Histoire d'en bas
LâHistory from Below, autrement appelĂ©e lâ« histoire d'en bas », est un courant historiographique qui raconte les Ă©vĂ©nements historiques du point de vue des gens ordinaires plutĂŽt que de celui des Ă©lites. Lâ"histoire dâen bas" sâest construite en rĂ©action Ă la recherche dâune alternative à « lâhistoire des gens du haut » ou Ă la « vision du grand homme ». Les origines de lâ« histoire dâen bas » entrent ainsi en rĂ©action contre lâĂ©litisme[1]. Le courant se rĂ©fĂšre dâailleurs Ă un terrain bien connu des historiens de gauche[2]. LâidĂ©e est de comprendre les foules[3].
En fonction du contexte, lâ« histoire dâen bas » possĂšde diffĂ©rents noms. Les termes comme « lâhistoire du peuple », « lâhistoire de la vie de tous les jours », bien que ne relevant pas toujours de « lâhistoire dâen bas », font bien partie du mĂȘme mouvement. Chacun reflĂšte la dĂ©mocratisation de lâhistoire et le dĂ©sir de rendre au peuple le droit de voir leur propre histoire Ă©tudiĂ©e[4].
InfluencĂ©s par lâanthropologie culturelle et lâĂ©cole des Annales, les historiens de ce courant rĂ©agissent contre lâimportance accordĂ©e aux tendances sĂ©rielles et aux structures sociales. Lâhistoire dâen bas (ou histoire populaire) implique une rĂ©duction de lâĂ©chelle historique. Ce courant se concentre sur un Ă©vĂ©nement spectaculaire, une communautĂ© ou un individu. Lâattention est notamment portĂ©e sur les personnes privĂ©es de leurs droits, les non-conformistes, les pauvres, les opprimĂ©s et dâautres groupes marginaux. La vie des gens ordinaires est apprĂ©hendĂ©e Ă travers leurs croyances, leurs mentalitĂ©s, leurs pratiques quotidiennes, leurs valeurs, et leurs luttes. Pouvant mettre en lumiĂšre la coexistence ou les conflits entre les diffĂ©rentes couches sociales, ce type de rĂ©cit historique dĂ©montre lâimportance du pouvoir dâaction individuel et essaye dâattester la complexitĂ© de la fluiditĂ© identitaire et de lâexpĂ©rience vĂ©cue.[5]
Origine et Ă©volution du courant
Lâhistoire dâen bas sâĂ©loigne radicalement de lâhistoriographie traditionnelle dominante, qui se concentre depuis longtemps sur la vie des hommes dâĂtat, la guerre, la politique et la diplomatie de haut niveau. Il existe un certain nombre dâautres influences paneuropĂ©ennes, notamment Ă partir des pratiques littĂ©raires de LĂ©on TolstoĂŻ, Marcel Proust ou Italo Calvino, ou Ă partir de travaux de rĂ©flexion comme ceux de Siegfried Kracauer, Erving Goffman, Pierre Bourdieu, Henri Lefebvre, Michel de Certeau, Michel Foucault ou Sigmund Freud[6]. Le courant a subi des Ă©volutions qui ont Ă©tĂ© retracĂ©es par Raphael Samuel dans un ouvrage intitulĂ© Peopleâs history and Socialist theory (1981) oĂč il a dressĂ© une gĂ©nĂ©alogie de lâhistoire dâen bas[7].
Au XIXe siĂšcle, lâĂ©criture de lâhistoire sâest Ă©loignĂ©e dâune vision centrĂ©e sur les grandes actions des Ă©lites dirigeantes[8]. Un des prĂ©curseurs est Jules Michelet avec son essai sur Le peuple et son histoire de la nation française. C'est le courant d'histoire sociale qui se dĂ©veloppe en Allemagne qui porte ce mouvement avec des Ă©tudes sur la dĂ©mographie des villes mĂ©diĂ©vales notamment.
