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Desessarts (acteur)

Denis Déchanet, dit Desessarts ou parfois Des Essarts, né le à Langres et mort le à Barèges, est un comédien français.

Desessarts
Desessarts dans le rôle de Lisimon dans le Glorieux de Destouches en 1772 par Janinet d’après D. P. Bertaux.
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  55 ans)
Barèges
Pseudonyme
Desessarts
Nationalité
Activité

Biographie

Ayant reçu une bonne éducation[alpha 1], Déchanet a acheté une charge de procureur, qu’il a exercée quelques années dans sa patrie. Venu à Paris pour affaires, un ami l’ayant conduit à la Comédie-Française, il en est sorti si enthousiasmé, qu’il a résolu sur le champ de changer de vie pour se faire comédien[1].

Aussitôt vendue son étude de Langres, il s’est essayé sur plusieurs théâtres de province. Il n’a pas tardé à se faire une réputation dans les emplois connus alors sous les dénominations de « rondeurs », de « financiers », de « à manteaux » et de « à grimes »[1].

Il était à Marseille lorsque la Comédie-Française, sur l’avis de Bellecourt, l’a appelé pour remplacer Bonneval[1]. On le jugea gai, bonhomme, mordant au besoin[2].

Après avoir fait ses débuts, le , dans les rôles de Lisimon, du Glorieux de Destouches, et de Lucas, du Tuteur, il a été accepté et nommé sociétaire le [alpha 2]. Il a notamment interprété les rôles d'Orgon dans Tartuffe et de Petit-Jean dans les Plaideurs[1].

Extrêmement corpulent, il lui a fallu un véritable talent pour faire accepter au public son embonpoint. Quand il jouait Orgon du Tartufe, il fallait une table faite exprès et plus haute que d’ordinaire pour lui permettre de se cacher dessous. Il avait aussi un fauteuil accommodé à sa taille : un jour que par oubli ou malice on lui avait mis un fauteuil ordinaire, et qu’il s’y était jeté sans y prendre garde, et il y est demeuré tellement engagé que pour le délivrer il a fallu le trainer dans les coulisses et casser un bras du meuble tenace, à l’hilarité des spectateurs[1].

Le contraste de ses rondeurs avec certains rĂ´les qu’il jouait Ă©tait des plus divertissants. Ainsi, jamais dans Petit-Jean, des Plaideurs, il n’a rĂ©citĂ© ce vers, « Pour moi, je ne dors plus ; aussi je deviens maigre Â», sans exciter l’hilaritĂ© du public. C’était encore plus remarquable dans La RĂ©duction de Paris, drame de Durosoy, il reprĂ©sentait le prĂ©vĂ´t des marchands, qui venait solliciter le roi au nom du peuple, « extĂ©nuĂ© par une longue famine Â». En voyant un magistrat si bien nourri, les bons esprits se rassuraient sur le sort des administrĂ©s, les fâcheux y voyaient, au contraire, l’explication de la misère gĂ©nĂ©rale[1].

Étienne et Martainville rapportent que Desessarts Ă©tait gĂ©nĂ©ralement aimĂ© de ses camarades, quoiqu’il supportât quelquefois impatiemment leurs plaisanteries sur son extrĂŞme corpulence[1]. Le rĂ´le du comte de Bruxhall dans les Amants gĂ©nĂ©reux, celui du Commandeur dans le Père de famille l’ont mis dans les bonnes grâces du parterre : « Monsieur Des Essarts, vous faites merveille dans ce rĂ´le du Commandeur[2] Â», lui Ă©crivait son compatriote Diderot, en 1777.

Dugazon surtout semblait s’être fait une joyeuse tâche du mystifier. Lorsque la mĂ©nagerie du roi perdit l’unique Ă©lĂ©phant qu’elle possĂ©dait, Dugazon est allĂ© le prier de venir avec lui chez le ministre, pour y jouer un proverbe dans lequel il avait besoin d’un compère intelligent. Desessarts y ayant consenti, il s’informe du costume qu’il doit prendre : « Mets-toi en grand deuil, lui dit Dugazon ; tu es censĂ© reprĂ©senter un hĂ©ritier. » VoilĂ  Desessarts eu habit noir complet avec des crĂŞpes, des pleureuses, etc. ArrivĂ©s chez le ministre : « Monseigneur, dit Dugazon, la ComĂ©die-Française a Ă©tĂ© on ne peut plus sensible Ă  la mort du bel Ă©lĂ©phant qui faisait l’ornement de la MĂ©nagerie du roi ; et si quelque chose pouvait la consoler, c’est de fournir Ă  sa majestĂ© l’occasion de reconnaitre les longs services de notre camarade Desessarts ; en un mot, je viens au nom de la ComĂ©die-Française vous demander pour lui la survivance de l’élĂ©phant[1]. Â»

Duel entre Desessarts et Dugazon.

Sorti furieux, Desessarts a appelĂ© Dugazon en duel pour le lendemain. ArrivĂ©s au bois de Boulogne, les deux champions mettent l’épĂ©e Ă  la main : « Mon ami, dit Dagazon, j’éprouve vraiment un scrupule de me mesurer avec toi ; tu me prĂ©sentes une surface Ă©norme ; j’ai trop d’avantage : laisse-moi Ă©galiser la partie. Ă€ ces mots, il tire de sa poche un morceau de craie, trace un rond sur le ventre de Desessarts, et ajoute : « Je veux ĂŞtre loyal : tous les coups portĂ©s en dehors de ce rond ne compteront pas. » La colère de Desessarts ne tint pas contre cette facĂ©tie, et le duel bouffon se termina par un dĂ©jeuner que l’impitoyable Dugazon rendit plus bouffon encore. La paix faite, il prend les devants, ordonne le repas chez un restaurateur, oĂą on ne montait que par une allĂ©e fort Ă©troite, et s’y rend avec ses camarades avant l’heure indiquĂ©e, sans attendre son convive principal ; il fait servir, puis chacun se met aux fenĂŞtres pour jouir de l’embarras de Desessarts. Celui-ci arrive enfin, et se trouve arrĂŞtĂ© par le peu d’espace que lui offre la porte. Tandis qu’il se tourmente et se tourne en tous sens pour entrer, Dugazon et ses amis le pressent et l’excitent en lui prĂ©sentant les mets les plus friands. Après avoir bien joui de son impatience et de ses efforts, on eut pitiĂ© du pauvre affamĂ©, et le dĂ©jeuner fut transportĂ© dans un local plus accessible. Ces deux anecdotes ont fourni le sujet d’un joli vaudeville intitulĂ© Le Duel et le DĂ©jeuner[1].

