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Contestation sociale dans les Territoires palestiniens

La Contestation sociale dans les Territoires palestiniens fait référence à la « colère sociale » dans les Territoires palestiniens aussi nommés Cisjordanie, qui a débuté fin août 2012. Cette contestation a été provoquée par la hausse des prix des denrées de base et suivie par des appels à « dégager » adressés au Premier ministre palestinien Salam Fayyad ; elle évoque une réplique palestinienne du printemps arabe.

Contexte

Le gouvernement palestinien de Ramallah fait face à une sérieuse crise budgétaire relative au Protocole de Paris de 1994 régissant les relations économiques entre Israël et l’OLP, qui lui interdit « de baisser les prix du carburant de plus de 15 % par rapport à ceux pratiqués en Israël ». Ce protocole signé le à Paris accorde « une liberté économique limitée » aux Palestiniens et oblige, entre autres mesures, le gouvernement israélien à rétrocéder aux Palestiniens les taxes perçues au bénéfice de l'Autorité palestinienne.

Le politologue palestinien Khalil Chahine considère qu'une continuation et un développement de la contestation sont inévitables « parce que les citoyens [palestiniens] ont commencé à sentir qu’ils payent le prix du maintien de l’Autorité palestinienne » sans qu'elle ait obtenu la création d'un État palestinien indépendant « compte tenu des conditions israéliennes » . Un économiste palestinien, Nasser Abdelkarim, estime qu'il « incombe maintenant au gouvernement Fayyad de convaincre la rue qu’il est en mesure d’améliorer la situation économique, mais la confiance entre le gouvernement et les citoyens a commencé à se fissurer »[1]. Le Fatah du président Mahmoud Abbas tient Israël responsable de la crise palestinienne actuelle du fait de sa décision d'augmenter le prix du carburant qu'il juge « peut-être encore supportable pour la prospère économie israélienne » mais pas pour les Palestiniens en raison des écarts entre les salaires mensuels minimum respectifs[2].

Les protestations ont été déclenchées par la mort d’un Gazaoui de 17 ans, Ehab Abou al-Nada, qui s’est immolé par le feu le en protestation de ses conditions de travail. Il travaillait 13 heures par jour pour environ 6 euros afin d’aider sa famille à vivre. Son geste est semblable à celui de Mohamed Bouazizi, qui avait été à l’origine de la révolution en Tunisie en . Le , un habitant de Ramallah de 37 ans a aussi tenté de s'immoler mais en a été empêché par les forces de sécurité palestiniennes. Il réclamait que « l’Autorité palestinienne lui rembourse le voyage en Jordanie qu'il avait effectué pour tenter de faire soigner sa petite fille de 5 ans »[3].

Conjoncture Ă©conomique et politique

Les territoires palestiniens ont connu ces trois dernières annĂ©es une forte croissance Ă©conomique, en 2012 l'activitĂ© Ă©conomique a rĂ©gressĂ© et le chĂ´mage a augmentĂ© tant en Cisjordanie que dans la bande de Gaza. Selon The Wall Street Journal cette situation « rĂ©sulte pour beaucoup d'une attĂ©nuation marquĂ©e de l'aide des bailleurs de fonds internationaux, en particulier les pays arabes », citant Oussama Kanaan, qui dirige la mission du Fonds monĂ©taire international en Cisjordanie et Ă  Gaza, qui constate que l'aide Ă©trangère ne reprĂ©sentait que 11 % du PIB en 2011 contre 21 % en 2008. Le dĂ©ficit budgĂ©taire de l’AutoritĂ© palestinienne s'Ă©lève actuellement Ă  2,3 milliards de dollars, il est susceptible de s'accroitre encore plus [4]. Selon Naser Abdulkarim, professeur de finance Ă  l'UniversitĂ© de Beir Zeit Ă  Ramallah, « certains Palestiniens ont reconnu qu'une grande partie de la frustration est ancrĂ©e dans les attentes déçues Ă  partir de 2011, lorsque les dirigeants palestiniens ont Ă©tĂ© saluĂ©s par la communautĂ© internationale pour avoir construit une Ă©conomie et un gouvernement qui Ă©tait prĂŞt Ă  devenir autonomes, mais ont Ă©tĂ© rejetĂ©s par le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies lorsqu'ils ont dĂ©posĂ© une demande d'adhĂ©sion » Ă  l'ONU. Hormis leur frustration envers leurs dirigeants, de nombreux Palestiniens blâment IsraĂ«l pour la crise en raison des « entraves Â» Ă  l'activitĂ© Ă©conomique de la Cisjordanie et de Gaza que causeraient les check-points militaires israĂ©liens. Ces accusations sont rejetĂ©es par un responsable israĂ©lien qui affirme que « les deux parties ont signĂ© un accord de coopĂ©ration Ă©conomique cet Ă©tĂ© [2012] pour amĂ©liorer la coopĂ©ration en matière de recouvrement de l'impĂ´t. Â» ajoutant que le gouvernement actuel « a Ă©liminĂ© de nombreux barrages militaires. Â»[5].