Lâentre-deux guerres a entraĂźnĂ© de façon plus systĂ©matique lâabandon de cette focalisation sur le haut et le puissant. Les membres de lâĂ©cole française des Annales, qui essayent de comprendre les mutations des sociĂ©tĂ©s et les dynamiques sociales, ont adoptĂ© une approche matĂ©rialiste et interdisciplinaire qui sâinspirait des sciences sociales. En mĂȘme temps, ils focalisent leur attention sur les masses, les mentalitĂ©s et les forces structurelles sous-jacentes, en dĂ©pit des Ă©vĂ©nements majeurs et des individus puissants[9].
Lucien Febvre est le premier Ă avoir utilisĂ© lâexpression dâ« histoire dâen bas » dans un article Ă©crit en 1932 Ă la mĂ©moire de lâhistorien Albert Mathiez : « Et prĂ©parons-nous Ă soutenir, de toutes nos forces, ceux qui, reprenant en sous-Ćuvre, patiemment, laborieusement, lâesquisse si largement enlevĂ©e jadis par JaurĂšs, nous donneront cette histoire rĂ©volutionnaire qui nous manque toujours : histoire de masses et non de vedettes ; histoire vue dâen bas et non dâen haut (âŠ) »[10].
AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, des historiens marxistes actifs au Royaume-Uni[11] et aux Ătats-Unis, ont Ă©tĂ© influencĂ©s par des mĂ©thodes et des prĂ©occupations similaires. Ils se sont intĂ©ressĂ©s aux vies et aux luttes des gens ordinaires, et ont accordĂ© leur attention aux relations sociales de la base, aux formes populaires de protestation et aux activitĂ©s quotidiennes (travail, loisirs, attitudes, croyances, pratiques et comportements)[9]. Prolongeant une ligne historiographique inaugurĂ©e avec lâouvrage de A. L. Morton, A Peopleâs History of England (1938), les membres du groupe du parti communiste dâAngleterre ont travaillĂ© Ă dĂ©velopper une interprĂ©tation marxiste de lâhistoire anglaise. Cet ensemble de travaux vise plusieurs objectifs : inclure des acteurs subalternes, montrer lâaction dâune Ă©lite dâun point de vue subalterne ainsi que montrer les rĂ©sultats Ă un public subalterne. Le mouvement a prouvĂ© que le subalterne pouvait non seulement faire lâhistoire mais aussi faire de lâhistoriographie[12].
Toutes les formes de lâhistoire du peuple tĂ©moignent de l'hĂ©ritage intellectuel des Annales. Cependant, il sâagit en mĂȘme temps dâune rĂ©action consciente contre le travail de cette Ă©cole. L'« histoire d'en bas » s'inspire Ă©galement de lâhistoire de type « science-sociale » interdisciplinaire dĂ©veloppĂ©e Ă partir des annĂ©es 1950 et 1960 en Allemagne, en France et aux Ătats-Unis. Les historiens, Fernand Braudel, en France, et Hans-Ulrich Wehler, en Allemagne, ont eu recours Ă cette derniĂšre et sâappuient principalement sur des techniques et thĂ©ories sociologiques. Leurs Ă©tudes se concentrent sur des tendances globales et des sĂ©ries, sur base dâactes de naissances, de mariages, de dĂ©cĂšs, mais aussi sur des donnĂ©es chiffrĂ©es concernant les professions et les prix. De telles analyses permettent de dĂ©couvrir des rĂ©gularitĂ©s mesurables Ă grande Ă©chelle et Ă long terme, dâarriver Ă des gĂ©nĂ©ralisations sur le comportement humain et de formuler des « lois » historiques. Des critiques ont Ă©tĂ© lancĂ©es par ceux qui ont Ă©tĂ© déçus de cette approche quantitative. Effectivement, elle ne prend guĂšre en compte lâagissement des gens ordinaires et rĂ©duit tous les individus Ă lâinsignifiance. Lâ« histoire dâen bas » a donc lâobjectif de montrer comment les masses sâapproprient et façonnent de larges forces et structures supra-individuelles, au lieu de simplement les renvoyer Ă lâimpuissance historique[13].
