AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Deprogramming

Deprogramming est un terme amĂ©ricain (pouvant ĂȘtre traduit par « dĂ©programmation ») qui dĂ©signe une mĂ©thode pour persuader ou contraindre un individu Ă  abandonner des croyances trĂšs souvent sectaires ou quelquefois religieuses jugĂ©es erronĂ©es ou dangereuses.

Origines

Cette pratique controversĂ©e, utilisant l'enlĂšvement et la sĂ©questration, est apparue Ă  la fin des annĂ©es 1970 aux États-Unis, au moment oĂč Ă©mergeait le foisonnement des nouvelles croyances religieuses en dehors des religions Ă©tablies. De nombreuses familles dĂ©semparĂ©es devant les choix spirituels de leurs enfants, et se constituant en groupes d’opposition Ă  ces nouvelles formes de la spiritualitĂ©, ont souscrit Ă  cette thĂ©orie et lui ont permis de se dĂ©velopper sans contrĂŽle jusqu’en 1980. Les crĂ©ateurs et acteurs du deprogramming percevaient cette mĂ©thode comme une solution aux croyances jugĂ©es illusoires et aux effets considĂ©rĂ©s nĂ©fastes des groupes spirituels appelĂ©s "sectes"(« cults » aux États-Unis), et principalement dirigĂ©e contre le lavage de cerveau. Bien que le premier groupe visĂ© par cette pratique fut Les enfants de Dieu ((en) Children of God), de nombreux autres groupes, comme celui des Hare Krishna ou de « Maharaj ji » ou encore les adeptes de l’Église de l’Unification de Moon ont rapidement Ă©tĂ© concernĂ©s[1].

Promoteurs et opposants

Les promoteurs du deprogramming le prĂ©sentaient comme une tentative de fournir des informations Ă  un adepte afin qu’il rĂ©alise l’emprise qu’il subit au sein de son groupe spirituel et en particulier Ă  quel point son libre arbitre lui a Ă©tĂ© retirĂ©.

Les opposants Ă  cette mĂ©thode ont soulignĂ© le paradoxe des kidnappings et de la sĂ©questration pour restaurer le libre arbitre d’un individu[2]. Des tĂ©moignages d’abus de la part de personne « dĂ©programmĂ©es » ont contribuĂ© Ă  ce que des peines de prison soient infligĂ©es Ă  Ted Patrick, un des pionniers de la mĂ©thode[3] dont le livre « Let our children go » (« Laissez nos enfants partir », 1976) dĂ©crit sans ambiguĂŻtĂ© les enlĂšvements, la coercition physique et Ă©motionnelle pratiquĂ©e pendant les sĂ©ances[4]. Un autre procĂšs, cette fois contre Rick Ross autre pratiquant amĂ©ricain de la dĂ©programmation[5] dans les annĂ©es 1990 a mis un terme au deprogramming forcĂ© et a conduit Ă  la dissolution du CAN (Cult Awereness Network[6], le groupe « antisectes » amĂ©ricain de l’époque), pour cause de faillite due au montant des dommages-intĂ©rĂȘts Ă  payer.

En France, une ADFI (association pour la dĂ©fense de la famille et l’individu) a ouvertement adoptĂ© cette mĂ©thode Ă  la fin des annĂ©es 1970[7] puis l’a abandonnĂ©e au moment des procĂšs qui se dĂ©roulaient aux États-Unis au dĂ©but des annĂ©es 1980.

Au cours de l’émission « ça se discute » de Jean-Luc Delarue du consacrĂ©e Ă  la « manipulation », une mĂšre dĂ©crivait le deprogramming qu’elle a fait subir Ă  sa fille en 2005[8].

Les failles de la méthode

Certains des sociologues amĂ©ricains et anglais qui ont Ă©tudiĂ© la question du deprogramming ont relevĂ© ce qu’ils considĂšrent comme sept failles Ă  la thĂ©orie du lavage de cerveau et Ă  la dĂ©programmation prĂ©conisĂ©e pour soigner ceux qui l’auraient subi :

  • Il n’a jamais Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© qu’il existait des techniques non biologiques pour contrĂŽler l’esprit de quelqu’un. L’exemple classique des prisonniers de guerre pendant la guerre de CorĂ©e dĂ©montre au contraire qu’il y avait trĂšs peu, voire aucun, rĂ©sultat Ă  de telles tentatives. (Schein et al. 1961).
  • La plus grande partie des personnes qui participent Ă  des activitĂ©s des nouveaux mouvements religieux ne s’engagent pas du tout. (Barker 1984).
  • De trĂšs nombreux membres restĂ©s assez longtemps dans un groupe partent de leur propre grĂ© (Bainbridge 1982, 1984a ; Wright 1983).
  • Des chercheurs ont fait des enquĂȘtes Ă  long terme au sein de mouvements religieux rĂ©cents, incluant tous ceux accusĂ©s de lavage de cerveau, et leurs rapports ne confirment pas ce concept. (Bainbridge 1978 ; Taylor 1983)
  • Les sociologues ont une thĂ©orie plus plausible sur l’affiliation Ă  des nouveaux mouvements religieux, combinant plusieurs facteurs qui n’ont pas besoin de l’hypothĂšse du lavage de cerveau pour expliquer la motivation d’un individu Ă  s’engager dans une dĂ©marche spirituelle.
  • Le concept de lavage de cerveau (ou manipulation mentale aujourd’hui) semble avoir Ă©tĂ© conçu pour discrĂ©diter les nouvelles spiritualitĂ©s et dĂ©responsabiliser leurs membres « sortants » critiques. En consĂ©quence, les actions que nous voyons aujourd’hui contre certains groupes ou individus sont lĂ©gitimĂ©es par ce concept sans lequel elles seraient considĂ©rĂ©es comme illĂ©gales et opposĂ©es aux droits de l’homme (Bromley 1983 ; Kelley 1983).
  • Le discours autour de l’idĂ©e du lavage de cerveau ou de la manipulation mentale suppose qu’une personne mentalement saine doive ĂȘtre autonome sans subir la moindre influence collective (Richardson and Kilbourne 1983) et tente de nier l’importance de la religion et de la communautĂ© dans les sociĂ©tĂ©s humaines (Hargrove, 1983).

