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Guerre romano-hernique

La guerre entre Rome et les Herniques oppose la RĂ©publique romaine aux Herniques, un ancien peuple italique, vers 362-358 av. J.-C.[N 1]

Guerre romano-hernique
du milieu du IVe siĂšcle av. J.-C.
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Carte du Latium au premier tiers du IVe siĂšcle av. J.-C.
Informations générales
Date Vers 362 Ă  358 av. J.-C.[N 1]
Lieu Latium, essentiellement la vallée du Tolerus.
Issue Les villes herniques sont intégrés dans la République romaine.

Durant la plus grande partie du Ve siÚcle av. J.-C., la République romaine est alliée avec la ligue latine et les Herniques pour repousser avec succÚs les Volsques et les Èques. Au début du IVe siÚcle av. J.-C., cette alliance prend fin.

Plusieurs guerres opposent les Romains à des cités latines et volsques, parfois alliées contre Rome et, entre 362 et 358 av. J.-C.[N 1], un conflit éclate avec les Herniques. Ces derniers se soumettent finalement à Rome, leur territoire passant sous domination romaine.

En 307-306[N 1], Rome mate une rébellion de certaines villes herniques. Ces cités rebelles herniques sont directement intégrées dans la République romaine tandis que celles qui sont restées loyales gardent une certaine autonomie et indépendance. Au cours du siÚcle suivant, il devient impossible de distinguer les Herniques des voisins latins et ils disparaissent en tant que peuple distinct.

Le fƓdus Cassianum du dĂ©but du Ve siĂšcle av. J.-C.

Les sources antiques rapportent qu'en 486, les Herniques rejoignent le fƓdus Cassianum, une alliance militaire conclue entre les citĂ©s de la ligue latine et Rome. Alors que le fonctionnement prĂ©cis de la ligue demeure incertain de nos jours, son objectif global est clair.

Au début du Ve siÚcle av. J.-C., les Latins sont menacés par la migration des Volsques et des Èques qui viennent s'installer dans le sud-est du Latium, dans le cadre d'un mouvement migratoire plus large des peuples sabelliens depuis les Apennins vers les plaines d'Italie[1].

Les sources antiques montrent Rome et les Latins lutter contre les Volsques ou les Èques presque chaque année pendant toute la premiÚre moitié du Ve siÚcle av. J.-C. Ce conflit presque permanent est plutÎt dominé par des raids, des pillages et des escarmouches plutÎt que par les batailles décrites dans les auteurs antiques[2].

Au cours de la deuxiĂšme moitiĂ© du Ve siĂšcle av. J.-C., les Romains et les Latins semblent avoir endiguĂ© le flot volsque et Ăšque. Les sources notent la fondation de plusieurs colonies latines Ă  cette Ă©poque et les mentions de guerres contre les Èques et les Volsques deviennent moins frĂ©quentes[2]. Il n'y a plus nĂ©cessitĂ© pour les Latins de maintenir leur alliance et Rome, aprĂšs sa conquĂȘte de VĂ©ies en 396, est clairement devenu l'Ă©tat le plus puissant du Latium, ce qui en fait un partenaire potentiellement dangereux[3].

La défection des Herniques dans les années 380

Le récit des auteurs antiques

Tite-Live écrit qu'en 389, aprÚs une centaine d'années d'alliance et d'amitié, les Latins et les Herniques font défection et abandonnent leur alliance avec Rome aprÚs sa mise à sac par les Gaulois[a 1].

Ensuite, en 386 et 385, des contingents latins et herniques combattent aux cÎtés des Volsques[a 2]. Rome proteste et refuse de restituer les prisonniers latins et herniques, mais ne déclare pas pour autant la guerre à ses anciens alliés[a 3].

L'avis des historiens modernes

Tite-Live voit le sac de Rome par les Gaulois comme une catastrophe qui encourage ses voisins Ă  se soulever contre elle dans l'espoir de profiter de sa faiblesse temporaire. Les historiens modernes pensent cependant que la tradition ancienne exagĂšre l'impact historique du sac. De mĂȘme, ils sont en dĂ©saccord avec le point de vue de Tite-Live sur la dĂ©fection des Herniques. Ils considĂšrent que la rupture de l'alliance n'a pas Ă©tĂ© aussi soudaine mais dĂ©coule plutĂŽt d'une dĂ©gradation progressives des relations[4] - [5].

