Droit fiscal en France
En France, le droit fiscal est la branche du droit public qui traite des autorisations lĂ©gales accordĂ©es aux administrations publiques françaises, dont l'Ătat, pour prĂ©lever des impĂŽts, taxes, contributions et cotisations sociales sur les agents Ă©conomiques français. RegroupĂ©s, l'ensemble de ces prĂ©lĂšvements forme l'imposition en France.
Sont soumises au droit fiscal français les personnes ayant leur domicile fiscal en France, c'est-à -dire les personnes physiques ou morales :
- qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;
- qui exercent en France une activité professionnelle ;
- qui ont en France le centre de leurs intĂ©rĂȘts Ă©conomiques.
Pour quâun contribuable soit considĂ©rĂ© comme rĂ©sidant fiscalement en France, il suffit que lâun seulement de ces critĂšres soit rempli, ces trois critĂšres Ă©tant en effet alternatifs. Les conventions fiscales internationales rĂ©servent cependant Ă la France le droit de soumettre Ă l'impĂŽt français certains revenus perçus par des personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France (revenus immobiliers, plus-values immobiliĂšres).
Les autorisations lĂ©gales de prĂ©lĂšvements sont accordĂ©es par le Parlement, par le gouvernement lui-mĂȘme et ses reprĂ©sentants, ou par les assemblĂ©es des collectivitĂ©s locales.
DĂ©finition du droit fiscal
Le droit fiscal peut ĂȘtre dĂ©fini comme la branche du droit permettant la participation des sujets de droit (aussi bien personnes physiques que personnes morales) Ă lâorganisation financiĂšre de lâĂtat et Ă lâexpression de la politique Ă©conomique et sociale.
Le droit fiscal dans l'ordre juridique français
Parce quâil met en jeu lâĂtat, le droit fiscal est une branche du droit public : lâĂtat dispose en effet du pouvoir dâĂ©dicter les rĂšgles relatives Ă la nature et au recouvrement des divers impĂŽts, mĂȘme si la dĂ©centralisation a conduit les collectivitĂ©s locales Ă se voir reconnaĂźtre un certain pouvoir en matiĂšre dâĂ©tablissement du taux des impositions qui leur sont attribuĂ©es. Le droit fiscal est, au moins Ă©tymologiquement, le droit de lâimpĂŽt, le droit qui se rapporte Ă lâimpĂŽt, Ă la fiscalitĂ©.
L'impĂŽt
L'impĂŽt est la contribution pĂ©cuniaire requise des particuliers par voie dâautoritĂ©, Ă titre dĂ©finitif et sans contrepartie, dans le but dâassurer la couverture des charges publiques. Dâautres ont caractĂ©risĂ© lâimpĂŽt comme Ă©tant un prĂ©lĂšvement obligatoire destinĂ© Ă financer les dĂ©penses budgĂ©taires de lâĂtat et de certains organismes publics, collectivitĂ©s locales, Ă©tablissements publics Ă vocation territoriale ou encore un mode de rĂ©partition des charges publiques fondĂ© sur lâadaptation aux facultĂ©s contributives des citoyens.
LâimpĂŽt a Ă©tĂ© Ă©galement dĂ©fini par les lexicographes français comme Ă©tant la « contribution prĂ©levĂ©e sur des revenus, des transactions, des produits, etc. pour assurer le fonctionnement du budget de lâĂtat ou des collectivitĂ©s locales ».
LâimpĂŽt constitue la ressource financiĂšre assurĂ©e Ă lâĂtat afin de lui octroyer les moyens matĂ©riels et humains destinĂ©s Ă lui permettre de rĂ©pondre aux besoins de lâintĂ©rĂȘt public ; il est donc, par voie de consĂ©quence, la contribution des citoyens aux charges exposĂ©es par lâĂtat dans un but dâintĂ©rĂȘt collectif et national. Le droit fiscal doit donc ĂȘtre dĂ©fini comme Ă©tant lâensemble des rĂšgles de droit destinĂ©es Ă permettre Ă lâĂtat de percevoir, auprĂšs des citoyens, leur contribution aux charges financiĂšres exigĂ©es par lâintĂ©rĂȘt public.
CaractĂšre obligatoire de l'impĂŽt
Le caractĂšre obligatoire de lâimpĂŽt signifie quâil sâagit dâune contribution dont les citoyens doivent sâacquitter et dont ils ne peuvent ĂȘtre exemptĂ©s que par une disposition expresse de la loi ; il ne signifie cependant pas que lâĂtat est seul habilitĂ© Ă percevoir lâimpĂŽt : si lâĂ©diction des normes fiscales lĂ©gislatives et rĂ©glementaires demeure une compĂ©tence dont lâĂtat ne peut se dĂ©faire, lâimpĂŽt peut alimenter des organismes de droit privĂ©, par exemple, des institutions sociales, telles que les caisses dâallocations familiales ou de SĂ©curitĂ© sociale, et mĂȘme les organismes privĂ©s placĂ©s sous le contrĂŽle de lâĂtat ; ces organismes peuvent assurer eux-mĂȘmes le calcul du montant dĂ», et sa perception.
Lâarticle 34 de la Constitution française de 1958 dispose seulement que : « la loi fixe les rĂšgles concernant : (âŠ) l'assiette, le taux et les modalitĂ©s de recouvrement des impositions de toutes natures (âŠ)[1] », de telle sorte quâaucune disposition constitutionnelle nâinterdit que lâimpĂŽt soit recouvrĂ© au profit de et par dâautres personnes que lâĂtat. Il n'y a pas non plus d'autres dispositions lĂ©gales qui s'y oppose.
