AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

ContrĂŽle coercitif

Le contrĂŽle coercitif est une forme insidieuse et continue de violence, souvent dans un contexte conjugal. Le contrĂŽle coercitif a une dynamique genrĂ©e puisqu’il est surtout infligĂ© Ă  des femmes par des hommes[1]. Les professeurs Isabelle CĂŽtĂ© et Simon Lapierre dĂ©crivent le contrĂŽle coercitif comme des « micro-rĂ©gulations du quotidien »[2]. Le contrĂŽle coercitif peut comprendre des incidents de violence prĂ©cis et des stratĂ©gies de contrĂŽle moins visibles, notamment du gaslighting, des menaces voilĂ©es, de l’isolement et des restrictions arbitraires imposĂ©es par l’agresseur[2]. En d’autres mots, le contrĂŽle coercitif est la trame gĂ©nĂ©rale dans laquelle se dĂ©roule plusieurs abus et il permet de comprendre que ceux-ci sont liĂ©s les uns aux autres, mĂȘme s’ils sont de nature diffĂ©rente.

Cela conduit la victime Ă  vivre de l’isolement, de l’auto-culpabilisation, de l’hypervigilance, et une diminution de l'estime personnelle et de l’autonomie. Certaines victimes ont rapportĂ© des niveaux Ă©levĂ©s d’anxiĂ©tĂ© et des crises de panique[3].

Le contrĂŽle coercitif peut inclure des actes de violence physique, quoique pas nĂ©cessairement. Si elle survient, la violence physique n’est pas un Ă©vĂ©nement distinct ou exceptionnel de la dynamique relationnelle: elle est plutĂŽt un outil dĂ©ployĂ© par l’agresseur pour mieux contrĂŽler la victime. Le conjoint violent peut menacer de recourir Ă  la force, et parfois y recourir, comme stratĂ©gie pour instaurer un climat de terreur et rĂ©affirmer son contrĂŽle[2]. Un unique Ă©pisode de violence physique peut d’ailleurs « suffire Ă  terroriser une victime pendant plusieurs annĂ©es »[2]. On note aussi que la prĂ©sence du contrĂŽle coercitif dans une relation est un prĂ©dicateur de violences aggravĂ©es, y compris de violences sexuelles, de fĂ©minicides et de filicides[4].

C’est le professeur Evan Stark qui, en 2007, conceptualise le contrĂŽle coercitif dans son ouvrage-phare Coercive Control: How Men Entrap Women in Personal Life. Il y explique que les hommes ont recours au contrĂŽle coercitif comme outil de subordination des femmes. Stark estime que les hommes se sont adaptĂ©s Ă  l’avancĂ©e des droits des femmes en adoptant des « stratĂ©gies de contrĂŽle et de domination moins ouvertement visibles, plus subtiles, mais tout aussi dĂ©vastatrices »[2]. Stark rapproche le contrĂŽle coercitif d’une cage dans laquelle la victime se sent prise au piĂšge[2].

Exemples de contrĂŽle coercitif

Les tactiques de contrĂŽle coercitif incluent :

  • Insulter la victime;
  • Isoler la victime de sa famille et de ses amis;
  • Imposer des rĂšgles de conduite arbitraires (par exemple, l’imposition d’un couvre-feu ou l’obligation de rĂ©pondre Ă  un texto dans un dĂ©lai de deux minutes);
  • Être prĂ©sent sans prĂ©avis sur les lieux de la victime pour la surveiller;
  • Bloquer l’accĂšs aux portes pendant des disputes;
  • Conduire dangereusement sous l’effet de la colĂšre alors que la victime est passagĂšre;
  • Accuser la victime d’infidĂ©litĂ©;
  • Refuser de consentir Ă  un traitement mĂ©dical ou Ă  une thĂ©rapie pour un enfant qu’il coparente avec la victime;
  • Insister pour avoir les mots de passe des rĂ©seaux sociaux de la victime;
  • Exiger une reddition de compte pour les dĂ©penses personnelles de la victime;
  • ContrĂŽler l’habillement de la victime;
  • Faire des blagues Ă  caractĂšre sexuel devant des tiers pour gĂȘner la victime;
  • Cracher sur la victime;
  • Menacer la victime de suicide si elle quitttait la relation[2] - [5].