La méthode d'exit counseling

Le deprogramming n’a pas tout Ă  fait disparu. Il a Ă©voluĂ© aux États-Unis vers une procĂ©dure appelĂ©e « exit counseling » (« accompagnement pour quitter la secte »)[9] - [10]. Les objectifs restent les mĂȘmes mais la procĂ©dure Ă©tant maintenant plus surveillĂ©e, la coercition a, en principe, Ă©tĂ© abandonnĂ©e. Le programme coĂ»te entre deux et quatre mille dollars aujourd’hui[11] et le « patient » est censĂ© pouvoir l’interrompre quand il le souhaite.

L'exit counseling a Ă©tĂ© introduit en France par Me Daniel Picotin, avocat spĂ©cialisĂ© dans le droit des dĂ©rives sectaires et prĂ©sident de l'association Infos Sectes Aquitaine, notamment pour aider une famille appartenant aux « reclus de Monflanquin »[12]. Ayant facturĂ© cette procĂ©dure plus de 18 000 euros Ă  un couple, l'avocat a Ă©tĂ© condamnĂ© le par la Cour d'Appel de Bordeaux[13] Ă  leur restituer plus de 14 000 euros et Ă  leur verser 1 500 euros de frais de justice, faute de pouvoir justifier la hauteur de ses honoraires personnels et des frais auprĂšs de plusieurs prestataires[14].

Cette affaire concernant le prĂ©sident de son antenne en Aquitaine, le bureau national du Centre contre les manipulations mentales (CCMM) a prĂ©cisĂ© en septembre 2015 dans un communiquĂ©[15] que le CCMM ne pratiquait pas l'« exit counseling » et que « conformĂ©ment aux principes de la laĂŻcitĂ© et aux lois de la RĂ©publique, l’objet du CCMM est d’étudier et relever les agissements qui portent atteinte aux libertĂ©s et violent les droits de la personne humaine ». L'association a ajoutĂ© qu'elle agit « bĂ©nĂ©volement » Ă  la demande spontanĂ©e des proches des victimes.

Cinéma

Le film Holy Smoke (Jane Campion, 1999) avec Kate Winslet et Harvey Keitel est basĂ© sur une sĂ©ance de deprogramming et le lien ambigu qui se tisse entre l’adepte d’une secte et le « dĂ©programmeur ».

Littérature de fiction

Dans le roman Les Miroirs de l'esprit, de Norman Spinrad, le personnage principal fait appel à un déprogrammeur pour tenter de faire sortir son épouse d'une secte. Le déprogrammeur n'a cependant jamais l'occasion de rencontrer cette derniÚre, et il se contente de conseiller son mari, avant de disparaßtre inexplicablement.

Références

  1. Certains groupes concernés
  2. Photos d’une sĂ©ance de Deprogramming avec Ted Patrick
  3. (en)[Price, Polly J. Regulation of religious proselytism in the United States. Brigham Young University Law Review. 2001 537-574]
  4. [page 96 Wes had taken up a position facing the car, with his hands on the roof and his legs spread-eagled. There was no way to let him inside while he was braced like that. I had to make a quick decision. I reached down between Wes's legs, grabbed him by the crotch and squeezed--hard. He let out a howl, and doubled up, grabbing for his groin with both hands. Then I hit, shoving him headfirst into the back seat of the car and piling in on top of him]
  5. Site de Rick Ross
  6. Le CAN(en)
  7. En 1976, Madame Lidwine Ovigneur, dirigeante de l’ADFI de Lille, dĂ©clare au journal L’Aurore Ă  propos de Brigitte Backeland, une jeune adepte de l’Église de l’Unification, qu’aprĂšs l’“enlĂšvement” elle “se repose maintenant Ă  la campagne oĂč elle va ĂȘtre dĂ©programmĂ©e”. Ce n’est pas le premier cas, d’aprĂšs Madame Ovigneur, qui ajoute : “Nos techniques de dĂ©programmation sont maintenant bien au point, grĂące notamment aux expĂ©riences amĂ©ricaines“ Francis Schull, "L’étonnante histoire d’un patron ‘mooniste’", L’Aurore, 27 janvier 1976. La jeune femme « dĂ©programmĂ©e » a portĂ© plainte pour coups et blessures volontaires, tentatives de viol et menaces de mort. Source : « Sectes, Religions et LibertĂ©s Publiques » de Christian Paturel.
  8. Un compte-rendu de l’émission sur le site du CICNS
  9. (en) Site de Freeedom of Mind
  10. (en) la tentative de faire d'une activité déviante, une thérapie par Anson Shupe
  11. (en) au sujet du deprogramming
  12. "Exit counseling", une méthode discrÚte pour exfiltrer les adeptes des sectes, Le Point, 16/04/2014.
  13. Cour d'Appel de Bordeaux, 5 mai 2015, n° 14/05255.
  14. « Exfiltration » d’une secte : l’avocat avait trop facturĂ©, Dalloz actualitĂ©, 12 mai 2015.
  15. Communiqué du CCMM, septembre 2015.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.