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Fasiladas d'Éthiopie

FasilĂ€dĂ€s (ፋáˆČለደሔ) nĂ© en 1603 Ă  Mugar, dans le ShĂ€wa, et mort le , fut negus d’Éthiopie sous les noms de rĂšgne d'AlĂ€m SĂ€gad et de Seltan SĂ€gad de 1632 Ă  1667[1].

Fasiladas d'Éthiopie
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  63 ans)
Activité
Famille
PĂšre
Enfant

Son pÚre Susneyos (1607-1632) qui avait établi la foi catholique comme religion officielle abdique en sa faveur le . Fasiladas, ainsi que son jeune frÚre Galawdewos, avaient été, dÚs leur jeune ùge, associés à la politique de leur pÚre[2]. DÚs 1630, FasilÀdÀs était reconnu comme l'héritier officiel du trÎne par le pape Urbain VIII.

Bien qu'ayant rĂ©gnĂ© 35 annĂ©es et ayant durablement marquĂ© la pĂ©riode, le roi FasilĂ€dĂ€s n'a pas laissĂ© de chronique associĂ©e Ă  son rĂšgne[3]. Ses actions ne nous sont rapportĂ©es, dans l'historiographie Ă©thiopienne, que par le chapitre qui lui est dĂ©diĂ© dans la Chronique brĂšve, rĂ©digĂ©e plus d'un siĂšcle aprĂšs[4].

Un roi bĂątisseur

Le palais de FasilÀdÀs dans le Fasil Ghebbi à Gondar.

FasilÀdÀs fit construire un palais en pierres et en mortier à Gondar, au nord du lac Tana, pour la saison des pluies, ainsi que des complexes résidentiels dans le Bagémeder, à Aringo, et dans le Godjam, à Yebaba. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, il ne s'agit pas d'une innovation radicale puisque son pÚre et probablement le souverain Sarsa Dengel (1563-1597) avant lui, avaient fait construire des bùtiments dans le Dambya, autour du lac Tana[5], et que le jésuite Pedro Påez, à la demande de l'empereur Susneyos, lui avait construit un palais de pierre dans le Godjam[6].

Le roi FasilĂ€dĂ€s, mĂȘme s'il inaugure la tradition que suivront les souverains des XVIIe et XVIIIe siĂšcles de construire un palais Ă  GondĂ€r, reste un roi se dĂ©plaçant beaucoup, menant chaque annĂ©e des guerres dans diffĂ©rentes rĂ©gions pour affirmer le contrĂŽle du pouvoir royal sur les populations. La Chronique brĂšve tĂ©moigne des dĂ©placements incessants de l'armĂ©e royale.

L'image de FasilÀdÀs reste néanmoins celle d'un roi bùtisseur. La tradition orale gondarienne lui attribue la fondation des sept premiÚres églises de la ville ainsi que d'un certain nombre de ponts dans la région[7]. Par contre, les bains de Fasil, situés dans le quartier de Qaha à GondÀr, sont trÚs probablement postérieurs à son rÚgne.

Une politique religieuse complexe

Les bains de FasilÀdÀs à GondÀr.

FasilĂ€dĂ€s Ă©loigne les missionnaires jĂ©suites qui doivent s’exiler d'abord Ă  FrĂ©mone, un bourg catholique dans le TigrĂ©, puis repartir vers Goa, dans les Indes portugaises, siĂšge des missions orientales.

Ceux qui prĂ©fĂšrent rester en Éthiopie, en particulier les mĂ©tis, sont par la suite persĂ©cutĂ©s. Le seigneur catholique ras Se'ela Krestos, frĂšre utĂ©rin de Susneyos et grand agent de la politique pro-catholique du rĂšgne prĂ©cĂ©dent, est pendu. FasilĂ€dĂ€s passe des accords avec les pachas de Suakin et de Massaoua qui s’engagent Ă  ne laisser pĂ©nĂ©trer aucun missionnaire catholique en Éthiopie. À la fin de son rĂšgne, il fit brĂ»ler les « livres des Francs » en place publique.

Un nouveau mĂ©tropolite copte, Marqos, arrive Ă  la cour royale en . Le retour de l'Église Ă©thiopienne dans le giron de l'Église copte d'Alexandrie ne se fit probablement pas sans heurts. On sait que Marqos fut emprisonnĂ© et peut-ĂȘtre exĂ©cutĂ© en 1648, accusĂ© d'un complot contre le souverain, qu'il aurait menĂ© avec le frĂšre cadet de ce dernier, Galawdewos[8].

Le contexte religieux Ă©thiopien, aprĂšs l'Ă©pisode catholique, est complexe et la politique de FasilĂ€dĂ€s fut peut-ĂȘtre une politique innovante plus qu'un retour Ă  la tradition alexandrine, comme l'historiographie officielle le prĂ©tendit.