Câest principalement grĂące Ă E. P. Thompson, le doyen des historiens marxistes autocritiques associĂ©s Ă la Nouvelle Gauche britannique[6], que lâexpression dâ« histoire d'en bas » a vu le jour. Il a en effet eu recours Ă ce terme dans son article publiĂ© le dans le Times Literary Supplement[14]. GrĂące Ă son expression Ă©levĂ©e Ă la pointe de lâhistoriographie Ă partir des annĂ©es 1970 et Ă son travail pionnier (The Making of the English Working Class) ayant mis lâaccent sur les conditions, la culture et les pratiques quotidiennes de ces individus[6], certains chercheurs le considĂšrent comme Ă©tant le pĂšre du courant. Dâautres ont une perspective plus englobante et considĂšrent le British communist party, rejoint par Thompson, George RudĂ© et Rodney Hilton, comme source du mouvement[15].
Les sensibilitĂ©s politiques des praticiens ont Ă©tĂ© (rĂ©)formĂ©es Ă partir des annĂ©es 1970, une pĂ©riode dâinertie politique et de stagnation Ă©conomique qui a marquĂ© la fin des Trente Glorieuses en Europe. Cette pĂ©riode a remis en question lâidĂ©ologie de base et les prĂ©misses scientifiques du marxisme[13]. Une nouvelle rĂ©ticence Ă la modernitĂ©, au progrĂšs et au capitalisme Ă©merge et aide Ă expliquer pourquoi tant dâĂ©tudes micro-historiques pionniĂšres ont examinĂ© les communautĂ©s et les mentalitĂ©s au dĂ©but de la pĂ©riode moderne[6].
LâĂ©ventail des sujets jugĂ©s dignes dâinvestigations historiographiques sâest donc Ă©largi durant les annĂ©es 1970 et 1980. Lâ« histoire dâen bas » sâest rĂ©pandue aux Ătats-Unis et au Royaume-Uni, mais câest principalement en Allemagne et en Italie quâelle a pris de nouvelles formes[6]. Des variations de lâhistoire populaire ont donc Ă©mergĂ© : lâAlltagsgeschichte en Allemagne (lâhistoire de la vie quotidienne) et la micro-histoire en Italie et en France. La micro-histoire se concentre sur lâ« unique » et le spectaculaire pour arriver Ă lâexpĂ©rience vĂ©cue, alors que lâAlltagsgeschichte tente de reconstruire les relations sociales et les transactions quotidiennes en se basant sur des actes largement inconscients, routiniers et rĂ©pĂ©titifs[6]. Cependant, les deux mouvements partagent un certain nombre de caractĂ©ristiques essentielles. Leurs praticiens se concentrent sur les expĂ©riences qualitatives, quotidiennes et vĂ©cues des gens ordinaires et exclus des rĂ©cits historiques et mettent ensuite en lumiĂšre leurs actions, pratiques, habitudes, valeurs, ainsi que leurs croyances, sentiments et mentalitĂ©s[9].
Ă partir des annĂ©es 1980, des historiens se sont interrogĂ©s sur la nature de ce courant provoquant des dĂ©bats thĂ©oriques et polĂ©miques. Par exemple, lâhistorien T. Hitchcock sâintĂ©resse Ă mieux dĂ©finir la notion dâ« histoire dâen bas ». Il explique quâil sâagit dâune Ă©tude sur les rĂ©sistances Ă la « disciplinarisation » et Ă la capacitĂ© de construction de lâordre social dont les pauvres font preuve. Dans les annĂ©es 1990, James Sharpe et Victoria Heftler sâinterrogent Ă©galement sur la nature du concept. Le sociologue Mark Hailwood tente aussi de dĂ©finir ce quâenglobe le terme « en bas »[16] - [17]. En tant que sous-domaine de la recherche historique, lâ« histoire dâen bas » a donc suscitĂ© un grand intĂ©rĂȘt chez les chercheurs indiens et sud-amĂ©ricains ainsi quâen Europe et en AmĂ©rique du Nord[18].
Si dans les annĂ©es 1980, le courant historiographique a joui dâune Ă©norme popularitĂ©, Ă la fin de la dĂ©cennie suivante le courant historiographique a Ă©tĂ© Ă©clipsĂ© par une nouvelle histoire culturelle (New cultural history), en vogue aux Ătats-Unis[19]. Certains estiment dâailleurs que lâ« histoire dâen bas » sâest Ă©loignĂ© de sa dimension Ă©mancipatrice vis-Ă -vis des Ă©lites[20]. NĂ©anmoins, il serait erronĂ© de dĂ©clarer que lâhistoire dâen bas est Ă©teinte : puisque nombreux sont les historiens europĂ©ens et amĂ©ricains Ă poursuivre leurs travaux avec cette ligne de pensĂ©e[19].
