Culte de la personnalité de Mao Zedong
Le culte de la personnalité de Mao Zedong a glorifié Mao Zedong depuis la Longue Marche jusqu'à sa mort en 1976 à la fin de la révolution culturelle. Les médias de masse, la propagande et une série d'autres techniques ont été utilisées par le Parti communiste pour élever le statut de Mao Zedong à celui d'un leader héroïque infaillible, capable de se dresser contre l'Occident et de guider la Chine à devenir un leader du communisme. Le culte est une imitation du culte de Joseph Staline[1].
Après la révolution culturelle, Deng Xiaoping et d'autres ont lancé le programme « Boluan Fanzheng » qui a invalidé la révolution culturelle et abandonné (et interdit) l'idéologie du culte de la personnalité[2] - [3] - [4]. Cependant, depuis que Xi Jinping a succédé au poste de secrétaire général du Parti communiste chinois en 2012, le culte de la personnalité a de nouveau été promu en Chine[5] - [6].
Historique
Origine
Le culte de la personnalité de Mao Zedong commence avec la longue marche (1935-1936)[7], lors de laquelle il s’impose comme un leader charismatique[8]. De nombreux chercheurs considèrent également la « campagne de rectification de Yan'an » comme l'origine du culte de la personnalité de Mao[9] - [10] - [11].
Développement
De la prise du pouvoir en 1949 jusqu'en 1976, le régime communiste chinois s'est identifié « à un seul homme, à un seul visage reproduit à des milliards d'exemplaires sur tous les supports imaginables »[12]. Certains portraits de Mao connaîtront une diffusion de plus d'un milliard de copies[7].
En 1957, Mao a lancé la « campagne anti-droitiste », qui était considérée comme une continuation de la « campagne de rectification de Yan'an » et a consolidé davantage le pouvoir du Parti communiste et de Mao en Chine continentale[13]. Cependant, le « Grand bond en avant » a causé des dizaines de millions de morts pendant la « Grande famine chinoise », forçant Mao à prendre un rôle semi-retraité en 1962[14] - [15]. La réputation de Liu Shaoqi, le 2e président de la Chine, est devenue si élevée que le statut de Mao[15] - [16]. En réponse, Mao a lancé le « mouvement d'éducation socialiste » en 1963.
De 1949 à 1962, Hou Bo sera la seule photographe officielle du Grand Timonier, le suivant dans tous ses déplacements et participant ainsi à la propagande du régime communiste[17] - [8].
Révolution culturelle
Le culte de Mao a atteint son apogée pendant la révolution culturelle chinoise (1966-1976). Ainsi pendant la révolution culturelle, le très officiel portrait de Mao Zedong de la place Tian'anmen, de Zhang Zhenshi, est diffusé à travers le pays à deux milliards deux cents millions d'exemplaires[18]. De même le tableau de Liu Chunhua, Le président Mao va à Anyuan, réalisé en 1967 par Liu Chunhua, est diffusé à 900 millions d'exemplaires pendant la révolution culturelle[19]. Concernant le tableau La Cérémonie de la Fondation de la Nation de Dong Xiwen, présentant Mao Zedong déclarant la création de la République, l’artiste doit le repeindre à chaque fois qu’un personnage du tableau disparaît de la scène politique chinoise.
Pendant la révolution culturelle, le chant L'Orient est rouge est à la gloire de Mao[20].
- L'Orient est rouge, le soleil se lève,
- La Chine a vu naître Mao Zedong,
- Il œuvre pour le bonheur du peuple,
- Hourra, il est la grande étoile sauvant le peuple !
- Le Président Mao aime le peuple,
- Il est notre guide,
- Pour créer une Chine nouvelle,
- Hourra, il nous montre la voie de l'avenir !
Les Citations du Président Mao Zedong, plus connues en français sous le nom de Petit livre rouge, est un des vecteurs les plus diffusés du culte de Mao Zedong : « L'Armée Populaire de la Libération est la Grande École de la pensée de Mao Zedong »[21].
