HaptonĂšme
LâhaptonĂšme (de hapt-, « attachĂ© à », et ÎœÎźÎŒÎ± / nima, filament) est un appendice filiforme, plus ou moins long selon lâespĂšce[1], caractĂ©ristique d'une seule classe dâalgues unicellulaires flagellĂ©es, les « haptophytes »[1] (Ă laquelle appartiennent par exemple les coccolithophores).
La plupart des spĂ©cialistes classent cette extension « filamenteuse » de la cellule parmi les organites. Souple et mobile, il semble ĂȘtre un prolongement externes de la membrane plasmique intracellulaire. Il comprend une gaine de rĂ©ticulum endoplasmique, et en son centre un « faisceau » de plusieurs microtubules ancrĂ©s Ă proximitĂ© de la paroi cellulaire et/ou dans la cellule elle-mĂȘme (selon lâespĂšce).
LâhaptonĂšme Ă©merge de la cellule entre les deux flagelles dans le « pĂŽle flagellaire », mais il ne semble pas servir Ă la motilitĂ© de celle-ci[1].
Sa taille, sa forme et sa structure interne sont des critĂšres (voire le principal critĂšre) dâidentification et de classification phylogĂ©nĂ©tique des espĂšces d'haptophytes (Haptophyceae), au moins aux stades motiles (Christensen , 1962 , 1966) de ces espĂšces. Les haptophytes sont les microalgues flagellĂ©es libres unicellulaires Ă comportement mixotrophique[2] ou autotrophique selon les cas[1].
Observation
L'haptonĂšme (et plus encore son mouvement ses modifications de forme) est assez difficile Ă observer au microscope optique car il est presque translucide et difficile Ă colorer. Il apparait alors souvent comme une sorte de cil ou de troisiĂšme flagelle.
Il est plus facile Ă Ă©tudier au microscope Ă©lectronique mais alors sous une forme moins naturelle.
Lâobservation de son ultrastructure le diffĂ©rentie clairement du flagelle ou d'un cil : il ne provient pas dâun AxonĂšme [3] - [4]
La prĂ©sence/absence d'appendice est un critĂšre taxonomique Ă utiliser avec prĂ©caution pour lâidentification d'une espĂšce, car chez certaines, lâhaptonĂšme nâapparait que lors dâune seule des phases du cycle de dĂ©veloppement des individus (Ces espĂšces ont souvent une phase motile et une phase non-motile[5], et les changements de phase ne sâeffectuent que dans certaines circonstances environnementales, pas toujours bien comprises ou non comprises chez un grand nombre dâespĂšces).
Taille et forme
Cette structure tubulaire plus ou moins quiescente a une taille qui varie beaucoup selon l'espÚce considérée. Elle varie entre à peine quelques microns (voire absence complÚte) à 160 ”m chez Chrysochromulina camella.
ComparĂ©e Ă la longueur des flagelles, l'haptonĂšme est nettement plus court quâeux chez Chrysochromulina kappa et C. minor (Parke et al. 1955). Inversement, chez dâautres espĂšces comme C. alifera, C. ephippium, C. strobilus, il est plusieurs fois plus long que les flagelles (par exemple chez selon Parke, Manton(1956) & Clarke (1959)? Chez C. parva, il est Ă©galement plus long quâeux (Park e et al. 1962).
LâhaptonĂšme a une capacitĂ© Ă s'enrouler et se dĂ©rouler (ce qui complique la mesure de sa longueur). Il a souvent une forme hĂ©licoĂŻdale chez certains Chrysochromulinae. Chez divers coccolithophoridĂ©s Ă©tudiĂ©s, il ne prend cette forme que quand la cellule est stressĂ©e (ex : dĂ©but de dessication) ou morte (au microscope Ă©lectronique) et lâenroulement/dĂ©roulement est toujours dans ce cas assez lent. Sur des cellules vivantes, cet enroulement a Ă©tĂ© pour la premiĂšre fois observĂ© au microscope optique sur l'algue Balaniger balticus (qui est en fait le stade flagellĂ© et mobile de Pappomonas virgulosa (sources[6] : Ăster- gaard 1993 et Thomsen com. Pers citĂ©e par Chantal Billard et al.).
Chez certaines espÚces l'haptonÚme est invisible (rarement inexistant ou uniquement interne à la cellule et ne contenant que quelques courts microtubules[7]) ou peu visible car « vestigial », chez certains coccolithophoridés, (Hymenomonadaceae par exemple). Chez les espÚces de Pleurochrysis (Pleurochrysidaceae) et chez Hymenomonas roseola (Hymenomonadaceae), il est atrophié et prend une forme « bulbleuse » (Manton and Peterfi, 1969).
Fonctions
Des « mouvements haptonĂ©mataux» sont observĂ©s au microscope. Leurs fonctions sont longtemps restĂ©es inconnues (et elles ne sont peut-ĂȘtre pas encore toutes cernĂ©es).