Le contrĂŽle coercitif est un cumul de tactiques abusives qui existent les unes par rapport aux autres. Cela signifie qu’une personne qui accuserait sa partenaire d’infidĂ©litĂ© Ă  une reprise, dans une relation autrement saine, ne commet pas nĂ©cessairement de contrĂŽle coercitif. Cet Ă©vĂ©nement sera constitutif d’un abus si il fait partie d’un schĂ©ma plus large d’humiliation, de micro-gestion et d’isolement.

Le contrĂŽle coercitif est parfois traitĂ© par les tribunaux. Dans Droit de la famille - 22121, la Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec ordonne la garde exclusive de deux enfants Ă  une mĂšre victime de contrĂŽle coercitif. Durant leur relation, son ex-conjoint lui adresse des injures et tient des propos dĂ©nigrants envers elle. Il frappe les murs lorsqu’il est sous le coup de la colĂšre, parfois devant les enfants du couple. AprĂšs la naissance de leur nouvel enfant, le pĂšre raconte Ă  son entourage que sa conjointe est en dĂ©pression postpartum, ce qu’elle nie, et ce qui lui cause de l’embarras. Le pĂšre dĂ©montre une « gentillesse exemplaire » devant son entourage, et adopte un comportement abusif en privĂ©. À la suite de leur sĂ©paration, lorsque les enfants reviennent de chez leur pĂšre, ils tiennent des propos inquiĂ©tants, notamment: « Tu vas aller dans le ciel et je vais rester chez papa tous les jours. Papa me l’a dit. [Il] va aller au ciel aussi. »[6]

Dans L.V. et Y.R., la Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec retient qu’une femme exerce du contrĂŽle coercitif auprĂšs de sa mĂšre atteinte de dĂ©mence de type Alzheimer. La Cour retient que la fille Ă©coute les appels tĂ©lĂ©phoniques de sa mĂšre, qu’elle l’empĂȘche de recevoir les confidences d’une autre de ses filles, qu’elle isole sa mĂšre de ses autres enfants, qu’elle obstrue les soins mĂ©dicaux que sa mĂšre doit recevoir, et qu’elle abuse financiĂšrement de sa mĂšre. Le Cour note aussi qu’il y a eu un changement d’attitude notable chez la mĂšre qui, lorsque sa fille s’est immiscĂ©e dans sa vie, est devenue taciturne et peu bavarde avec le personnel de l’hĂŽpital oĂč elle reçoit des soins[7].

Impacts négatifs du contrÎle coercitif sur les enfants

Dans un contexte familial, le contrĂŽle coercitif est un choix parental qui est prĂ©judiciable aux enfants. Les enfants sont souvent exposĂ©s aux abus subis par leur parent, et peuvent ĂȘtre ciblĂ©s ou mĂȘme utilisĂ©s par leur pĂšre pour contrĂŽler leur mĂšre[8]. Par exemple, une Ă©tude qualitative menĂ©e au Royaume-Uni a rĂ©vĂ©lĂ© que les pĂšres abusifs empĂȘchent souvent leurs enfants d’interagir avec leurs mĂšre et grand-parents, de rendre visite Ă  leurs ami.e.s et de participer Ă  des activitĂ©s parascolaires. La chercheuse Emma Katz explique que le contrĂŽle coercitif place les enfants dans un monde « isolĂ© » et « contraint », ce qui peut empĂȘcher leur croissance Ă©motionnelle[9]. Une autre Ă©tude a documentĂ© comment le parent abusif parvient parfois Ă  contrĂŽler sa conjointe ou son ex-conjointe en recrutant leurs enfants pour saper leur relation avec leur mĂšre, et l’isoler davantage au sein de l’unitĂ© familiale.

L’étude met en Ă©vidence la maniĂšre dont un perpĂ©trateur peut « plaisanter et jouer, dĂ©pense de l’argent pour eux [les enfants] ou les emmener faire des choses » afin de former une alliance, ce qui peut amener les enfants Ă  considĂ©rer le parent violent comme « amusant » et Ă  blĂąmer le parent non-violent pour l’abus[10]. [notre traduction]

Aussi, les enfants sont privĂ©s de la disponibilitĂ© Ă©motionnelle de leur parent abusĂ©. La thĂ©rapeute Danielle McLeod a expliquĂ© comment un pĂšre abusif peut « s’attaquer au rĂŽle parental de la victime » et cibler le respect des enfants pour leur mĂšre. Cette tactique laissera souvent les mĂšres « Ă©motionnellement Ă©puisĂ©es et distantes » puisque leur conjoint ou ex-conjoint les fait sentir “qu’elles n’ont plus rien Ă  donner en tant que parent”[10].

