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Historique de la prise en compte des enjeux environnementaux en France

La prise en compte des enjeux environnementaux par les pouvoirs publics en France est un processus de long terme, qui se manifeste par l'édiction de normes juridiques de protection de l'environnement, la mise en œuvre de politiques publiques de l'environnement, ou l'intégration des questions environnementales dans les politiques publiques existantes.

Historiquement, elle commence avec l'intégration de normes environnementales en droit de l'urbanisme. À partir des années 1970, la notion de développement durable connaît un succès grandissant dans le discours public français, ce qui se traduit par une prise en compte croissante des enjeux environnementaux par les politiques publiques.

Droit de l'urbanisme

Classiquement, on dit que le droit de l'urbanisme est apparu dans la loi Cordunet du .

Préfiguration du droit de l'urbanisme

Le droit de l'urbanisme renvoie étymologiquement au droit de la ville. Dès lors, il existait du droit de l'urbanisme avant 1919. Ainsi, les règles sur l'alignement ont été fixées par une loi de 1807. Cette législation va à la fois prévoir les plans d'alignement et des arrêtés individuels. Cette législation préfigure le droit de l'urbanisme. Les plans d'alignement pouvaient être mis en place pour modifier ou élargir les voies publiques : cette législation a influé le modelage des villes.

Autre législation importante le décret de 1810 sur les établissements classés, incommodes, insalubres ou dangereux[1]. La logique était de protéger le voisinage par rapport à des établissements générateurs de nuisances (incommodes, insalubres ou dangereux). Ce qui était visé par le décret de 1810, était notamment l'activité de tannerie.

Pour protéger le voisinage, le décret imposait une obligation d'éloignement des établissements générateurs de nuisances. Cela va avoir des conséquences considérables sur ce qu'on appelle les structures urbaines. Les établissements classés vont nécessairement être installés en périphérie des villes existantes. Mais l'obligation d'éloignement ne s'appliquait qu'aux habitations préexistantes. Il n'était pas interdit de construire et de s'installer autour des établissements incommodes, insalubres ou dangereux. Les villes sont devenues des centres-villes entourés par des quartiers industriels.

Cette législation de 1810 va donc structurer l'expansion des villes du XIXe siècle et pour une bonne part du XXe siècle alors qu'elle n'a pas de but urbanistique initialement.

Autre préfiguration : la rénovation des grandes villes, notamment Paris[2], à partir de 1860. Cette rénovation va préfigurer elle aussi au droit de l'urbanisme. On va avoir notamment un décret de 1852 qui va imposer un permis de bâtir[3] pour toutes les constructions nouvelles. Cela sera étendu à quelques autres grandes villes que celle de Paris. Le permis de bâtir va préfigurer le permis de construire actuel.

Ensuite intervient la rénovation haussmanienne de Paris. Des quartiers entiers ont été détruits pour être reconstruits sur de nouvelles bases (logique d'ordre, permettre à l'armée de circuler dans Paris en cas de révolution). Une loi du a rénové le régime de l'expropriation et a notamment permis à l'État d'exproprier au bénéfice de concessionnaires[4]. Le concessionnaire peut redéfinir les parcelles pour ensuite les vendre. C'est donc une opération à vocation commerciale. On trouve ici les prémices des opérations d'aménagement.

À la même époque apparaissent les premières législations sur la salubrité des agglomérations. Ici aussi c'est quelque chose d'assez proche du droit de l'urbanisme. Une loi de 1850[5] va permettre d'imposer à des propriétaires de remédier à l'insalubrité de leurs habitations. Ce sont ici les prémices de l'hygiénisme. Cette loi de 1850 a été remplacée par une Loi du relative à l’hygiène publique[6]. Cette loi va imposer l'adoption de règlements sanitaires (communaux d'abord puis départementaux en 1935).

Généalogie du droit de l'urbanisme

Le droit de l'urbanisme apparaît en 1919[7]. Dès le départ, il va être organisé autour de plusieurs axes. D'abord la planification, ensuite la délivrance d'autorisations, enfin la conception et l'exécution d'opérations.

La loi de 1919 va prévoir la réalisation de plans d'aménagement, d'embellissement et d'extension. Ce sont les tout premiers plans d'urbanisme qui apparaissent à cette période.