Seule lâexistence et la structure de lâimpĂŽt sont dâessence lĂ©gislative ; dĂšs lors que ces conditions sont remplies, rien ne sâoppose Ă ce que le bĂ©nĂ©ficiaire effectif de la perception de lâimpĂŽt soit une personne autre que lâĂtat. NĂ©anmoins, la mission de lâimpĂŽt Ă©tant dâassurer la couverture des charges publiques, seuls des organismes assumant une telle charge peuvent percevoir le produit des impĂŽts.
On s'interdit souvent d'envisager la dĂ©lĂ©gation du recouvrement des impĂŽts Ă une entreprise privĂ©e, en souvenir de lâĂ©poque rĂ©volue des fermiers gĂ©nĂ©raux. En rĂ©alitĂ©, la perception de la CSG est assurĂ©e par et pour des organismes de droit privĂ© (respectivement les URSSAF et les caisses de sĂ©curitĂ© sociale), tandis que la TVA et la "part salariale" des cotisations sociales sont calculĂ©es et encaissĂ©es par les entreprises. Inversement, la perception des impĂŽts locaux, quand elle est assurĂ©e par l'administration d'Ătat, fait l'objet d'une rĂ©munĂ©ration de l'Ătat par la collectivitĂ© territoriale qui lui confie cette mission, ce qui dans ce cas fait du percepteur une entreprise. En dĂ©pit de la lĂ©gende, la dĂ©lĂ©gation du recouvrement des impĂŽts Ă une entreprise privĂ©e est donc une rĂ©alitĂ© d'aujourd'hui.
Les prélÚvements fiscaux
Parce quâil appartient au droit financier, et dĂ©termine les rĂšgles selon lesquelles lâĂtat se procure les ressources qui lui sont nĂ©cessaires, le droit fiscal peut se dĂ©finir comme Ă©tant le droit de lâimpĂŽt â tel Ă©tant dâailleurs, nous lâavons dit, la perception habituelle que le grand public a adoptĂ©e du droit fiscal. La question qui se pose, prĂ©alablement Ă toute Ă©tude gĂ©nĂ©rale du droit fiscal, est donc de dĂ©finir la notion dâimpĂŽt. En droit fiscal, la notion dâimpĂŽt sâentend de façon large et est apprĂ©hendĂ©e sous la notion de prĂ©lĂšvement ; le droit positif distingue Ă ce sujet cinq grandes catĂ©gories de prĂ©lĂšvements :
- les impĂŽts ;
- les taxes ;
- les taxes parafiscales ;
- les rémunérations ou redevances pour services rendus ;
- les contributions sociales, lesquelles sont toutefois Ă©trangĂšres au droit fiscal.
Cette diversitĂ© structurelle des prĂ©lĂšvements fiscaux nâest pas sans importance, dans la mesure oĂč elle va se rĂ©percuter sur le problĂšme de la compĂ©tence juridictionnelle de traitement du contentieux fiscal. Cette derniĂšre question, qui consiste Ă dĂ©terminer quel est le juge compĂ©tent pour connaĂźtre des litiges relatifs aux prĂ©lĂšvements fiscaux, nâest pas importante seulement au regard de la notion de prĂ©lĂšvement fiscal : en effet, la nature mĂȘme du juge compĂ©tent en matiĂšre fiscale dĂ©terminera la philosophie judiciaire prĂ©sidant Ă la jurisprudence fiscale, le juge (judiciaire ou administratif) imprimant le droit fiscal de la philosophie qui lui est propre, quâil sâagisse dâune philosophie privatiste (pour le juge judiciaire) ou publiciste (pour le juge administratif).
Les impĂŽts
La dĂ©finition de lâimpĂŽt est actuellement donnĂ©e par lâarticle 4 de lâordonnance du 2 janvier 1959, qui dispose que lâimpĂŽt est une ressource dont la perception doit ĂȘtre autorisĂ©e annuellement par le lĂ©gislateur[2].
Si la caractĂ©ristique essentielle de ce prĂ©lĂšvement doit donc ĂȘtre recherchĂ©e dans son caractĂšre purement lĂ©gislatif, elle nâen saurait pas moins constituer un critĂšre dĂ©terminant de la nature fiscale dâun prĂ©lĂšvement puisque le pouvoir rĂ©glementaire empiĂšte, dans certains cas, irrĂ©guliĂšrement sur la compĂ©tence rĂ©servĂ©e au lĂ©gislateur : lâinstitution dâun prĂ©lĂšvement par voie rĂ©glementaire ne saurait donc exclure celui-ci de la catĂ©gorie des impĂŽts ou des impositions de toutes natures.
Les taxes
La taxe peut se dĂ©finir comme Ă©tant la contrepartie de lâutilisation dâun service ou dâun ouvrage public, Ă caractĂšre obligatoire, qui est due dĂšs que le redevable est en situation de profiter du service, mĂȘme sâil nâen profite pas directement, on parle alors d'usager potentiel du service public.
La taxe se distingue donc de lâimpĂŽt dans la mesure oĂč son profit est affectĂ©, alors que celui de lâimpĂŽt ne fait pas lâobjet dâune affectation particuliĂšre.
La taxe se distingue de la redevance car la taxe est payĂ©e par toute personne ayant la possibilitĂ© d'utiliser le service, la taxe sera donc payĂ©e mĂȘme si l'usager ne veut pas se servir du service (celui qui a la possibilitĂ© d'utiliser le service et qui ne le fait pas paie quand mĂȘme). La redevance en revanche n'est payĂ©e que lors de l'utilisation effective de service par l'usager (celui qui n'utilise pas ne paie pas).
Les taxes parafiscales
IndĂ©pendamment des impĂŽts et des taxes il existait, sous le terme gĂ©nĂ©ral de parafiscalitĂ©, un ensemble de droits, taxes, redevances, prĂ©lĂšvements et cotisations soumis Ă des rĂšgles particuliĂšres. Elles Ă©taient perçus dans un intĂ©rĂȘt Ă©conomique et social au profit dâune personne morale de droit public ou de droit privĂ©, autre que lâĂtat, les collectivitĂ©s locales et leurs Ă©tablissements publics administratifs.
