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Fortune Playhouse

Le Fortune Playhouse (« Théâtre de la Fortune Â») est un ancien théâtre de Londres de l'Ă©poque Ă©lisabĂ©thaine. Il Ă©tait situĂ© Ă  l'extĂ©rieur de la City, entre la Whitecross Street et l'actuelle Golden Lane (anciennement Golding Lane). Il entre en fonction en 1600, et est fermĂ© en 1642 par le parlement puritain. Il est dĂ©mantelĂ© Ă  partir de 1649, et il n'en existe plus aucune trace aujourd'hui.

Fortune Playhouse
Description de cette image, également commentée ci-après
En haut du plan, le Théâtre de la Fortune surmonté de son drapeau vers 1605.
Lieu Londres
CoordonnĂ©es 51° 31′ 22″ nord, 0° 05′ 38″ ouest
Architecte Peter Street
Inauguration 1600
Fermeture 1642, détruit en 1649
Direction Edward Alleyn & Philip Henslowe

GĂ©olocalisation sur la carte : Londres
(Voir situation sur carte : Londres)
Fortune Playhouse
GĂ©olocalisation sur la carte : Royaume-Uni
(Voir situation sur carte : Royaume-Uni)
Fortune Playhouse

RĂ©sidence

Troupe de Lord Admiral, puis Troupe du prince

Historique

La fin du XVIIe siècle voit l'édification de plusieurs théâtres à Londres. Les premiers, The Theatre et le Curtain Theatre sont bâtis à Shoreditch, au nord de la City, en dehors de sa juridiction, afin d'échapper à l'hostilité de la municipalité, majoritairement puritaine[1]. Les années suivantes, d'autres théâtres, comme The Rose et The Swan, s'installent à Southwark, sur la rive droite de la Tamise. Cette rive a l'avantage d'être à la fois en dehors de la juridiction de la ville de Londres, et pourtant facile d'accès depuis la Cité, car un nombre incalculable d'embarcations assure la traversée, palliant l'existence d'un unique pont.

The Fortune Playhouse est représenté par un carré en haut au centre de cette carte des rues de Londres. Agrandir

En 1599, l'ancien The Theatre, oĂą Shakespeare travaille comme acteur et dramaturge, est dĂ©montĂ© Ă  la suite de conflits entre le propriĂ©taire des murs et chef de la troupe, James Burbage, et le propriĂ©taire du terrain, Gyles Alleyn[2]. Les matĂ©riaux, rĂ©sultats de ce dĂ©montage, sont transportĂ©s de l'autre cĂ´tĂ© de la Tamise, Ă  Southwark, oĂą ils sont remontĂ©s, donnant naissance au Théâtre du Globe, appelĂ© aujourd'hui « le théâtre de Shakespeare Â».

Construction

Edward Alleyn, propriétaire du Théâtre de la Fortune et homme d'affaires florissant en 1626.

L'implantation de ce nouveau théâtre Ă  Southwark en 1599 porte un coup sĂ©vère aux recettes des théâtres de la rive droite de la Tamise[3]. Le Globe s'est en effet installĂ© Ă  une quarantaine de mètres seulement du théâtre de la Rose[4], un bâtiment vieux d'un quart de siècle et dans un Ă©tat de « dangereux dĂ©labrement Â»[5]. Son propriĂ©taire, Philip Henslowe, est un homme d'affaires Ă©clectique, Ă©tabli Ă  Southwark depuis 1577. Il est Ă  la fois entrepreneur de spectacles, imprĂ©sario, prĂŞteur sur gages, brocanteur d'habits et de manuscrits, propriĂ©taire de théâtre, de maisons de location, de lieux de prostitution et d'auberges, et enfin tanneur, teinturier et marchand de bois[6]. Les spectacles que propose le théâtre de la Rose ne souffrent pas la comparaison avec ceux que produit la brillante association Burbage-Shakespeare[5]. Il ne faut pas plus de six mois pour que Henslowe et son beau-fils, l'acteur Edward Alleyn, dĂ©cident de fuir un concurrent aussi talentueux et de dĂ©placer leurs activitĂ©s théâtrales vers le nord de la ville[7] - [8], en y construisant une salle de spectacle qui surpasse en taille et en magnificence le Théâtre du Globe[5]. Voulant s'affranchir de l'autoritĂ© de la City, d'obĂ©dience puritaine, ils choisissent un terrain Ă  St Giles without Cripplegate, en dehors des remparts de la City. C'est lĂ , dans un quartier prometteur sur la franchise de Finsbury[7], entre Golden Lane et Whitecross Street, proche de l'actuel Barbican Centre[3], qu'ils louent, le 22 dĂ©cembre 1599 pour une durĂ©e de trente trois ans, au prix de 240 ÂŁ, une parcelle de terre pratiquement carrĂ©e, de 39 m de cĂ´tĂ©. Ce bail de longue durĂ©e sera transformĂ© en 1610 en un acte de pleine propriĂ©tĂ©, moyennant le paiement de 600 ÂŁ supplĂ©mentaires[9].

