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Ferroptose

La ferroptose est dĂ©finie comme Ă©tant « une forme de mort cellulaire initiĂ©e par des perturbations oxydatives du microenvironnement intracellulaire qui est sous le contrĂŽle de la glutathion peroxydase 4 (GPX4) et qui peut ĂȘtre inhibĂ©e par des chĂ©lateurs du fer et des antioxydants lipidiques »[1]. D’un point de vue morphologique, elle se caractĂ©rise par le rĂ©trĂ©cissement des mitochondries, la condensation de la chromatine et par la formation de pores dans la membrane plasmique entrainant sa rupture[2]. D’un point de vue biochimique, elle est caractĂ©risĂ©e par l'accumulation intracellulaire de fer et par une peroxydation lipidique accrue.

La dĂ©couverte de cette nouvelle forme de MCR a Ă©tĂ© initiĂ©e par un criblage Ă  haut dĂ©bit ayant pour but de trouver de nouvelles molĂ©cules antitumorales. Parmi les composĂ©s identifiĂ©s, se trouvait l’érastine, un composĂ© sĂ©lectivement lĂ©tal pour les lignĂ©es tumorales RAS-mutĂ©es[3]. L’érastine n’a induit aucun changement morphologique au niveau du noyau, ni de fragmentation d’ADN et n’a pas montrĂ© d’activation des caspases, concluant que ce composĂ© induisait une mort cellulaire non-apoptotique, nommĂ©e ferroptose par Dixon et al. en 2012[4].

MĂ©canisme ferroptotique

L'exĂ©cution de la ferroptose est dĂ©terminĂ©e par les facteurs conditionnant l’équilibre entre l’accumulation de lipides peroxydĂ©s et leur dĂ©toxification par des systĂšmes antioxydants dĂ©diĂ©s, dont le principal est le systĂšme glutathion peroxydase 4/glutathion (GPX4/GSH)[5].

Peroxydation lipidique

Les acides gras polyinsaturĂ©s (AGPIs), comme l’acide arachidonique (AA) et l’acide adrĂ©nique (AdA), contenus dans les phosphatidylĂ©thanolamines membranaires sont les principales cibles de la peroxydation des lipides (Figure A). En effet, les atomes d’hydrogĂšne portĂ©s par les atomes de carbone bis-allyliques de ces AGPIs sont trĂšs sensibles Ă  la peroxydation. Celle-ci peut s’effectuer selon deux mĂ©canismes dĂ©pendants du fer : soit par voie enzymatique via les lipoxygĂ©nases, soit par auto-oxydation.

L’auto-oxydation des AGPIs est illustrĂ©e dans la figure C. Elle dĂ©bute par l’abstraction d’un hydrogĂšne portĂ© par un atome de carbone bis-allylique d’un AGPI par un radical HO‱ ou RO‱, lui-mĂȘme issu de rĂ©action de Fenton (Figure B). Le radical alkyle (R‱) ainsi formĂ© se fait attaquer par le dioxygĂšne pour donner un radical peroxyle (ROO‱). Ce dernier rĂ©agit Ă  son tour avec un second AGPI pour former un hydroperoxyde (ROOH) ainsi qu’un un autre radical alkyle (R‱)[6]. Contrairement aux rĂ©actions de Fenton qui catalysent la formation d’espĂšces rĂ©actives de l’oxygĂšne (ROS) de maniĂšre non discriminante, la voie enzymatique impliquant essentiellement les lipoxygĂ©nases (qui comportent un atome de fer non hĂ©mique dans leur site catalytique) est plus sĂ©lective de la formation de peroxydes lipidiques dĂ©rivĂ©s de l’AA et de l’AdA[7]. Plus prĂ©cisĂ©ment, les 15-lipoxygĂ©nases (15-LOX) en complexe avec la protĂ©ine 1 de liaison Ă  la phosphatidylĂ©thanolamine (PEBP1) catalysent des rĂ©actions d'oxydation hautement sĂ©lectives et spĂ©cifiques des arachidonoyl- et adrĂ©noyl-phosphatidylĂ©thanolamines (AA/AdA–PE) aboutissant in fine Ă  la ferroptose[8]. Plus rĂ©cemment, il a Ă©galement Ă©tĂ© montrĂ© que la cytochrome P450 rĂ©ductase contribue Ă  la peroxydation lipidique dans la ferroptose[9].