Ces taxes échappent à la compétence du législateur, qui devait laisser au pouvoir réglementaire le soin de préciser leur assiette, les modalités de leur application et leur taux.
Les taxes parafiscales ont Ă©tĂ© supprimĂ©es depuis la LOLF de 2001, mais leur intĂ©rĂȘt pratique est certain, puisque c'est la seule imposition rĂ©glementaire. Certes, le principe de lĂ©galitĂ© de l'imposition s'y oppose (selon l'article 34 de la Constitution) ; mais ce mĂȘme article dispose que « le lĂ©gislateur organique a la possibilitĂ© de complĂ©ter, de prĂ©ciser le contenu de l'article 34 », ce que le Conseil Constitutionnel (sources)a rappelĂ© lorsqu'il a examinĂ© l'article 4 de l'ordonnance de 1959, instituant les taxes parafiscales.
Les redevances
Lâarticle 5 de lâordonnance du 2 janvier 1959 prĂ©cise que la rĂ©munĂ©ration des services rendus par lâĂtat ne peut ĂȘtre Ă©tablie et perçue que si elle est instituĂ©e par dĂ©cret en Conseil d'Ătat, pris sur le rapport du ministre des finances et du ministre intĂ©ressĂ©. Il sâagit donc dâun prĂ©lĂšvement dâessence purement rĂ©glementaire.
Contrepartie de lâutilisation dâun service ou dâun ouvrage public, ces redevances sont soumises au principe de lâĂ©quivalence financiĂšre entre la somme rĂ©clamĂ©e et le service rendu, principe qui permet de les diffĂ©rencier de la taxe.
Les juges ne peuvent exercer sur ces prĂ©lĂšvements quâun contrĂŽle restreint, qui porte sur le rapport entre le taux de la redevance et le coĂ»t rĂ©el des services qui sont rendus en contrepartie.
Sources du droit fiscal français
Le droit fiscal est un droit dâorigine lĂ©gislative, la Constitution du 4 octobre 1958 rĂ©servant au lĂ©gislateur le pouvoir d'Ă©dicter les rĂšgles relatives Ă la dĂ©termination, l'assiette et le recouvrement des impositions de toute nature.
La loi constitue donc la source premiĂšre du droit fiscal, le pouvoir rĂ©glementaire ne pouvant intervenir que dans les domaines qui ne sont pas attribuĂ©s au lĂ©gislateur par la Constitution, et sur renvoi exprĂšs de la loi fiscale. Mais si elle est la source premiĂšre du droit fiscal, la loi nâen constitue pas pour autant la source exclusive. En effet, dâautres normes peuvent ĂȘtre invoquĂ©es Ă lâoccasion dâun litige entre lâadministration fiscale et un contribuable ; tel sera ainsi le cas lorsque le contentieux portera sur la validitĂ© des rĂšgles dont lâadministration entendra se prĂ©valoir Ă lâencontre dâun contribuable. Pourront ĂȘtre invoquĂ©es la doctrine administrative, la jurisprudence, voire les conventions internationales.
Si le droit fiscal prĂ©sente, au sein de lâordre juridique français, un certain nombre dâoriginalitĂ©s, celles de ses sources ne sont pas les moindres dans la mesure oĂč le droit fiscal connaĂźt deux catĂ©gories de sources, les sources dâĂ©diction et les sources dâinterprĂ©tation.
Sources directes et sources indirectes
Encore appelĂ©es sources directes, les sources dâĂ©diction de la rĂšgle de droit regroupent la source traditionnelle du droit, Ă savoir la loi. LâĂ©diction de la rĂšgle fiscale est en effet rĂ©servĂ©e au lĂ©gislateur et au gouvernement, les juges ne pouvant se prononcer par voie de disposition gĂ©nĂ©rale ou rĂ©glementaire : ce principe, inscrit Ă lâarticle 5 du code civil français, rĂ©serve aux juges un pouvoir dâinterprĂ©tation, qui sâexercera dans le cadre de lâapplication des rĂšgles de droit.
Ăgalement appelĂ©es sources mĂ©diates, les sources dâinterprĂ©tation sont constituĂ©es par la jurisprudence et par la doctrine administrative.
La doctrine nâest pas, en droit fiscal, une source de droit mais les exĂ©gĂštes admettent quâelle peut influencer le juge et le lĂ©gislateur ; en revanche, les instructions et circulaires de la Direction gĂ©nĂ©rale des ImpĂŽts, voire les rĂ©ponses ministĂ©rielles, si elles ne peuvent participer de sources dâĂ©diction, constituent en revanche une source dâinterprĂ©tation du droit fiscal.
Le principe de légalité de l'impÎt
Il découle de deux articles :
- l'article 34 de la constitution de 1958 qui dispose que : « La loi fixe les rÚgles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. »
- l'article 14 de la DĂ©claration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mĂȘmes ou par leurs reprĂ©sentants la nĂ©cessitĂ© de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en dĂ©terminer la quotitĂ©, l'assiette, le recouvrement et la durĂ©e. »
Ce principe rend le Parlement seul compétent pour établir ou lever de nouveaux impÎts; cette compétence exclusive du législateur s'entend non seulement de la création d'impÎts, mais aussi des rÚgles qui fixent leurs modalités: cette compétence exclusive est valable quel que soit le bénéficiaire de l'impÎt.
Ainsi, bien que les collectivitĂ©s locales puissent dĂ©terminer elles-mĂȘmes les taux, cela n'atteint pas le principe, Ă©tant donnĂ© que les collectivitĂ©s dĂ©tiennent ce pouvoir par dĂ©lĂ©gation de la part des lĂ©gislateurs et que cela est fait dans la limite du cadre imposĂ© par le lĂ©gislateur. Le lĂ©gislateur peut en outre dĂ©lĂ©guer la prise de dĂ©cision relative aux mesures nĂ©cessaires Ă l'application des lois fiscales. Le seul domaine pour lequel le parlement ne peut rien dĂ©lĂ©guer est la crĂ©ation de nouveaux impĂŽts, qui est de sa seule compĂ©tence.
