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Formule d'eulogie en islam

Une formule d'eulogie en islam est une phrase de louange ou de bénédiction que les musulmans prononcent ou écrivent, en particulier, après le nom d'Allah, de ses prophètes, en particulier le nom arabe de Mahomet (Muhammad), de ses anges ou d'autres personnages importants de l'islam.

La bénédiction sur le Prophète — Que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui — dans sa mise en page ramassée.
Le nom du prophète Mahomet (محمّد, Muhammad) avec l'eulogie en haut à gauche, en calligraphie thuluth.

Eulogies pour le nom de Dieu

Les noms arabes d'Allah (à droite) et de Mahomet (à gauche), avec leur eulogie respective, dans la mosquée Sainte-Sophie, à Istanbul.

Traditionnellement, la prononciation ou la mention du nom de Dieu (Allah) est suivie d'une formule d'eulogie. Principalement, on retrouve l'une des deux expressions suivantes[1] :

  • Subhanahu wa Taʿālā (arabe : سُبْحانَهُ وتَعالىٰ) signifiant « Qu'il soit exalté et glorifié ».
  • Azza wa Jall (arabe : عَزَّ وجَلَّ) signifiant « Puissant et majestueux ».

L'eulogie « splendeur de sa majesté », en arabe : jalla jalālu-hu, جَلَّ جَلالُهُ[Note 1], peut également suivre la prononciation du nom de Dieu (Allah).

Des eulogies adressées à Dieu sont présentes dans les graffiti musulmans. Ainsi, on trouve un exemple datant de 684 mentionnant « Que Dieu soit exalté, matin, soir et nuit, longuement »; l'exemple est donné comme une citation du Coran. Imbert remarque néanmoins que celle-ci ne correspond pas à la vulgate coranique[2].

Eulogies pour les prophètes

En islam, toute mention du nom d'un des prophètes est traditionnellement suivie de la formule d'eulogie `alay-hi as-salām (عَلَيْهِ ٱلسَّلَامُ), qui signifie « Que la paix (ou le salut) soit sur lui »[3]. Par exemple, quand il mentionne Jésus, un musulman dira le plus souvent : « Issa (que la paix soit sur lui) ».

La prière sur le Prophète

En ce qui concerne le nom arabe de Mahomet (arabe : محمّد (Muhammad)), il est suivi de la formule « que la paix et la bénédiction d'Allah soient sur lui et sa famille », en arabe : ṣallā l-lāhu `alay-hi wa-sallam, صَلَّىٰ اللّٰهُ عَلَيْهِ وَسَلَّم. Chaque fois qu'un musulman prononce ou écrit le nom du Prophète, il le fait en principe suivre de cette formule[4]. Une autre formule, plus longue, peut être utilisée[5] et, à l'inverse, des abréviations existent dès les premiers siècles de l'islam. Ces dernières sont mal vues par certains musulmans[6].

En arabe, cette longue formule d'eulogie s'appelle «la prière sur le Prophète[7] » (الصلاة على النبي (aṣ-ṣalāt `alā an-nabī)) ou encore (التصلية (at-taṣliya)) c'est-à-dire l'action de prier mais, ici, plus précisément de bénir le prophète en prononçant son eulogie (puisque l'on « prie sur lui »)[8]. Elle est présentée par Al-Ghazâlî comme une source de bénédiction pour le fidèle qui la prononce. C'est ainsi qu'on a rédigé des ouvrages recueillant des invocations et des prières sur le Prophète[8]. Mais cette pratique n'est pas admise par tous les musulmans[5]. Il s'agit d'une pratique spécifique liée à la vénération de Mahomet[9].

Approche historique

Cette pratique de la prière sur le Prophète peut trouver ses origines, en particulier[Note 2], dans le verset 56 de la sourate Al-Ahzab du Coran

« Oui, Dieu et Ses anges bénissent le Prophète. Ô vous, les croyants ! Priez pour lui et appelez sur lui le salut [ṣallū ʿalayhi wa-sallimū taslīmā / صَلُّواْ عَلَيْه وسَلِّمُواْ تَسْلِيماً] »

— Le Coran, XXXIII, 56, trad. Denise Masson

Des historiens ont étudié ce verset. Selon Bell, les versets 56 à 58 de cette sourate seraient peut-être des interpolations tardives et, pour Van Reeth, elles pourraient dater de l'époque du calife Abd Al-Malik[5]. Ce dernier précise : « il semble que ces versets servaient un but politico-religieux : fonder le pouvoir (califal ?) sur celui du Prophète et sur le respect qui lui es dû. »[5]. Au ixe siècle, al-Muhasibi écrivait que dans un exemplaire de la sourate que possédait Aïcha, le verset 56 ne mentionne pas « le Prophète » mais plutôt celui qui prie au premier rang, faisant vraisemblalement référence à Mahomet, qui priait devant les croyants[9].