Jusque dans les années 1990, l'urbanisme est dominé par le problème de l'extension[8]. Les plans ont été conçus comme des instruments pour étendre les villes. Le droit de l'urbanisme a donc été conçu comme une capacité des villes à absorber les nouveaux habitants. L'autre aspect important de la loi de 1919 a été de commencer à réglementer ce qu'on a appelé les lotissements.

Étape suivante, une loi du [9] va modifier le régime des plans d'urbanisme, et surtout elle va fusionner les autorisations (issues du décret de 1852 et la loi de 1902) pour créer le permis de construire. Ce permis devait être non seulement conforme au plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension, mais également conforme au règlement sanitaire départemental issu de la loi de 1902. Une même législation mélangeait donc urbanisme et construction / habitation (respect de la salubrité).

La série de réformes suivante va provenir d'une série de décrets du :

  • GĂ©nĂ©ralisation du champ d'application du permis de construire.
  • Nouvelle formule des catĂ©gories de plans d'urbanisme.
  • On va voir apparaĂ®tre des instruments pour les opĂ©rations d'amĂ©nagement, menĂ©es par l'État ou Ă©ventuellement des concessionnaires.

Ex : la Z.U.P (zone à urbaniser par priorité). Le procédé a été abrogé en 1970.

L'étape suivante est la loi d'orientation foncière du . Cette loi va être essentielle sur au moins deux aspects. D'abord, sur l'aspect opération car elle met en place la zone d'aménagement concertée (la ZAC) qui est le principal instrument public pour l'aménagement.

Elle crée également deux types de plans. À l'échelle de la commune, on va voir apparaître le plan d'occupation des sols (POS) et à l'échelle intercommunale le Schéma directeur. Le but est de coordonner les actions sur des territoires qui sont liés les uns aux autres. Les schémas directeurs s'imposent aux POS.

On assiste à une urbanisation diffuse. De nombreuses constructions sont apparues mais cette urbanisation s'est faite à échelle humaine, ce qui a engendré une consommation de l'espace considérable.

La loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) du prend le contre-pied de cette politique pour limiter le phénomène. On assiste à la prise en compte d'autres intérêts que la simple urbanisation : c'est la reconstruction de la ville sur elle-même = le renouvellement urbain.

Les schémas de cohérence territoriale (Scot) ont remplacé les schémas directeurs. Les POS vont être remplacés par les plans locaux d'urbanisme (PLU). Ces nouveaux instruments sont censés être adaptés à la logique du renouvellement urbain plutôt qu'à l'étalement.

L'ordonnance du réforme les autorisations d'urbanisme. C'est un texte majeur qui a transformé de fond en comble les autorisations d'urbanisme préexistantes. Ne subsistent que le permis de construire, le permis d'aménager (cela correspond notamment aux lotissements), la déclaration préalable et le permis de démolir.

La réforme est entrée en vigueur le . La loi Grenelle II du va également modifier le droit de l'urbanisme avec une plus grande intégration du développement durable. On assiste aussi une refonte des Scot et des PLU.

Les objectifs contemporains du droit de l'urbanisme sont la mixité fonctionnelle et sociale, la libéralisation et sécurisation des projets mais aussi faire de l'échelon local, le réceptacle de la territorialisation des politiques publiques.

Intégration de la notion de développement durable

L'homme est-il fait pour « dominer Â» la nature, pour s'en rendre « maĂ®tre et possesseur Â» (Descartes) ? Ou au contraire est-il fou de faire « la guerre Ă  la Nature avec des machines Â» (Érasme) ? C'est le vieux dĂ©bat de la place de l'Homme sur Terre. Pendant longtemps on a pensĂ© que notre planète rĂ©sisterait aux assauts rĂ©pĂ©tĂ©s des hommes, grâce Ă  ses capacitĂ©s de rĂ©gĂ©nĂ©ration[10]. On estimait Ă©galement que la science corrigerait les Ă©ventuels mĂ©faits du progrès. Cette conception pouvait s'avĂ©rer vraie jusque dans les annĂ©es 1970 oĂą seuls les pays occidentaux dits « dĂ©veloppĂ©s Â» consommaient de manière importante les ressources terrestres. Aujourd'hui, le monde s'emballe. DĂ©mographie, dĂ©forestation et consommation des Ă©nergies non renouvelables s'accĂ©lèrent. La question de la place de l'homme face Ă  la nature se pose donc avec d'autant plus d'acuitĂ©. Le terme « dĂ©veloppement durable » est alors devenu la rĂ©fĂ©rence obligĂ©e des politiques publiques et privĂ©es, le nouveau mot d’ordre de la coopĂ©ration internationale[11].

