d’installer les fils de chaĂ®ne sur un mĂ©tier Ă  tisser ; on pouvait ĂŞtre soit monteur, soit tisserand soit occuper en mĂŞme temps les deux emplois. H. Saint-Denis dit qu’il changea de mĂ©tier « ses charges de famille ayant augmentĂ© Â» (ce qui correspond bien Ă  la 2ème naissance ; il n’y en eut pas d’autre Ă  Elbeuf). Le salaire de tisserand ou de monteur Ă©tait certainement supĂ©rieur Ă  ce que pouvait toucher un employĂ© d’une modeste institution privĂ©e.
  10. Alain Becchia, La draperie d’Elbeuf des origines à 1870, Publications de l’Université de Rouen, 2000.
  11. Les dessinateurs concevaient les motifs des étoffes qui étaient ensuite exécutées par les tisserands (Elbeuf, Centre d’archives patrimoniales, 1K_ELB 4).
  12. Henri Saint-Denis, op. cit., p. 114. Il a sans doute donné des leçons dans la petite institution privée dans laquelle il fut surveillant, mais sans avoir aucun diplôme d’enseignement.
  13. Il laisse une belle signature largement paraphée sur son acte de mariage et sur celui enregistrant la naissance de son fils, qui confirme une pratique consommée de l’écriture.
  14. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, op. cit., p. 82.La Bibliothèque nationale ne conserve aucun écrit de lui.
  15. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, op. cit., p. 128-129.
  16. De larges extraits en ont été publiés par H. Saint-Denis, op. cit., p. 114-116.
  17. La Presse, 1er mai 1848, p. 1.
  18. Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, op. cit., p. 155.
  19. Journal des débats politiques et littéraires, 13 mai 1848, p. 1.
  20. Journal de Rouen, 16 mai 1848 et Journal des débats politiques et littéraires, 18 mai 1848, p. 2.
  21. Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, op. cit.
  22. La Presse, 1er juin 1848, p. 3.
  23. Le Journal de Rouen, 26 mai 1848, p. 1.
  24. La Gazette nationale ou le Moniteur universel, 26 mai 1848, p. 7. Sa démission, ainsi que celle du député Marintets (ou Martinetz) du Havre et celle de Lamartine (arrivé 1er en Seine-Inférieure mais qui opta finalement pour le département de la Seine, dans lequel il avait été également élu) provoqua de nouvelles élections dans le département le 4 juin. Furent élus Adolphe ThiersEugène Loyer et Charles Dupin.
  25. Elbeuf, Centre d’archives patrimoniales, 1K_ELB 4.
  26. On ne trouve pas son nom dans les listes électorales elbeuviennes de 1849 et 1850 et les tables décennales de l’état civil de cette commune n’indiquent ultérieurement aucune naissance ou décès concernant la famille Dobremel.
  27. Archives DĂ©partementales de l’Essonne, 4E_2941, registres d’état civil, annĂ©e 1878, acte n°36. La dĂ©claration est faite par son fils cadet, ThĂ©odore Pierre Auguste, fileur, domiciliĂ© Ă  VillabĂ© ; sa veuve, Marie Suzanne Courayer est alors âgĂ©e de 71 ans.


Sources

  • Alain Becchia, La draperie d’Elbeuf des origines Ă  1870, Mont-Saint-Aignan, Publications de l’UniversitĂ© de Rouen, 2000.
  • Henri Saint-Denis, Histoire d’Elbeuf, t. X (de 1846 Ă  1865), Elbeuf, Impr. Saint-Denis, 1903.
  • « Hyacinthe Dobremel », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891 [dĂ©tail de l’édition]

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.