Le principe d'égalité devant l'impÎt
Il découle de trois articles, dont deux de la DDHC :
- L'article 1er de la DDHC qui dĂ©clare que : Les hommes naissent et demeurent libres et Ă©gaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent ĂȘtre fondĂ©es que sur l'utilitĂ© commune.
- L'article 13 de la DDHC qui dit que : la contribution commune doit ĂȘtre Ă©galement rĂ©partie entre les citoyens Ă raison de leurs facultĂ©s
- L'article 1er de la constitution de 1958 qui dit que : la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.
Malgré tout, ce principe ne signifie d'aucune maniÚre une uniformité de traitement. Sa vocation est plus d'interdire les discriminations injustifiées, selon des critÚres tels que la religion ou l'ethnie. Ce principe permet donc, a contrario, une discrimination en fonction des capacités contributives de chacun, des situations familiales, de profession, etc. Cela permet donc aussi les discriminations positives qui permettent à ceux qui ont un faible revenu de ne pas payer d'impÎt sur le revenu par exemple.
Le principe de nécessité de l'impÎt
Le Conseil constitutionnel la définit comme découlant de l'article 13 de la DDHC qui dit : pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable.
Ce principe a pour but en particulier de lĂ©gitimer la levĂ©e de l'impĂŽt mais aussi de justifier les droits exceptionnels (dĂ©rogeant au droit commun) donnĂ© au fisc pour lutter contre la fraude fiscale. Certains juristes jugeaient que cet article ne prĂ©valait que pour les dĂ©penses ayant trait au pouvoir rĂ©galien de l'Ătat, mais le conseil constitutionnel a considĂ©rĂ© qu'il fallait comprendre cet article dans un sens plus large, qui voulait que les impĂŽts servent bien Ă financer les dĂ©penses relatives Ă l'organisation collective, et qu'il soit nĂ©cessaire Ă celles-ci.
Le principe d'annualité de l'impÎt
Ce principe ne dĂ©coule pas d'un article le concernant dans la Constitution, mais vient renforcer le principe constitutionnel de lĂ©galitĂ© de l'impĂŽt. Si les lois fiscales sont des lois permanentes, l'autorisation de lever l'impĂŽt doit ĂȘtre votĂ©e annuellement par le Parlement (article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959).
Notons que le principe d'annualitĂ© budgĂ©taire de l'Ătat est l'un des 4 grands principes des finances publiques. Le Budget de l'Ătat doit en effet ĂȘtre votĂ© chaque annĂ©e par le Parlement.
Cependant ce principe ne concerne que la levĂ©e de l'impĂŽt et non son existence. L'impĂŽt doit donc pour ĂȘtre valablement levĂ©, l'ĂȘtre aprĂšs le vote du budget par le parlement. Si ce vote n'Ă©tait pas positif, ce serait simplement la levĂ©e de l'impĂŽt pour l'annĂ©e en cours qui serait frappĂ©e d'irrĂ©gularitĂ©.
Il existe cependant des exceptions au principe d'annualité, par exemple lors de la formation ou la séparation d'un nouveau foyer fiscal (mariage / PACS / divorce).
La loi
Ă la diffĂ©rence des lois civiles, dont certaines ont un caractĂšre facultatif et ne sont que supplĂ©tives de la volontĂ© des parties, les lois fiscales sont des lois impĂ©ratives dâordre public ; Ă lâinstar des rĂšgles du droit pĂ©nal, les rĂšgles du droit fiscal doivent donc ĂȘtre interprĂ©tĂ©es restrictivement.
Il nâexiste pas, en droit fiscal, de loi supplĂ©tive.
Ce caractĂšre restrictif interdit par consĂ©quent de raisonner dâun cas prĂ©vu Ă un cas imprĂ©vu, autant quâil interdit dâĂ©tendre Ă une situation qui nâa pas Ă©tĂ© prĂ©vue une solution, doctrinale ou jurisprudentielle, dĂ©gagĂ©e pour une autre situation. Il implique donc que lâinterprĂ©tation de la loi ne puisse ĂȘtre effectuĂ©e selon un principe dâanalogie, rĂ©servant ainsi la spĂ©cificitĂ© des lois fiscales les unes par rapport aux autres autant que lâautonomie de chaque impĂŽt par rapport aux autres impĂŽts. Selon le Conseil dâĂtat, dĂšs lors que les dispositions lĂ©gislatives ne contiennent aucune rĂ©serve et ne prĂ©sentent pas dâambiguĂŻtĂ©, il nây a pas lieu de rechercher dans les travaux prĂ©paratoires de la loi les Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires pour en Ă©clairer le sens ; cette position ne formule cependant pas une interdiction totale dâinterprĂ©tation de la loi fiscale par le juge : le juge administratif peut cependant se rĂ©server la facultĂ© dâinterprĂ©ter Ă la lumiĂšre des travaux prĂ©paratoires une loi dont le texte littĂ©ral est clair.
Tous les textes de loi sont consultables sur La loi fiscale est regroupée dans le Code Général des ImpÎts consultable sur le site précité.
La rubrique des « codes et textes consolidés »[3] a pour objet de mettre en ligne le texte intégral consolidé de la législation et de la réglementation nationale. Il est essentiellement constitué des :
- codes officiels, c'est-à -dire ceux qui ont fait l'objet d'un vote par le Parlement ou qui ont été codifiés par décret à la suite des travaux de la Commission supérieure de codification,
- des lois, dĂ©crets-lois, ordonnances, dĂ©crets et d'une sĂ©lection d'arrĂȘtĂ©s.