MĂ©thodologie
Ce type dâhistoire tombe habituellement dans une des deux catĂ©gories : lâĂ©pisodique et le systĂ©matique. Le premier type, tend Ă recourir Ă une description dense ainsi quâĂ adopter une approche narrative. Il se concentre sur un Ă©vĂ©nement ou un Ă©pisode unique et spectaculaire impliquant habituellement une personne ou un petit groupe dâindividus. Lâautre type reconstruit assidĂ»ment, au sein dâune petite communautĂ©, la toile complexe des relations sociales familiales et extrafamiliales[9].
Les spĂ©cialistes du courant rĂ©duisent lâĂ©chelle de leur recherche historique, en la confinant Ă un seul individu, une petite communautĂ© ou un Ă©vĂ©nement mĂ©connu. Câest une histoire qui est locale et prend pour sujet la rĂ©gion, la commune ou la paroisse. Dans le cas de la ville, on sâintĂ©resse Ă la morphologie de chaque quartier, banlieue, rue ou mĂȘme maison individuelle. La force des mĂ©thodes de lâ« histoire dâen bas » se trouve dans lâinvestigation profonde du micro-niveau[21] - [9].
Ce type dâhistoire implique une Ă©tude intensive du matĂ©riel documentaire disponible et fait lâobjet dâune analyse minutieuse. Sâimmergeant dans des sources apparemment banales liĂ©es Ă des thĂšmes divers (la famille, les relations de genre, les loisirs et la culture populaire), les adeptes recherchent et tentent de comprendre la signification des multiples signes, indices et symptĂŽmes. Les chercheurs ont la certitude que recourir Ă une observation microscopique va permettre de distinguer des phĂ©nomĂšnes rĂ©vĂ©lateurs invisibles Ă partir dâune analyse conventionnelle prenant une vue globale[9].
Lâanthropologie culturelle a eu une forte influence sur le champ de lâhistoire quotidienne. Ă lâimage des ethnographes, les historiens tentent de sâimmerger dans la vie quotidienne de ceux quâils Ă©tudient. Ă lâaide de documents Ă©crits et dâautres sources, ils essayent de dĂ©couvrir et analyser les gestes rĂ©pĂ©titifs et routiniers qui, selon eux, rĂ©vĂšlent les formes sous-jacentes et dominantes de la culture donnĂ©e[6].
Beaucoup de personnes pensent que « lâhistoire dâen bas » est impossible Ă entreprendre pour les pĂ©riodes antĂ©rieures Ă la RĂ©volution française en raison dâune bureaucratie peu dĂ©veloppĂ©e et dâune absence relative des classes laborieuses au sein des sources. Cependant, lâ« histoire dâen bas » peut sâappliquer Ă toutes les pĂ©riodes historiques en trouvant des alternatives au niveau des sources. Il suffit de questionner diffĂ©remment ces derniĂšres[22]. L'« histoire dâen bas » plutĂŽt que « dâen haut » appelle donc Ă de nouvelles mĂ©thodes et sources, ou bien Ă la rĂ©interprĂ©tation radicale des matĂ©riaux traditionnels[8].
Il faut Ă©galement placer un Ă©vĂ©nement social dans son contexte culturel complet, de sorte quâil puisse ĂȘtre Ă©tudiĂ© sur un plan analytique plutĂŽt que descriptif. Il existe aussi la difficultĂ© de reprĂ©senter et faire comprendre aux lecteurs les diffĂ©rences culturelles de lâĂ©poque, tout en rĂ©ussissant Ă traduire cela en un concept, une rĂ©alitĂ© sociale ou culturelle[23].
Huit dangers se dressent devant le chercheur :
- Il est important de ne pas politiser l'histoire en magnifiant l'importance du peuple, ou plus particuliÚrement des groupes opprimés[24] - [25].
