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Daniel 7

La Vision des quatre bĂȘtes, aussi appelĂ©e des Quatre royaumes ou Daniel 7, est un rĂ©cit allĂ©gorique contenu au chapitre 7 du Livre de Daniel qui a donnĂ© lieu Ă  de multiples interprĂ©tations chez les chrĂ©tiens.

Vision des quatre bĂȘtes par Daniel, enluminure du Beatus de Silos (XIIe siĂšcle).

Contexte historique

Le roi de Babylone, Nabuchodonosor, a soumis Israël. Daniel faisait partie des jeunes Hébreux emmenés en captivité à Babylone. En raison de la trÚs bonne éducation qu'il avait eue en Israël, il est choisi avec quelques autres pour suivre un entrainement de trois ans au terme duquel il ferait partie du personnel de la maison royale. C'était une période sombre pour les Israéliens, qui voyaient la captivité comme une punition que Dieu leur envoyait pour avoir oublié ses commandements, ainsi qu'il les en avait avertis.

Daniel avait Ă©tĂ© renommĂ© Beltshatsar, nom qui renvoie Ă  une divinitĂ© chaldĂ©enne[1]. Durant la premiĂšre annĂ©e du rĂšgne de Balthazar, roi de Babylone, Daniel fait un rĂȘve qui le trouble. Il dĂ©crit la vision et l'interprĂ©tation donnĂ©e par celui qui lui parlait dans le rĂȘve.

La vision

Gravure de MatthĂ€us Merian sur la Vision des quatre bĂȘtes par le prophĂšte Daniel (1630).

Daniel voit quatre vents du ciel soulevant une grande mer. Quatre bĂȘtes Ă©normes sortent de la mer, toutes diffĂ©rentes entre elles : (1) un lion avec des ailes ; (2) un ours avec trois cĂŽtes dans sa gueule ; (3) un lĂ©opard avec quatre tĂȘtes et quatre ailes ; (4) une quatriĂšme bĂȘte, terrible, effrayante et extrĂȘmement forte, avec des dents de fer Ă©normes, qui mange, broie, et foule aux pieds tout ce qui restait. Elle est diffĂ©rente des trois premiĂšres bĂȘtes et porte dix cornes. Ensuite, un Ancien s'installe sur un trĂŽne, des livres sont ouverts et il prononce des jugements en faveur des saints, en consĂ©quence de quoi la quatriĂšme bĂȘte est dĂ©truite. Le Fils de l'Homme reçoit empire, honneur et royaume, et tous les peuples, nations et langues le servent. Son empire est un empire Ă©ternel qui ne passera point, et son royaume ne sera point dĂ©truit. Voir le texte intĂ©gral dans Livre de Daniel, chapitre 7, versets 1 Ă  27.

Comme Daniel demande une interprĂ©tation, un personnage du rĂȘve lui explique que les quatre bĂȘtes reprĂ©sentent quatre royaumes qui domineront la terre. La quatriĂšme bĂȘte et les cornes intriguent Daniel. L'interprĂ©tation Ă  propos de la quatriĂšme bĂȘte lui est donnĂ©e par la suite.

Interprétations

La Vision de Daniel, gravure de Gustave Doré (1866).

À partir de la RĂ©forme protestante au XVIe siĂšcle, on trouve de frĂ©quentes rĂ©fĂ©rences aux « quatre monarchies » et celles-ci ont fait l'objet de multiples interprĂ©tations.

En effet, contrairement Ă  Daniel chapitre 2 oĂč la tĂȘte d’or est identifiĂ©e Ă  Nebucadnetsar et Babylone, aucune des bĂȘtes n’est clairement identifiĂ©e dans cette vision. Toutefois, la plupart des exĂ©gĂštes pensent que les quatre bĂȘtes correspondent respectivement Ă  l’Empire babylonien, aux MĂšdes, Ă  l’Empire perse et Ă  l’empire d’Alexandre[2].

