Freeter
Freeter (ăăȘăŒăżăŒ, furÄ«tÄ) est un terme japonais qui dĂ©signe les personnes ĂągĂ©es de 15 Ă 34 ans employĂ©es Ă temps partiel ou sans emploi, Ă lâexception des femmes au foyer et des Ă©tudiants. Ils peuvent aussi ĂȘtre dĂ©crits comme sous-employĂ©s ou travailleurs indĂ©pendants. Ces personnes ne commencent pas une carriĂšre professionnelle aprĂšs le lycĂ©e ou lâuniversitĂ© mais vivent gĂ©nĂ©ralement comme un cĂ©libataire parasite chez leurs parents ; ils gagnent de lâargent en exerçant des emplois demandant peu de compĂ©tences et mal payĂ©s. Ces bas salaires rendent difficile la crĂ©ation dâune famille pour les freeter, et leur manque de qualifications rend dĂ©licat le commencement dâune rĂ©elle carriĂšre professionnelle Ă un Ăąge tardif[1].
Le mot « freeter » a Ă©tĂ© utilisĂ© pour la premiĂšre fois vers les annĂ©es 1987-1988 et est probablement nĂ© dâune fusion entre les mots anglais « free time » (temps libre) et les mots allemands « frei Arbeiter » (travailleur libre), lâexpression « arubaito » (ăąă«ăă€ă) dĂ©rivĂ©e de lâallemand « Arbeit » signifiant dĂ©jà « travail Ă temps partiel » en japonais[1].
On pense que le mot fut inventĂ© par le magazine japonais sur le travail Ă temps partiel From A (ăăă ăšăŒ, furomu Ä).
Situation actuelle
Les freeter sont un phénomÚne relativement récent au Japon. Le mot fut utilisé pour la premiÚre fois vers 1987, pendant la bulle économique, et se référait aux jeunes gens choisissant délibérément de ne pas travailler malgré un grand nombre de postes vacants à ce moment précis. Dans les premiÚres années du XXIe siÚcle, le nombre de freeter augmenta rapidement. On les a estimés en :
1982 | 1987 | 1992 | 1997 | 2002 | |
---|---|---|---|---|---|
Hommes | 27 000 | 42 000 | 49 000 | 73 000 | 106 000 |
Femmes | 32 000 | 53 000 | 61 000 | 100 000 | 145 000 |
Total | 59 000 | 95 000 | 110 000 | 174 000 | 251 000 |
Les chiffres officiels diffĂšrent beaucoup selon les estimations ; on a ainsi comptĂ© 4,17 millions de freeter pour lâannĂ©e 2001, et 2 millions, soit approximativement 3 % de la population active, en 2002. On estimait quâen 2014, il y aurait environ 10 millions de freeter au Japon. Lâaugmentation rapide de leur nombre et leur impact dans la sociĂ©tĂ© inquiĂštent les Japonais.
Les freeter travaillent gĂ©nĂ©ralement dans des commerces de proximitĂ©, des supermarchĂ©s, des fast-foods, des restaurants ou dans dâautres travaux Ă bas salaire et demandant peu de compĂ©tences. Un sondage de lâInstitut du travail japonais rĂ©alisĂ© en 2000 indique quâils travaillent 4,9 jours par semaine et gagnent 139 000 yens par mois. Deux tiers des freeter nâont jamais eu de travail rĂ©gulier.
Causes
LâInstitut japonais du travail classe les freeter en trois groupes[2] :
- le groupe moratoire : qui veut attendre avant de commencer une carriĂšre ;
- le groupe de ceux qui poursuivent leurs rĂȘves ;
- le groupe de ceux qui nâont pas dâautre choix.
Les freeter du groupe moratoire et ceux qui poursuivent leurs rĂȘves choisissent dĂ©libĂ©rĂ©ment de ne pas entrer dans le monde de la concurrence des entreprises, strictes et conservatrices. Ils prĂ©fĂšrent prendre une pause pour profiter de la vie ou accomplir des projets qui sont incompatibles avec une carriĂšre japonaise standard. Beaucoup de freeter espĂšrent commencer leur carriĂšre plus tard, de façon Ă avoir un revenu rĂ©gulier et pouvoir subvenir au besoin de leur future famille. Il en est de mĂȘme pour les femmes freeter qui, pour le mĂȘme but, espĂšrent se marier avec un homme ayant assez bien rĂ©ussi socialement.
Le groupe de ceux qui nâont pas dâautre choix est constituĂ© de jeunes qui nâont pas pu trouver de travail Ă la sortie du lycĂ©e ou de lâuniversitĂ©, notamment lors du recrutement groupĂ© de nouveaux diplĂŽmĂ©s, et qui nâont pas dâautre choix que dâaccepter des emplois Ă bas revenus. Ce peut ĂȘtre dĂ» Ă un manque de qualification ou Ă la difficultĂ© de trouver un travail au Japon.
Les femmes ont généralement plus de difficultés à trouver un emploi qui leur offrirait une carriÚre talentueuse et se retrouvent donc le plus souvent office ladies.