Facteurs de risque

Ce sont majoritairement des hommes qui font subir le contrÎle coercitif à leur conjointe[2]. Ces violences perdurent souvent dans un contexte post-séparation[2]. La rupture est un moment particuliÚrement dangereux pour les femmes qui subissent un contrÎle coercitif, qui deviennent alors à risque de subir des violences graves, notamment le féminicide et le filicide[2].

Le contrĂŽle coercitif et le droit

Angleterre et Pays de Galles

Le contrĂŽle coercitif est criminalisĂ© par l’article 76 de la loi de 2015 sur les crimes graves, le Serious Crimes Act 2015. Cette disposition est souvent citĂ©e comme le premier exemple de criminalisation du contrĂŽle coercitif. L’infraction se concentre sur le grave effet d’un comportement contrĂŽlant ou coercitif. Elle se produit donc lorsque le comportement fait craindre Ă  la victime qu’elle subira de la violence Ă  plus d’une occasion, ou si la victime est sĂ©rieusement alarmĂ©e ou bouleversĂ©e au point que ses activitĂ©s quotidiennes en soient nĂ©gativement affectĂ©es.

La loi de 2015 a été complétée par un guide sur le contrÎle coercitif en milieu familial, le Statutory Guidance Framework on Controlling or Coercive Behaviour in an Intimate or Family Relationship. Le document fournit une liste non-exhaustive de types de comportements associés au contrÎle coercitif, notamment:

  • Isoler la victime de son entourage;
  • Priver la victime de ses besoins de base;
  • Superviser l’emploi du temps de la victime;
  • Surveiller la victime via des outils de communication en ligne ou des logiciels espions;
  • ContrĂŽler la vie quotidienne de la victime, par exemple les endroits oU elle peut aller, les personnes qu’elle peut frĂ©quenter, les vĂȘtements qu’elle peut porter, et l’heure Ă  laquelle elle peut dormir;
  • Priver la victime de son accĂšs Ă  des services de soutien, notamment Ă  du soutien spĂ©cialisĂ© ou Ă  des soins mĂ©dicaux;
  • Rabaisser Ă  plusieurs reprises la victime, par exemple en lui disant qu’elle ne vaut rien;
  • Imposer des rĂšgles et des activitĂ©s humiliantes, dĂ©gradantes ou dĂ©shumanisantes;
  • Forcer la victime Ă  participer Ă  des activitĂ©s criminelles, par exemple Ă  un vol Ă  l’étalage et Ă  la nĂ©gligence ou Ă  la maltraitance d’enfants, pour encourager l’auto-culpabilisation et empĂȘcher la divulgation de l’abus aux autoritĂ©s;
  • Abuser financiĂšrement de la victime, y compris en contrĂŽlant ses finances au moyen, par exemple, d’une allocation punitive;
  • Menacer la victime de la blesser ou de la tuer;
  • Menacer un enfant;
  • Menacer de rĂ©vĂ©ler des informations privĂ©es, ou de les publier, par exemple de dĂ©voiler l’orientation sexuelle confidentielle d’une personne;
  • DĂ©truire ou endommager des biens;
  • Agresser sexuellement la victime;
  • EmpĂȘcher la victime d’avoir accĂšs au transport ou de travailler[11].

La loi de 2021 sur la violence domestique, le Domestic Abuse Act 2021, dĂ©finit la violence domestique comme un comportement contrĂŽlant ou coercitif, de l’abus Ă©conomique et de la violence psychologique, Ă©motionnelle ou autre. L’abus Ă©conomique recoupe le contrĂŽle coercitif car il dĂ©signe tout comportement ayant des effets nĂ©gatifs importants sur la capacitĂ© de la victime Ă  acquĂ©rir, utiliser ou conserver de l’argent ou d’autres biens ou Ă  obtenir des biens et des services[12].