LâhaptonĂšme nâest pas dâun cil (car il peut prendre aussi bien prendre la forme dâun tire-bouchon ou dâun ressort que dâun harpon ou dâun crochet), et ses fonctions semblent diffĂ©rer de celles du Pilus dĂ©veloppĂ© par certaines bactĂ©ries. Cet « organe » qui peut rapidement se contracter pour prendre une forme hĂ©licoĂŻdale, au moins chez certaines espĂšces Ă long haptonĂšme, semble « multifonctionnel ».
Ces fonctions ont fait lâobjet de plusieurs publications scientifiques importantes au dĂ©but des annĂ©es 1990[8].
L'haptonĂšme jouerait au moins trois rĂŽles important :
- ) RĂŽle sensoriel de dĂ©tection dâobstacle ; chez certains coccolithophores, l'haptonĂšme est atrophiĂ© et quand il est prĂ©sent semble de mĂȘme nature morphologique que chez les espĂšces proches, mais moins fonctionnel que chez d'autres espĂšces[6]. On a cependant observĂ© que chez ces espĂšces, quand l'haptonĂšme touche un obstacle, la cellule inverse rapidement son mouvement de natation et recule[6]. On ignore si câest une fonction ancienne qui a Ă©tĂ© conservĂ©e, ou si câest une fonction nouvellement acquise alors que dâautres ont Ă©tĂ© perdues.
- ) rĂŽle dâancrage (sur un substrat ou une « proie »)[1].
- ) rĂŽle dans la nutrition cellulaire (collecte de particules nutritives dans le milieu), (Kawachi et al 1991;. 1993 Jones et al;. Kawachi et Inouye, 1995).
La phagocytose a ainsi Ă©tĂ© observĂ©e chez divers haptophytes, par exemple chez les algues marines flagellĂ©es Prymnesium patelliferum[9] ou Chrysochromulina hirta, qui se montrent capable de capturer des « proies » (particules alimentaires) et de sâen rapprocher (ou les attirer Ă elle) pour les phagocyter et les digĂ©rer.
Quand elle « chasse », cette algue nage avec son haptonÚme tendu vers l'avant, alors que ses deux flagelles battent en arriÚre le long du corps.
Quand elle rencontre une particule nutritive, celle-ci est « harponĂ©e » ou collĂ©e Ă lâhaptonĂšme, puis ramenĂ©e vers un point particulier de lâhaptonĂšme dit « zone dâagrĂ©gation de particules », oĂč plusieurs particules peuvent ĂȘtre rassemblĂ©es. La cellule cesse ensuite de nager et l'agrĂ©gat de nourriture est transportĂ© vers la partie latĂ©rale puis postĂ©rieure de lâextĂ©rieur de la cellule, oĂč il sera ingĂ©rĂ© par phagocytose.
Les mouvements de l'haptonĂšme sont pĂ©riodiquement rĂ©pĂ©tĂ©s, mĂȘme quand il n'a « capturĂ© » aucune particules, ce qui suggĂšre un mouvement programmĂ© plutĂŽt quâune rĂ©ponse rĂ©flexe Ă un stimulus alimentaire[10].
Un mode d'action un peu diffĂ©rent a Ă©tĂ© dĂ©crit chez Chrysochromulina spinifera par Pienaar et Norris dans les annĂ©es 1990 : Dans ce cas, les flagelles gĂ©nĂšrent un courant dâeau qui amĂšne les particules potentiellement alimentaires vers l'algue ; ces particules adhĂšrent Ă une structure en Ă©cailles Ă©pineuses sur lâenveloppe de lâalgue et sont transportĂ©es vers lâhaptonĂšme oĂč elles forment un agrĂ©gat, qui est ensuite transportĂ© par lâhaptonĂšme vers la zone de phagocytose. Ici aussi, le mouvement de lâhaptonĂšme sâeffectue pĂ©riodiquement, mĂȘme quand il nâest pas garni de particules[11].
Structure
L'haptonÚme est une sorte de filament en grande partie externe à la cellule, mais qui reste en communication avec celle-ci[12]. Il présente souvent un léger renflement à sa base. Il contient un ou plusieurs faisceaux de microtubules (6 ou 7 dans la plupart des cas, exceptionnellement huit), dont les fonctions sont encore mal comprises.
Le mĂ©canisme permettant les mouvements de lâhaptonĂšme pourrait ĂȘtre liĂ© au glissement des microtubules les uns sur les autres[13].
Ultrastructure
Inouye et Pienaar notent en 1985 que le rĂ©ticulum endoplasmique quâil contient a (comme le faisceau de microtubules) une section qui prend parfois la forme dâun arc[6].
Tous ou une partie des microtubules quâil contient sont en contact avec lâintĂ©rieur de la cellule[6] ; Ă la base de lâhaptonĂšme, le nombre de microtubules est rĂ©duit chez certaines espĂšces (il passe par exemple de 7 Ă 3 chez Chrysochromulina simplex[13], alors que les 7 microtubules traversent la paroi cellulaire chez lâespĂšce proche Chrysochromulina acantha[13]).