Le journal de Philip Henslowe, retrouvĂ© Ă  Dulwich College, contient le contrat de construction du Théâtre de la Fortune, signĂ© le 8 janvier 1600[3], prĂ©voyant la livraison du théâtre pour le 25 juillet 1600, « si le chantier n'est pas retardĂ© ou arrĂŞtĂ© par dĂ©cision des autoritĂ©s Â»[10]. Cette clause restrictive, sans doute ajoutĂ©e Ă  l'initiative du chef de chantier, s'avère judicieuse, car les autoritĂ©s de la paroisse de St. Giles veulent s'immiscer dans le projet. Alleyn doit faire appel au patron de la troupe, le comte de Nottingham, le Lord Admiral, pour que les travaux reprennent[11]. Alleyn parvient mĂŞme Ă  obtenir l'autorisation Ă©crite du Conseil privĂ©, ce qui le met Ă  l'abri de toute attaque municipale ou religieuse ultĂ©rieure[12]. Les perturbations causĂ©es par les autoritĂ©s de la paroisse de St. Giles ne crĂ©eront pas de retard trop important, puisque le théâtre sera livrĂ© le 8 aoĂ»t, au lieu du 25 juillet convenu[13].

Grâce Ă  ce contrat de construction, ce théâtre est, de tous les théâtres Ă©lisabĂ©thains, celui dont on connaĂ®t le mieux l'Ă©dification et la structure. Alors que les théâtres de l'Ă©poque sont majoritairement cylindriques (The Theatre, Curtain Theatre, Théâtre du Globe, etc.), les autres Ă©tant de forme rectangulaire, celui-ci est presque le seul de forme carrĂ©e. Reprenant peut-ĂŞtre la forme carrĂ©e du terrain sur lequel il est implantĂ©, chaque cĂ´tĂ© du bâtiment mesure extĂ©rieurement 24,40 m et intĂ©rieurement 16,75 m, la diffĂ©rence provenant en partie de larges galeries, destinĂ©es Ă  accueillir les spectateurs[14]. Avec ses trois Ă©tages, il a une capacitĂ© comparable sinon supĂ©rieure Ă  celle du Théâtre du Globe[15].

La structure originelle est en bois et les fondations en briques. Les trois Ă©tages mesurent, du plus bas au plus Ă©levĂ©, 12, 11 et 9 pieds de hauteur, les deux Ă©tages supĂ©rieurs faisant saillie d'un quart de mètre du cĂ´tĂ© de la scène. Les galeries sont larges de 3,80 m et disposent de sièges, tout comme les loges des gentilshommes et les loges Ă  bon marchĂ©. Tout l'intĂ©rieur est lattĂ© et plâtrĂ©, et les loges possèdent un plafond. Les galeries et la scène sont couvertes de tuiles, et sont lambrissĂ©es et parquetĂ©es de chĂŞne[16].

Le maĂ®tre charpentier chargĂ© de la construction est Peter Street, qui vient juste de dĂ©monter The Theatre pour construire le Théâtre du Globe. L'expĂ©rience de Street dans ce domaine Ă©vite Ă  Henslowe et Ă  Allyen d'entrer dans les dĂ©tails, leur permettant de demander simplement que « les choses soient faites de la mĂŞme façon que pour le dit théâtre appelĂ© le Globe Â». Les ouvertures extĂ©rieures sont garnis de pics de fer, vraisemblablement pour Ă©viter que les resquilleurs n'escaladent les parois et s'introduisent dans les galeries[17].

