Exorde
Lâexorde â du latin exordium (nom masculin) commencement, en grec ÏÏÎżÎżÎŻÎŒÎčÎżÎœ / prooĂmion, « prĂ©lude » â est, en rhĂ©torique, la premiĂšre des six parties canoniques du discours selon CicĂ©ron. Les autres parties qui suivent lâexorde sont la narration, la division, la confirmation, la rĂ©futation, la pĂ©roraison ou conclusion[1]. Des diverses parties du discours Ă©tablies par lâancienne rhĂ©torique, lâexorde est lâune des plus essentielles, une de celles que tous les sujets comportent et que les circonstances de temps et de lieu modifient, mais ne suppriment pas. Elle correspond Ă une description brĂšve du problĂšme dans le discours de CicĂ©ron.
Finalités de l'exorde
Lâexorde, dont dĂ©pend souvent le succĂšs de tout le discours, a pour objectif de capter lâattention des auditeurs sur le sujet et de se concilier leur bienveillance, c'est pourquoi il commence souvent par la captatio benevolentiae[2]. Cette introduction permet Ă lâorateur de justifier sa prise de parole et de montrer que lâintĂ©rĂȘt du public rejoint le sien Ă propos du sujet quâil va traiter. Câest lĂ que celui qui parle doit dĂ©ployer les qualitĂ©s qui assurent Ă lâhomme un bon accueil : modestie, prudence, probitĂ©, autoritĂ©. Lâexorde est le triomphe de ce que les anciens ont nommĂ© les mĆurs et celui aussi des prĂ©cautions oratoires, ces tours adroits par lesquels lâorateur, comme lâĂ©crivain, adoucit ce qui peut paraĂźtre choquant, cet art de ne pas heurter de front lâopinion contraire ou les sentiments hostiles, de sâassocier mĂȘme, dans une certaine mesure, aux prĂ©jugĂ©s, aux intĂ©rĂȘts que lâon va combattre. Lâexorde repose beaucoup sur lâallusion : lâorateur Ă©voque Ă grands traits le cadre de son sujet ou les circonstances qui lâentourent. Il peut aussi prĂ©senter briĂšvement quelques points-clĂ©s en faveur de la position quâil est sur le point de dĂ©fendre. Le procĂ©dĂ© majeur Ă lâĆuvre est lâinsinuation. Lâorateur fait comprendre aux auditeurs quâils ne savent pas tout du sujet quâil va dĂ©velopper. Dans sa prise de parole, lâorateur doit rester sobre au moment de lâexorde : il utilisera peu dâimages ou de figures de style et ce prĂ©ambule devra rester bref.
Formes d'exordes
Les anciens distinguaient trois sortes dâexordes : lâexorde simple ou par lâhommage et les remerciements, lâexorde par lâinsinuation en insistant sur lâenjeu du discours et qui peut faire usage de prĂ©cautions oratoires, lâexorde ex abrupto ou par la surprise[3]. LâĂ©loquence chrĂ©tienne en a fait ajouter un quatriĂšme, lâexorde majestueux. Toutes les rhĂ©toriques en donnent la dĂ©finition et les plus illustres exemples. Il est clair que le choix et l'emploi du genre dâexorde dĂ©pendent du sujet, de lâorateur, de lâauditoire, du temps, du lieu, des dispositions dâesprit produites ou rĂ©vĂ©lĂ©es par les circonstances. Lâexorde ex abrupto lui-mĂȘme demande autant dâhabiletĂ© que de passion ; que celle-ci ne doit jamais ĂȘtre dĂ©rĂ©glĂ©e et aveugle, et que, dans un sermon de Bridaine comme dans une catilinaire de CicĂ©ron, lâĂ©loquence des coups de tonnerre ne va jamais sans lâart de se concilier la bienveillance des gens sur qui elle Ă©clate.
Citation
« Cet exorde, aussi bizarre quâemphatique, fut dĂ©bitĂ© avec une imperturbable assurance : cependant je crus remarquer sur la figure du cĂ©lĂšbre docteur quelques lĂ©gĂšres crispations des lĂšvres qui trahissaient comme une envie de rire contenue. »
â Robert-Houdin[4].
Notes et références
- Cicéron, De inventione, 14.
- Cicéron, De inventione, 15.
- Bertrand PĂ©rier, La parole est un sport de combat, Ăditions Jean-Claude LattĂšs, , p. 54
- Robert-Houdin, Une Vie dâartiste, Ădition dâoctobre, 2006, p. 24 (ISBN 2-258-07081-3)
Voir aussi
Bibliographie
- Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 756.
Ouvrages généraux
- Laurent Pernot, La Rhétorique dans l'Antiquité, Paris, Librairie Générale Française, coll. « Le Livre de poche / Antiquité », , 351 p. (ISBN 2-253-90553-4)
- Wilfried Stroh (trad. de l'allemand par Sylvain Bluntz), La puissance du discours. Une petite histoire de la rhétorique dans la GrÚce antique et à Rome, Paris, Les Belles Lettres, , 514 p. (ISBN 978-2-251-34604-5)
Articles
- Marcel Delaunois et Claude Loutsch, « L'exorde dans les discours de CicĂ©ron », Revue belge de philologie et d'histoire, vol. 75, no 1,â , p. 184-185 (lire en ligne)