Canada

En 2019, le parlement fĂ©dĂ©ral a modifiĂ© la Loi sur le divorce et y a inclus le contrĂŽle coercitif. La nouvelle mouture de la Loi sur le divorce redĂ©finit la violence familiale pour y inclure toute conduite « violente ou menaçante, qui dĂ©note, par son aspect cumulatif, un comportement coercitif et dominant »[13]. La dĂ©finition inclut une liste non-exhaustive d’exemples de contrĂŽle coercitif, parmi lesquels l’isolement forcĂ©, le harcĂšlement (y compris la traque), le dĂ©faut de fournir les choses nĂ©cessaires Ă  l’existence, les mauvais traitements psychologiques, l’exploitation financiĂšre, et les menaces ou le fait de tuer ou blesser un animal ou d’endommager un bien[13].

La Loi sur le divorce prĂ©voit dĂ©sormais que le tribunal doit tenir compte du contrĂŽle coercitif lorsqu’il dĂ©termine le meilleur intĂ©rĂȘt de l’enfant, ce qui peut notamment influer sur la garde de l’enfant et le partage des responsabilitĂ©s parentales[13]. Lorsqu’il a amendĂ© la Loi sur le divorce, le ministĂšre de la Justice du Canada a commentĂ©: « [...] bien que toute forme de violence soit prĂ©occupante, la violence de nature coercitive et dominante constitue gĂ©nĂ©ralement le type de violence le plus grave dans le contexte du droit de la famille, en raison de son aspect cumulatif et du danger accru qu’elle reprĂ©sente. De plus, elle est davantage susceptible d’affecter les capacitĂ©s parentales. »[14]

En 2021, un dĂ©putĂ© a dĂ©posĂ© le projet de loi C-202, qui visait Ă  introduire une infraction spĂ©cifique au contrĂŽle coercitif dans le Code criminel. Le projet de loi C-202 tenait compte des effets prĂ©judiciables du contrĂŽle coercitif sur la santĂ© physique ou mentale, et sur les activitĂ©s quotidiennes de la victime. Il incluait une liste d’effets prĂ©judiciables (1) craindre Ă  plus d’une reprise de subir de la violence; (2) entraver la capacitĂ© de la victime Ă  prĂ©server le bien-ĂȘtre de ses enfants; (3) changer ou restreindre les activitĂ©s sociales ou les communications de la victime avec d’autres personnes; (4) les absences au travail ou Ă  l’école; et (5) les changements d’adresse[15].

Les tribunaux canadiens ont aussi puni le contrĂŽle coercitif via des offenses gĂ©nĂ©rales dĂ©jĂ  existantes, notamment le mĂ©fait[16] - [17] - [18], le vol[16] - [18], les menaces[17], l’extorsion[19], le harcĂšlement[20] - [21], les voies de fait[20], et l’intimidation[21] - [22].

Écosse

La loi de 2018 sur la violence domestique, le Domestic Abuse Act 2018, criminalise la violence conjugale, ce qui inclut implicitement le contrĂŽle coercitif. Un comportement abusif est dĂ©fini comme un « modĂšle de comportement » qui, intentionnellement ou par imprudence, fait subir Ă  une partenaire ou Ă  une ex-partenaire un prĂ©judice psychologique ou physique[23]. Ces actes et leurs effets rendent la victime dĂ©pendante ou subordonnĂ©e; isolent la victime de son rĂ©seau de soutien; contrĂŽlent, rĂ©glementent et surveillent les activitĂ©s quotidiennes de la victime; privent ou restreignent la libertĂ© d’action de la victime; et effraient, humilient, dĂ©gradent ou punissent la victime. L’infraction peut Ă©galement se produire par le biais d’actes envers des biens et par des omissions intentionnelles[23].

États-Unis

Le droit de la famille relĂšve principalement de la compĂ©tence des États aux États-Unis. Par consĂ©quent, les États abordent inĂ©galement le contrĂŽle coercitif par le biais de leur lĂ©gislation.

