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Faux aveux

Un faux aveu est un aveu de culpabilitĂ© pour un crime pour lequel la personne n'est pas responsable. Les faux aveux peuvent ĂȘtre obtenus par la contrainte ou par un trouble mental de l'accusĂ©. Les recherches dĂ©montrent que les faux aveux se produisent rĂ©guliĂšrement dans la jurisprudence, et c'est pour cela que cette derniĂšre a Ă©tabli une sĂ©rie de rĂšgles afin de dĂ©tecter les faux aveux.

Aux États-Unis, parmi les personnes emprisonnĂ©es Ă  tort puis libĂ©rĂ©es Ă  la suite d'analyses ADN, 15 % Ă  25 % d'entre elles avaient fait de faux aveux[1].

Causes

Les faux aveux peuvent ĂȘtre classĂ©s en trois catĂ©gories gĂ©nĂ©rales, comme indiquĂ© par Saul M. Kassin dans un article[2] - [3] :

  • Les faux aveux volontaires sont ceux qui sont donnĂ©s librement, sans que la police ne les demande. Parfois, ils peuvent ĂȘtre sacrificiels, pour dĂ©tourner l'attention de la personne qui a commis le crime. Par exemple, un parent peut avouer pour sauver leur enfant de la prison. Dans certains cas, des personnes ont fait de faux aveux de crimes notoires, tout simplement pour obtenir l'attention. Ainsi, environ 60 personnes ont avouĂ© le meurtre d'Elizabeth Short en 1947, connue comme la "Dahlia Noir"[4].
  • Les faux aveux accommodants sont donnĂ©s pour Ă©chapper Ă  une situation stressante, Ă©viter une punition, ou obtenir une rĂ©compense promise ou implicite. Un exemple est la situation d'un interrogatoire de police ; les interrogatoires sont souvent menĂ©s dans des chambres sombres, sans fenĂȘtres ni objets si ce n'est une table et deux chaises. Pour les suspects, la piĂšce devient leur rĂ©alitĂ©, et cela cause une fatigue mentale sĂ©vĂšre chez l'individu interrogĂ©. AprĂšs un temps suffisamment long, les suspects peuvent avouer des crimes qu'ils n'ont pas commis pour Ă©chapper Ă  ce qu'ils sentent ĂȘtre une situation dĂ©sespĂ©rĂ©e. Les techniques d'interrogatoire telles que la technique Reid tentent de suggĂ©rer au suspect qu'ils se sentiront soulagĂ©s s'ils dĂ©cident d'avouer. Des rĂ©compenses matĂ©rielles comme le cafĂ© ou la fin de l'interrogatoire sont Ă©galement utilisĂ©es pour le mĂȘme effet. Les gens peuvent aussi avouer un crime qu'ils n'ont pas commis comme une forme de nĂ©gociation de peine afin d'Ă©viter un alourdissement de la peine. Les personnes qui sont facilement conduites Ă  effectuer de faux aveux ont un score Ă©levĂ© sur l'Ă©chelle de susceptibilitĂ© de Gudjonsson.
  • Les faux aveux intĂ©riorisĂ©s sont ceux pour lesquels la personne croit vĂ©ritablement qu'elle a commis le crime, aprĂšs avoir Ă©tĂ© sujet Ă  des techniques d'interrogatoires hautement suggestives.

Faux aveux volontaires

Des personnes fragilisées émotionnellement au moment de l'interrogatoire peuvent décider d'avouer. Par cette décision, elles espÚrent mettre fin aux interrogatoires et pensent pouvoir se rétracter par la suite. Des personnes ayant effectué de faux aveux au cours d'une garde à vue ont ainsi expliqué comment la lassitude et la peur les ont conduits à céder[5].

Les conditions matérielles de la garde à vue, comme la privation de sommeil[6], pourraient avoir un impact sur l'obtention des aveux.

En 1987, Patrick Dils avoua un double infanticide en pensant que celui lui permettrait de « rentrer chez lui ». Au contraire, il passa quinze ans en prison avant d'ĂȘtre innocentĂ© en 2002.

Faux aveux accommodants

Des techniques classiques utilisées par la police lors des interrogatoires, notamment la technique Reid[7], sont efficaces pour obtenir des aveux d'une personne coupable, mais elles présentent aussi le risque de conduire des personnes innocentes à faire de faux aveux[8] - [9].

Pour Richard Leo, professeur de droit et de psychologie Ă  l'UniversitĂ© de San Francisco[10], « plus un interrogatoire dure longtemps, plus les enquĂȘteurs augmentent la pression sur le suspect, et plus ils utilisent de techniques et de stratĂ©gies pour conduire le suspect du dĂ©ni Ă  l'aveu. »

Brian Cutler, professeur d'université en psychologie sociale au Canada, décrit l'interrogatoire tel qu'il se déroule selon la technique de Reid[11] :

L'interrogatoire est conçu pour obtenir un aveu. Il ne s'agit pas d'une procédure d'investigation, mais d'une procédure présumant de la culpabilité du suspect. Son but est d'obtenir un aveu du suspect dont la culpabilité est « connue » ou fortement soupçonnée.