Jean Calvin a consacrĂ© de nombreuses leçons Ă  Ă©lucider les prophĂ©ties du Livre de Daniel lors de sĂ©ances publiques tenues Ă  GenĂšve en 1560-1561[3]. Les interprĂ©tant comme d'authentiques prophĂ©ties envoyĂ©es par Dieu, il cherche Ă  les faire coĂŻncider avec les Ă©vĂ©nements historiques. Il commence par Ă©tablir l'autoritĂ© de Daniel, en montrant que ce dernier a prĂ©dit des Ă©vĂ©nements qui sont arrivĂ©s bien plus tard, notamment l'empire d'Alexandre : « Longtemps avant qu'Alexandre fust nĂ©, Daniel prĂ©dit ce qu'il devait faire. Davantage, il montre que son royaume ne sera pas de longue durĂ©e, pour ce qu'il est incontinent divisĂ© en quatre cornes[4]. » « Le prophĂšte compare aux quatre grandes bĂȘtes et cruelles les empires[5]. »

La premiĂšre bĂȘte, selon Calvin, dĂ©signe l'empire des ChaldĂ©ens, empire qui Ă©tait alors conjoint avec celui des Assyriens : le verset « ses ailes furent arrachĂ©es, et elle fut enlevĂ©e de terre, et dressĂ©e sur ses pieds, comme un homme, et oĂč un cƓur d’homme lui fut donnĂ© » signifie que ce royaume disparaĂźt.

La deuxiĂšme bĂȘte est un ours, animal alors considĂ©rĂ© comme cruel, bĂȘte « vilaine, lourde et qui ne sert de rien » et qui dĂ©signe par consĂ©quent les Perses et les MĂšdes, dont la puissance atteint son apogĂ©e sous Cyrus[6]

Quant Ă  la troisiĂšme bĂȘte « et voici une autre bĂȘte semblable a un lĂ©opard ; elle avait sur son dos quatre ailes d’oiseau, et la bĂȘte avait quatre tĂȘtes ; et la domination lui fut donnĂ©e », il s'agit sans aucun doute du royaume de MacĂ©doine et d'Alexandre le Grand, dont l'empire aprĂšs sa mort fut rĂ©parti en quatre parties, correspondant aux quatre tĂȘtes de la bĂȘte : « Seleucus eut l'Asie majeure, & Antigonus la mineure, mais Cassander auquel Antipater succĂ©da fut roi de MacĂ©doine et PtolĂ©mĂ©e fils de Lagus domina en Égypte[7]. »

La quatriĂšme bĂȘte est plus problĂ©matique : « une quatriĂšme bĂȘte, terrible, effrayante et extraordinairement forte ; elle avait de grandes dents de fer ; elle dĂ©vorait et brisait, et le reste elle le foulait aux pieds » (verset 7). Tous s'accordent pour y voir l'Empire romain, dont « les dents de fer » dĂ©notent « une cupiditĂ© insatiable  ».

Mais la suite de la vision devient plus difficile Ă  interprĂ©ter : « elle Ă©tait diffĂ©rente de toutes les bĂȘtes qui l’avaient prĂ©cĂ©dĂ©e, et elle avait dix cornes ». Pour Calvin, il ne faut pas prendre le chiffre dix littĂ©ralement : « le prophĂšte signifie que cet empire ne devait point ĂȘtre Ă  un seul homme, mais Ă  plusieurs[8]. » En revanche, pour la majoritĂ© des exĂ©gĂštes de l'Ă©poque de la RĂ©forme, les dix cornes reprĂ©sentaient les rois depuis Alexandre jusqu’au royaume sĂ©leucide qui rĂ©gna sur la JudĂ©e[2] - [9] - [10] dans l'ordre suivant : (1) Alexandre le Grand, (2) SĂ©leucos Ier, (3) Antiochos Ier, (4) Antiochos II, (5) SĂ©leucos II, (6) SĂ©leucos III, (7) Antiochos III, (8) SĂ©leucos IV (assassinĂ© par le suivant), (9) Heliodore, (10) DĂ©mĂ©trios Ier SĂŽter, fils de SĂ©leucos IV promis au trĂŽne mais n'ayant jamais rĂ©gnĂ©, ou bien Antiochus, autre fils de SĂ©leucos IV, assassinĂ© enfant par son oncle Antiochus IV Épiphane (frĂšre de Seleucos IV) qui s'Ă©tait auto-proclamĂ© rĂ©gent du petit Antiochus.