Selon les notes d'Alleyn, Peter Street reçoit 440 ÂŁ, le coĂ»t total du bâtiment s'Ă©levant Ă  520 ÂŁ[13]. En effet, lorsque le charpentier livre le bâtiment le 8 aoĂ»t 1600, il n'est pas encore peint, et il manque les rideaux, les tentures, la machinerie et tout l'Ă©quipement propre au théâtre. C'est pourquoi l'exploitation de ce théâtre ne commence pas avant la fin novembre 1600[13].

Le théâtre de la Fortune est le dernier théâtre élisabéthain à être construit pour présenter uniquement des pièces de théâtre[18]. Par exemple un autre théâtre de Henslowe, le Hope, bâti en 1613, est conçu pour présenter également des combats d'ours[8].

Activité théâtrale

Ce théâtre est occupĂ© dès son achèvement par la troupe de Lord Admiral, qui prend le nom de troupe du prince lors de l'arrivĂ©e de Jacques Ier Ă  Londres[16]. Au fil des annĂ©es, la tendance se confirme : le Globe maintient sa rĂ©putation de leader des théâtres publics londoniens, tandis que le Curtain Theatre, le Red Bull Theatre et le Fortune sont surtout connus pour chercher Ă  attirer la masse[19] : « la Fortune et le Red Bull sont principalement frĂ©quentĂ©s par les habitants de la City et par la basse couche du peuple Â» signale le Historia Histrionica, rĂ©imprimĂ© par Robert Dodsley[20].

Le 31 octobre 1618, la troupe du prince loue le théâtre d'Alleyn pour une durĂ©e de 41 ans au prix annuel de 200 ÂŁ et de deux barils de vin[21]. Les prix pratiquĂ©s montrent que le Théâtre de la Fortune est une entreprise rentable[22]. Le 24 avril 1620, Alleyn dĂ©signe le Dulwich College comme son lĂ©gataire pour le Théâtre de la Fortune et d'autres propriĂ©tĂ©s, tout en se rĂ©servant la totalitĂ© des revenus jusqu'Ă  sa mort[23].

Le 9 dĂ©cembre 1621, le théâtre est dĂ©truit par un incendie. Edward Alleyn, qui en a la pleine propriĂ©tĂ© depuis la mort de Henslowe en 1616, le fait rebâtir immĂ©diatement, cette fois entièrement en briques et sous la forme cylindrique classique, pour un coĂ»t qui dĂ©passerait les 1 000 ÂŁ[24]. Le théâtre est de nouveau opĂ©rationnel en 1623[16], malgrĂ© la perte par la troupe de tout son rĂ©pertoire, bien souvent manuscrit et non imprimĂ©, dĂ©truit par le feu[25]. En 1626, annĂ©e de l'accession de Charles Ier au trĂ´ne d'Angleterre, Alleyn meurt, mettant fin Ă  la longue direction exercĂ©e sur ce théâtre par ce grand acteur, entrepreneur et montreur d'ours fortunĂ©[26]. La propriĂ©tĂ© passe au Dulwich College, et la troupe du prince continue Ă  s'y produire.

Fin du théâtre

En 1642, le Parlement puritain, sous la dictature militaire de Cromwell, dĂ©cide de la fermeture de tous les théâtres. Cela est tout d'abord prĂ©sentĂ© comme une suspension due Ă  la guerre civile. Les Londoniens sont habituĂ©s aux fermetures provisoires des théâtres, qui peuvent durer plusieurs mois, voire plus d'un an, par exemple lorsque, en cas d'Ă©pidĂ©mie, le seuil des morts de la peste dĂ©passe les quarante par semaine[27]. Les prolongations de cette suspension se succèdent jusqu'en juillet 1647 pour encore une durĂ©e de six mois. Certains théâtres, comme le Globe en 1644, sont dĂ©molis pendant cette pĂ©riode transitoire. Lorsque cette dernière ordonnance expire en janvier 1648, les acteurs, privĂ©s jusque-lĂ  de revenus, rouvrent rapidement le théâtre. La gazette The Kingdom's Weekly Intelligencer indique que le 27 janvier, pas moins de cent-vingt fiacres se pressent autour du bâtiment[28]. Mais le 9 fĂ©vrier 1648, la suspension se durcit en suppression : un nouveau dĂ©cret exprime de façon non ambiguĂ« son hostilitĂ© morale et thĂ©ologique au théâtre, ordonnant la dĂ©molition des salles de spectacle. Le théâtre de la Fortune est ainsi dĂ©libĂ©rĂ©ment saccagĂ© le 24 mars 1649[29] par une compagnie de soldats[28], sans ĂŞtre apparemment totalement dĂ©truit, puisqu'en 1650, les gens de St. Giles demandent l'autorisation de se servir du théâtre dĂ©labrĂ© comme lieu de culte. On ne connaĂ®t pas la rĂ©ponse faite par les autoritĂ©s Ă  cette demande[30].

