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Douze Articles

Les Douze Articles de la paysannerie (en vieil allemand : Die Zwölf Artickel der Pawerschaft), est un texte de revendications, adopté le à Memmingen en Souabe par les représentants de plusieurs bandes "paysannes" insurgées. Il constitue le manifeste politique le plus représentatif de la guerre des Paysans allemands, un conflit social et religieux qui souleva, entre 1524 et 1526, de larges territoires du Saint-Empire, à savoir le Palatinat, le pays de Bade, la Souabe, la Hesse et la Thuringe, une partie importante du Tyrol, des cantons du nord de la Suisse et la partie orientale du Westrich. L'Alsace, ainsi qu'une partie du duché de Lorraine et de la Franche-Comté, (jadis parties du Saint-Empire), ont également été le théâtre de cette insurrection populaire.

Page de titre des Douze Articles, 1525

Généralités

Les 12 articles de Memmingen sont précédés par un préambule théologique expliquant la manière dont ils s'appuient sur l'Evangile ; chaque revendication est référée à des citations extraites du livre saint ; le manifeste appelle aussi le lecteur à ne juger qu'après avoir lu attentivement les arguments.

Dans le premier article du manifeste, les paysans demandent le droit d’élire eux-mêmes leur ministre du culte, leur « pasteur », et être autorisés à le démettre s’il se comporte de manière inconvenante. Le deuxième article traite de l’impôt de la dîme. Le troisième de l’abolition du servage. Le quatrième, des droits de la chasse et de la pêche. Dans le cinquième article, ils demandent la restitution des forêts accaparées par les propriétaires privés. L’Article six évoque les corvées, qu’elles ne doivent pas être excessives. L’Article sept le respect des accords sur les services dus. L’Article huit concerne les loyers des terres agricoles (cens). L’Article neuf traite d'une justice qui soit équitable. L’Art. dix réclame la restitution à la communauté paysanne des biens mal acquis par les seigneurs. L’Article onze exige l’abolition de l’impôt de mainmorte. Le douzième et dernier article constitue un engagement de moralité que les paysans s'appliquent à eux-mêmes (et donc qu'ils exigent des autres) : ils s’engagent à modifier ou à retirer les articles précédents s’il était prouvé qu’il(s) n’étai(en)t pas conforme(s) à la Parole de Dieu[1].

Ainsi, les Douze Articles dessinent un programme de réforme à la fois spirituelle et sociale. Mais avec un seul article ayant trait à la pratique religieuse, et onze autres concernant des revendications de justice sociale, les Douze Articles représentent plutôt un programme révolutionnaire de réaménagement de la société en faveur des couches populaires et des communautés rurales.

Les Douze Articles sont loin d'être les seuls manifestes revendicatifs de la Guerre des Paysans. Il y eut un certain nombre d'autres textes locaux, avec moins d'articles, ou au contraire davantage, jusqu'à une trentaine. Cependant, ce sont les Douze Articles adoptés à Memmingen qui connurent le plus grand succès auprès des insurgés, en raison de leur cohérence d'ensemble et de la qualité de leur argumentation.

Avec la Magna Carta de 1215, la pétition des droits en 1628, ce texte s'inscrit parmi les écrits précurseurs des constitutions, ainsi que des Droits de l'homme en Europe, et préfigure les revendications de la Révolution française.

Contenu des douze articles

1.      Chaque commune devrait avoir le droit d’élire son pasteur et de le renvoyer s'il se comporte mal. Le pasteur devrait prĂŞcher l'Évangile Ă  haute voix et clairement, sans autre interprĂ©tation humaine, puisque les Écritures Saintes disent que nous ne pouvons venir Ă  Dieu que par la vraie foi.

2.      Les pasteurs devraient ĂŞtre payĂ©s sur la grande dĂ®me. Tout excĂ©dent devrait ĂŞtre utilisĂ© pour les pauvres du village et le paiement de l'impĂ´t de guerre. La petite dĂ®me doit ĂŞtre rejetĂ©e parce qu'elle a Ă©tĂ© forgĂ©e par les hommes, car le Seigneur Dieu a crĂ©Ă© le bĂ©tail pour l'homme gratuitement.