La rupture du traitĂ© est peut-ĂȘtre davantage due Ă  une politique voulue par Rome qui cherche ainsi Ă  se libĂ©rer de ses obligations imposĂ©e par le traitĂ© et acquĂ©rir une plus grande libertĂ© d'action[4]. Mais les Latins et les Herniques, n'Ă©tant plus menacĂ©s par les Èques et les Volsques, peuvent Ă©galement avoir saisi l'occasion laissĂ©e par le sac de Rome pour abandonner l'alliance avec Rome qui les dominait de plus en plus[6]. AprĂšs la rupture du traitĂ©, certains Latins et Herniques ont pu ĂȘtre amenĂ©s Ă  lutter aux cĂŽtĂ©s des Volsques mais il se peut Ă©galement que ce qoit une invention de Tite-Live ou de ses sources pour fournir un motif littĂ©raire Ă  son rĂ©cit[6].

Excepté quelques douteuses références, aucun conflit n'est rapporté entre les Romains et les Herniques jusqu'en 366[7].

La guerre romano-hernique de 362-358

Le contexte

Carte du Latium avant la guerre romano-hernique en 362[N 1].
Légende des couleurs des cités et des colonies :

Les sources

AprÚs de nombreuses années de paix, les Romains entrent en guerre contre les Herniques en 362 av. J.-C., début d'une succession de victoires militaires sans précédent dans son histoire[8]. Tite-Live fournit le seul récit de cette guerre romano-hernique. En outre, deux triomphes et une ovation contre les Herniques sont enregistrés dans les Fasti triumphales[9].

Le récit des auteurs antiques

Signia
Localisation de Signia.

Selon Tite-Live, en 366, la nouvelle de la rébellion des Herniques parvient à Rome, mais aucune décision n'est prise, à cause du consul plébéien selon l'historien romain[a 4].

En 363, pour conjurer la peste, les Romains nomment Lucius Manlius Capitolinus Imperiosus dictateur uniquement pour effectuer un ancien rituel au temple de Jupiter Optimus Maximus. Celui-ci tente d'utiliser sa magistrature exceptionnelle pour prendre le commandement dans la guerre contre les Herniques, mais face au ressentiment public et à la résistance des tribuns de la plÚbe, il est contraint d'abdiquer de son poste[a 5].

AprÚs que les fétiaux ont été envoyés en vain chez les Herniques pour exiger réparation, le Sénat et le peuple romain votent en 362 la guerre contre les Herniques. Lucius Genucius Aventinensis devient le premier consul plébéien à commander une armée en temps de guerre, mais les Herniques surprennent Genucius dans une embuscade. Le consul est tué et ses légions sont mises en déroute[a 6].

Le consul survivant, le patricien Quintus Servilius Ahala, nomme Appius Claudius Crassus comme dictateur[a 7]. En attendant l'arrivĂ©e du dictateur, Caius Sulpicius Peticus assure le commandement de l'armĂ©e, assiĂ©gĂ©e dans un camp romain par les Herniques. Sulpicius parvient par une sortie Ă  forcer les Herniques Ă  battre en retraite. Avec l'arrivĂ©e du dictateur et de ses lĂ©gions depuis Rome, la force de l'armĂ©e romaine est doublĂ©e. De leur cĂŽtĂ©, les Herniques appellent sous les armes tous les hommes et forment une unitĂ© spĂ©ciale de 3 200 guerriers d'Ă©lite. Les Romains et les Herniques campent chacun d'un cĂŽtĂ© d'une vaste plaine et la bataille les opposant se dĂ©roule en son milieu. Quand la cavalerie romaine se rend compte qu'elle ne peut briser les lignes ennemies par des moyens classiques, elle dĂ©monte et charge comme l'infanterie. Ils sont contrĂ©s par l'unitĂ© spĂ©ciale des Herniques[a 8]. AprĂšs un dur combat, les chevaliers romains prennent le dessus et les Herniques sont mis en dĂ©route. Le lendemain, les Romains sont retardĂ©s dans l'attaque du camp hernique par la difficultĂ© Ă  obtenir des prĂ©sages favorables et ne rĂ©ussissent pas Ă  prendre le camp adverse avant l'arrivĂ©e du crĂ©puscule. Les Herniques profitent de la nuit pour abandonner leur camp et se retirer. Voyant passer les ennemis sous leurs murs, les habitants de Signia sortent et dispersent les forces herniques. Le bilan cĂŽtĂ© romain est Ă©galement lourd, avec un quart de leur force tombĂ© ainsi qu'une part considĂ©rable de la cavalerie[a 9].

