Guerre Qinghai-Tibet
La guerre Qinghai-Tibet (chinois : 青藏战争 ; pinyin : )[1], est un conflit qui se développa en parallèle de la guerre sino-tibétaine de 1930. Elle eut pour objectif le contrôle de la province du Qinghai, également appelée « Amdo », et opposa le Tibet indépendant de facto, dirigé par le 13e dalaï-lama, Thubten Gyatso, à la clique des Ma en la personne de Ma Bufang. Cette guerre marqua la défaite du Tibet, sa perte du contrôle d'une grande partie de l'Amdo à l'exception du Yushu et de la ville de Tanggulashan (en). D'autre part, la défaite du Tibet face à la Chine provoqua également la perte définitive du Kham oriental.
青藏战争
Kuomintang Clique des Ma | Tibet Royaume-Uni (soutien diplomatique) |
Armée nationale révolutionnaire | Armée tibétaine |
? | Fortes pertes |
Contexte et casus belli
Depuis la déclaration d'indépendance tibétaine du , le Tibet contrôle la quasi-totalité du Qinghai tandis que sa partie nord-orientale autour de la région de Xining est aux mains de la clique des Ma. Mais, progressivement, de 1928 à 1929, la clique des Ma du seigneur de la guerre hui Ma Bufang étend son pouvoir et son contrôle sur une grande partie de la province notamment sur le Haixi et le Golog.
En 1930, le Tibet est déjà aux prises contre le Kuomintang de Tchang Kaï-chek qui, depuis 1928, vient d'unifier une grande partie de la Chine. Le conflit sino-tibétain oppose le Tibet, le Kuomintang et la clique du Sichuan de Liu Wenhui pour le contrôle du Kham oriental et du Xikang. Mais le 13e Dalaï-lama, Thubten Gyatso, rassuré par les premiers succès de son armée au Xikang contre Liu Wenhui, et soutenu par l'Empire britannique, choisit d'étendre le conflit en attaquant la clique des Ma pour reprendre le contrôle du Qinghai[2]. C'est à cause d'un litige autour d'un monastère bouddhique de Yushu en 1932 que la guerre est déclarée[2].
Déroulement
En 1932, l'armée tibétaine attaque et envahit le Qinghai mais le général hui Ma Bufang dispose d'une force plus puissante et moderne et bloque rapidement l'offensive tibétaine. Puis, il s'attache à reprendre plusieurs comtés dans la province du Xikang comme Shiqu et Dege[3] - [4] - [5]. L'armée de la clique des Ma est commandée par le général Ma Biao (en)[6] - [7] et les Tibétains sont repoussés de l'autre côté du fleuve Jinsha[8] - [9]. De ce fait, Lhassa perd les territoires de l'Amdo qu'elle contrôle depuis 1919. De plus, la retraite précipitée des Tibétains et l'avance rapide des unités de la clique des Ma menace dangereusement les lignes d'approvisionnement tibétaines des xians de Garze et de Xinlong, au Sichuan. En conséquence, les unités tibétaines présentes au Sichuan et aux prises contre les forces chinoises sont à leurs tours forcées de reculer.
Ma Bufang et Liu Wenhui s'entendent pour envoyer à Lhassa un ultimatum enjoignant aux Tibétains de ne plus tenter de retraverser le fleuve Jinsha[10]. En août, les Tibétains ont déjà cédé une grande partie de leur territoire du Kham à Liu Wenhui et du Qinghai à Ma Bufang. Le 13e dalaï-lama, Thubten Gyatso, se résout alors à solliciter l'aide du gouvernement britannique des Indes. En effet, la Grande-Bretagne ne peut tolérer de perdre son glacis tibétain qui protège les frontières de son empire des Indes. C'est pourquoi Londres fait pression pour forcer Tchang Kaï-chek et les cliques chinoises à accepter un cessez-le-feu[11].
Conséquences
Deux trêves séparées sont finalement signées entre le Tibet et Ma Bufang d'une part et entre Lhassa et Liu Wenhui d'autre part en 1933[12] - [13] - [14]. Les Britanniques ont sauvé les Tibétains d'un désastre militaire majeur tandis que les troupes de la clique du Sichuan et des Ma célèbrent en commun la victoire[15] - [16]. Le Tibet perd une grande partie de l'Amdo, sa frontière suivant désormais les limites du Yushu et des Monts Tanggula (唐古拉山, ). De plus, il a également perdu toute la partie du Kham oriental, qui est intégré au Sichuan. Le Kham occidental restera toutefois sous le contrôle de Lhassa jusqu'à l'intervention militaire chinoise au Tibet en 1951.