L'universitaire Michel Bonnin indique que pour Mao, « régulièrement comparé à un soleil rouge, tout devait se fondre dans une unité immense et radieuse, dont il était bien sûr le centre »[22]. Pour le sinologue Claude Hudelot une « véritable religion est née »[18].
Répressions
Dans son ouvrage La Forêt en feu : essais sur la culture et la politique chinoises, le sinologue Simon Leys rapporte l'exécution d'un homme, d'une balle dans la nuque, coupable d'avoir dégradé un portrait de Mao Zedong. C'est sa propre fille, âgée de douze ans, qui a dénoncé le coupable! L'enfant est donnée en exemple par la propagande communiste, son héroîsme est mis en avant. Elle devient une « loyale enfant du Parti ». Simon Leys mentionne que si cette situation génère un scandale en occident, ce n'est rien en comparaison des réactions des Chinois. La piété filiale fait partie de la culture chinoise depuis deux mille cinq cents ans[23].
Le portrait de Mao Zedong de la place Tian'anmen a été plusieurs fois dégradé. Ainsi en 1989 lors des manifestations de la place Tian'anmen trois hommes originaires de la province du Hunan, Yu Zhijian, Yu Dongyue et Lu Decheng, jettent de la peinture sur le tableau de Mao Zedong[24] - [25]. Ces trois jeunes gens sont ensuite condamnés à des peines de prison, respectivement à la perpétuité, à vingt et seize ans de réclusion[26]. Deux d'entre eux, Yu Zhijian et Lu Decheng, sont libérés au bout de dix ans, et Yu Dongyue l'est après une détention de dix-sept ans.
En , Gu Haiou, un chômeur, venu de la province chinoise du Xinjiang a lancé un projectile enflammé sur le portrait de Mao Zedong et ce malgré la présence de centaines de policiers sur les lieux. Il a immédiatement été arrêté. Le tableau a gardé une tache noirâtre toute la journée avant d'être remplacé, pendant la nuit, par un tableau similaire[27]. En , un Chinois âgé de 42 ans, Sun Bing, a lancé un pot d'encre sur le tableau. Il a été condamné à quatorze mois de prison pour n'avoir « pas tenu compte des lois du pays, d'avoir suscité des troubles à l'ordre public et provoqué de graves désordres » selon le jugement du tribunal[28].
Mémoire
En 2011, une exposition intitulée The Culture of the Cultural Revolution – Personality Cult and Political Design in Mao’s China s'est tenue au musée d’ethnologie de la ville de Vienne[29].
En 2013, lors du 120e anniversaire de sa naissance, des cérémonies ont eu lieu dans toute la Chine. Une vidéo intitulée Rêve chinois de Mao évoque l'enfance du Grand Timonier et les épisodes glorieux de son règne[30].
Au XXIe siècle il apparaît un « tourisme rouge » autour du Grand Timonier. Ainsi le village natal de Mao Zedong, Shaoshan dans le Hunan, est toujours le lieu de pèlerinage pour de nombreux Chinois[31].
En 2019, le magazine Bitter Winter mentionne que plusieurs temples sont obligés d’afficher des portraits ou de détenir des sculptures des anciens et nouveaux dirigeants du Parti communiste chinois. Ainsi des représentations de Mao Zedong et Xi Jinping doivent être présentes[32].
Notes et références
- (en) « Mao at his death left China backward but, ironically, ready for reform, Stanford scholar says | Stanford News Release », sur news.stanford.edu, (consulté le ).
- (en) Aris Teon, « Deng Xiaoping On Personality Cult And One-Man Rule – 1980 Interview », sur The Greater China Journal, (consulté le ).
- (en) Zheping Huang, « Xi Jinping could now rule China for life—just what Deng Xiaoping tried to prevent », sur Quartz (consulté le ).
- « 第八章: 十一届三中全会开辟社会主义事业发展新时期 », sur cpc.people.com.cn (consulté le ).
- (en) Luwei Rose Luqiu, « The Reappearance of the Cult of Personality in China », East Asia, vol. 33, no 4, , p. 289–307 (ISSN 1874-6284, DOI 10.1007/s12140-016-9262-x, lire en ligne).