Un conflit trÚs violent, né lors des premiers débats théologiques avec les jésuites et qui se développe ensuite de multiples façons, oppose les moines du parti onctionniste (qebat), majoritairement localisés dans la province du Godjam et se réclamant de la filiation spirituelle d'Ewostatewos, aux moines unionistes (tewahedo), de l'ordre de TÀklÀ Haymanot (DÀbrÀ Libanos). Trois synodes sont réunis lors du rÚgne de FasilÀdÀs, dont le premier en 1655 se conclut en faveur des onctionnistes, d'aprÚs le texte rédigé à son issue[9].

FasilÀdÀs a fait massacrer les moines du monastÚre de Magwina en 1657, situé dans les basses terres à l'ouest de GondÀr, probablement car ceux-ci s'opposaient à la politique royale[10].

On sait aussi qu'il a fait reconstruire et richement doté deux églises, celle de Daga Estifanos[11], sur le lac Tana, et celle de Maryam Tseyon, à Aksoum[12]. Ces deux églises sont néanmoins indépendantes des conflits théologico-politiques de l'époque et, à titre différent, liées au pouvoir royal.

Par ailleurs, FasilÀdÀs fut trÚs proche d'un voyageur allemand protestant, Peter Heyling, qui enseigna dans la région d'Aringo, au sud de GondÀr, jusqu'en 1652, date de sa décapitation par un pacha ottoman dans les environs du Caire[13].

Politique extérieure : lutter contre les Ottomans en s'alliant avec d'autres puissances musulmanes ?

Enfin, la politique extĂ©rieure de FasilĂ€dĂ€s envers les puissances musulmanes a prĂȘtĂ© Ă  confusion quant Ă  une prĂ©tendue inclinaison du souverain pour l'islam, lors de son rĂšgne puis plus tard par les historiens, confusion que les analyses d'E. van Donzel ont pourtant largement dissipĂ©e.

L'objectif principal de FasilĂ€dĂ€s aurait pourtant Ă©tĂ© de lutter contre l'influence de l'Empire ottoman, alors solidement Ă©tabli sur les rivages septentrionaux de l'Éthiopie, en s'alliant avec des grandes puissances luttant contre les Ottomans.

Ainsi, en 1642, FasilĂ€dĂ€s Ă©tablit un contact avec l'imam Zaydi du YĂ©men, qui a rĂ©ussi Ă  combattre la puissance turque ottomane, probablement afin d'ouvrir des routes de commerce entre les hautes terres chrĂ©tiennes d'Éthiopie, Baylul, port sur la mer Rouge indĂ©pendant des Ottomans, et le YĂ©men. Un ambassadeur yĂ©mĂ©nite demeura prĂšs d'une annĂ©e en 1647-1648, rĂ©digeant Ă  l'issue de son sĂ©jour Ă©thiopien un texte en arabe documentant de façon unique la vie Ă  la cour de Gondar[14]. NĂ©anmoins l'issue des nĂ©gociations commerciales n'est pas connue.

FasilÀdÀs envoie ensuite réguliÚrement un commerçant arménien, Murat, établir des contacts commerciaux et diplomatiques à Mokah, au Yémen, et avec les compagnies anglaise et néerlandaise des Indes orientales[15].

Il envoie aussi au moins deux ambassades vers l'Inde dans la décennie 1660, l'une établissant le contact avec le grand Moghul Aurangzeb.

FasilÀdÀs meurt en 1667 et est enterré à Azazo. Les moines de Daga Estifanos ont ensuite prétendu avoir fait transférer sa dépouille dans leur nécropole royale, mais il s'agit probablement là d'une construction servant les objectifs de la communauté de Daga. Son fils YohannÚs Ier lui succÚde en 1667.

Notes et références

  1. Saheed A. Adejumobi, The history of Ethiopia, Greenwood Publishing Group, (ISBN 978-0-313-32273-0, présentation en ligne).
  2. D'aprÚs la Chronique de Susneyos, éditée et traduite par Pereira (1892-1901), et qui fut largement modifiée par FasilÀdÀs pour mettre en valeur l'action de ce dernier (voir les analyses de Hervé Pennec et Dimitri Toubkis, en particulier leur article commun en 2004).
  3. Voir l'article de Manfred Kropp (1986) analysant les possibilités d'existence d'une telle chronique.
  4. La Chronique brÚve a été éditée et traduite de nombreuses fois, et les versions manuscrites diffÚrent. En français, voir l'édition et traduction de Jules Perruchon (1897-98) d'aprÚs le manuscrit BnF Eth. 141.
  5. Voir les Ă©tudes de terrain de Francis Anfray (1980-81) et (1988).
  6. Voir l'ouvrage trÚs détaillé sur les missions jésuites pendant le rÚgne de Susneyos de Hervé Pennec (2003).
  7. Voir les collectes de ces traditions orales par Pollera, dans les années 1930, et plus récemment par l'anthropologue Manuel J. Ramos.
  8. Wion (2004) et (2007).
  9. Ce texte unique dans l'histoire des nombreux synodes éthiopiens est connu sous le titre Haymanot MÀsihawit et édité et traduit par Getatchew Hayle (1990).
  10. D'aprÚs les textes conservés au monastÚre de Magwina. Voir Wion (2007).
  11. Voir l'analyse trÚs détaillée de Bosc-Tiessé, 2008.
  12. Voir le texte documentant cette reconstruction dans les archives d'Aksum Tseyon, éditées et traduites par Conti-Rossini (1909-10).
  13. Voir Kropp, 1984.
  14. Voir l'Ă©dition et la traduction anglaise de ce texte d'Al-Haymi par E. van Donzel (1986)
  15. E. van Donzel (1979)