- Il sâagit dâĂ©viter le piĂšge de lâidĂ©ologie. Beaucoup de critiques suggĂšrent que le courant a une approche marxiste[26].
- Il ne faut pas tomber dans une histoire locale isolée et anecdotique[27].
- Il ne faut pas cloisonner lâ« histoire d'en bas » afin de ne pas risquer de fragmenter l'Ă©criture historique[28].
- Une autre critique sévÚre concerne la crainte que les sources, les personnes et les événements soient interprétés par des historiens adeptes de cette mouvance de façon anachronique[29].
- Il est important de ne pas donner une tournure romanesque au passĂ© et de ne pas sâattacher Ă des dĂ©tails pittoresques ou cĂ©lĂ©brant les petites gens comme des hĂ©ros[29].
- Un autre danger est dâutiliser des sources laissĂ©es par les riches et puissants pour Ă©tudier la vie des pauvres et des opprimĂ©s[6].
- Pour la plupart des lieux et des pĂ©riodes, on observe une distribution inĂ©gale de l'alphabĂ©tisation et des loisirs en faveur dâun groupe de classes privilĂ©giĂ©es. Les subordonnĂ©s ont eu besoin de susciter l'intĂ©rĂȘt de leurs supĂ©rieurs pour se frayer un chemin dans les archives, et cet « intĂ©rĂȘt » a Ă©tĂ© stimulĂ© de maniĂšre nĂ©cessairement structurĂ©e. L'historien de gauche, comme l'Ătat, s'intĂ©resse particuliĂšrement Ă ceux qui dĂ©fient et rĂ©sistent aux impositions[30].
Il importe Ă©galement de garder Ă lâesprit que lâ« histoire dâen bas » nâest pas une discipline sĂ©parĂ©e et quâelle ne peut survivre sans rĂ©fĂ©rence Ă lâ« histoire dâen haut » puisque ni la structure sociale plus large, ni les actions des Ă©lites ne peuvent ĂȘtre ignorĂ©es[31].
Apports du mouvement
LâintĂ©rĂȘt et la valeur de ces Ă©tudes sont multiples. En premier lieu, elles dĂ©montrent que les gens du peuple ne sont pas simplement de passifs objets de « lâhistoire » ou les victimes de grandes forces amorphes et impersonnelles. Ils prouvent que tous ont un pouvoir dâaction individuel et quâils sont les sujets actifs de leur propre vie[32].
Ce courant historiographique aide aussi Ă former une identitĂ© en Ă©crivant une histoire plus « populaire » et montre quâelle nâest pas reprĂ©sentĂ©e que par la monarchie, les gĂ©nĂ©raux ou premiers ministres[33]. Certains adeptes de lâ« histoire dâen bas » soulignent combien il est important de se libĂ©rer de tous types de liens quâils soient coloniaux, nationaux, patriarcaux, etc.[34] Dans cet Ă©tat dâesprit, il apparait que ce courant peut apporter dâimportantes contributions aux politiques dâĂ©mancipation[35].
Une grande attention est donc accordĂ©e Ă leur capacitĂ© Ă rĂ©sister aux formes hĂ©gĂ©moniques de domination et de contrĂŽle. Cette focalisation sur des individus ordinaires et sur les affaires dâadaptation est importante car elle rĂ©vĂšle de façon Ă©clatante la multiplicitĂ© et lâextrĂȘme complexitĂ© de lâexpĂ©rience vĂ©cue et ses dimensions plus subjectives dans les situations concrĂštes de la vie[36].
Lâ« histoire dâen bas » a favorisĂ© lâĂ©valuation de femmes et dâhommes qui semblaient perdus dans le passĂ©, dont lâexpĂ©rience vĂ©cue Ă©tait considĂ©rĂ©e par les chercheurs comme nâĂ©tant dâaucun intĂ©rĂȘt : par exemple, la vie et les pensĂ©es des paysans prĂ©modernes ou le dĂ©veloppement de la classe ouvriĂšre. Lâ« histoire dâen bas » a donc permis de rĂ©aliser une histoire sur des sujets divers et variĂ©s : lâhistoire du crime, la vie familiale paysanne, la culture et la religion populaire, etc.[37] - [33] DerriĂšre lâ« histoire dâen bas », il y a un effort pour humaniser lâhistoire[11]. Câest aussi la promesse dâune nouvelle perspective sur notre passĂ©[38].
