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Histoire populaire

L'histoire populaire est un vaste genre d'historiographie qui adopte une approche populaire, vise un large public et met généralement l'accent sur la narration, la personnalité et les anecdotes plutôt que sur l'analyse scientifique. Le terme est utilisé par opposition à l'écriture académique ou scientifique professionnelle de l'histoire, qui est généralement plus spécialisée et technique et, par conséquent, moins accessible au grand public.

MĂ©thodologie

L'histoire populaire n'est pas un courant homogène, car ses acteurs proviennent d'horizons variés[1]. Certains historiens populaires aspirent à une écriture plus romancée afin que le lecteur puisse s'immerger dans le récit et comprendre la vie et l'époque dans lesquelles s'insère le sujet abordé. Ce style peut être considéré comme plus proche de celui des romanciers historiques[2]. D'autres historiens populaires faisant partie du monde académique reprennent l'histoire populaire pour raconter une histoire plus sociale, mettant l'accent sur le peuple[3]. Cette dernière optique semble proche de l'histoire d'en bas, mais elle se différencie par le public ciblé. L'histoire populaire s'adresse au grand public tandis que l'histoire en bas est plus dédiée au milieu académique. En résumé, pendant longtemps, l'histoire populaire s'est opposée à l'histoire académique par ses méthodes et son public cible.

Origine et Ă©volution du courant dans le monde francophone

L’utilisation dans le monde francophone de l’appellation « histoire populaire de » remonte à la seconde moitié du XIXe siècle. Mais cette appellation n’a pas toujours eu le même sens dans l’historiographie lors des siècles suivants. Après un certain désintérêt au début du XXe siècle, cette dénomination a connu un regain de popularité dans les années 70-80. Ces dernières années, ce regain de popularité semble se réaffirmer avec la parution d’ouvrages utilisant cette étiquette d’histoire populaire.

Au XIXe siècle, l’histoire populaire se veut être une histoire pour le peuple et poursuit deux objectifs. D’abord, elle veut toucher le peuple de manière commerciale. Elle s’adresse au grand public en étant plus accessible dans son contenu et plus attrayante dans sa forme, notamment au moyen d’illustrations. Ensuite, elle adopte une posture réactionnaire et nationaliste avec pour objectif « d'inculquer à un peuple ignare un minimum de connaissances historiques centrées sur la nation et la religion »[4]. Pour atteindre ces objectifs, l’histoire populaire se détache de l’histoire savante et de ses méthodes de recherche scientifique. Elle ne cherche pas à prouver les faits qu’elle avance, car son lectorat ne se questionne pas sur la véracité de ce qu’on lui propose. L’histoire populaire au XIXe siècle dans le monde francophone est donc une histoire profane, écrite par le peuple et pour le peuple dans un but commercial et nationaliste[5].

Le regain d’intérêt pour l’histoire populaire dans les années 70-80 s’inscrit dans un contexte post-Mai 68. La logique commerciale qui caractérisait l’histoire populaire du XIXe siècle est totalement absente. Cette nouvelle histoire populaire nait de la remise en cause des institutions traditionnelles caractérisant Mai 68, et développe alors un rejet pour l’histoire académique. Elle se veut une histoire développée hors du monde académique, mais tout en conservant les méthodes scientifiques. Les gens doivent s’approprier les méthodes historiques, cela afin de rendre l’histoire aux gens ordinaires et à s’intéresser directement à lui. Cette histoire populaire a pour objectif de s’intéresser aux oubliés de « l’histoire officielle ». Elle le fait au moyen d’entreprises collectives et de revues dédiées, notamment Le Mouvement social. Cependant, même si ses réflexions et son intérêt pour les sujets sociaux ont influencé le monde académique, l’histoire populaire de cette période a connu un succès limité et est restée assez marginale. L’histoire populaire des années 70-80 est une histoire du peuple, écrite par le peuple[6].

La tendance récente de certains ouvrages à utiliser l’appellation dans leur titre ne s’inscrit pas dans la continuité des deux mouvements précédents. L’ouvrage d’Howard Zinn A People’s History of the United States paru en 1980 a eu un grand succès dans le monde anglophone. Mais il n’a reçu une traduction qu’en 2002. Et c’est seulement au début des années 2010 qu’on a pu voir apparaitre plus régulièrement des traductions d’ouvrages anglophones racontant l’histoire populaire de tel ou tel sujet. Cependant, les cinq dernières années ont vu l’essor d’ouvrages francophones originaux, comme ceux écrits par Zancarini-Fournel ou Noiriel, sans qu’ils aient pour autant la même approche que Zinn. L’histoire populaire récente ne peut pas être définie comme un courant homogène comme précédemment. L’utilisation de l’appellation histoire populaire se fait à l’appréciation de l’auteur. D’ailleurs, ce dernier fait désormais souvent partie du milieu académique, à l’image de Zancarini-Fournel ou de Noiriel. Il n’y a plus de volonté de s’opposer au milieu académique ou de s’adresser spécifiquement au peuple. Néanmoins, ces ouvrages récents ont pour point commun de s’intéresser à une histoire plus sociale, en mettant l'accent sur l’histoire du peuple. L’histoire populaire dans l’historiographie récente fait plus office de label utilisé pour surfer sur la réussite commerciale d’autres ouvrages qu’elle ne fait référence à une méthode de recherche historique particulière[7].