Le Battered Women’s Justice Project rapporte que 8 États ou territoires mentionnent explicitement le contrĂŽle coercitif dans leurs lois (Arkansas, California, Connecticut, Hawaii, Maine, Michigan, Oklahoma et Puerto Rico)[24]. Le Michigan, par exemple, prĂ©voit qu’une ordonnance de protection peut ĂȘtre accordĂ©e si une personne:

(f) InterfĂšre avec les efforts [d’une victime] pour retirer ses enfants ou biens personnels des locaux qui appartiennent ou qui sont louĂ©s par [l’individu abusif]; (g) InterfĂšre avec [la victime] sur son lieu de travail ou d’apprentissage ou adopte une conduite qui porte atteinte Ă  leur relation ou environnement de travail ou d’apprentissage[25]. [notre traduction]

9 autres États ou districts font implicitement rĂ©fĂ©rence au contrĂŽle coercitif dans leurs lois (Colorado, Delaware, Columbia, Illinois, Mississippi, Missouri, Montana, Nebraska et Oregon)[24].

France

En 2010, le Parlement français modifie le Code pĂ©nal pour inclure les violences psychologiques dans les atteintes volontaires Ă  l’intĂ©gritĂ© de la personne[26]. Une nouvelle disposition spĂ©cifie que le harcĂšlement moral peut ĂȘtre le fait de harceler sa partenaire par des propos ou comportements rĂ©pĂ©tĂ©s qui ont pour objet ou pour effet une dĂ©gradation de ses conditions de vie[27].

En 2020, le Code pĂ©nal a encore Ă©tĂ© modifiĂ© pour aggraver les sanctions applicables aux communications malveillantes et rĂ©pĂ©titives Ă©mises en vue de troubler la tranquillitĂ© d’autrui[26]. L’atteinte Ă  la vie privĂ©e par la gĂ©olocalisation sans le consentement de la personne est dĂ©sormais punie[28]. Le fait d’usurper l’identitĂ© d’une partenaire ou de faire usage d’une ou plusieurs donnĂ©es de toute en vue de troubler sa tranquillitĂ© ou de porter atteinte Ă  son honneur est Ă©galement criminalisĂ©[28]. Le Parlement français a Ă©galement criminalisĂ© le fait, commis de mauvaise foi, d’atteindre au secret des correspondances en interceptant ou en divulguant des communications Ă©lectroniques ou d’installer des appareils qui permettent ces interceptions[29]. Toutes ces offenses sont plus sĂ©vĂšrement sanctionnĂ©es si elles sont commises dans un contexte conjugal.

Le droit de la famille français aborde aussi implicitement le contrĂŽle coercitif. Le Code civil prĂ©voit depuis 2010 qu’un tribunal qui se prononce sur les modalitĂ©s de l’exercice de l’autoritĂ© parentale doit considĂ©rer les violences, physiques ou psychologiques, qu’un parent fait subir Ă  un autre[30]. En 2020, le Parlement français a retirĂ© l’obligation d’une mĂ©diation pour une instance de divorce dans les cas oĂč il y a allĂ©gations de violences ou emprise manifeste de l’un des Ă©poux sur l’autre[31].

Critiques des réponses étatiques au contrÎle coercitif

Plusieurs expert.e.s reprochent aux intervenant.e.s judiciaires et sociaux de fragmenter les incidents de violence conjugale en Ă©pisodes distincts Ă©talĂ©s dans le temps, plutĂŽt que de les inscrire dans une dynamique relationnelle abusive[2]. On parlera par exemple d’un ‘seul’ incident de voie de fait survenu il y a des annĂ©es, en omettant la terreur durable que l’incident a pu gĂ©nĂ©rer chez la victime.

Des expert.e.s reprochent également aux intervenant.e.s qui accompagnent des femmes dans leur processus de séparation de peiner à distinguer les conflits conjugaux de la violence conjugale. CÎté et Lapierre notent par exemple que les tribunaux ont tendance à recourir à un langage inapproprié pour caractériser la violence conjugale. Un.e juge emploiera par exemple le terme « querelle » ou « conflit » plutÎt que « contrÎle coercitif », et ce faisant oblitÚre le rapport de domination qui caractérise la relation[2].