Elle obéit au principe dit de « consolidation des textes » consistant, lorsqu'un article de code (ou partie d'un article) est modifié, à le réécrire en y intégrant la modification apportée.
Elle offre la possibilité de consulter un texte ou un code article par article, dans leur version en vigueur et également dans leurs versions antérieures ou à venir.
La Direction de l'information légale et administrative (DILA), qui réalise la base des textes consolidés LEGI, a pour objectif l'exhaustivité du fonds documentaire de législation - réglementation nationale, objectif non encore totalement atteint à ce jour.
La doctrine
La doctrine administrative occupe une place particuliĂšre en droit fiscal, dans la mesure oĂč elle ne jouit en principe dâaucune lĂ©gitimitĂ© normative. LâAdministration fiscale publie rĂ©guliĂšrement des Instructions qui peuvent ĂȘtre envisagĂ©es de deux façons diffĂ©rentes :
- soit lâAdministration se borne Ă donner son interprĂ©tation dâun texte, auquel cas la position dĂ©veloppĂ©e par lâAdministration aux termes de lâinstruction ne constituera pour le juge quâun Ă©lĂ©ment dâinformation ;
- soit lâAdministration entend fixer de vĂ©ritables normes, auquel cas elle sâarroge un pouvoir rĂ©glementaire dont elle nâest pas constitutionnellement investie mais la norme en question pourra ĂȘtre validĂ©e si lâautoritĂ© qui lâa Ă©dictĂ©e Ă©tait investie dâun pouvoir rĂ©glementaire. Pour ĂȘtre opposable aux contribuables il convient que la norme administrative ait Ă©tĂ© suffisamment publiĂ©e.
Bien qu'il ne s'agisse pas de doctrine mais d'une interprétation, la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) publie le Bulletin Officiel des Finances Publiques-ImpÎts (BOFiP-ImpÎts). Le site[4] regroupe, dans une base unique et consolidée, l'ensemble des commentaires de la législation fiscale.
RéguliÚrement actualisé, ce site conserve l'ensemble des versions de chacun des extraits du BOFiP-ImpÎts.
La doctrine applicable jusqu'au 11 septembre 2012 inclus peut ĂȘtre consultĂ©e Ă l'adresse suivante : http://archives-bofip.impots.gouv.fr
Les "Communiqués" portent à votre connaissance des informations fiscales non doctrinales ou liées aux évolutions du site.
La jurisprudence
Le juge trouvera dâautant plus matiĂšre Ă intervenir en droit fiscal que la loi Ă©tablit un partage de compĂ©tence, dans le traitement du contentieux fiscal, entre les juridictions administratives et les juridictions judiciaires.
En droit fiscal, la jurisprudence a la mĂȘme portĂ©e quâen droit privĂ©, sauf que lâAdministration ne sâestime pas systĂ©matiquement liĂ©e par la jurisprudence. Ainsi, lorsquâune dĂ©cision aura Ă©tĂ© rendue dans un litige entre lâAdministration et un contribuable, la solution jurisprudentielle ne sâappliquera pas systĂ©matiquement aux autres litiges de mĂȘme nature survenant entre lâAdministration et dâautres contribuables : si ceux-ci entendent se prĂ©valoir de la premiĂšre solution jurisprudentielle, ils devront invoquer cette solution dans leur litige personnel, jusquâĂ ce que le juge leur donne satisfaction.
Plusieurs sources de jurisprudences selon le site LĂ©gifrance:
1. la jurisprudence du Conseil constitutionnel
2. la jurisprudence administrative
3. la jurisprudence financiĂšre
4. la jurisprudence judiciaire
1. La jurisprudence du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel rend deux grands types de décision :
- ContrÎle de constitutionnalité
Entendu au sens large, le contrÎle de constitutionnalité comprend les décisions:
- de conformité à la Constitution de lois, traités ou des rÚglements des assemblées parlementaires (décisions DC, QPC, LP pour les lois du pays de la Nouvelle-Calédonie ou LOM pour les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution) ou de dispositions non encore adoptées par le Parlement (décisions FNR),
- de définition de la nature juridique de certains textes (décisions L).
- - Contentieux électoral et assimilé
Ce contentieux comprend le contrÎle de la régularité des consultations nationales et lui sont assimilées les décisions réglant certaines situations de droit concernant les parlementaires. Cette jurisprudence ne concerne pas la fiscalité mais n'est citée là que pour mémoire.
Le Conseil constitutionnel rend également des avis lorsqu'il est consulté :
- par le Président de la République en application de l'article 16 de la Constitution. Seul est rendu public l'avis sur la réunion des conditions pour l'application des pouvoirs exceptionnels du président de la République. Cet avis participe du fonds documentaire.
- par le Gouvernement sur l'organisation des élections présidentielles et des référendums. Ces avis ne sont pas rendus publics.
2. La jurisprudence administrative
Elle comprend les dĂ©cisions de justice, Ă©manant du Conseil dâĂtat, des cours administratives dâappel, de certains tribunaux administratifs, de la Cour de discipline budgĂ©taire et financiĂšre et du Tribunal des conflits (haute juridiction distincte).
3. La jurisprudence financiĂšre
La jurisprudence des juridictions financiĂšres est constituĂ©e d'arrĂȘts de la Cour des comptes et de jugements des chambres rĂ©gionales ou territoriales.
4. La jurisprudence judiciaire
Elle comprend :
- les grands arrĂȘts de la jurisprudence civile
- les dĂ©cisions de la Cour de cassation :lâactualitĂ© de la jurisprudence de la Cour de cassation est consultable sur le site Internet de la Cour[5]
- les décisions des cours d'appel et des juridictions de premier degré
- les décisions du Tribunal des conflits
Les conventions internationales
Les conventions fiscales internationales sont des traitĂ©s internationaux dont lâobjet est purement fiscal ; ces conventions doivent donc ĂȘtre distinguĂ©es des autres accords internationaux comportant des dispositions fiscales (tels par exemple les accords de coopĂ©ration, les conventions consulaires).