Les systĂšmes anti-oxydants

En condition physiologique, la production des hydroperoxydes lipidiques est compensĂ©e par des systĂšmes antioxydants endogĂšnes, tel que le systĂšme GPX4/GSH. Plus prĂ©cisĂ©ment, la sĂ©lĂ©no-enzyme GPX4 utilise du glutathion comme co-substrat pour rĂ©duire les peroxydes lipidiques en alcools non toxiques[10]. Cependant, en condition ferroptotique, ces systĂšmes sont dĂ©ficients, ce qui entraĂźne une production excessive d’hydroperoxydes lipidiques dont l’accumulation est lĂ©tale pour la cellule[11]. En effet, les hydroperoxydes perturbent l’architecture des membranes ou se fragmentent pour donner des aldĂ©hydes trĂšs rĂ©actifs comme le 4-hydroxynonenal (4-HNE) ou le malondialdĂ©hyde (MDA), qui peuvent rĂ©agir avec les sites nuclĂ©ophiles des protĂ©ines ou de l'ADN et entraver leur bon fonctionnement.

D’un point de vue expĂ©rimental, le moyen le plus classique d’induire la ferroptose consiste Ă  inhiber GPX4 avec RSL3 ou bloquer le systĂšme XC- avec l’érastine. Cet anti-porteur est responsable de la capture de la cystine, prĂ©curseur du glutathion indispensable au bon fonctionnement de la voie antioxydante mĂ©diĂ©e par GPX4.

Modulateurs de la ferroptose[12]

Inducteurs de la ferroptose inhibiteurs de la ferroptose
Inducteurs mode d'action inhibiteurs mode d'action
Erastin, PE, IKE, erastin analogs, sulfasalazine, glutamate, sorafenib inhibition du syt. Xc- → depletion de GSH Ferrostatins, liproxstatins Bloque la peroxydation lipidique
INF-γ Downrégulation de l'expression du syst. Xc- Vitamin E, alpha-tocopherol,

trolox

bloque la propagation de la peroxydation lipidique
(1S, 3R)-RSL3, ML162, composĂ©s DPI inhibition de GPX4 → pĂ©roxydation lipidique CoQ10, idebenone Bloque la peroxydation lipidique
rĂ©duction de la cystine et de la cystĂ©ine, buthionine sulfoxonium (BSO) inhibition de GCS → depletion de GSH Deferoxamine (DFO), ciclopirox, deferiprone dĂ©plĂ©tion d'ion
FIN56 Appauvrissement de CoQ10; diminue les niveaux de GPX4 Dihydrobiopterin (BH2), tetrahydrobiopterin (BH4) effet antioxydant; remodlage lipidique
FINO2 Induction de la peroxydation lipidique; indirectement inhibe GPX4 AGPI deutéré, AGMI Bloque la peroxydation lipidique
statines Blocage de la synthÚse de CoQ10 par la voie mevalonate Inhibiteur de Lipoxygénases (e.g. CDC, baicalein and zileuton) Bloque la peroxydation lipidique induite par les lipoxygénases
Phospholipides avec 2 AGPI Induction de la peroxydation lipidique

Perspectives thérapeutiques

Au cours des derniĂšres annĂ©es, la ferroptose a attirĂ© une attention considĂ©rable en raison de son rĂŽle important dans plusieurs maladies. Par exemple, les adaptations mĂ©taboliques au cours de la pĂ©riode ischĂ©mique des lĂ©sions d'ischĂ©mie-reperfusion (IRI) altĂšrent plusieurs mĂ©canismes d'Ă©limination des ROS et la phase de reperfusion induit un "Ă©clatement" de ROS qui conduit Ă  la mort cellulaire, notamment par ferroptose.  En outre, il existe de plus en plus de preuves que la ferroptose joue un rĂŽle important dans les maladies neurodĂ©gĂ©nĂ©ratives telles que la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson et la sclĂ©rose latĂ©rale amyotrophique[13].

En oncologie, la ferroptose est un sujet d'intĂ©rĂȘt croissant en raison de son potentiel Ă  cibler les cellules cancĂ©reuses qui prĂ©sentent une susceptibilitĂ© accrue Ă  cette forme de mort cellulaire[14]. En effet, elle a Ă©tĂ© impliquĂ©e dans plusieurs types de cancer, notamment :

  • Sein
  • LeucĂ©mie aiguĂ« myĂ©loĂŻde
  • AdĂ©nocarcinome canalaire pancrĂ©atique
  • Ovaire
  • Lymphome B
  • Carcinome Ă  cellules rĂ©nales
  • Poumon
  • Glioblastome