La notion non-empirique du syndrome d’aliĂ©nation parentale est Ă©galement dĂ©noncĂ©e par plusieurs expert.e.s comme une manipulation des processus juridiques par les ex-conjoints abusifs. Selon la chercheuse Suzanne Zaccour, la thĂ©orie du syndrome d’aliĂ©nation parentale est utilisĂ©e pour rejeter le blĂąme sur la mĂšre-victime lorsqu’il s’agit d’« expliquer le refus d’un enfant de voir un parent (souvent le pĂšre) » [notre traduction][32]. Cela « conduit les tribunaux Ă  ordonner des transferts de garde parfois drastiques et Ă  empĂȘcher tout contact entre l’enfant et son parent prĂ©fĂ©rĂ© » [notre traduction][32]. Zaccour a documentĂ© que la violence conjugale est largement rĂ©pandue dans les affaires d’aliĂ©nation parentale, et que les tribunaux ne parviennent pas Ă  identifier la violence dont les mĂšres tentent de protĂ©ger leurs enfants et de se protĂ©ger elle-mĂȘme. Ce faisant, les tribunaux oblitĂšrent la violence conjugale et punissent les mĂšres pour avoir ‘aliĂ©né’ leurs enfants[32].

Les forces de police ont une difficultĂ© dĂ©montrĂ©e Ă  identifier le contrĂŽle coercitif: les agent.e.s minimisent souvent les violences qui ne sont pas physiques, et se concentrent consĂ©quemment sur des incidents de violence physique plutĂŽt que sur l’abus gĂ©nĂ©ralisĂ© qui caractĂ©rise une relation de contrĂŽle coercitif[33].

Des expert.e.s dĂ©noncent Ă©galement les problĂšmes d’arrimage entre les diffĂ©rents tribunaux qui surviennent typiquement dans les instances de violence conjugale. Les mĂȘmes faits peuvent donner lieu Ă  des recours devant diverses instances, notamment en droit de la famille, en droit pĂ©nal et criminel, en responsabilitĂ© extracontractuelle et en protection de la jeunesse. DĂ©pendamment de la juridiction, une victime peut donc avoir Ă  re-raconter son abus plusieurs fois Ă  plusieurs cours. Lorsque diffĂ©rentes cours sont saisies d’une mĂȘme affaire impliquant les mĂȘmes parties, il arrive aussi qu’elles rendent des dĂ©cisions contradictoires[34].

Liens externes

Juripop, Violences conjugales et post-séparation (formations gratuites)[35]

Refuge pour les femmes de l’Ouest de l’Île (2020), ContrĂŽle coercitif: Outils complĂ©mentaires au guide d’accompagnement[5]