- (en) « Xi personality cult brings back memories of 1960s China », sur South China Morning Post, (consulté le ).
- Hudelot 2009, p. 24.
- La propagande au cinéma : Quelles sont les caractéristiques du cinéma de propagande dans les États totalitaires ?« Le culte de la personnalité de Mao prend ses racines dans la «Longue Marche» lors de laquelle il s’impose comme un leader charismatique. Par ailleurs, son surnom de « Grand timonier » lui vient de cet épisode : la Chine étant un grand navire difficilement gouvernable, il fallait un grand capitaine (un timonier se trouve à la barre d’un bateau) capable de tenir fermement la barre. Il se fit photographier des centaines de fois en position de capitaine, notamment par la photographe Hou Bo. »
- Mark Selden, « Yan'an Communism Reconsidered », Modern China, vol. 21, no 1, , p. 8–44 (ISSN 0097-7004, lire en ligne).
- Noriyuki Tokuda, « Yenan Rectification Movement: Mao Tse-Tung's Big Push toward Charismatic Leadership during 1941-1942 ».
- (zh) Fang He, « “延安整风”与个人崇拜 », sur Modern China Studies (consulté le ).
- Hudelot 2009, p. 5.
- (en) Gilbert King, « The Silence that Preceded China's Great Leap into Famine » [archive du ], sur Smithsonian (consulté le ).
- (en) Roderick MacFarquhar, The Origins of the Cultural Revolution: Volume III, the Coming of the Cataclysm 1961--1966, Columbia University Press, (ISBN 978-0-231-11083-9, lire en ligne).
- « Three Chinese Leaders: Mao Zedong, Zhou Enlai, and Deng Xiaoping | Asia for Educators | Columbia University », sur afe.easia.columbia.edu (consulté le ).
- Hua Gao, « 从《七律·有所思》看毛泽东发动文革的运思 », sur Chinese University of Hong Kong (consulté le ).
- Claude Hudelot Lu / La Voie propagandiste de Hou Bo et Xu Xiaobing 17 octobre 2013.
- Hudelot 2009, p. 48.
- Les fondateurs de la Chine nouvelle dans la peinture chinoise China today.
- Un culte personnalisé l'Opinion, 17 juillet 2016.
- Comment construire son culte de la personnalité en images : L'exemple de Mao Zedong Slate, 4 octobre 2010.
- Bonnin 2004, p. 404.
- Boncenne 2015, p. 136 - 137.
- (en) « The Gate of Heavenly Peace », sur tsquare.tv, Long Brow Group, (consulté le ).
- (en) « Interview with Liu Binyan », sur hrw.org, (consulté le ).
- (en) Macartney, Jane, « Mao portrait saboteurs Yu Dongyue and Yu Zhijian granted asylum in America », sur timesonline.co.uk, (consulté le ).
- Le portrait de Mao vandalisé sur la place Tian'anmen Le Figaro, 14 mai 2007.
- Chine: 14 mois de prison pour avoir jeté de l'encre sur le portrait de Mao BFMTV, 22 avril 2015.
- Le culte de la personnalité de Mao Zedong à Vienne AMA, 1 aout 2011.
- En Chine, le culte de Mao reste vivace 120 ans après sa naissance RFI, 26 décembre 2013.
- Chine à Shaoshan le souvenir de Mao rapporte gros France 24, 27 décembre 2013.
- Les temples sont forcés d’adorer le dirigeant politique Mao Zedong Bitter Winter, 6 avril 2019.
Bibliographie
- Claude Hudelot, Le Mao, Rodez, Le Rouergue, , 476 p. (ISBN 978-2-8126-0042-5)
- Michel Bonnin, Génération perdue. Le mouvement d'envoi des jeunes instruits à la campagne en Chine, 1968-1980, Paris, EHESS, , 491 p. (ISBN 2-7132-2016-5)
- Pierre Boncenne, Le Parapluie de Simon Leys, Paris, Philippe Rey, , 250 p. (ISBN 978-2-84876-446-7)