Ferentinum
Localisation de Ferentinum.

Tite-Live donne seulement de brefs rĂ©cits pour les annĂ©es restantes de la guerre romano-hernique, se concentrant davantage sur les guerres contre les Gaulois qui se dĂ©roulent en mĂȘme temps.

En 361, les consuls romains envahissent le territoire hernique. Ne trouvant aucun ennemi sur le terrain, ils attaquent et prennent Ferentinum[a 10]. Le consul Caius Sulpicius Peticus entre en triomphe Ă  Rome en mars[a 11].

En 360, le consul Marcus Fabius Ambustus reçoit le commandement de la guerre contre les Herniques[a 12]. Il les vainc d'abord dans quelques batailles mineures, puis dans une de plus grande envergure dans laquelle les Herniques attaquent avec toutes leurs forces. Grùce ses victoires, Fabius entre dans la ville de Rome en ovation[a 13] le 5 septembre[a 11].

En 358, les Romains assignent Ă  Caius Plautius Proculus le commandement de la guerre hernique[a 14]. Le consul vainc les Herniques et les force Ă  se soumettre[a 15]. Il triomphe Ă  Rome le 15 mai[a 11].

L'avis des historiens modernes

Comme d'habitude, Tite-Live considĂšre Rome comme le parti offensĂ©, mais les visĂ©es romaines sur les terres herniques peuvent avoir Ă©tĂ© la cause rĂ©elle de cette guerre[10]. La mobilisation ratĂ©e de Lucius Manlius Capitolinus Imperiosus est probablement non historique et a pu ĂȘtre inventĂ©e pour expliquer la fameuse accusation formulĂ©e contre lui et traditionnellement datĂ©e de 362[11].

Le récit détaillé de Tite-Live de la campagne de 362 est ponctué d'évÚnements habituels qu'on retrouve dans ses autres récits de bataille de l'époque. Il est trÚs probable que peu de détails fournis proviennent de documents authentiques. Le premier commandement militaire tenu par un consul plébéien et la dictature qui s'ensuit d'un patricien conservateur est à rapprocher du récit de Tite-Live sur les luttes politiques de cette période. En raison du caractÚre littéraire de cet épisode et de l'absence de triomphe de Appius Claudius Crassus dans les Fasti triumphales, certains historiens rejettent cette dictature. Stephan P. Oakley ne considÚre pas ces arguments comme décisifs mais estime qu'une victoire romaine contre les Herniques en 362 est historique, ainsi que la dictature de Claudius et l'implication de la cité de Signia[12].

Il n'y a pas de raison particuliĂšre de douter de l'historicitĂ© des victoires romaines de 361 Ă  358 mais la succession des petites victoires de Marcus Fabius Ambustus avant une victoire plus importantes semble douteuse et pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une condensation de rĂ©cits provenant de plusieurs sources[10].

En 358, les Latins renouvellent leur alliance avec Rome quand le Latium est menacĂ© par l'invasion des Gaulois. Cette peur des Gaulois peut Ă©galement avoir influencĂ© les Herniques et les pousser Ă  accepter un nouveau traitĂ© avec Rome[8], mais ils obtiennent probablement des termes moins favorables qu'avec l'ancienne alliance[10] - [8]. Ferentinum est dĂ©crite comme indĂ©pendante en 306 et a dĂ» ĂȘtre restituĂ©e aux Herniques Ă  un moment de paix, peut-ĂȘtre dans le cadre des conditions de paix[10].

Sur les deux tribus créées en 358, la Pomptina est évidemment située dans les marais pontins sur le territoire pris aux Volsques, mais l'emplacement de la Publilia est moins sûr, les historiens modernes la localisent parfois sur les terres prises aux Herniques, mais il est aussi possible qu'elle soit également située dans la plaine pontine[8] - [13] - [14].

RĂ©bellion finale des Herniques (307-306)

Selon les auteurs antiques, vers la fin de la deuxiĂšme guerre samnite, en 307, les Romains trouvent un certain nombre d'hommes d'origine hernique parmi les prisonniers capturĂ©s lors d'une bataille contre les Samnites. Ils sont placĂ©s sous bonne garde dans plusieurs citĂ©s latines tandis que les Romains enquĂȘtent pour savoir s'ils ont combattu volontairement pour les Samnites ou s'ils ont Ă©tĂ© enrĂŽlĂ©s de force.

