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Fabrication des sabres japonais

La fabrication d’un sabre japonais prend un peu plus d’un mois : un mois de forge et une semaine de polissage.

La lame du sabre japonais est traditionnellement forgĂ©e Ă  partir d’un acier brut (tamahagane) transformĂ© en acier composite : le massiot d’acier. Celui-ci est naturellement composĂ© de deux nuances et il est brisĂ© en petits morceaux qui sont triĂ©s en fonction de leur duretĂ©. Les morceaux durs (hadagane ou kawagane) contiennent plus de carbone et sont utilisĂ©s pour l’enveloppe tandis que les morceaux plus tendres (shingane) sont utilisĂ©s pour le noyau.

Lors de la fabrication d’un sabre ou d’une Ă©pĂ©e, le problĂšme principal du forgeron est de maintenir l’équilibre entre la capacitĂ© de coupe et la soliditĂ©. En effet, un sabre coupant signifie souvent qu’il est fragile car plus un acier est dur (qualitĂ© nĂ©cessaire pour un bon aiguisage), plus il est cassant. D’un autre cĂŽtĂ©, une lame souple risque de ne pas couper correctement. Le sabre japonais a rĂ©solu ce problĂšme avec Ă©lĂ©gance car chaque dĂ©tail de la technique de forge participe Ă  l’équilibre de la lame.

À cause du secret qui entourait les techniques de fabrication des sabres, et donc de l'existence de trĂšs peu d'informations sur les anciennes mĂ©thodes de fabrication, il est improbable que l'on puisse un jour dĂ©terminer avec certitude comment ces techniques sont nĂ©es. Cependant, en observant les sabres antiques ainsi que les armes du trĂšs court Ăąge du bronze japonais, il apparaĂźt clairement que les Japonais ont appris Ă  fabriquer l'acier Ă  partir des Chinois et ont ensuite trouvĂ© des moyens de contrĂŽler les types d'acier contenus dans chaque section de la lame.

Le choix des minerais

Afin de faire une bonne lame, le forgeron doit commencer par rassembler une grande quantitĂ© de fer. Ce fer appelĂ© satetsu (cf. tamahagane) pouvait se prĂ©senter sous la forme de sable fin ou de gravier. Ceux qui n’avaient pas de mine dans les environs devaient parfois envoyer des personnes rĂ©cupĂ©rer des paillettes de fer dans les riviĂšres, en bord de mer ou sur des affleurements. Le minerai obtenu devait ensuite ĂȘtre triĂ© convenablement en fonction de la couleur et d'autres indices.

Au XVIe siĂšcle, Ă  partir de l’arrivĂ©e des Nanban, les forgerons japonais importĂšrent de l’acier par l’intermĂ©diaire de marchands hollandais et portugais. À partir de 1868, le dĂ©but de la rĂ©volution industrielle pour le Japon, les forgerons restants disposĂšrent d’acier industriel.

La réduction du minerai

AprĂšs l’opĂ©ration de rĂ©duction faite dans le tatara, le forgeron sĂ©lectionne dans la loupe, appelĂ©e kera[1], le mĂ©tal idĂ©alement carburĂ©, l'acier tamahagane[2].

C'est cet acier que le forgeron va transformer en katana.

La forge

ScĂšne de forge, estampe tirĂ©e d’un ouvrage de l’époque Edo, musĂ©e d’ethnographie de NeuchĂątel.

Le forgeage d'une lame de sabre japonais comporte un grand nombre d'étapes. Le forgeron améliore la qualité du métal à la fois en le comprimant pour en chasser les impuretés (c'est donc une opération de cinglage, et non de forgeage) et en sélectionnant les morceaux de métal à partir de leur faciÚs de rupture.

Le vocabulaire japonais distingue de maniÚre précise ces étapes :

  • oroshigane : prĂ©paration de l'acier pour obtenir la bonne teneur en carbone ;
  • tsumikawashi : assemblage des morceaux d'acier ;
  • kitae ;
  • shita gitae : forgeage d'Ă©bauche ;
  • age gitae : forgeage de finition ;
  • shintetsu ;
  • tsukurikomi ;
  • sunobe ;
  • hizukuri ;
  • shiage.
Les Ă©tapes de fabrication d'un sabre japonais.

La premiĂšre Ă©tape consiste Ă  prendre chaque bout du tamahagane et Ă  l’aplatir sous forme de galettes de 5 Ă  7 millimĂštres d’épaisseur et d’environ 10 Ă  20 cm de diamĂštre. Chacune des galettes est chauffĂ©e au rouge puis plongĂ©e dans l’eau froide. Cette galette ainsi trempĂ©e est brisĂ©e de nouveau en petites galettes de 4 Ă  6 centimĂštres de long.

Chaque galette est examinée attentivement sur sa tranche ; celles qui se brisent facilement et dont la cassure présente un grain grisùtre sont fortement carburées (et serviront à fabriquer l'acier dur), celles qui présentent un grain blanc sont faiblement carburées (et serviront à fabriquer la partie centrale de l'arme contenant l'acier souple).

La deuxiÚme étape consiste à faire au minimum deux briques à partir de ces galettes. Chacune des briques est aplatie à haute température et brisée en petits morceaux. Cette étape répétée plusieurs fois sert entre autres à évacuer les impuretés du métal et à répartir les galettes en fonction de leur dureté.

Une fois le rĂ©sultat jugĂ© convenable, le forgeron refait une brique qu’il va plier de nombreuses fois.