Les enquĂȘteurs prĂ©sentent ainsi au suspect les « preuves » du secouement, par exemple des descriptions de tĂ©moins ou des expertises scientifiques formelles. Face Ă  ces preuves irrĂ©futables, le suspect est amenĂ© Ă  croire qu'il n'a aucun moyen raisonnable de nier l'acte prĂ©sumĂ©. C'est l'Ă©tape de « maximisation », qui consiste Ă  « faire comprendre au suspect les consĂ©quences extrĂȘmes auxquelles il fait face s'il n'avoue pas, et Ă  ce qu'il se sente pris au piĂšge, impuissant, et convaincu qu'avouer est dans son meilleur intĂ©rĂȘt. »

Ensuite vient l'Ă©tape de « minimisation », au cours de laquelle les enquĂȘteurs « suggĂšrent au suspect que son crime est moins sĂ©rieux qu'il en a l'air » au travers de marques de sympathie, d'empathie, et de comprĂ©hension « d'un crime qui Ă©tait une rĂ©ponse normale que n'importe qui, y compris l'enquĂȘteur lui-mĂȘme, aurait pu commettre dans de telles circonstances. » Le suspect « peut alors imaginer qu'avouer le conduirait Ă  ĂȘtre mieux traitĂ© » au cours des procĂ©dures judiciaires Ă  venir.

Par exemple, cette technique serait parfois utilisée dans les diagnostics de bébés secoués :

Le diagnostic de bĂ©bĂ© secouĂ© procure aux enquĂȘteurs une arme puissante. Si la science mĂ©dicale « prouve » la cause du dĂ©cĂšs, un enquĂȘteur interrogeant le suspect peut (et il le fera) confronter l'accusĂ© avec cette preuve irrĂ©futable de culpabilitĂ©. Un parent confrontĂ© Ă  la dĂ©tresse Ă  la suite de la mort de son enfant subit aussi le choc d'ĂȘtre accusĂ© de l'avoir tuĂ©. La culpabilitĂ©, le dĂ©sespoir, et l'auto reproche peuvent plonger un parent angoissĂ© dans un Ă©tat d'abattement dans lequel il interiorise sa responsabilitĂ©. Un tel « aveu » ferait sens Ă  la fois pour l'accusĂ© et pour ceux qui l'accusent. L'aveu, mĂȘme s'il est faux, combinĂ© avec la « preuve » mĂ©dicale, serait trĂšs convaincant devant un jury. En effet, le Registre National des ExonĂ©rations contient 11 cas de diagnostics de bĂ©bĂ© secouĂ©.

Faux aveux intériorisés

Certaines personnes peuvent se persuader d'avoir commis un crime dont elles sont pourtant innocentes[12].

Des chercheurs en psychologie ont reproduit expĂ©rimentalement les conditions d'un interrogatoire de police, et ils sont parvenus Ă  conduire 70 % des participants Ă  se souvenir de crimes qu'ils avaient commis dans leur jeunesse, et mĂȘme Ă  apporter des dĂ©tails factuels sur ces crimes, alors que ces crimes n'avaient en fait jamais eu lieu[13].

Ce phénomÚne pourrait se produire dans des diagnostics de maltraitance infantile[14] :

Lorsqu'ils sont confrontĂ©s Ă  des « preuves » de secouement ou d'impact, des parents peuvent essayer de se souvenir de ce qu'ils ont pu faire, et se rappeler d'incidents mineurs qui sont alors considĂ©rĂ©s comme des aveux ou des histoires fluctuantes. Certains de ces interrogatoires surviennent immĂ©diatement aprĂšs la mort d'un enfant, lorsque des parents ou nounous Ă©perdus peuvent ĂȘtre particuliĂšrement vulnĂ©rables Ă  la suggestion, Ă  la manipulation, et aux trous de mĂ©moire.

Impacts des aveux sur la procédure criminelle

Les aveux peuvent avoir des consĂ©quences importantes au cours des procĂ©dures criminelles. Selon un commissaire français, les faux aveux obtenus au cours des interrogatoires de police pourraient conduire Ă  des erreurs judiciaires[15]. Dans une Ă©tude amĂ©ricaine datant de 2003, 81 % des personnes ayant effectuĂ© de faux aveux avaient fait l'objet d'une condamnation Ă  la suite de ces aveux, avant d'ĂȘtre finalement innocentĂ©es[16].