Dans tous les cas, au printemps 2000, prĂšs de 10 % des lycĂ©ens et universitaires nâont pas pu trouver dâemploi, et 50 % de ceux qui en ont trouvĂ© un lâont quittĂ© trois ans plus tard. La situation du chĂŽmage est pire pour les jeunes, beaucoup de freeter cherchent dĂ©sespĂ©rĂ©ment un travail, tandis que dâautres ont abandonnĂ© lâespoir de trouver un travail rĂ©gulier.
Effets
Difficultés pour créer son propre ménage
Le style de vie du freeter lui apporte un grand nombre dâinconvĂ©nients. Ses revenus Ă©tant peu Ă©levĂ©s, il ne peut crĂ©er son mĂ©nage et doit vivre en tant que cĂ©libataire parasite. Il est vrai que les parents japonais ne poussent pas leurs enfants Ă quitter le domicile familial, mais, Ă long terme, diverses raisons sâajoutent au fait que la situation nâest pas viable et forcent les freeter Ă quitter leurs parents.
PremiĂšrement, lâhabitat japonais est gĂ©nĂ©ralement Ă©troit, deux familles ne peuvent y coexister. Si un freeter veut se marier, il ou elle devra alors trouver un nouveau domicile, le plus souvent Ă ses propres frais. DeuxiĂšmement, en cas de dĂ©cĂšs des parents, les enfants devront payer eux-mĂȘmes leurs frais de logement et supporter les divers coĂ»ts de la vie, ce qui est incompatible avec des revenus irrĂ©guliers.
Cependant, le Japon étant un des pays ayant une des plus longues espérances de vie au monde, ce problÚme est momentanément repoussé.
En outre, beaucoup de jeunes adultes trouvent que la vie avec leurs parents au-delĂ de leur vingtiĂšme ou trentiĂšme annĂ©e est un frein Ă la vie sociale. Mais de par le niveau de leurs revenus câest souvent la seule option.
Difficultés à commencer une carriÚre
Le niveau des salaires et lâĂ©ventail de carriĂšres proposĂ©s aux freeter sont leurs principaux problĂšmes. La difficultĂ© Ă commencer une carriĂšre pour amĂ©liorer ses revenus est proportionnelle Ă la durĂ©e durant laquelle une personne est restĂ©e freeter car plus elle aura attendu, plus il lui sera difficile de commencer une carriĂšre fructueuse, le nombre de professions qui lui sont accessibles diminuant.
MĂȘme si lâemploi en gĂ©nĂ©ral subit une Ă©volution, les entreprises traditionnelles japonaises prĂ©fĂšrent recruter des personnes fraĂźchement sorties du systĂšme scolaire et voient toujours les nouveaux employĂ©s comme un investissement Ă vie. Elles prĂ©fĂšrent de loin embaucher une personne jeune qui entrera plus facilement dans le moule et dont lâinvestissement en formation sera mieux rentabilisĂ©, sa carriĂšre Ă©tant logiquement plus longue.
La seule option des freeter est alors souvent de continuer Ă exercer des travaux Ă bas revenus, ce qui empĂȘche la crĂ©ation de leur mĂ©nage. Dans le pire des scĂ©narios, ils deviendront sans domicile fixe. Bien sĂ»r, certains freeter rĂ©ussissent Ă dĂ©marrer une fructueuse carriĂšre indĂ©pendante.
Certains experts prĂ©disent que le vieillissement de la population japonaise conduira Ă une pĂ©nurie de main dâĆuvre, dâoĂč de nouvelles offres de carriĂšre pour les freeter.
Lâoption du mariage
Dans le cas des femmes freeter, la situation est lĂ©gĂšrement meilleure. Traditionnellement, on nâattend pas dâune femme quâelle travaille aprĂšs sâĂȘtre mariĂ©e car elle est censĂ©e prendre soin des enfants et de son foyer. Cette situation nâest quâen lente Ă©volution et une femme freeter a la possibilitĂ© de se marier avec un mari ayant une meilleure situation quâelle et de devenir femme au foyer.
Cependant, Ă lâinstar des hommes de plus de trente ans qui peinent Ă commencer une carriĂšre, une femme de plus de trente ans aura des difficultĂ©s Ă trouver un conjoint. Elles fondent de grandes espĂ©rances sur leurs futurs maris, dont elles attendent qu'ils prĂ©sentent trois supĂ©rioritĂ©s : un salaire Ă©levĂ©, un diplĂŽme de haut niveau et une stature physique imposante.
Bien sĂ»r, pour les mĂȘmes raisons, un homme freeter ne sera pas dĂ©sirĂ© en tant que conjoint de par son incapacitĂ© Ă subvenir aux besoins de la famille.