Le 13e Dalaï-lama prend également conscience du retard technologique et militaire du Tibet qui rend le pays à la merci de ses voisins malgré ses nombreuses réformes modernisatrices aux cours des années précédentes. Sa mort le , peu de temps après la fin de la guerre, empêche le Tibet de tenter de reprendre les provinces perdues puisque la recherche du nouveau Dalaï-lama commence.
Références
- (zh) « 青藏战争中我的经历 », sur Xinhua,
- (Wang et Nyima 1997, p. 150) « While the military situation in Xikang was far calm, a British Sikkim official was sent to Lhasa, where he plotted with the Gaxag governement of Tibet on matters concerning a military invasion of the Yushu Area of Qinghai. The upper echelons of the Tibetan ruling lcass, whose appetite was wetted by Tibetan military successes in Xikang, came up to the idea of acheiving a "Greater Tibet" by capturing southern Qinghai. In March 1932, the Tibetan army launched an attack on southern Qinghai with the excuse of land dispute between monasteries in Yushu and also taking advantage of the weak defences then in place in Southern Qinghai. The Tibetan expeditionnary force captured Ranqian on April 3 and closed in on Yushu shortly after. Qinghai warlord Ma Bufang rushed reinforcements to the front, and the Qinghai army launched a counter-attack in July, routing the Tibetan army and driving it back to Xikang. The Qinghai army captured Shiqu, Dengke and other counties that had fallen into the hands of the Tibetan army since 1919. The victory on the part of the Qinghai army threatened the supply lines of the Tibetan forces in Garze and Xinlong. As a result, this part of the Tibetan army was forced to withdraw. »
- Jiawei Wang et Nimajianzan, The Historical Status of China's Tibet, 1997.
- Hanzhang Ya, The Biographies of the Dalai Lamas, 1991).
- B. R. Deepak, India & China, 1904–2004: a century of peace and conflict, 2005.
- Joint Centre for Asia Pacific Studies, Historical themes and current change in Central and Inner Asia, papers presented at the Central and Inner Asian Seminar, University of Toronto, April 25-26, 1997.
- http://toutiao.com/i5396962452/
- International Association for Tibetan Studies, Khams pa histories: visions of people, place and authority, PIATS 2000, Tibetan studies, proceedings of the 9th Seminar of the International Association for Tibetan Studies, Leiden 2000.
- Gray Tuttle, Tibetan Buddhists in the making of modern China, 2005.
- Xiaoyuan Liu, Frontier passages: ethnopolitics and the rise of Chinese communism, 1921–1945, 2004.
- (en) Hugh Edward Richardson, Tibet and its History, Boston, Shambhala Publications, , 2e éd. (ISBN 0-87773-376-7), p. 134–136 (pbk).
- Oriental Society of Australia,The Journal of the Oriental Society of Australia, Volumes 31-34 (2000).
- Michael Gervers, Wayne Schlepp, Joint Centre for Asia Pacific Studies, Historical themes and current change in Central and Inner Asia: papers presented at the Central and Inner Asian Seminar, University of Toronto, April 25–26, 1997, Volume 1997 (1998).
- Wars and Conflicts Between Tibet and China
- (Lin 2011)
- Tibet and Nationalist China’s Frontier
Annexes
Bibliographie
- (en) Wang Jiawei (王家伟) et Nyima Gyaincain (ཉི་མ་རྒྱལ་མཚན་ / 尼玛坚赞), The Historical Status of China's Tibet, Beijing, 五洲传播出版社, (ISBN 7-80113-304-8 et 9787801133045, OCLC 39092468, lire en ligne), p. 150.
- (en) Hsiao-ting Lin, Tibet and Nationalist China's Frontier : Intrigues and Ethnopolitics, 1928-49, ) (compte rendu : « Book Review: The Sichuan Frontier and Tibet: Imperial Strategy in the Early Qing », Journal of the Royal Asiatic Society, vol. 20, no 4, , p. 573-576 (ISSN 1356-1863, OCLC 6015545769)).