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Doctrine Clinton

La doctrine Clinton est une doctrine non-officielle du gouvernement amĂ©ricain issue de l'interprĂ©tation des prioritĂ©s de politique Ă©trangĂšre sous la prĂ©sidence de Bill Clinton aux États-Unis entre et .

Anthony Lake, Bill Clinton et Leon Panetta dans le Bureau Ovale de la Maison-Blanche, le .

Cette doctrine est caractérisée en particulier par la notion d'enlargement[1] développée par Anthony Lake, conseiller à la sécurité nationale. Cette notion s'oppose à celle d'endiguement (containment) en vigueur pendant la guerre froide. Par celle-là, Clinton souhaite inclure le plus de pays possibles dans le giron américain de la démocratie et de l'économie de marché (les deux étant vus comme liés[1]).

C'est aussi sous cette doctrine que les États-Unis sont qualifiĂ©s de « gendarmes du monde ».

Contexte

Bill Clinton prend le poste de président en 1993, deux ans aprÚs la chute de l'URSS, c'est-à-dire la fin de « menace soviétique »[2] qui était l'axe majeur de politique étrangÚre depuis 1947 et la doctrine Truman.

De mĂȘme, le monde se mondialise, a un accĂšs de plus en plus large Ă  l'information par les nouvelles technologies et les États-Unis, prospĂšres Ă©conomiquement[3], entrent donc dans une nouvelle Ăšre. Dans ce cadre inĂ©dit, Bill Clinton estime alors qu'il faut « une nouvelle politique de sĂ©curitĂ© » (« we need a new strategy of security »[4]).

DĂ©clarations de Bill Clinton

Plusieurs discours de Clinton peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme Ă©nonçant doctrine.

Discours de San Francisco le : explications du rîle des États-Unis dans les conflits

Devant le conseil des affaires internationales, dans le Grand Hyatt Hotel de San Francisco, Bill Clinton exprime sa vision de l'interventionnisme américain[5].
D'abord, il assume que les interventions des États-Unis ne sont pas pour le bĂ©nĂ©fice direct de la nation amĂ©ricaine.

« We really have no interests in who lives in this or that valley in Bosnia, or who owns a strip of brushland in the Horn of Africa, or some piece of parched earth by the Jordan River. »

— Bill Clinton

« Les États-Unis n'ont vraiment aucun intĂ©rĂȘt aux habitants de telle ou telle vallĂ©e de Bosnie, ou aux propriĂ©taires de terres en friche dans la Corne de l'Afrique ou assĂ©chĂ©es au bord de la riviĂšre du Jourdain. La rĂ©elle mesure de nos intĂ©rĂȘts ne s'effectue pas en fonction de la taille ou de la distance des lieux. »

Et il dĂ©veloppe le rĂŽle que doivent tenir les États-Unis dans les conflits du monde.

« The true measure of our interests lies not in how small or distant these places are, or in whether we have trouble pronouncing their names. The question we must ask is, what are the consequences to our security of letting conflicts fester and spread. We cannot, indeed, we should not, do everything or be everywhere. »

— Bill Clinton

« La question que nous devrions poser est de savoir quelles sont les consĂ©quences pour notre sĂ©curitĂ© de laisser des conflits s'envenimer et s'Ă©tendre. Nous ne pouvons pas, ou plutĂŽt, ne devrions pas agir sur tout, partout. Mais lĂ  oĂč nos intĂ©rĂȘts et nos valeurs sont en jeu, et lĂ  ou nous pouvons changer les choses, nous devons ĂȘtre prĂȘts Ă  le faire. »

StratĂ©gie de sĂ©curitĂ© nationale de l'an 2000 : ajout de la notion d'« intĂ©rĂȘt humanitaire »

PubliĂ©e en , la septiĂšme (et derniĂšre[6]) StratĂ©gie sĂ©curitĂ© nationale de Clinton explicite les objectifs visĂ©s par la stratĂ©gie d'enlargement. Il dĂ©taille ainsi dans quels cas les États-Unis se doivent d'intervenir militairement en marquant la diffĂ©rence entre trois types d'intĂ©rĂȘts nationaux amĂ©ricains : les intĂ©rĂȘts vitaux, les intĂ©rĂȘts importants et les intĂ©rĂȘts humanitaires[7].

D'abord, il dĂ©taille ce que sont les intĂ©rĂȘts nationaux vitaux :

« Vital interests are those directly connected to the survival, safety, and vitality of our nation. »

— Bill Clinton

« Les intĂ©rĂȘts vitaux sont ceux directement liĂ©s Ă  la survie, Ă  la sĂ©curitĂ© et Ă  la vitalitĂ© de notre nation. »

Puis, il dĂ©crit les intĂ©rĂȘts nationaux importants comme ceux qui :

« affects our national well being or that of the world in which we live. Principally, this may include developments in regions where America holds a significant economic or political stake, issues with significant global environmental impact, infrastructure disruptions that destabilize economic activity, and crises that could cause humanitarian movement. »

— Bill Clinton

« affectent la prospĂ©ritĂ© du pays ou celle du monde entier. Dans les intĂ©rĂȘts nationaux d'importance, s'y trouvent par exemple les rĂ©gions dans lesquelles nous avons un enjeu Ă©conomique ou politique d'envergure, les problĂšmes environnementaux mondiaux, les perturbations d'infrastructures, et les crises qui gĂ©nĂ©reraient un mouvement humain. »

Enfin, Clinton dĂ©crit les « intĂ©rĂȘts humanitaires », nouveaux types d'enjeux[8] qui forcent la nation amĂ©ricaine Ă  agir.