« Je considĂ©rais les cornes, et voici qu’une autre corne, petite, s’éleva au milieu d’elles ». Cet Ă©lĂ©ment Ă©tait trĂšs controversĂ© Ă  l'Ă©poque de Calvin, les uns voyant dans cette petite corne le Pape, tandis que d'autres y voyaient les Turcs. Selon Calvin, ces deux interprĂ©tations son erronĂ©es et la petite corne serait Jules CĂ©sar. En effet, la corne est dite petite parce que « CĂ©sar n'usurpa point le titre de roi »[11].

« et trois des premiĂšres cornes furent arrachĂ©es par elle » : pour Calvin, il s'agit de l'ascension d'Auguste et de la transformation de la RĂ©publique romaine en empire[11]. Mais pour d'autres exĂ©gĂštes, il s'agirait d'Antiochos IV Épiphane qui obtint le trĂŽne par intrigue. Daniel 7,25 ferait donc rĂ©fĂ©rence aux persĂ©cutions d'Antiochos IV et Ă  sa tentative d'Ă©radication du judaĂŻsme[12]. Les interprĂ©tations sont donc trĂšs diffĂ©rentes selon l'optique de lecture.

Jean Bodin, qui vivait Ă  la mĂȘme Ă©poque que Calvin, s'est intĂ©ressĂ© Ă  cette prophĂ©tie dans son livre Methodus ad facilem historiarum cognitionem (1566) et il consacre une longue section Ă  la « quantitĂ© infinie d'interprĂ©tations » que le Livre de Daniel a suscitĂ©s[13]. Humaniste et historien, il avait lu les interprĂ©tations de ses contemporains, comme celle de Melanchton, mais aussi les exĂ©gĂšses hĂ©braĂŻques, telle celle de Josippon. Il met en garde les lecteurs car « les mots de Daniel, obscurs et ambigus, peuvent ĂȘtre tournĂ©s dans diffĂ©rents sens Â»[13].

Notes et références

  1. Daniel, IV, 5.
  2. Rowley 1935, p. 97.
  3. Calvin 1561.
  4. Calvin 1561, p. 1.
  5. Calvin 1561, p. 81.
  6. Calvin 1561, p. 82.
  7. Calvin 1561, p. 82-83.
  8. Calvin 1561, p. 84.
  9. New American Bible.
  10. Grelot 1992.
  11. Calvin 1561, p. 85.
  12. John Bright, A History of Israel, p. 424-425.
  13. Voir Methodus, p. 346-361.

Annexes

Bibliographie

  • Jean Calvin, Leçons sur le livre des prophĂ©ties de Daniel : Recueillies fidĂšlement par Jean BudĂ© et Charles de Jonvillier et traduites du latin en français, GenĂšve, François Perrin, 1569 (1561) (lire en ligne).
    • (en) Commentaries on the book of the Prophet Daniel (vol. 1) (lire en ligne).
    • (en) Commentaries on the book of the Prophet Daniel (vol. 2) (lire en ligne).
  • P. Pierre Grelot, Le livre de Daniel : Cahiers Évangile, vol. 79, Éditions du Cerf, , 68 p., page 21.
  • (en) H. H. Rowley, Darius the Mede and the Four World empires in the Book of Daniel, , p. 97.

Articles connexes

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