Selon des chercheurs américains[17] :

Un aveu est considéré comme étant la fin des investigations par quasiment toutes les personnes impliquées dans le systÚme judiciaire criminel. (...) Des jurés potentiels ne croient pas que les faux aveux soient un problÚme. Richard Leo attribue cela [à] la croyance qu'une personne innocente ne va pas faire de faux aveux à moins qu'elle ne soit torturée ou atteinte d'une maladie mentale.

De plus, lorsque les personnes qui font de faux aveux rétractent ensuite leurs aveux, ces rétractions ne sont que rarement reconnues ; au contraire, elles sont souvent perçues comme des preuves supplémentaires des mensonges des suspects et donc de leur culpabilité. (...)

Les effets d'un aveu perdurent Ă  chaque Ă©tape de la procĂ©dure criminelle. La police, les procureurs, et mĂȘme les experts scientifiques, lorsqu'ils sont informĂ©s de l'aveu, tendent Ă  rechercher et interprĂ©ter toutes les preuves suivantes Ă  la lumiĂšre de cet aveu.

Psychologie

Les mĂ©canismes conduisant une personne innocente Ă  avouer un crime qu'elle n'a pas commis sont essentiellement d'ordre psychologique. Ce phĂ©nomĂšne a aussi Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© du point de vue la psychologie Ă©volutionniste[18]. Le besoin d'avouer pourrait ĂȘtre d'autant plus important qu'il y aurait de personnes convaincues de la culpabilitĂ© du suspect dans le groupe social.

Article connexe

Références

  1. (en-US) « False Confessions or Admissions - Innocence Project », Innocence Project,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  2. Saul M. Kassin, « False Confessions: Causes, Consequences, and Implications for Reform », Current Directions in Psychological Science, vol. 17, no 4,‎ , p. 249–253 (DOI 10.1111/j.1467-8721.2008.00584.x, lire en ligne [PDF])
  3. Aline Mohen-Vincent, « La psychologie des faux aveux », sur Sciences Humaines (consulté le )
  4. Bray, Christopher. "'Hell, someone's cut this girl in half!'", The Daily Telegraph, 6 mars 2006. Retrieved 8 January 2008.
  5. « En garde Ă  vue, les aveux ne sont pas des preuves », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. « Attention, le manque de sommeil vous fait avouer n'importe quoi », Slate.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  7. « JOHN E. REID & ASSOCIATES, INC. », sur www.reid.com (consulté le )
  8. Jennifer T. Perillo et Saul M. Kassin, « Inside interrogation: The lie, the bluff, and false confessions. », Law and Human Behavior, vol. 35, no 4,‎ , p. 327–337 (ISSN 1573-661X et 0147-7307, DOI 10.1007/s10979-010-9244-2, lire en ligne)
  9. (en) Saul M. Kassin, Sara C. Appleby et Jennifer Torkildson Perillo, « Interviewing suspects: Practice, science, and future directions », Legal and Criminological Psychology, vol. 15, no 1,‎ , p. 39–55 (ISSN 1355-3259, DOI 10.1348/135532509x449361, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. (en) Leo, Richard, « Police Interrogations, False Confessions, and Alleged Child Abuse Cases », University of Michigan Journal of Law Reform, vol. 50, no 3,‎ (ISSN 0363-602X, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. « Interrogations and False Confessions: A Psychological Perspective - ProQuest », sur search.proquest.com (consulté le )
  12. « Les troublantes logiques des faux aveux », leparisien.fr,‎ 2012-07-08cest07:00:00+02:00 (lire en ligne, consultĂ© le )
  13. (en) Julia Shaw et Stephen Porter, « Constructing Rich False Memories of Committing Crime », Psychological Science, vol. 26, no 3,‎ , p. 291–301 (ISSN 0956-7976 et 1467-9280, DOI 10.1177/0956797614562862, lire en ligne, consultĂ© le )
  14. (en) Moran, David A., Findley, Keith A., Barnes, Patrick D. et Squier, Waney, « Shaken Baby Syndrome, Abusive Head Trauma, and Actual Innocence: Getting it Right », University of Michigan Law School Scholarship Repository,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  15. « L’aveu : reine des preuves !? », POLICEtcetera,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  16. « The Problem of False Confessions in the Post-DNA World 82 North Carolina Law Review 2003-2004 », sur heinonline.org (consulté le )
  17. « Interrogations and False Confessions: A Psychological Perspective - ProQuest », sur search.proquest.com (consulté le )
  18. (en) Jesse M. Bering et Todd K. Shackelford, « Evolutionary Psychology and False Confession. », American Psychologist, vol. 60, no 9,‎ , p. 1037–1038 (ISSN 1935-990X et 0003-066X, DOI 10.1037/0003-066x.60.9.1037, lire en ligne, consultĂ© le )
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