« Examples include reacting to natural and manmade disasters; acting to halt gross violations of human rights; supporting emerging democracies; encouraging adherence to the rule of law and civilian control of the military; promoting sustainable development and environmental protection; or facilitating humanitarian demining. »

— Bill Clinton

« Cela inclut par exemple : une rĂ©ponse aux catastrophes naturelles et industrielles, la promotion des droits humains et l'arrĂȘt de leurs violations, l'aide Ă  la dĂ©mocratisation, au respect de l'Ă©tat de droit et au contrĂŽle dĂ©mocratique de l'armĂ©e, la promotion du dĂ©veloppement durable et de la protection de l'environnement ou l'aide au dĂ©minage humanitaire. »

Enfin, le prĂ©sident estime que ne pas intervenir militairement doit ĂȘtre une prioritĂ©, qui est meilleure tant pour Ă©viter les pertes humaines que pour des pertes d'argent massives[7].

Critiques de la doctrine

Un interventionnisme à géométrie variable[9]

La posture interventionniste forte des États-Unis (lors des guerres de Yougoslavie, ou lors de l'opĂ©ration Serpent Gothique) fut critiquĂ©e pour ne pas ĂȘtre assumĂ©e lors du gĂ©nocide rwandais de 1994 qui fit 800 000 morts en un mois. Bill Clinton rĂ©agit aux critiques en assumant que « les États-Unis et le monde ont laissĂ© tomber les Rwandais »[10] - [11].

Un délaissement des institutions internationales

Certains spĂ©cialistes estiment que les AmĂ©ricains ont usĂ© de leur leadership (l'« hyperpuissance » amĂ©ricaine) afin de s'imposer dans les institutions internationales en assignant leurs propres intĂ©rĂȘts nationaux aux intĂ©rĂȘts globaux de paix et d'Ă©quilibre[12].

Divergences des intĂ©rĂȘts

Pour certains spĂ©cialiste, dont Samuel Huntington[13], la chute de l'URSS a fait perdre aux États-Unis un Ă©lĂ©ment de cohĂ©sion national fort qui guidait la politique Ă©trangĂšre. Ainsi, sous Clinton, le pays serait fragmentĂ© entre intĂ©rĂȘts divergents face au manque de menaces rĂ©elles[14].

Notes et références

  1. (en) The White House, Bill Clinton, A National Security Strategy of Engagement and Enlargement, Washington, , 49 p. (lire en ligne), p. 16 - 34 : explication de la stratégie
  2. Expression utilisée par les gouvernements américains successifs depuis Truman jusqu'à Bush à propos de l'URSS et des nations communistes
  3. Alain Frachon, « La belle leçon d'Ă©conomie politique comparĂ©e de Bill Clinton », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  4. (en) Bill Clinton, Address by President Bill Clinton to the UN General Assembly [« Discours du Président Bill Clinton à l'Assemblée Générale des Nations Unies »], ONU, New-York, (lire en ligne)
  5. (en) Bill Clinton, REMARKS BY THE PRESIDENT ON FOREIGN POLICY, San Francisco, California, (lire en ligne)
    Retranscription du discours de Clinton
  6. « Liste des Stratégies de sécurité nationale transmises depuis 1987 », sur history.defense.gov, partie archive du site du Pentagone
  7. (en) Bill Clinton, A National Security Strategy for a Global Age [« Une stratégie de sécurité nationale pour une époque mondialisée »], The White House, , 84 p. (lire en ligne), « Protecting our national interests »
  8. Pascal Riche, « La Mondialisation a Ă©tĂ© l'axe de sa politique Ă©trangĂšre », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne)
  9. Anne-CĂ©cile Robert, « L’ordre international piĂ©tinĂ© par ses garants », Le Monde Diplomatique,‎ (lire en ligne)
  10. (en) James Bennett, « CLINTON IN AFRICA: THE OVERVIEW; CLINTON DECLARES U.S., WITH WORLD, FAILED RWANDANS », The New York Times,‎ (lire en ligne AccĂšs libre)
  11. « Bill Clinton fait son mea culpa sur le gĂ©nocide au Rwanda », Le Monde,‎ (lire en ligne AccĂšs payant)
  12. Martin Roy, Charles-Philippe David et Jean-Philippe Racicot, « Discours multilatĂ©raliste, leadership rĂ©aliste : l'Ă©volution de la conduite institutionnelle de sĂ©curitĂ© des États-Unis sous Clinton », Études internationales, vol. 30,‎ , p. 233-256
  13. (en) Samuel P. Huttington, « The Erosion of American National Interests », Foreign Affairs, vol. 76,‎ , p. 28-49, article no 5
  14. FrĂ©dĂ©ric Hertbize, « Exceptionnalisme et impĂ©rialisme dans le discours de politique Ă©trangĂšre amĂ©ricain des annĂ©es Clinton », LISA / LISA e-journal, vol. V « 3 »,‎ , p. 24-46

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