Les conventions fiscales les plus importantes sont celles dont lâobjet est gĂ©nĂ©ral, câest-Ă -dire celles qui rĂšglent les relations entre deux Ătats pour tout ce qui concerne les impĂŽts sur le revenu, les droits de succession, de donation et de timbre. Elles ne traitent cependant ni des taxes sur le chiffre dâaffaires, ni des droits indirects car lâapplication est normalement limitĂ©e au seul territoire national, ce qui exclut, en pratique tout phĂ©nomĂšne de toute imposition internationale.
Les conventions fiscales internationales se voient en général assigner un triple objectif :
- Ă©limination des doubles impositions : lâobjet essentiel des conventions fiscales internationales est lâĂ©limination de la double imposition entre les deux Ătats contractants que lâon distingue traditionnellement comme Ă©tant, lâun celui de la source et lâautre celui de la rĂ©sidence. Cette Ă©limination se fait soit par la mĂ©thode de lâimputation (le bien ou le revenu est initialement imposĂ© dans les deux Ătats mais la double imposition est effectivement Ă©vitĂ©e par une imputation de lâimpĂŽt acquittĂ© Ă lâĂ©tranger sur lâimpĂŽt dĂ» en France) soit par la mĂ©thode de lâexonĂ©ration (les revenus perçus Ă lâĂ©tranger sont exonĂ©rĂ©s dâimpĂŽt en France) ;
- Lutte contre la fraude : les conventions Ă©tablissent les bases dâune coopĂ©ration entre les Ătats afin de lutter contre lâĂ©vasion et la fraude fiscale internationale, rendues dâautant plus faciles et attractives par lâexistence de « paradis fiscaux ». Pour cela, elles prĂ©voient, en gĂ©nĂ©ral, un Ă©change de renseignements et, Ă©ventuellement, une assistance au recouvrement. Elles fixent Ă©galement le cadre dans lequel les Ătats vont coopĂ©rer pour assurer une correcte application de la convention, pour en interprĂ©ter les dispositions obscures ou imprĂ©cises et, en dĂ©finitive, pour assurer une correcte assiette de lâimpĂŽt ;
- Protection des contribuables : les conventions protĂšgent les contribuables en fixant le rĂ©gime fiscal applicable Ă une transaction, Ă une opĂ©ration ou Ă un investissement dĂ©terminĂ©s. Elles permettent aux contribuables de connaĂźtre Ă lâavance le rĂ©gime fiscal, et donc les consĂ©quences financiĂšres de leurs activitĂ©s. En outre, elles contiennent normalement une clause de non-discrimination qui vise Ă protĂ©ger les nationaux français, ainsi que les entreprises contrĂŽlĂ©es par les nationaux français, contre les discriminations de nature fiscale quâils pourraient subir dans lâautre Ătat du fait de leur nationalitĂ©.
Directives fiscales communautaires
L'Union europĂ©enne (UE) s'est donnĂ© un objectif d'harmonisation fiscale au sein des pays membres, ce qui fait que les directives fiscales sont de plus en plus nombreuses. Celles-ci s'imposent au droit national mĂȘme si les Ătats ont la facultĂ© de les retranscrire Ă leur maniĂšre dans leur droit. Par ailleurs, le Conseil d'Ătat a dĂ©cidĂ© que le lĂ©gislateur ne pouvait laisser subsister dans le droit national des dispositions contraires Ă celles des directives europĂ©ennes, et que l'Ătat pourrait ĂȘtre tenu de rĂ©parer les torts causĂ©s si de telles dispositions restaient en place.
Autonomie du droit fiscal français
Chaque branche spĂ©cialisĂ©e du droit tend Ă s'organiser d'une maniĂšre originale, Ă Ă©laborer autour d'un fonds commun constituĂ© de quelques principes fondamentaux ses rĂšgles et ses principes particuliers. Lorsqu'une discipline est ainsi rĂ©gie par ses rĂšgles propres, on dit qu'elle est autonome. La portĂ©e de cette autonomie se mesure au fait qu'une situation juridique peut ĂȘtre rĂ©glĂ©e, au regard d'une discipline autonome, autrement qu'au regard de toute autre discipline, mĂȘme au regard du droit commun : Ă un problĂšme posĂ©, la discipline autonome apportera des rĂšgles qui lui sont spĂ©cifiques et qu'aucune autre matiĂšre n'est en mesure d'apporter, et ainsi le droit commun ne s'appliquera que dans la mesure oĂč le juge a estimĂ© que ses rĂšgles sont valables au regard de la branche juridique autonome.
Si certains glossateurs ont tentĂ© de refuser lâautonomie du droit fiscal, au motif que celui-ci resterait soumis aux rĂšgles du droit commun, et en particulier aux rĂšgles du droit privĂ©, force est de constater que le droit fiscal non seulement vise Ă procurer Ă lâĂtat les ressources nĂ©cessaires Ă son activitĂ© mais encore ne comporte aucune rĂšgle supplĂ©tive : sa place doit donc ĂȘtre recherchĂ©e au sein du droit public, plutĂŽt que sous lâautoritĂ© du droit privĂ©.
Ătendue de l'autonomie du droit fiscal
La question de lâautonomie du droit fiscal a Ă©tĂ©, pendant plus dâun siĂšcle, la pomme de la discorde entre les auteurs, juristes et fiscalistes sâaffrontant par le biais des clans « autonomistes » et « publicistes » ; en fait, câest cette controverse doctrinale qui a portĂ© lâautonomie du droit fiscal sur les fonts baptismaux.