Régénération
La régénération de cet appendice est possible au moins chez certaines espÚces.
Elle a été décrite en 1993 par Andrew J. Gregson et son équipe[13].
Notes et références
Notes
Références
- RA Andersen, DJS Barr, DH Lynn, M Melkonian, O. Moestrup et M.A.Sleigh (1991), Terminology and nomenclature of the cytoskeletal elements associated with the flagellar/ciliary apparatus in protists ; Protoplasma 164:1 8, Springer
- Jones HLJ, Leadbeater BSC, Green JC (1993) Mixotrophy in marine species of Chrysochromulina (Prymnesiophyceae): ingestion and digestion of a small green flagellate. J mar biol Ass UK 73: 283â296
- Green J.C. & Hibberd D. (1977), The ultrastructure and taxonomy of Diacronema vlkianum (Prymnesiophyceae) with special reference to the haptonema and flagellar apparatus. Journal of the Marine Biological Association of the United Kingdom 57: 1125-l 136.
- Gregson A.J., Green J.C. & Leadbeaters B.S.C. (1993), Structure and physiology of the haptonema in Chtysochromulina (Prymnesiophyceae). I. Fine structure of the flagellar/haptonematal root system in C. acantha and C. simplex. Journal of Phycology 29: 674-686
- Parke M, Adams I (1960), The motile (Crystallolithus hyalinus Gaarder and Markali) and nonmotile phases in the life history of Coccolithus pelagicus (Wallich) Schiller. J mar biol Ass UK 39: 263â274
- Chantal Billard et Isao I Nouye (), What is new in coccolithophore biology?, Voir fig 2 page 9/30 de la version pdf
- Bente Edvardsen, Wenche Eikrem, J.C.Green, Robert A. Andersen, Seung Yeo Moon-Vanderstaay & Linda K Medlin (2000), Phylogenetic reconstructions of the Haptophyta inferred from 18s ribosomal DNA sequences and available morphological data, Phycologia (2000) Volume 39 (l), 19-35 2000-02-04
- RA Lewin (1992), [What the haptonema is for ] ; Nature ; SSN :0028-0836 ; (Lien avec cat.inist.fr).
- Tillmann U (1998), Phagotrophy by a plastidic haptophyte, Prymnesium patelliferum. Aquat Microb Ecol 14: 155â160
- M Kawachi, I Inouye, O Maeda et M Chihara (1991), The haptonema as a food-capturing device: observations on Chrysochromulina hirta (Prymnesiophyceae) ; Phycologia, Nov. 1991, Vol. 30, no 6, pp. 563-573 ; (résumé ; avec phycologia.org)
- M. Kawachi and I. Inouye (1995) Functional roles of the haptonema and the spine scales in the feeding process of Chrysochromulina spinifera (Fournier) Pienaar et Norris (Haptophyta = Prymnesiophyta). Phycologia: May 1995, Vol. 34, No. 3, pp. 193-200 (Résumé)
- Manton, IrÚne.,(1967), Further observations on the fine structure of Chrysochromulina chiton with special reference to the haptonema, "peculiar", golgi structure and scale production, "journal of Cell Science, Vol. 2, N°2, 265-27 2
- Andrew J. Gregson, J. C. Green, Barry S. C. Leadbeater (1993), Structure and physiology of the haptonema in Chrysochromulina (Prymnesiophyceae). II. Mechanisms of haptonematal coiling and the regeneration process ; Journal of Phycology, Volume 29, Issue 5, pages 686â700, En ligne 2004-10-20, DOI: 10.1111/j.0022-3646.1993.00686.x, Oct 1993 (rĂ©sumĂ©)
Voir aussi
- Haptophytes
- Cil cellulaire
- Pilus (ou fimbriae)
- Flagelle et Ăvolution du flagelle
- Phagocytose
Illustrations
- OddÄlenĂ Prymnesiophyta (Haptophyta) ; FykologickĂĄ labotaroĆ na katedĆe botaniky PĆĂrodovÄdeckĂ© fakulty JU v ÄeskĂœch BudÄjovicĂch
- Holistic deseign ecology (2009) The Life and Death of Algae (avec illustrations d'haptonĂšmes)
- El Mahdi Bendif, Ian Probert, Annie HervĂ©, Chantal Billard, Didier Goux, Christophe Lelong, Jean-Paul Cadoret et BenoĂźt VĂ©ron (2011), Integrative Taxonomy of the Pavlovophyceae (Haptophyta): A Reassessment, Protist, Volume 162, Issue 5, November 2011, Pages 738â761
Bibliographie
- (en) Inouye I, Kawachi M (1994) The haptonema. In: Green JC, Leadbeater BSC (eds) The Haptophyte Algae. Systematics Association Special Vol No. 51, Clarendon Press, Oxford, pp 73â89
- (en) Manton I (1967), âFurther observations on the fine structure of Chry- sochromulina chiton, with special reference to the haptonema, âpeculiarâ Golgi structure and scale productionâ. Journal of Cell Science 2: 265-272.