Une autre fois, Fréron fils ayant dit dans l'Année littéraire que si le Jaloux sans amour n’avait pas réussi, c’était la faute du gros ventriloque qui l’avait défigurée », l’artiste porta plainte contre le folliculaire et lui fit retirer son épée[2].

Fort instruit, Desessarts avait étudié les sciences et les lettres. Sa mémoire était surtout extraordinaire, et si l’on avait le malheur de se tromper devant lui en racontant un fait d’histoire ou quelque aventure, il reprenait aussitôt le narrateur en citant les dates, les noms des personnages et les moindres particularités. Son appétit, proportionné à sa taille, était légendaire[2]. Outre sa mémoire, il était doué une présence d’esprit à toute épreuve, une bonhomie mêlée de rudesse, de la gaieté naturelle, du mordant : tels étaient les principaux caractères de son talent[1].

Il excellait dans les comédies de Molière, mais était moins bon dans les pièces modernes ; cependant il a créé avec un talent incontestable un grand nombre de rôles, entre autres celui du comte de Bruxhall dans les Amants généreux, de Rochon de Chabannes[1]. Edmond-Denis de Manne, son biographe, a donné la liste des rôles établis par Des Essarts. On y relève ceux de Bartholo dans les deux pièces de Beaumarchais, Le Barbier de Séville (1775) et Le Mariage de Figaro (1784)[4], et 24 autres bien oubliés[2].

Desessarts était aussi gourmand que vorace : son prodigieux appétit répondait à l’énormité de sa grosseur : il mangeait en un repas ce qui aurait suffi à quatre hommes. Aussi ses transpirations étaient-elles si abondantes, qu’il lui fallait changer de linge d’heure en heure. Malade depuis trois ans, il a été très affecté par les événements de la Révolution. En 1793, de fréquentes oppressions ayant fait craindre pour sa vie, les médecins lui ont ordonné les eaux de Barèges. C’est là, dans les Pyrénées, qu’il a reçu la nouvelle de l’arrestation en masse de tous ses camarades de la Comédie-Française et les succès politiques de son ennemi Fréron. Il en a eu une si forte secousse qu’il en est mort suffoqué presque instantanément[1].

Carrière à la Comédie-Française

Entrée en [5]
Nommé 167e sociétaire en

Quelques rĂ´les :

Biographie

Iconographie

  1. En buste, de profil à gauche, gravé au pointillé, anonyme.
  2. À mi-corps, de ¾ à gauche, publié par Bligny, 3 états.
  3. En pied, de profil Ă  droite, grav. par Duplessis-Bertaux.
  4. En buste, de Âľ Ă  droite, grav. par Fr. Hillemaclier, 1860.
  5. En pied, de profil à droite, gravé par Nitot-Dufresne, 2 états, avec cette curieuse légende « Le Républicain Desessarts »
  • MusĂ©e de la ComĂ©die française, catal. Monval no 95. Peinture toile, ovale, 0,90 Ă— 0,70 cm, par Appert, d’après une gravure du temps Ă©ditĂ©e chez Bligny.
    On avait mis au bas du portrait de Des Essarts « J’aime mieux faire rire les hommes que de les ruiner ».

Notes et références

Notes

  1. Fils de Nicolas Déchanet, chantre et musicien à la cathédrale, receveur du Chapitre.
  2. Grimm Ă©crit, Ă  son sujet, dans la Correspondance littĂ©raire : « Le th. de la ComĂ©die française vient de faire une bonne acquisition pour les rĂ´les de financiers, de paysans et autres de ce genre qualifiĂ©s de bas comiques. Un acteur appelĂ© Des Essarts a dĂ©butĂ© avec succès dans ces rĂ´les. Il a une bonne mine, un gros ventre, une voix excellente, il paraĂ®t avoir de la chaleur et de l’intelligence[3].

Références

  1. A. de L., « Desessarts (Denis Dechanet, dit) », dans Ferdinand Höfer, Nouvelle Biographie générale, t. 13 Dans - Dewlet, Paris, Firmin-Didot, , 960 p., 37 vol. ; in-8° (lire en ligne sur Gallica), p. 796-7.
  2. « Des Essarts, Denis Déchanet ou Deschanet, dit », dans Henry Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, ceux d’hier : biographie, bibliographie, iconographie, t. 1. A-D, 2 vol. : ill., portr. ; 29 cm (lire en ligne sur Gallica), p. 517-8.
  3. Émile Campardon, Les ComĂ©diens du roi de la troupe française pendant les deux derniers siècles : documents inĂ©dits recueillis aux Archives nationales, Paris, HonorĂ© Champion, , xvi-336, 1 vol. ; in-8 (lire en ligne), p. 63, note 1 Â».
  4. Dezobry et Bachelet, Dictionnaire de biographie, t. 1, Charles Delagrave, 1876, p. 780
  5. Fiche sur le site de la Comédie-Française

Liens externes

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