Selon Christian Robin, le nom de Mahomet est absent des documents islamiques les plus anciens[10] - [Note 3] et l'une des plus anciennes mentions écrites du nom de Mahomet (un drachme arabo-sassanide de 695) n'est pas suivi d'eulogie[10]. Toutefois, on retrouve sur le Dôme du Rocher (691-692) la formule d'eulogie de bénédiction et pardon, comme elle celle qui suit le nom de Issa (Jésus) dans le Coran, après le nom de Mahomet. Ce monument présente d’autres occurrences de la prière du Prophète « à travers des eulogies plus tard devenues classiques, dont nous avons peut-être ici la première attestation documentaire »[11].

Même si une tendance[Note 4] fait remonter la formule salla Allah 'alay-hi wa-sallam à l'époque la plus ancienne possible[6], elle ne semble pas utilisée durant les deux premiers siècle de l'islam. Cristina De La Puente relève que l'intérêt intellectuel autour de cette expression remonterait au iiie siècle de l'« Hégire (xie siècle)[9], pouvant expliquer l'insistance des traditionalistes du XIIe siècle qui auraient par la suite généralisé cette pratique surérogatoire[9]. C. De La Puente souligne toutefois qu'il est « extrêmement difficile » de savoir à quelle époque l'eulogie apparaît. Toujours selon cette auteur, la prière sur Mahomet semble illustrer un processus long d'idéalisation de celui-ci, et s'inscrit dans l'attribution à Mahomet d'un rôle de médiation entre Allah et sa communauté[9].

Interprétations

Le verset 56 de la sourate Al-Ahzab a fait l'objet de nombreuses discussions quant au sens à donner à cette bénédiction ou à ce pardon[12]. En effet, les exégètes musulmans ont eu des difficultés à expliquer cette formulation et cette idée de prière de Dieu[6]. Pour les musulmans, le verbe salla 'ala signifie « bénir ». Au cours des siècles, de nombreux questionnements ont été soulevés sur ce terme qui peut signifier « prier » et sur ses interprétations [9]. Ainsi, la formule renverse l'invitation coranique de prier pour Mahomet[6]. Pour Bousquet, « l'explication couramment admise est qu'on agit ainsi en raison de ce que l'homme est incapable de le faire bien, et que Dieu sait mieux ce qui convient. »[6].

Eulogie pour les autres personnages historiques

Version vectorisée du panneau (à Sainte-Sophie) portant le nom calligraphié de Ali et l'eulogie raḍī allāh ʿan-hu.

Pour d'autres personnages importants de l'islam comme les compagnons de Mahomet ou les quatre premiers califes, on fait suivre leur nom de la formule « qu'Allah soit satisfait de lui » (arabe : رضي الله عنه (raḍī allāh ʿan-hu))[13] - [14]. En français, la première formule est abrégée ASL (« Allah [soit] satisfait [de] lui »).

La formule 'alayhi 'l-salâm, utilisée après le nom de Mahomet, est pour l'orthodoxie réservée aux prophètes. Dans la littérature ancienne, il est utilisé de manière plus libre, en particulier par les chiites pour 'Ali et sa famille[15] - [12]. Les formules eulogiques étaient « à l'origine » utilisées pour toute personne que l'on souhaitait honorer. Les discussions pour séparer la formule destinée à Mahomet n'apparaissent qu'à l'époque abbasside[6].

Concernant l'historique de cette habitude, Fr. Imbert, dans un article qui évoque la mise en place des formules religieuses dans les graffiti des premiers temps de l'islam, remarque que la première mention historique du calife Umar n'est pas accompagnée d'une eulogie et, plus globalement, il note une absence de référence religieuse[16]. Il en est de même pour des inscriptions évoquant d'autres personnages anciens. « Ceci conforte l’idée d’une mise en place assez tardive de ce type de formules [eulogiques] »[13].