En juillet 1656, une commission d'experts visite les lieux, et constate que par manque d'entretien, les fondations se dĂ©sagrègent, les tuiles tombent, le bois pourrit, ce qui cause l'effondrement de certaines parties du bâtiment. Son Ă©tat est tel que, selon la commission, on ne peut envisager des rĂ©parations, et la valeur de l'ensemble est Ă©valuĂ©e Ă  80 ÂŁ[31]. En 1661, au dĂ©but de la Restauration anglaise, l'ensemble de la propriĂ©tĂ© est mise en vente[30]. Personne n'Ă©tant intĂ©ressĂ© Ă  reprendre ce bien, les matĂ©riaux du bâtiment sont finalement vendus Ă  un certain William Beaven pour la somme de 75 ÂŁ. Le Dulwich College note alors dans ses livres : « la dite salle de spectacle est maintenant complètement dĂ©molie Â»[32].

Dans son Londina Illustrata, Robert Wilkinson indique qu'au début du XIXe siècle, quelques vestiges de ce théâtre subsistent encore, et il en produit une gravure qui est souvent reproduite[33]. Pourtant on n'y retrouve aucune ressemblance avec le théâtre de la Fortune de 1623, rebâti en forme de cylindre[30].

Répliques modernes du théâtre

Le contrat de construction du théâtre établi entre Philip Heslowe et Peter Street fournit une description détaillé du bâtiment, mais sans aucun plan. S'inspirant de cette description, des répliques modernes du théâtre ont été construites en divers endroits du monde.

  • Le musĂ©e universitaire Waseda University Tsubouchi Memorial Theatre Museum a Ă©tĂ© construit en 1928 Ă  l'UniversitĂ© Waseda de Tokyo sur le modèle du Théâtre de la Fortune.
  • En 1959, Ă  Ashland dans l'Oregon, le théâtre Ă©lisabĂ©thain destinĂ© Ă  l'Oregon Shakespeare Festival (en), est conçu par Richard Hay (en), qui se base sur les dimensions figurant dans le contrat. Mais la disposition de la scène et les amĂ©nagements intĂ©rieurs sont de pures conjectures, puisque les plans originels n'ont jamais existĂ©.
  • Il existe une rĂ©plique de ce théâtre Ă  l'UniversitĂ© d'Australie-Occidentale Ă  Perth. Il peut accueillir 340 spectateurs sur quatre niveaux[34].

Références

Bibliographie

  • (en) Joseph Quincy Adams, Shakespearean Playhouses : a History of English Theatres from the Beginnings to the Restoration, Boston, Houghton Mifflin Harcourt, , 500 p. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (fr)Line Cottegnies, François Laroque et Jean-Marie Maguin, Théâtre Ă©lisabĂ©thain, vol. 2, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la PlĂ©iade », , 3637 p. (ISBN 978-2-07-012617-0) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (fr) Jean Jules Jusserand, Histoire littĂ©raire du peuple anglais : de la Renaissance Ă  la guerre civile, t. 2, Paris, Firmin-Didot et compagnie, , 994 p. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Frank Kermode, The Age of Shakespeare, Londres, Weidenfeld & Nicolson, , 210 p. (ISBN 978-0-297-84881-3, OCLC 59277844) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Jane Milling et Peter Thomson, The Cambridge History of British Theatre : volume 1, Origins to 1660, vol. 3, Cambridge, Cambridge University Press, , 540 p. (ISBN 0-521-65040-2, lire en ligne)
    • Jane Milling, The Development of a professional theatre, de 139 Ă  177Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
    • Andrew Gurr, The condition of theatre in England in 1599, de 264 Ă  281Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
    • Martin White, London professional playhouses and performances, de 298 Ă  338Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
    • Martin Butler, The condition of the theatres in 1642, de 439 Ă  457Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Ashley H. Thorndike, Shakespeare's Theater, New York, The Macmillan Company, , 472 p. (OCLC 762929474) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) « New Fortune Theatre », sur http://www.theatres.uwa.edu.au/, The University of Western Australia, (consultĂ© le )Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

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