Du développement au développement durable

La notion s’est imposĂ©e face Ă  l’inquiĂ©tude des pays riches devant l’émergence de certains pays du Sud et coĂŻncide avec la montĂ©e en puissance des ONG. La dĂ©finition la plus connue du dĂ©veloppement durable est la suivante : « Le dĂ©veloppement durable, c'est s'efforcer de rĂ©pondre aux besoins du prĂ©sent sans compromettre la capacitĂ© de satisfaire ceux des gĂ©nĂ©rations futures » (Rapport Brundtland, 1987). C'est davantage un programme d'action qu'une vraie dĂ©finition.

La notion de dĂ©veloppement durable est opposĂ©e Ă  celle de dĂ©veloppement. Bien que le dĂ©veloppement apparaisse concrètement avec la rĂ©volution industrielle, le terme apparaĂ®t après la Seconde Guerre mondiale. Dans son discours sur l'Ă©tat de l'Union en , le prĂ©sident Harry Truman Ă©voque pour la première fois la notion de « sous-dĂ©veloppement Â». Le concept de dĂ©veloppement est donc un produit de la guerre froide. Le plan Marshall est annoncĂ© lors du mĂŞme discours afin d'Ă©viter le basculement des pays europĂ©ens ravagĂ©s par la guerre vers le communisme. La notion de sous-dĂ©veloppement sous-tend que les pays pauvres doivent rattraper les pays riches, dĂ©veloppĂ©s. La sociĂ©tĂ© industrielle occidentale serait donc le seul modèle envisageable pour les pays du Sud. Cette vision du monde s'achève en 1990 avec la disparition du bloc soviĂ©tique.

D'une part, la notion mĂŞme de dĂ©veloppement est discrĂ©ditĂ©e. Le dĂ©veloppement est considĂ©rĂ© par les pays du Sud comme une « religion occidentale Â», idĂ©ologie impĂ©rialiste, instrument de la domination de l'Occident. D'autre part, se dĂ©veloppe progressivement la prise en compte par l'ĂŞtre humain des questions environnementales. L'annĂ©e rĂ©fĂ©rence est l'annĂ©e 1979. En effet, c'est Ă  la fois le premier accident nuclĂ©aire civil de grande ampleur (Three Mile Island) et la première confĂ©rence mondiale sur le climat Ă  Genève. On rĂ©alise que la Terre est un système interdĂ©pendant, que toute atteinte Ă  la qualitĂ© de l'atmosphère, des ocĂ©ans ou des ressources a des rĂ©percussions mondiales. Le dĂ©veloppement durable c'est l'apparition d'une conscience mondiale. Il est donc clair que la notion de dĂ©veloppement durable apparaĂ®t sur la scène internationale au dĂ©but des annĂ©es 1990. Toutefois, l'idĂ©e mĂŞme n'est pas nĂ©e Ă  cette Ă©poque. C'est une notion plus ancienne.

La naissance du développement durable

Comment naĂ®t le dĂ©veloppement durable ? Le concept de dĂ©veloppement durable est formulĂ© dès les annĂ©es 1970. Mais les impĂ©ratifs de la guerre froide n'ont pas permis son affirmation. Le dĂ©veloppement Ă©tait considĂ©rĂ© comme la meilleure arme face au communisme.

Le concept nĂ© avec l'explosion dĂ©mographique et la crise de l'Ă©nergie. En 1970, on est Ă  l'apogĂ©e de la croissance dĂ©mographique. Les taux de croissance constatĂ©s Ă  cette Ă©poque ne seront jamais Ă©galĂ©s. Chaque annĂ©e de cette dĂ©cennie, la population mondiale s’accroĂ®t de 60 millions de personnes. Les pays du Nord, dĂ©jĂ  vieillissant, s'inquiètent de ce phĂ©nomène. En 1968, un AmĂ©ricain du nom de Paul Ehrlich publie un ouvrage au titre rĂ©vĂ©lateur : La Bombe P, P pour population. Les pays pauvres bĂ©nĂ©ficient des progrès techniques des pays occidentaux en matière de lutte contre la mortalitĂ© infantile, sans qu'il y ait parallèlement baisse de la natalitĂ©. Cela explique pourquoi on peut atteindre des taux de croissance dĂ©mographiques de cette ampleur.