Ă lâheure actuelle, les dĂ©bats sont clos ou, tout au moins, mĂ©riteraient de lâĂȘtre puisque si le droit fiscal a acquis ses galons de discipline autonome, câest fondamentalement par l'intervention du juge ; En fait, il serait exact de dire que l'affirmation du principe de l'autonomie du droit fiscal est dâorigine principalement jurisprudentielle. Cependant, force est de constater que le juge fiscal a Ă©tĂ© relayĂ© dans sa tĂąche par le droit fiscal lui-mĂȘme, celui-ci ayant dĂ©veloppĂ© une certaine rĂ©alitĂ© pratique de son autonomie.
Affirmation de l'autonomie du droit fiscal
En pratique, le droit fiscal a affirmĂ© son autonomie face aux rĂšgles du droit comptable mais aussi face aux autres branches du droit, et en particulier face au droit commercial et au droit civil, ce qui nâen accrĂ©dite pas moins la thĂšse dâune impossibilitĂ© dâassimiler les conceptions du droit fiscal avec celles du droit privĂ©, comme les « privatistes » et « anti-autonomistes » le soutiennent.
Face au droit du commerce et des affaires, le droit fiscal prĂ©sente des particularismes dans bien des domaines qui ont cependant tous un point commun, celui de leur domaine qui est lâentreprise :
- le cheval de bataille des autonomistes rĂ©side dans la question de la personnalitĂ© de lâentreprise individuelle : sa personnalitĂ© fiscale est dĂ©duite, par la doctrine, de la reconnaissance par le droit fiscal de la dualitĂ© du patrimoine de lâexploitant ;
- dâautres domaines caractĂ©risent lâantinomie entre le droit fiscal et le droit commercial : la personnalitĂ© morale des sociĂ©tĂ©s, la notion de bĂ©nĂ©fices ; mais ces antinomies, si elles peuvent caractĂ©riser lâautonomie du droit fiscal par rapport au droit commercial, sont beaucoup moins prononcĂ©es que celles qui sĂ©parent la fiscalitĂ© de la comptabilitĂ©.
Nombreux sont cependant les points qui peuvent alimenter le dĂ©bat sur lâautonomie du droit fiscal : les relations entre le droit fiscal et le droit des sociĂ©tĂ©s et, en particulier, la question de la personnalitĂ© fiscale des sociĂ©tĂ©s commerciales.
Relativisation de l'autonomie du droit fiscal
Lâacceptation de lâautonomie ne doit pas conduire Ă un respect aveugle et excessif des principes du droit fiscal : si lâautonomie implique que le droit fiscal dĂ©veloppe une apprĂ©hension personnelle des concepts juridiques qui lui sont soumis, elle ne sous-entend pas pour autant le rejet systĂ©matique des principes dâinterprĂ©tation de ces mĂȘmes concepts juridiques issus dâautres branches du droit. Elle a pour corollaire la libertĂ© de dĂ©finition de son choix, et cette libertĂ© consiste Ă©videmment Ă Ă©laborer ses propres principes, mais elle nâexclut pas, non plus, la possibilitĂ© dâadopter les facteurs dâinterprĂ©tation que fournit telle ou telle branche du droit.
La relativisation de lâautonomie du droit fiscal a pu rĂ©sulter tout dâabord de lâarbitrage apportĂ© par le juge fiscal au conflit entre les rĂšgles du droit fiscal et celles du droit commun ; mais elle a pu aussi, se passant de lâintervention judiciaire, trouver un fondement dans les rapports entre le droit fiscal et le droit privĂ©.
RĂŽle du juge. Le juge restreint en effet la sphĂšre dâinfluence du droit fiscal, autant que le champ dâapplication de la loi fiscale, afin de « protĂ©ger », en quelque sorte, les notions du droit privĂ©. Cette attitude rĂ©gulatrice du juge fiscal se rencontrera dans deux hypothĂšses :
- dans un premier cas, la disposition fiscale litigieuse contient un Ă©lĂ©ment dĂ©rogatoire par rapport aux rĂšgles comptables de droit privĂ© ; dans cette hypothĂšse, le juge dĂ©cidera dâinterprĂ©ter strictement cette dĂ©rogation car il la considĂšre comme une exception Ă une norme gĂ©nĂ©rale â fĂ»t-elle non fiscale â et aussi parce que sa grande prĂ©cision la rend susceptible dâextension. La loi fiscale est alors rigoureusement circonscrite Ă la sphĂšre qui lui a Ă©tĂ© expressĂ©ment assignĂ©e par le lĂ©gislateur : le juge ne fait pas appel au droit privĂ© pour le substituer au droit fiscal mais il procĂšde par restriction, en limitant le champ dâapplication du droit fiscal, de façon Ă laisser le champ libre Ă lâinterprĂ©tation dĂ©gagĂ©e par le droit privĂ© ;
- dans un second cas, le juge va estimer que la disposition fiscale ne constitue quâun rouage parmi dâautres dâun mĂ©canisme global, relevant du droit civil celui-lĂ , et quâelle doit se combiner avec dâautres piĂšces constitutives.
Lâautonomie du droit fiscal apparaĂźt de ce fait comme limitĂ©e par le recours du juge Ă des concepts ou des Ă©lĂ©ments dâinformation non fiscaux. Il nâen demeure pas moins que lâautonomie nâest pas une fin en soi, son intĂ©rĂȘt essentiel ne rĂ©sulte pas de la multiplication des particularismes, mais de ce quâelle permet lâexistence et lâexpression des composantes spĂ©cifiques du droit fiscal.
Conséquence de l'autonomie du droit fiscal
Lâapplication de lâautonomie du droit fiscal porte un nom, ou plutĂŽt se matĂ©rialise sous la forme dâun autre principe, celui du rĂ©alisme du droit fiscal. Le principe du rĂ©alisme du droit fiscal est gĂ©nĂ©ralement prĂ©sentĂ© comme lâĂ©quivalent de lâautonomie ; en rĂ©alitĂ©, si les deux notions sont bien liĂ©es entre elles, elles sont dĂ©pourvues dâĂ©quivalence. En effet, lâautonomie signifie que le droit fiscal ne dĂ©pend pas des autres branches du systĂšme juridique français pour dĂ©terminer ses propres concepts ; quant au rĂ©alisme, il apparaĂźt comme la consĂ©quence immĂ©diate de cette autonomie : le rĂ©alisme est Ă la fois la dĂ©monstration et la consĂ©quence de lâautonomie du droit fiscal.