Chercheurs représentatifs du courant
- Arnold John
- Blakemore Richard
- Burke Peter
- Farrell William
- Griffin Emma
- Hailwood Mark
- Hill Christopher
- Hilton Rodney
- Hitchcock David
- Hobsbawm Eric
- Jackson Matt
- Le Roy Ladurie Emmanuel
- Linebaugh Peter
- Rediker Marcus
- Rudé George
- Sandall Simon
- Sharpe Jim
- Shave Samantha
- Thompson Edward Palmer
- Todd Selina
- Waddell Brodie
- Whyte Nicola
- Wood Andy.
Bibliographie
Ouvrages, articles et contributions
- Bahl Vinay, « What Went Wrong with âHistory from Belowâ » dans Economic and Political Weekly, vol. 38, n° 2, , pp. 135-146.
- Brecher Jeremy, History From Below: How To Uncover And Tell The Story Of Your Community, Association, Or Union, New Haven, Commonwork Pamphlets, 1988.
- Cerutti Simona, « Who is below ? E. P. Thompson, historien des sociétés modernes : une relecture », dans Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 70, n° 4, 2015, pp. 931-956.
- Chesneaux Jean, « Histoire par en haut et histoire par en bas. Les masses populaires en histoire », dans Chesneaux Jean (éd.), Du passé, faisons table rase?, Paris, La Découverte, 1976, pp. 138-147 (Petite collection Maspéro).
- Dworkin Dennis, Cultural Marxism in Post War Britain: History, the New Left and the Origins of Cultural Studies, Durham, Duke University Press, 1997.
- Heftler Victoria, « The Future of the Subaltern Past: Toward a Cosmopolitan "History from Below" », dans left history : an interdisciplinary journal of historical inquiry and debate, vol. 5, n°1, 1997, pp. 65-83.
- Hobsbawn Eric « History from below. Some reflections », dans Krantz Frederick (ed.), History from Below. Studies in Popular Protest and Popular Ideology in Honour of George Rudé, Montréal, Concordia University, 1985, pp. 63-75.
- Kaye H.J., The British Marxist Historian: an introductory analysis, New York, Polity Press, 1984.
- Port Andrew, « History from Below, the History of Everyday Life, and Microhistory », dans The International Encyclopedia of the Social and Behavioral Sciences, 2e éd., vol. 11, Amsterdam, Elsevier, 2015, pp. 108-113.
- Ămilien Ruiz, « L'histoire populaire : label Ă©ditorial ou nouvelle forme dâĂ©criture du social ? », Le Mouvement social, nos 269-270 « Ăcrire autrement ? L'histoire sociale en quĂȘte de publics »,â octobre 2019 - mars 2020, p. 185-230 (DOI 10.3917/lms.269.0185).
- Simona Cerutti, « Who is below ? E. P. Tompson, historien des sociĂ©tĂ©s modernes : une relecture », Annales. Histoire, sciences sociales, no 4 (70e annĂ©e),â , p. 931-956 (lire en ligne).
- Scribner Bob, « History from below », dans History of European Ideas, vol. 12, n° 4, 1990, p. 559.
- Sharpe Jim, « History from below », dans Burke Peter (éd.), New Perspectives on Historical Writing, Cambridge, Polity Press, 1991, pp. 24-41.
- Thompson Edward P., « History from Below », dans Times Literary Supplement, n° 3345, , pp. 279â280.
Exemples d'ouvrages illustrant le courant
- Amez Benoit, 14-18 : vie et survie dans les tranchées belges, Waterloo, Jourdan, 2013.
- Buton Philippe, Buttner Olivier et Hastings Michel (Ă©d.), La guerre froide vue d'en bas, Paris, CNRS Ă©ditions, 2014.
- Corbin Alain, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot, sur les traces d'un inconnu, 1798-1876, Paris, Flammarion, 1998.
- Debruyne Emmanuel et Van Ypersele Laurence, Je serai fusillé demain. Les derniÚres lettres des patriotes belges et français fusillés par l'occupant. 1914-1918, Bruxelles, Racine, 2011.