Références

  1. (en) Karla Elliott, « Research Brief: Coercive Control » [PDF], sur Monash Gender and Family Violence, (consulté le )
  2. Isabelle CĂŽtĂ© et Simon Lapierre, « Pour une intĂ©gration du contrĂŽle coercitif dans les pratiques d’intervention en matiĂšre de violence conjugale au QuĂ©bec », Intervention,‎ (lire en ligne [PDF])
  3. (en) Liz Kelly, Nicola Sharp et Renate Klein, « Finding the Costs of Freedom: How women and children rebuild their lives after domestic violence » [PDF], sur Solace Women's Aid, (consulté le )
  4. Myrna Dawson, Danielle Sutton, Michelle Carrigan, Valérie Grand'Maison, Danielle Bader, Angelika Zecha et Ciara Boyd, « #Cestunfémicide: Comprendre les meurtres des femmes et des filles basés sur le genre au Canada en 2019 » [PDF], sur Observatoire canadien du féminise pour la justice et la responsabilisation, (consulté le )
  5. Refuge pour les femmes de l'Ouest de l'Île, « ContrĂŽle coercitif: Outils complĂ©mentaires au guide d'accompagnement » [PDF], sur Refuge pour les femmes de l'Ouest de l'Île, n/a (consultĂ© le )
  6. Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec, « Droit de la famille — 22121, 2022 QCCS 326 », sur CanLII, (consultĂ© le )
  7. Cour supérieure du Québec, « L.V. et Y.R., 2022 QCCS 4924 », sur CanLII, (consulté le )
  8. (en) Evan Stark et Marianne Hester, « Coercive Control: Update and Review », Violence Against Women,‎ (lire en ligne [PDF])
  9. (en) Emma Katz, « Beyond the Physical Incident Model: How Children Living with Domestic Violence are Harmed By and Resist Regimes of Coercive Control », Child Abuse Review,‎ (lire en ligne AccĂšs payant)
  10. (en) Danielle McLeod, « Coercive control: Impacts on children and young people in the family environment » [PDF], sur SafeLives, (consulté le )
  11. (en) Home Office, « Controlling or Coercive Behaviour in an Intimate or Family Relationship: Statutory Guidance Framework » [PDF], sur United Kingdom Government, (consulté le )
  12. (en) UK Public General Acts, « Domestic Abuse Act 2021 », sur legislation.gov.uk, (consulté le )
  13. MinistÚre de la Justice, « Loi sur le divorce », sur Gouvernement du Canada, (consulté le )
  14. MinistÚre de la Justice, « Modifications à la Loi sur le divorce expliquées », sur Gouvernement du Canada, (consulté le )
  15. Chambre des communes du Canada, « Projet de loi C-202: Loi modifiant le Code criminel (conduite contrÎlante ou coercitive) », sur Parlement du Canada, (consulté le )
  16. Cour du Québec, « R. c. Beaudin, 2021 QCCQ 7786 », sur CanLII, (consulté le )
  17. (en) Ontario Superior Court of Justice, « R. v. C.H., 2021 ONSC 8146 », sur CanLII, (consulté le )
  18. Cour du Québec, « R. c. Cloutier-Gaumond, 2020 QCCQ 8061 », sur CanLII, (consulté le )
  19. (en) Ontario Court of Justice, « R. v. O.K., 2020 ONCJ 189 », sur CanLII, (consulté le )
  20. Cour municipale de la Ville de Montréal, « R. c. Belhimeur, 2012 QCCM 194 », sur CanLII, (consulté le )
  21. (en) Ontario Superior Court of Justice, « R. v. M.H., 2014 ONSC 36 », sur CanLII, (consulté le )
  22. Cour municipale de la Ville de Montréal, « R. c. Trépanier, 2018 QCCM 107 », sur CanLII, (consulté le )
  23. (en) Scottish Parliament, « Domestic Abuse (Scotland) Act 2018 », sur legislation.gov.uk, (consulté le )
  24. (en) Battered Women's Justice Project, « Coercive Control Codification Matrix » [PDF], (consulté le )
  25. (en) Michigan Legislature, « Revised Judicature Act of 1961 (excerpt): Act 236 of 1961 », (consulté le )
  26. Assemblée nationale, « Code pénal: Paragraphe 2 : Des violences (Articles 222-7 à 222-16-3) », sur Légifrance, (consulté le )
  27. Assemblée nationale, « Code pénal: Section 5 : Du harcÚlement moral (Articles 222-33-2 à 222-33-2-3) », sur Légifrance, (consulté le )
  28. Assemblée nationale, « Code pénal : Section 1 : De l'atteinte à la vie privée (Articles 226-1 à 226-7) », sur Légifrance, (consulté le )
  29. Assemblée nationale, « Code pénal : Paragraphe 2 : De l'atteinte au secret des correspondances (Article 226-15) », sur Légifrance, (consulté le )
  30. Assemblée nationale, « Code civil : Paragraphe 3 : De l'intervention du juge aux affaires familiales ... (Articles 373-2-6 à 373-2-13) », sur Légifrance, (consulté le )
  31. Assemblée nationale, « Code civil : Paragraphe 2 : Des mesures provisoires. (Articles 254 à 256) », sur Légifrance, (consulté le )
  32. (en) Suzanne Zaccour, « Does Domestic Violence Disappear from Parental Alienation Cases? Five Lessons from Quebec for Judges, Scholars, and Policymakers », Canadian Journal of Family Law,‎ , p. 307 (lire en ligne [PDF])
  33. Carmen Gill, « Comprendre le contrĂŽle coercitif dans le contexte de la violence entre partenaires intimes au Canada : Comment traiter la question par l’entremise du systĂšme de justice pĂ©nale? » [PDF], sur UNB Fredericton, (consultĂ© le )
  34. Célyne Lalande et Sonia Gauthier, « Répondre aux problÚmes d'arrimage entre les tribunaux en présence de violence conjugale » [PDF], sur https://www.trajetvi.ca/files/publications/1461159647_fiche-synth-se-r-pondre-aux-probl-mes-d-arrimage.pdf, (consulté le )
  35. Juripop, « Violences conjugales et sexuelles: Formations gratuites » (consulté le )
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.