Références

  1. Galluzzi, Lorenzo. Turk, Boris, 1964-, Molecular mechanisms of cell death : recommendations of the Nomenclature Committee on Cell Death 2018 (OCLC 1051701879, lire en ligne)
  2. Brent R. Stockwell, JosĂ© Pedro Friedmann Angeli, HĂŒlya Bayir et Ashley I. Bush, « Ferroptosis: A Regulated Cell Death Nexus Linking Metabolism, Redox Biology, and Disease », Cell, vol. 171, no 2,‎ , p. 273–285 (ISSN 0092-8674, DOI 10.1016/j.cell.2017.09.021, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. Sonam Dolma, Stephen L Lessnick, William C Hahn et Brent R Stockwell, « Identification of genotype-selective antitumor agents using synthetic lethal chemical screening in engineered human tumor cells », Cancer Cell, vol. 3, no 3,‎ , p. 285–296 (ISSN 1535-6108, DOI 10.1016/s1535-6108(03)00050-3, lire en ligne, consultĂ© le )
  4. Scott J. Dixon, Kathryn M. Lemberg, Michael R. Lamprecht et Rachid Skouta, « Ferroptosis: An Iron-Dependent Form of Nonapoptotic Cell Death », Cell, vol. 149, no 5,‎ , p. 1060–1072 (ISSN 0092-8674, DOI 10.1016/j.cell.2012.03.042, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Scott J. Dixon et Brent R. Stockwell, « The Hallmarks of Ferroptosis », Annual Review of Cancer Biology, vol. 3, no 1,‎ , p. 35–54 (ISSN 2472-3428 et 2472-3428, DOI 10.1146/annurev-cancerbio-030518-055844, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Morgan K. Foret, Richard Lincoln, Sonia Do Carmo et A. Claudio Cuello, « Connecting the “Dots”: From Free Radical Lipid Autoxidation to Cell Pathology and Disease », Chemical Reviews, vol. 120, no 23,‎ , p. 12757–12787 (ISSN 0009-2665 et 1520-6890, DOI 10.1021/acs.chemrev.0c00761, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. Ryosuke Shintoku, Yuta Takigawa, Keiichi Yamada et Chisato Kubota, « Lipoxygenase‐mediated generation of lipid peroxides enhances ferroptosis induced by erastin and RSL3 », Cancer Science, vol. 108, no 11,‎ , p. 2187–2194 (ISSN 1347-9032 et 1349-7006, DOI 10.1111/cas.13380, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. Sally E. Wenzel, Yulia Y. Tyurina, Jinming Zhao et Claudette M. St. Croix, « PEBP1 Wardens Ferroptosis by Enabling Lipoxygenase Generation of Lipid Death Signals », Cell, vol. 171, no 3,‎ , p. 628–641.e26 (ISSN 0092-8674, DOI 10.1016/j.cell.2017.09.044, lire en ligne, consultĂ© le )
  9. Yilong Zou, Haoxin Li, Emily T. Graham et Amy A. Deik, « Cytochrome P450 oxidoreductase contributes to phospholipid peroxidation in ferroptosis », Nature Chemical Biology, vol. 16, no 3,‎ , p. 302–309 (ISSN 1552-4450 et 1552-4469, DOI 10.1038/s41589-020-0472-6, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. Irina Ingold, Carsten Berndt, Sabine Schmitt et Sebastian Doll, « Selenium utilization by GPX4 was an evolutionary requirement to prevent hydroperoxide-induced ferroptosis », Free Radical Biology and Medicine, vol. 112,‎ , p. 24 (ISSN 0891-5849, DOI 10.1016/j.freeradbiomed.2017.10.023, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. Ji-Yoon Lee, Won Kon Kim, Kwang-Hee Bae et Sang Chul Lee, « Lipid Metabolism and Ferroptosis », Biology, vol. 10, no 3,‎ , p. 184 (ISSN 2079-7737, DOI 10.3390/biology10030184, lire en ligne, consultĂ© le )
  12. (en) Kamyar Hadian et Brent R. Stockwell, « SnapShot: Ferroptosis », Cell, vol. 181, no 5,‎ , p. 1188–1188.e1 (PMID 32470402, PMCID PMC8157339, DOI 10.1016/j.cell.2020.04.039, lire en ligne, consultĂ© le )
  13. Shashank Masaldan, Ashley I. Bush, David Devos et Anne Sophie Rolland, « Striking while the iron is hot: Iron metabolism and ferroptosis in neurodegeneration », Free Radical Biology and Medicine, vol. 133,‎ , p. 221–233 (ISSN 0891-5849, DOI 10.1016/j.freeradbiomed.2018.09.033, lire en ligne, consultĂ© le )
  14. Rudy Birsen, Eric Grignano, Nicolas Chapuis et Didier Bouscary, « Ferroptose et cancer: Implications physiopathologiques et thĂ©rapeutiques », mĂ©decine/sciences, vol. 37, nos 8-9,‎ , p. 726–734 (ISSN 0767-0974 et 1958-5381, DOI 10.1051/medsci/2021108, lire en ligne, consultĂ© le )
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