Le rĂ©alisme est donc une des composantes de lâautonomie du droit fiscal, la condition sine qua non de lâexistence du principe dâautonomie du droit fiscal. Si le rĂ©alisme nâest pas un principe distinct de celui de lâautonomie, on pourrait se demander sâil existe en lui-mĂȘme, comme dĂ©coulant de lâautonomie.
Concept de réalisme du droit fiscal
Lâautonomie du droit fiscal lui confĂšre la facultĂ© de ne pas prendre en considĂ©ration les qualifications et implications portĂ©es par les autres branches du droit sur les situations qui, par dĂ©finition, sont concrĂštes avant dâĂȘtre juridiques. Fort de cette libertĂ© de qualification, le droit fiscal apprĂ©hendera la rĂ©alitĂ© des choses sous un angle spĂ©cifiquement fiscal.
En rĂ©alitĂ©, le rĂ©alisme ne revĂȘt pas les aspects dâun principe Ă part entiĂšre, il nâapparaĂźt que comme une simple caractĂ©ristique de lâautonomie du droit fiscal : le droit fiscal adopte une logique interne, propre Ă sa philosophie personnelle, et câest cette logique que lâon doit qualifier de rĂ©aliste.
Objet du réalisme
Lâobjectif poursuivi par ce principe est dâapprĂ©hender le fait, voire de le reconstituer en le dĂ©pouillant de la façade juridique derriĂšre laquelle il est dissimulĂ©.
Il en rĂ©sulte que lâintĂ©rĂȘt fiscal de lâĂtat prĂ©vaut sur des situations juridiques rĂ©gies par le droit privĂ© ou mĂȘme le droit administratifâ, la notion dâintĂ©rĂȘt fiscal de lâĂtat sâentendant dans un sens politique trĂšs gĂ©nĂ©ral. Le rĂ©alisme participe donc dâune mĂ©thode dâapprĂ©hension, qui se traduit par un abondant recours aux faits, ceux-ci Ă©tant privilĂ©giĂ©s, par rapport Ă une autre norme â fĂ»t-elle de droit commun â et par rapport aux qualifications donnĂ©es Ă leurs activitĂ©s par les sujets de droit. La recherche du fait va cependant sâexercer dans un cadre dotĂ© de limites infranchissables, celles-ci ayant pour noms « libertĂ© dâentreprendre », « libertĂ© de gestion », « libre choix du cocontractant » et seuls les abus seront rĂ©primĂ©s. La marge dâapprĂ©ciation du juge est donc Ă©troite et câest sur la base de lâinstruction â destinĂ©e Ă analyser les faits et Ă reconstituer la dĂ©marche du contribuable â que le juge fiscal dĂ©cidera de confirmer ou dâinfirmer la qualification des faits retenue par les parties.
Le rĂ©alisme du droit fiscal nâa pour fonction que celle dâassurer le respect de lâĂ©galitĂ© de tous devant lâimpĂŽt, en permettant une lutte efficace contre la fraude organisĂ© avec des moyens juridiques. Si lâĆuvre du juge est fondamentale dans ce domaine, le lĂ©gislateur est venu appuyer son action par lâadoption de dispositions ponctuelles dâessence rĂ©aliste.
Pour le juge fiscal, le rĂ©alisme du droit fiscal emporte trois sĂ©ries dâimplications pour sa dĂ©marche interprĂ©tative. Force est cependant de reconnaĂźtre que ces trois implications participent toutes dâun mĂȘme fondement : la lutte contre la fraude, la lutte contre « lâillusion juridique » crĂ©Ă©e par le contribuable afin de se soustraire Ă lâimpĂŽt.
Notes et références
- Constitution française, site Legifrance
- « L'autorisation de percevoir les impÎts est annuelle » : ordonnance de 1959, consolidée au 1er janvier 2005, site legifrance
- « Définition du site Légifrance »
- « BOFIP-I », sur bofip.impots.gouv.fr (consulté le )
- « Cour de cassation », sur www.courdecassation.fr (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
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- Code de procédure fiscale 2013, Paris, Dalloz, , 20e éd., 2022 p. (ISBN 978-2-247-12289-9)
- Code général des impÎts 2013, Paris, Dalloz, , 3672 p. (ISBN 978-2-247-12290-5)
- Code général des impÎts : Livre des procédures fiscales 2013, Paris, LexisNexis, coll. « Codes Bleus », , 6e éd., 1900 p. (ISBN 978-2-7110-1750-8)
- Martin Collet, Droit fiscal, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Themis », , 4e éd., 464 p. (ISBN 978-2-13-062005-1)
- Cyrille David, Olivier Fouquet, Bernard Plagnet et Pierre-François Racine, Les grands arrĂȘts de la jurisprudence fiscale, Paris, Dalloz, coll. « Grands arrĂȘts », , 5e Ă©d., 1158 p. (ISBN 978-2-247-07908-7)
- Jacques Grosclaude et Philippe Marchessou, Droit fiscal général, Paris, Dalloz, coll. « Cours », , 9e éd., 624 p. (ISBN 978-2-247-12757-3)
- Christophe de La MardiÚre, Droit fiscal général, Paris, Flammarion, coll. « Champs », , 384 p. (ISBN 978-2-08-124140-4)
- Alexandre Maitrot de la Motte, Droit fiscal, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Licence », , 1re éd., 304 p. (ISBN 978-2-13-057831-4)