- Farge Arlette, Vivre dans la rue Ă Paris au XVIIIe siĂšcle, Paris, Gallimard, 1979.
- Figes Orlando, A People's Tragedy: The Russian Revolution: 1891-1924, Londres, Penguin Books, 1998.
- Hitchcock Tim, Down and Out in Eighteenth-Century London, Londres, Hambledon and London, 2004.
- Hobsbawm Eric, Primitive Rebels: Studies in Archaic Forms of Social Movement in the 19th Century, New York, W. W. Norton & Company, 1965.
- Huard Raymond. « Histoire intellectuelle et histoire par en bas : les candidatures ouvriÚres de la Révolution à 1870 », dans Romantisme, vol. 135, n° 1, 2007, pp. 23-35.
- Kranz Frederick, History from below: French and English Popular Protest, 1600â1800, Oxford, Basil Blackwell, 1988.
Notes et références
- MacRaild Donald M. et Black Jeremy, Studying History, 3e Ă©d., Basingstoke, Palgrave Macmillan, p. 111 (Palgrave Study Skills).
- Heftler Victoria, « The Future of the Subaltern Past: Toward a Cosmopolitan 'History from Belowâ » dans Left history : an interdisciplinary journal of historical inquiry and debate, vol. 5, n° 1, 1997, p. 65.
- MacRaild Donald M. et Black Jeremy, op. cit., p. 113.
- MacRaild Donald M. et Black Jeremy, op. cit., p. 111.
- Port Andrew, « History from Below, the History of Everyday Life, and Microhistory », dans The International Encyclopedia of the Social and Behavioral Sciences, 2e éd., vol. 11, Amsterdam, Elsevier, 2015, p. 108.
- Port Andrew, op. cit., p. 110.
- Bhattacharya Sabyasachi, « History from Below », dans Social Scientist, vol. 11, n° 4, 1983, p. 5.
- MacRaild Donald M. et Black Jeremy, op. cit., p. 111.
- Port Andrew, op. cit., p. 108.
- Febvre Lucien, « Albert Mathiez : un tempérament, une éducation », dans Annales d'histoire économique et sociale, n° 18, 1932, p. 576.
- Bhattacharya Sabyasachi, op. cit., p. 4.
- Heftler Victoria, op. cit., p. 67.
- Port Andrew, op. cit., p. 109.
- Thompson Edward Palmer, « History from Below », dans Times Literary Supplement, n° 3345, 7 avril 1966, pp. 279â280.
- Cerutti Simona, « âWho is below?â. E. P. Thompson, historien des sociĂ©tĂ©s modernes : une relecture », dans Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 70, n° 4, 2015, pp. 932-933.
- Heftler Victoria, op. cit., p. 65
- Cerutti Simona, op. cit., pp. 932-933.
- MacRaild Donald M. et Black Jeremy, op. cit., p. 111.
- Port Andrew, op. cit., p. 112.
- Bahl Vinay, « What Went Wrong with âHistory from Belowâ », dans Economic and Political Weekly, vol. 38, n° 2, 2003, p. 135.
- Bhattacharya Sabyasachi, op. cit., p. 14
- Sharpe James, « History from below », dans Burke Peter (éd.), New Perspectives on Historical Writing, Cambridge, Polity Press, 1991, p. 28.
- Sharpe James, op. cit., p. 35.
- Sharpe James, op. cit., p. 34
- Bahl Vinay, op. cit., p. 143.
- MacRaild Donald M. et Black Jeremy, op. cit., pp. 113-114.
- Sharpe James, op. cit., p. 34.
- Sharpe James, op. cit., p. 33.
- Port Andrew, op. cit., p. 111.
- Heftler Victoria, op. cit., p. 74.
- MacRaild Donald M. et Black Jeremy, op. cit., p. 114.
- Port Andrew, op. cit., p. 108.
- Sharpe James, op. cit., p. 37.
- Bahl Vinay, op. cit., p. 138.
- Heftler Victoria, op. cit., p. 79.
- Port Andrew, op. cit., pp. 108-109.
- MacRaild Donald M. et Black Jeremy, op. cit., p. 111
- Bhattacharya Sabyasachi, op. cit., p. 15.