L'historien populaire

Certains historiens populaires sont sans affiliation universitaire tandis que d'autres sont des universitaires, ou d'anciens universitaires, qui (selon un auteur) « sont devenus en quelque sorte abstraits de l'arène académique, devenant des commentateurs culturels »[8]. Beaucoup ont travaillé comme journalistes, peut-être après avoir obtenu un premier diplôme en histoire. Les historiens populaires peuvent devenir des auteurs de renommée nationale ou à succès et peuvent ou non servir les intérêts de points de vue politiques particuliers dans leurs rôles d'« historiens publics ». De nombreux auteurs d'« histoires officielles » et de « biographies autorisées » seraient qualifiés d'historiens populaires servant les intérêts d'institutions particulières ou de personnalités publiques.

Les historiens populaires visent à figurer sur les « listes générales » des éditeurs généralistes, plutôt que sur les presses universitaires qui ont dominé l'édition universitaire ces dernières années. De plus en plus, les historiens populaires se tournent vers la télévision lorsqu'ils le peuvent. Souvent, ils reprennent des séries de documentaires qu'ils adaptent en livre comme pour Secrets d'histoire présentés par Stéphane Bern, un historien populaire français.

Apports du courant

L'intérêt et les apports de l'histoire populaire sont multiples. En premier lieu, elle permet à tout un chacun d'accéder plus facilement aux récits historiques. Il n'est pas nécessaire d'être formé à l'histoire pour apprécier ces récits.

Après les évènements de mai 68 en France, les réflexions et l'intérêt que l'histoire populaire a porté aux sujets sociaux ont influencé le monde académique. Elle a aussi permis au peuple, ignoré par « l'histoire officielle », d'avoir une tribune.

Certains adeptes de l'histoire populaire considèrent que ce genre peut être une sorte d'introduction à l'histoire académique en donnant envie aux plus jeunes de se lancer dans la recherche académique[9].

Représentants du courant

Universitaires

Non universitaires

Bibliographie

Ouvrages, articles et contributions

  • De Groot Jerome, Consuming History: Historians and Heritage in Contemporary Popular Culture, Londres et New York, Routledge, 2009. (ISBN 978-0-415-39945-6)
  • Norton Elizabeth, « Writing Popular History: Comfortable, Unchallenging Nostalgia-Fodder? », sur History Matters, 28 aoĂ»t 2013 (consultĂ© le 27 dĂ©cembre 2020) (lire en ligne).
  • Ruiz Émilien, « L'histoire populaire : label Ă©ditorial ou nouvelle forme d’écriture du social ? », Le Mouvement social, nos 269-270 « Écrire autrement ? L'histoire sociale en quĂŞte de publics », octobre 2019 - mars 2020, p. 185-230 (DOI 10.3917/lms.269.0185).

Exemples d'ouvrages illustrant le courant

  • Ambrose Stephen, Crazy Horse and Custer: The Parallel Lives of Two American Warriors, New York, Doubleday, 1975. (ISBN 0-385-09666-6)
  • Bern StĂ©phane, Secrets d'histoire, Paris, Albin Michel, 2010.
  • Correia MickaĂ«l, Une histoire populaire du football, Paris, La DĂ©couverte, 2018.
  • McCullough David, Truman, New York e.a., Simon and Schuster, 2003.
  • Noiriel GĂ©rard, Une histoire populaire de la France, Marseille, Agone, coll. « MĂ©moires sociales », 2018, (ISBN 978-2-7489-0301-0).
  • Tuchman Barbara, The First Salute: A View of the American Revolution. New York, Knopf/Random House, 1988. (ISBN 0394553330)
  • Zancarini-Fournel Michelle, Le moment 68 : une histoire contestĂ©e, Paris, Le Seuil, 2008. (ISBN 9782020898911)
  • Zinn Howard, A People’s History of the United States, 1492-present, New York, Harper and Collins, 1980.

Notes et références

  1. De Groot Jerome, Consuming History: Historians and Heritage in Contemporary Popular Culture, Londres et New York, Routledge, 2009, p.15. (ISBN 978-0-415-39945-6)
  2. (en-US) Elizabeth Norton, « Writing Popular History: Comfortable, Unchallenging Nostalgia-Fodder? », sur History Matters, (consulté le )
  3. Ruiz Émilien, « L'histoire populaire : label éditorial ou nouvelle forme d’écriture du social ? », Le Mouvement social, nos 269-270 « Écrire autrement ? L'histoire sociale en quête de publics », octobre 2019 - mars 2020, p. 185-230. DOI 10.3917/lms.269.0185.
  4. Ibid., p. 227.
  5. Ibid., p. 188-199.
  6. Ibid., p. 199-205.
  7. Ibid., p. 205-227.
  8. De Groot Jerome, Op. cit., p.15.
  9. Norton Elizabeth, Op. cit.
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