Manifestations dans les Territoires palestiniens

Le , Ă  la suite des premières manifestations, le mouvement a pris de l'ampleur, les transports publics se sont mis en grève, les principaux accès aux villes de Cisjordanie ont Ă©tĂ© barrĂ©s par des manifestants qui se sont servis de rochers Ă  HĂ©bron et ont endommagĂ© des vĂ©hicules et le siège de la municipalitĂ© et lancĂ© des pierres sur la police palestinienne qui essayait de les disperser, de camions Ă  BethlĂ©em et Ă  Naplouse, oĂą des centaines de manifestants ont dĂ©filĂ© aux cris d' « Allahu akbar » en incendiant des pneus et jetant des pierres sur les policiers palestiniens, qui ont ripostĂ© avec des matraques et tirĂ© des coups de semonce. Ces affrontements ont fait plus de cinquante blessĂ©s [6].Des manifestations ont aussi eu lieu Ă  Ramallah[7]. Les fonctionnaires, qui n'ont perçu qu'une partie de leurs salaires du mois d'aoĂ»t, ont dĂ©butĂ© le une grève partielle[8]. A HĂ©bron, oĂą les islamistes du Hamas qui s'opposent Ă  Mahmoud Abbas comptent de nombreux partisans, les manifestants ont bombardĂ© de chaussures un portrait gĂ©ant de Salam Fayyad, l'accusant d’être un « collaborateur des AmĂ©ricains Â» et demandant sa dĂ©mission[6]. MalgrĂ© les nouvelles mesures annoncĂ©es par Salam Fayyad, des activistes palestiniens ont jurĂ© de continuer Ă  protester contre la chertĂ© de la vie, peu après la dĂ©claration du Premier ministre palestinien, des dizaines de manifestants ont dĂ©filĂ© Ă  Ramallah, scandant des slogans contre l'AutoritĂ© Palestinienne et les accords d'Oslo et ont aussi appelĂ© l'AutoritĂ© palestinienne Ă  cesser sa coordination sĂ©curitaire avec IsraĂ«l. Des policiers palestiniens les ont empĂŞchĂ©s d'approcher la Moukata prĂ©sidentielle, Mahmoud Abbas ne s'y trouvait pas Ă©tant en visite en Inde[9].

Revendications

Les manifestants demandent le départ de Mahmoud Abbas, de Salam Fayyad ainsi que « de l'ensemble des cadres de l'Autorité », les accusant « d'avoir failli à leurs responsabilités »[7]. Ils demandent aussi des programmes de protection sociale, la mise en en place d'un contrôle et d'une régulation sur les prix des denrées de base et des produits énergétiques qui ne cessent d'augmenter : depuis le les prix du gaz, de l’essence et du diesel ont enregistré une hausse variant entre 12 et 3 % en une semaine[3]

RĂ©ponses du gouvernement palestinien et du Fatah

Le , le Premier ministre Fayyad et les ministres concernés ont rencontré une centaine de personnalités du secteur privé et de la société civile qui ont proposé « une réduction des prix de certaines denrées et le versement des salaires à temps. » Ces propositions seront présentées le au Conseil des ministres palestinien[7].