Les sociĂ©tĂ©s dĂ©veloppĂ©es prennent conscience que les ressources de la planète sont limitĂ©es et que le dĂ©veloppement des pays du Sud risque de leur nuire. Les occidentaux craignent pour l'Ă©quilibre qu'ils pensaient avoir trouvĂ© depuis le dĂ©but du XXe siècle. En 1973, c'est Ă©galement le premier choc pĂ©trolier. Les prix du pĂ©trole quadruple. Les occidentaux prennent conscience qu'ils ne pourront peut-ĂŞtre pas vivre leur « american way of life Â» Ă©ternellement. Les mouvements malthusiens rĂ©apparaissent, dĂ©nonçant le danger de la prolifĂ©ration des pauvres.

Il convient également de mentionner le rôle des ONG. Après la guerre froide, elles s'organisent en réseaux planétaires sur des questions qui dépassent les clivages Nord-Sud ou Est-Ouest. Ces problématiques appellent des réponses communes. Sous l'impulsion de ces ONG, 132 Chefs d'État réunis à Rio adoptent l'agenda 21 en 1992 lors du sommet de la Terre. Les ONG ont donc joué un rôle essentiel dans le passage du développement au développement durable. Ce n'est pas un simple changement sémantique mais une rupture de fond.

« Il n'y a pas seulement pour l'humanitĂ© la menace de disparaĂ®tre sur une planète morte. Il faut aussi que chaque homme, pour vivre humainement, ait l'air nĂ©cessaire, une surface viable, une Ă©ducation, un certain sens de son utilitĂ©. Il lui faut au moins une miette de dignitĂ© et quelques simples bonheurs Â». Marguerite Yourcenar[12]

Notes et références

  1. DĂ©cret de 1810
  2. Rénovation de la ville de Pairs au XIXe siècle
  3. Le permis de bâtir
  4. Expropriation pour cause d'utilité publique, Noël-Antoine Barneoud, impr. E. Auel, 1844
  5. La loi du 13 avril 1850 ou lorsque la Seconde RĂ©publique invente le logement insalubre, Florence Bourillon
  6. Loi du 15 février 1902 sur l'hygiène publique
  7. La naissance du droit de l'urbanisme - 1919-1935, Jean-Pierre Demouveaux, Jean-Pierre Lebreton, Les éditions des journaux officiels, Broché
  8. L'urbanisme d'extension des années 1990
  9. Loi du 15 juin 1943
  10. P.U.F. « Que sais-je ? », 2011, Jacques Vernier, L'Environnement
  11. P.U.F. « Que sais-je ? », 2012, Sylvie Brunel, Le Développement durable
  12. Les Yeux ouverts (entretiens avec Matthieu Galey), Ed du Centurion, 1980.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Sylvie Brunel, Le dĂ©veloppement durable, P.U.F. « Que sais-je ? », 2012,
  • Jacques Vernier, L'environnement, P.U.F. « Que sais-je ? », 2011,
  • E. Leynaud, L’état et la nature : l'exemple des parcs nationaux français. Contribution a une histoire de la protection de la nature (http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=7824980 rĂ©sumĂ© Inist-CNRS]), 1985.
  • L. Charles, Bernard Kalaora, De la protection de la nature au dĂ©veloppement durable: vers un nouveau cadre de savoir et d'action ?, Espaces et sociĂ©tĂ©s (3), 2007, p. 121-133 [PDF], 14 pages.
  • V. Berdoulay, O. Soubeyran, L'Ă©cologie urbaine et l'urbanisme, Politiques publiques, ACtion politique, TErritoires (PACTE) ; Institut d'Études Politiques [IEP] - Grenoble – CNRS : UMR5194 – UniversitĂ© Pierre-Mendès-France - Grenoble II – UniversitĂ© Joseph Fourier - Grenoble I, 2002 (http://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00382784/ rĂ©sumĂ©])
  • D. Boullet, Entreprises et environnement en France de 1960 Ă  1990 : les chemins d'un prise de conscience (no 209), Librairie Droz, 2006 (rĂ©sumĂ© et lien Google Books).
  • A. Bailly, L. Bourdeau-Lepage, Concilier dĂ©sir de nature et prĂ©servation de l'environnement: vers une urbanisation durable en France, GĂ©ographie, Ă©conomie, sociĂ©tĂ© 13(1), 2011, p. 27-43.
  • Pierre Merlin, L'urbanisme, P.U.F. « Que sais-je ? », 2013.
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