Les historiens modernes parlent d'un soulĂšvement en 306, consĂ©quence d'une attaque samnite au-delĂ  de la vallĂ©e du Liris, dans celle du Tolerus menant Ă  Rome, rĂ©gion oĂč sont installĂ©s les Herniques. Anagni fait partie des citĂ©s rĂ©voltĂ©es[15], ce qui est moins sĂ»r pour Ferentinum[15] - [16].

Ils sont facilement vaincus par les Romains. Le consul Quintus Marcius Tremulus triomphe sur Anagni et les Herniques le 29 juin[a 16].

Comme punition pour leur sĂ©dition, Anagni et les autres villes sont annexĂ©es Ă  la RĂ©publique romaine[17], obtenant le statut de civitas sine suffragio. Aletrium, Verulae et peut-ĂȘtre Ferentinum[16] sont autorisĂ©es Ă  conserver leur autonomie et Ă  jouir de droits similaires Ă  ceux des Latins[16].

Notes et références

Notes

  1. Pour les annĂ©es antĂ©rieures Ă  l'an 300 av. J.-C., la chronologie varronienne n'est plus considĂ©rĂ©e comme juste. Elle est notamment utilisĂ©e par Tite-Live. Voir ConquĂȘte romaine de l'Italie, « Le problĂšme de la chronologie ». En dĂ©pit d'erreurs reconnues, la littĂ©rature acadĂ©mique moderne, par convention, continue Ă  utiliser cette chronologie (Gary Forsythe, A Critical History of Early Rome, 2005, Berkeley, University of California Press, pp. 369-370).

Références

  • Sources modernes
  1. Heurgon 1993, p. 293.
  2. Heurgon 1993, p. 295.
  3. CĂ©beillac-Gervasoni 2006, p. 67.
  4. Cornell 1995, p. 322.
  5. Oakley 1998, p. 356.
  6. Oakley 1998, p. 354.
  7. Oakley 1999, p. 3.
  8. Cornell 1995, p. 324.
  9. Oakley 1999, p. 3-4.
  10. Oakley 1999, p. 4.
  11. Oakley 1999, p. 72.
  12. Oakley 1999, p. 4 et 103-104.
  13. Oakley 1999, p. 4 et 175.
  14. Forsythe 2005, p. 277.
  15. Hinard 2000, p. 274.
  16. CĂ©beillac-Gervasoni 2006, p. 72.
  17. Hinard 2000, p. 278.
  • Sources antiques

Voir aussi

Bibliographie

  • Jacques Heurgon, Rome et la MĂ©diterranĂ©e occidentale jusqu'aux guerres puniques, Paris, PUF, coll. « Nouvelle Clio », 3e Ă©d. mise Ă  jour, 1993, 488 p. (ISBN 978-2-13-045701-5), p. 293-295
  • Dominique Briquel, « chapitre VI - Le tournant du IVe » dans François Hinard (dir.), Histoire romaine des origines Ă  Auguste, Paris, Fayard, coll. « Histoire », , 1075 p. (ISBN 978-2-213-03194-1), p. 243
  • Mireille CĂ©beillac-Gervasoni et al., Histoire romaine, Paris, Armand Colin, coll. « U Histoire », , 471 p. (ISBN 978-2-200-26587-8), « La RoyautĂ© et la RĂ©publique », p. 67
  • (en) Tim J. Cornell, The Beginnings of Rome — Italy and Rome from the Bronze Age to the Punic Wars (c. 1000–264 BC), New York, Routledge, , 507 p. (ISBN 978-0-415-01596-7), p. 322-324
  • (en) Gary Forsythe, A Critical History of Early Rome, Berkeley, University of California Press, , 400 p. (ISBN 978-0-520-24991-2), p. 277

Traductions commentées de Tite-Live

  • Annette Flobert (prĂ©f. Jacques Heurgon), Histoire romaine, Flammarion, , volume II, « Livres VI Ă  X, la conquĂȘte de l'Italie », 517 p. (ISBN 978-2-080-70950-9)
  • (en) Stephen Oakley, A Commentary on Livy Books VI–X, Oxford, Oxford University Press
    • volume I, « Introduction and Book VI », 1998 (ISBN 978-0-198-15277-4)
    • volume II, « Books VII–VIII », 1999 (ISBN 978-0-198-15226-2)

Articles connexes


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