Les briques sont feuilletĂ©es individuellement, une bonne quinzaine de fois, pour Ă©purer le mĂ©tal. Selon les forgerons, le feuilletage peut aller jusqu’à 32 000 couches — en fait, le pain de mĂ©tal est martelĂ©, allongĂ©, puis repliĂ© sur lui-mĂȘme 23 fois en accord avec la tradition — puis ces couches sont intimement soudĂ©es les unes aux autres Ă  la forge par martelage Ă©quilibrĂ© sur chaque face.

Le rĂ©sultat de cette Ă©tape ne sera visible que plus tard : c’est ce qui dĂ©terminera le hada (grain de l’acier). Bien sĂ»r, la mĂ©thode change en fonction du type de hada que l’on recherche, mais chaque Ă©cole possĂšde ses propres techniques, ce qui permet de les diffĂ©rencier. Contrairement Ă  une lĂ©gende largement rĂ©pandue, le nombre de pliages est limitĂ© car sinon le mĂ©tal serait trop condensĂ© et perdrait de sa souplesse.

Modùle d’assemblage de katana.

Une fois que les différentes briques ont été feuilletées suffisamment de fois, le forgeron les assemble en fonction du modÚle voulu. Il soude ces différentes parties entre elles et allonge le tout.

Une fois la lame allongĂ©e et considĂ©rĂ©e comme prĂȘte, le forgeron prĂ©pare sa lame pour la trempe.

La trempe

Il s’agit lĂ  d’une autre Ă©tape essentielle pour faire la diffĂ©rence entre un bon sabre et un sabre de moindre qualitĂ©. Cette Ă©tape constitue en fait le moment oĂč le forgeron doit s’assurer du tranchant, mais sans affecter la souplesse de la lame. Pour cela, les forgerons japonais ont dĂ©veloppĂ© le concept de la trempe partielle. Le concept est simple : en recouvrant une partie de la lame d’un mĂ©lange d’argile rĂ©fractaire, de poudre de charbon de bois, de silice et d’autres Ă©lĂ©ments gardĂ©s secrets par chaque forgeron, on se retrouve Ă  isoler de la chaleur avant la trempe le dos et les flancs de la lame (soit les parties de la lame dont on veut conserver la souplesse).

Ainsi donc, lorsque la lame sera trempĂ©e dans l'eau, seul le tranchant sera refroidi suffisamment rapidement pour former un acier dur, ce qui confĂ©rera au tranchant de l’arme une duretĂ© extrĂȘme tout en conservant une rĂ©sistance Ă©levĂ©e aux chocs pour l’ensemble.

Cette trempe sĂ©lective forme Ă©galement la ligne de trempe (hamon) dont les formes sont caractĂ©ristiques des Ă©coles et forgerons : la partie la moins protĂ©gĂ©e se refroidit rapidement (ce qui la rend plus dure) alors que la partie la plus protĂ©gĂ©e se refroidit plus lentement (ce qui lui permet de conserver sa souplesse). Le point de contact entre les deux parties subit alors un choc thermique qui va permettre Ă  l’austĂ©nite de prendre sa structure solide brillante dite martensite.

Le moment clef dans la crĂ©ation d'un katana est yakiire, en japonais ç„Œăć…„ă‚Œ, ce qui signifie Ă©teindre, sous-entendu : Ă©teindre dans le feu.

Dans la mĂ©thode traditionnelle le katana, recouvert par un mĂ©lange d'argile et de charbon de bois (Yakiba-tsuchi) est soudainement refroidi dans l'eau aprĂšs avoir Ă©tĂ© chauffĂ© Ă  environ 800ÂșC. Le geste technique du yakiire donne au katana sa forme courbĂ©e.

Durant les 10 secondes que durent le yakiire, le sabre se transforme : la lame, puisqu'elle est trÚs fine, se courbe dans l'eau. S'il y a des défauts sur la lame à ce moment-là, ils restent à jamais[3].

Le polissage

Le polissage sommaire : aprĂšs la trempe, il est difficile pour le forgeron de constater si la lame est de bonne qualitĂ© ou non. Pour cela, il effectue un polissage sommaire qui lui donne les indications nĂ©cessaires (bonne formation de la ligne de trempe, homogĂ©nĂ©itĂ© de la soliditĂ© de l’acier
). Si le rĂ©sultat lui convient, il peut alors la donner au polisseur qui la mettra en valeur. Dans le cas contraire, il peut chauffer Ă  nouveau la lame et tenter une nouvelle trempe.

Ensuite, le polisseur s'appliquera pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, à faire ressortir la beauté de la lame tout en lui donnant son tranchant final à l'aide de sept différents types de pierres (à noter qu'il n'en est ainsi que depuis les années 1600, auparavant l'utilisation de trois pierres était la norme).

Finition et montage

À partir du XVIIe siĂšcle, une demande plus importante d'Ă©lĂ©ments dĂ©coratifs sur les poignĂ©es (tsuba) apparaĂźt, amenant au dĂ©veloppement de nouvelles mĂ©thodes de forge, dont le mokume-gane.

Quelques forgerons notables

Notes et références

  1. Le terme watetsu est également utilisé et correspond à l'appellation générique de l'alliage de fer et de carbone.
  2. Maurice Burteaux, « Le tatara » [PDF], sur soleildacier.ouvaton.org, Soleil d'acier, (consulté le ).
  3. « Le katana : si le Japon était une arme - Invitation au voyage (05/01/2021) - Regarder le documentaire complet », sur ARTE (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Gilles Bongrain, Le Katana. Le sabre du samouraĂŻ, Éditions CrĂ©pin-Leblond, , 180 p. (ISBN 9782703002369).

Filmographie

  • John Wate, Le Katana, sabre de samouraĂŻ, Allemagne, 2005.

Articles connexes

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