3.      Jusqu'Ă  prĂ©sent, l’usage a Ă©tĂ© que certains d’entre nous ont Ă©tĂ© mis en servitude, ce qui est contre toute misĂ©ricorde, vu que le Christ nous a tous rachetĂ©s en versant son sang prĂ©cieux, le berger aussi bien que le plus haut placĂ©, sans aucune exception. C'est pourquoi les Saintes Écritures Ă©noncent que nous sommes tous libres, comme nous voulons l'ĂŞtre.

4.      N’est-il pas contraire Ă  la fraternitĂ© entre les hommes, n’est-il pas contraire Ă  la Parole de Dieu que le pauvre homme n'ait pas le droit d'attraper du gibier, de la volaille et du poisson ? Car lorsque le Seigneur Dieu crĂ©a l'homme, il lui donna le pouvoir sur tous les animaux sur la terre, l'oiseau dans les airs et les poissons dans l'eau.

5.      Les seigneurs se sont appropriĂ© les ressources des forĂŞts. Si le pauvre homme a besoin de bois, il doit l'acheter le double de son prix. Par consĂ©quent, tout le bois qui n'a pas Ă©tĂ© achetĂ© devrait ĂŞtre restituĂ© Ă  la communautĂ©, afin que chacun puisse subvenir Ă  ses besoins en bois de construction et de chauffage.

6.      Il faudrait revenir Ă  une organisation plus juste des corvĂ©es, car elles augmentent de jour en jour ; il faudrait revenir Ă  la manière dont nos parents ont servi, uniquement selon ce que recommande la parole de Dieu.

7.      Les seigneurs ne devraient pas augmenter Ă  leur guise les corvĂ©es des paysans au-delĂ  du niveau fixĂ© lors de la nĂ©gociation initiale.

8.      De nombreux mĂ©tayers n’arrivent pas Ă  payer les loyers des terres. Des personnes honorables et compĂ©tentes devraient s’occuper de ces problèmes et rĂ©tablir l'Ă©quitĂ© entre propriĂ©taire et locataire, afin que le fermier ne fasse pas son travail en vain, parce que chaque journalier est digne de son salaire.

9.      Concernant les peines prononcĂ©es par les tribunaux, de nouveaux règlements sont sans cesse adoptĂ©s dans l’application de la loi. On ne punit pas selon la nature de la chose, mais de manière arbitraire. Notre opinion est qu’on nous punisse Ă  nouveau d’après le vieux châtiment Ă©crit, adaptĂ© Ă  la question traitĂ©e, et non de manière arbitraire.

10.  Plusieurs se sont appropriĂ© des prairies et des champs appartenant Ă  une communautĂ©. Nous voulons les ramener entre nos mains communes.

11.  L’impĂ´t de mainmorte devrait ĂŞtre dĂ©finitivement banni, plus jamais les veuves et les orphelins ne devraient ĂŞtre honteusement volĂ©s, ce qui est contraire Ă  Dieu et Ă  l'honneur.

12.  Notre dĂ©cision et opinion finale est la suivante : si un ou plusieurs des articles ci-dessus n'Ă©taient pas conformes Ă  la parole de Dieu, nous voulons le(s) retirer, si cela nous est expliquĂ© sur la base des Ecritures Saintes. Et si jamais nous devions autoriser un certain nombre d'articles maintenant, et qu'on constaterait par la suite qu'ils Ă©taient erronĂ©s, alors ils devraient ĂŞtre rayĂ©s et caducs. Nous voulons ainsi nous prĂ©munir par rapport Ă  d’autres revendications, dans le cas oĂą par les Ecritures Saintes, elles se rĂ©vèleraient opposĂ©es Ă  Dieu, et si elles constituaient un fardeau pour le prochain.

Notes et références

  1. René Joseph Gerber, « ”Lis avec application les articles... et puis tu jugeras” :la réception des XII articles dans les ”Flugschriften” de1525 », thèse à l'université de Strasbourg,‎ (lire en ligne)

Bibliographie

  • Georges Bischoff, La guerre des Paysans. L'Alsace et la RĂ©volution du Bunschuh. 1493-1525, Strasbourg, La NuĂ©e Bleue, , 496 p. (ISBN 978-2-7165-0755-4 et 2-7165-0755-4, OCLC 690503007)
  • Gautier Heumann, La guerre des paysans d'Alsace et de Moselle, Paris, Éditions Sociales, .
  • Friedrich Engels, La guerre des paysans en Allemagne (1850), Éditions Sociales, coll. « Les auteur(e)s classiques » (prĂ©sentation en ligne)

Articles connexes

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