Bibliographie

Sources

  • Beccari, C., Rerum Aethiopicarum Scriptores Occidentales Inediti a Saeculo XVI ad XIX, 15 vol., Rome, (rĂ©-Ă©dition annastatique), 1903-1913.
  • Getatchew HailĂ©, The faith of the Unctionists in the Ethiopian Church (Haymanot MĂ€sihawit), Louvain, 1990 CSCO 517-518, S.A. 91-92.
  • (de) Manfred Kropp, « Ein Ă€thiopischer Text zu Peter Heyling: ein bisher unbeachtetes Fragment einer Chronik des Fasiladas », dans Proceedings of the International Conference Ethiopian Studies 7, , p. 243–252.
  • Pereira, E.F.M., Chronica de Susneyos, rei de Etiopia, segundo o manuscripto da Bibliotheca Bodleiana de Oxford, Lisbonne, 1, 1892 (texte Ă©thiopien) ; 2, 1900 (traduction portugaise et notes).
  • Perruchon, J., « Notes pour l’histoire de l’Éthiopie. RĂšgne de Fasiladas (Alam-Sagad) (1632-1667) », Revue sĂ©mitique, 5 (1897), p. 360-372 ; 6 (1898), p. 84-92.
  • (it) Pollera, A., Storie, leggende e favole del paese dei Negus, Florence, Bemporad, .
  • (pt) Ramos, M.J., Historias Etiopes, diario de viagem, Lisbonne, Assirio e Alvim, .
  • Van Donzel, E.J., A Yemenite Embassy to Ethiopia, 1647-1649. Al-Haymi’s Sirat al-Habasha newly introduced, translated and annotated, Wiesbaden, Franz Steiner, 1986 [Äthiopistische Forschungen, 21].

Études

  • Francis Anfray, « Vestiges gondariens », Rassegna di Studi Etiopici, vol. 28,‎ 1980-81, p. 5-22.
  • Anfray, « Les monuments gondariens des XVIIe et XVIIIe siĂšcles. Une vue d’ensemble », dans Proceedings of the Eighth International Conference of Ethiopian Studies (1984), vol. 1, Tadesse Beyene Ă©d., , p. 9-45.
  • Bosc-TiessĂ©, C., Les Ăźles de la mĂ©moire. Fabrique des images et Ă©criture de l'histoire dans les Ă©glises du lac áčŹÄnā, Éthiopie, XVIIe – XVIIIe siĂšcle, Paris, Publications de la Sorbonne, , 496 p. (lire en ligne).
  • (de) Manfred Kropp, « Gab es eine grosse Chronik des Kaisers FasilĂ€dĂ€s von Äthiopien ? », Oriens Christianus, vol. 70,‎ , p. 188-190.
  • HervĂ© Pennec, Des JĂ©suites au royaume du PrĂȘtre Jean (Éthiopie). StratĂ©gies, rencontres et tentatives d’implantations, 1495-1633, Paris-Lisbonne, Centre Gulbenkian, .
  • (en) Pennec, H. et Toubkis, D., « Reflections on the Notions of "Empire" and "Kingdom" in Seventeenth-Century Ethiopia: Royal power and Local Power », Journal of Early Modern History, vol. 8/3-4,‎ , p. 229-258 (lire en ligne).
  • Toubkis, D., « Je deviendrai roi sur tout le pays d’Éthiopie », RoyautĂ© et Ă©criture de l’histoire dans l’Éthiopie chrĂ©tienne (XVIe – XVIIIe siĂšcles), thĂšse de doctorat, universitĂ© de Paris 1-Sorbonne, Centre de Recherches Africaines, Paris, 2004 (dactylographiĂ©).
  • Van Donzel, E.J., Foreign relations of Ethiopia, 1642-1700, Nederlands Historisch-Archaeologisch Instituut, .
  • (en) AnaĂŻs Wion, « Why Did King FasilĂ€dĂ€s Kill His Brother? Sharing Power in the Royal Family in Mid-Seventeenth Century Ethiopia », Journal of Early Modern History. Contacts, Comparisons, Contrasts, vol. 8/3-4,‎ , p. 259-293 (lire en ligne [PDF], consultĂ© le ).
  • AnaĂŻs Wion, « Magwina, monastery », dans Encyclopaedia Æthiopica, vol. 3, Wiesbaden, Harrassowitz, .
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