Usage en imprimerie et en informatique

Les eulogies sont tellement fréquentes dans les textes arabes qu'elles ont de longue date été imprimées sous un format réduit, et aujourd'hui, ces éléments ont été transcrits dans le système Unicode par des caractères uniques (ligatures) afin de les représenter.

En français, l'eulogie de Mahomet est souvent abrégée pbsl (Paix et bénédiction sur lui), pbAsl (Paix et bénédiction d'Allah sur lui), bsdl (Bénédiction et salut de Dieu sur lui), pbdl (Paix et bénédiction de Dieu sur lui) ou psl (Paix sur lui), à moins que l'on utilise des abréviations de la formule en arabe : sAaws ou d'autres variantes comme saw, sAws ou sAas qui dérivent toutes des quatre initiales arabes de l'eulogie ﺻ ﺍ ﻌ ﺲ (s - A - ' - s)[Note 5].

Notes

  1. Ligature de cette eulogie : (Unicode : U+FDFB ; HTML : ﷻ).
  2. Pour Van Reeth, cette prière est aussi une réponse au verset 41.
  3. Imbert remarque, en outre, que les premières inscriptions mentionnant Mahomet sont laconiques.
  4. L'auteur cite ainsi un hadith.
  5. Ligatures de cette eulogie : (Unicode : U+FDFA ; HTML : ﷺ), et pour sa forme abrégée : (Unicode : U+FDF5 ; HTML : ﷵ).

Références

  1. (en) « What Does the Abbreviation SWT Mean in Islamic Text? », sur Learn Religions (consulté le )
  2. François Imbert, « Le Coran des pierres : statistique épigraphiques et premières analyses », Le Coran, nouvelles approches, 2013, p. 99 et suiv.
  3. Dominique Sourdel et Janine Sourdel-Thomine, Vocabulaire de l'islam, Paris, Presses universitaires de France, , 128 p. (lire en ligne), p. 9
  4. Hiba Abid, « La vénération du Prophète en Occident musulman à travers l’étude codicologique de livres de piété (xie/xviie-xiiie/xixe siècles) », Archives de sciences sociales des religions, no 178, , p. 164 (ISSN 0335-5985, DOI 10.4000/assr.29465, lire en ligne, consulté le )
  5. J. Van Reeth, « Sourate 33 », in Mohammad Ali (Dir.) Amir-Moezzi et Guillaume Dye (Dir.), Le Coran des historiens, vol. 2b, Le Cerf, , p. 1137-38
  6. G.-H. Bousquet, « Études Islamologiques d’Ignaz Goldziher ». Arabica, 7(3), 1960, p. 237–272.
  7. Abid 2017, p. 152.
  8. Abid 2017, p. 164, note 39.
  9. C. De La Puente, « The Prayer Upon the Prophet Muhammad (Tasliya): a Manifestation of Islamic Religiosity », Medieval Encounters, 5, 1999, p.121-129.
  10. Ch. Robin, « L'Arabie préislamique » dans Le Coran des Historiens, t.1, Éditions du Cerf, 2019, p. 59.
  11. M. Tillier. « ‘Abd al-Malik, Muḥammad et le Jugement dernier : le dôme du Rocher comme expression d’une orthodoxie islamique », Actes du XLVIIIe Congrès de la SHMESP 2018, Paris, p.341-365.
  12. A. Rippin, « Tasliya », Encyclopedia of islam, vol.10, p. 359.
  13. Fr. Imbert, « Califes, princes et compagnons dans les graffiti du début de l'Islam », Romano arabica, XV, 2015, p. 59 et suiv.
  14. Jacqueline Sublet, « Initiation à l'onomastique arabe », Annuaires de l'École pratique des hautes études, vol. 110, no 1, , p. 305–309 (lire en ligne, consulté le )
  15. C. Van Arendouk, D. Gimaret, « Salam », Encyclopedia of islam, vol. 8, p. 918.
  16. Frédéric Imbert, « L’Islam des pierres : l’expression de la foi dans les graffiti arabes des premiers siècles », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, no 129, (ISSN 0997-1327, DOI 10.4000/remmm.7067, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie

  • Hiba Abid, « La vénération du Prophète en Occident musulman à travers l’étude codicologique de livres de piété (XIe /XVIIe - XIIIe/XIXe siècles) », Archives de sciences sociales des religions, no 178, , p. 151-176 (lire en ligne)

Voir aussi

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