Santé et caisse de retraite
Un autre gros problĂšme trĂšs souvent nĂ©gligĂ© par les freeter est que la plupart des emplois nâincluent pas de couverture maladie ni dâassurance chĂŽmage. MĂȘme si normalement, les personnes jeunes sont en bonne santĂ©, elles finissent par vieillir et leur santĂ© dĂ©cline. De plus, des accidents peuvent survenir Ă nâimporte quel Ăąge, ce qui peut provoquer des dĂ©penses de santĂ© soudaines, qui nâĂ©tant pas prises en charge par leur travail, doivent ĂȘtre payĂ©es par les freeter ou leurs parents. Ce qui peut ĂȘtre difficile avec un petit salaire et une Ă©pargne limitĂ©e voire inexistante.
Le plus gros problĂšme pour les freeter est que le systĂšme de retraite japonais est basĂ© sur le nombre dâannĂ©es de cotisation. En outre, le systĂšme ne verse quâune petite somme donc la plupart des salariĂ©s se voient ouvrir un plan dâĂ©pargne par leur entreprise. Le freeter nâa en gĂ©nĂ©ral quâune petite retraite, sâil en a, et ne possĂšde pas dâĂ©pargne suffisante pour compenser, ce qui le forcera Ă travailler jusquâĂ un Ăąge avancĂ©. Le Japon fait aussi face, comme beaucoup dâautres pays occidentaux, Ă un vieillissement de sa population. Comme les retraitĂ©s reçoivent lâargent des travailleurs qui payent pour leurs retraites en dĂ©calage, tout le systĂšme est en pĂ©ril. On peut prĂ©dire que ce systĂšme ne fonctionnera plus dâici trente ans Ă moins quâil nây ai un bouleversement dans la dĂ©mographie du Japon.
La liberté de choix
Lâavantage dâĂȘtre un freeter est que lâon a la libertĂ© de choisir, plus de temps pour ses passions ou pour la poursuite de ses rĂȘves. De plus, sâils vivent chez leurs parents, ils peuvent investir tous leurs revenus dans leurs dĂ©penses personnelles.
Les effets dans la société japonaise
Comme les freeter sont jeunes, quâils vivent chez leurs parents et quâils peuvent dĂ©penser tout leur salaire, cela profite Ă lâĂ©conomie.
Comment la sociĂ©tĂ© japonaise va-t-elle gĂ©rer un grand nombre de travailleurs commençant leur carriĂšre vers leur trentiĂšme annĂ©e ? Il est possible que cela augure un impact significatif dans lâactuelle culture de lâentreprise et pourrait changer les pratiques de recrutement et de salariat au Japon. Cela pourrait vraiment sâavĂ©rer juste sâil survient une pĂ©nurie de main dâĆuvre due au vieillissement de la population causĂ©e entre autres par lâabsence de descendance chez les hommes freeter. Ayant du mal Ă se marier (de par leurs revenus), ils nâauront des enfants que tard dans leurs vies voire pas du tout. Cela rĂ©duira encore le taux dĂ©jĂ trĂšs bas des naissances au Japon, compliquant un certain nombre dâautres problĂšmes dus au vieillissement de la population dont un problĂšme au niveau du systĂšme de retraite. Les freeter y contribuant peu ou pas du tout alors que la population active doit couvrir le paiement des pensions des retraitĂ©s.
La question du paiement constitue dĂ©jĂ un problĂšme existentiel aussi bien Ă cause du systĂšme que du vieillissement de la population. La situation va empirer dans le futur, de plus en plus de gens Ă©tant destinĂ©s Ă devenir freeter et le ratio du nombre de personnes cotisant pour chaque retraitĂ© diminuant. On peut sâattendre Ă ce que le systĂšme change pour insister plus sur les compĂ©tences que sur la position comme câest le cas actuellement.
Certains freeter aux revenus les plus bas ont des activitĂ©s illĂ©gales pour complĂ©ter leur salaire ou commettent des crimes pour relĂącher leur frustration et leur colĂšre. On remarque une augmentation de la dĂ©linquance commise par des jeunes Japonais. Le gouvernement a donc mis en place des centres appelĂ©s Young Support Plaza pour aider les jeunes Ă trouver du travail. Ces lieux offrent diverses aides, par exemple sur la maniĂšre dâĂ©crire un CV. Il reste quâil y a peu de demandes des freeter pour ces services.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Freeter » (voir la liste des auteurs).
- (en) Mizanur Rahman Khondaker, Freetersâ and Part-Timersâ Challenge to Human Resources Management in Japan : Development of an Appropriate Training and Education Model to Promote Freeters and Part-timers into Regular Employment, (lire en ligne)
- (en) Yutaka Ueda et Yoko Ohzono, « Comparison between Freeters and Regular Employees : Moderating Effects of Skill Evaluation on the Age-Satisfaction Relationship », International Business Research, Canadian Center of Science and Education, vol. 6, no 5,â , p. 100-107 (DOI 10.5539/ibr.v6n5p100, lire en ligne)
Voir aussi
Articles connexes
- Crise d'adolescence
- Crise du quart de vie
- Emploi au Japon
- Hikikomori
- NEET
- Sing "Yesterday" for me, manga dont le héros est un freeter
Lien externe
- AprĂšs les freeters, les neet, japancool.typepad.com