Le , en rĂ©ponse aux violents affrontements, Fayyad a annoncĂ© la baisse du prix du carburant. Il a dĂ©clarĂ© que « les mesures d'austĂ©ritĂ© Ă©taient dues Ă  un dĂ©ficit budgĂ©taire causĂ© par l'incapacitĂ© des pays amĂ©ricains et arabes Ă  verser le montant prĂ©vu de 1,2 milliard de dollars d'aide financière. ». Les États-Unis avaient gelĂ© leur aide financière Ă  l'AutoritĂ© palestinienne en 2011 après que Mahmoud Abbas se soit rendu aux Nations unies demander malgrĂ© l'opposition amĂ©ricaine la reconnaissance d'un État palestinien. Barack Obama a levĂ© ce gel en . Cette mesure a Ă©tĂ© jugĂ©e insatisfaisante par le chef du syndicat des transports palestiniens qui a promis plus « d'actions de rues Â», expliquant que les prix du carburant Ă©taient dĂ©jĂ  trop chers mĂŞme avant la rĂ©cente hausse[10]. Mahmoud Abbas, qui avait exprimĂ© son soutien aux manifestants au dĂ©but de la contestation, la considĂ©rant comme Ă©tant dans la continuitĂ© du printemps arabe, dĂ©fend son Premier ministre. Il a dĂ©clarĂ© que Salam Fayyad « faisait partie intĂ©grante du gouvernement Â», et qu'il assumait la responsabilitĂ© de la politique menĂ©e par le gouvernement Fayyad[6]. Fayyad estime que la crise actuelle est due Ă  la lutte pour le pouvoir entre le Hamas et le Fatah, le parti de Mahmoud Abbas, le manque d'aide financière des pays arabes et le fait qu'IsraĂ«l continue de contrĂ´ler 60 % la Cisjordanie[9].

Des responsables du Fatah ont accusĂ© les États-Unis de « vouloir conduire l’AutoritĂ© palestinienne vers le chaos en imposant un blocus financier » et ont rendu les amĂ©ricains responsables « de l'anarchie et des dĂ©sordres ayant eu lieu Â» et « d'incitation des Palestiniens contre leurs dirigeants Â». Des ONG qui n'ont pas Ă©tĂ© nommĂ©es sont aussi dĂ©signĂ©es comme coupables d'avoir « incitĂ© les Palestiniens Ă  perpĂ©trer des actes de vandalisme et de chaos Â». Avigdor Liberman, le ministre israĂ©lien des Affaires Ă©trangères est quant Ă  lui accusĂ© par le Fatah d’être responsable de la crise du fait des critiques qu'il a formulĂ© contre Abbas et de « pressions Â» sur le prĂ©sident palestinien et la direction palestinienne afin « de contrecarrer la lutte palestinienne pour l'indĂ©pendance et la libertĂ©. Â»[9].

Réaction israélienne

Un haut responsable israélien a qualifié de « pas sérieuse » la demande au ministère de la Défense israélien du ministre palestinien des Affaires civiles Hussein al-Cheikh de réouverture du protocole de Paris, soulignant que si les Palestiniens « veulent rouvrir le protocole de Paris, un accord international, ils auraient dû déposer leur demande auprès du ministère des Affaires étrangères, ou auprès du ministère des Finances, ou tout simplement auprès du bureau du Premier ministre », ajoutant que cette demande avait pour objectif de dire à leur population « Vous voyez, nous avons fait quelque chose et maintenant les Israéliens s'opposent à notre initiative et tout est de leur faute »[7].

Le , le Premier ministre israĂ©lien, Benjamin Netanyahu, a promis « de faire des efforts pour aider l'AutoritĂ© palestinienne Ă  surmonter cette crise Â». Il a aussi annoncĂ© un transfert anticipĂ© de 63,3 millions de dollars de taxes perçues au profit du gouvernement palestinien[6].

RĂ©action du Hamas

Dans la bande de Gaza, un porte-parole du Hamas, a déclaré que ces manifestations étaient « une réaction naturelle au comportement de l'Autorité et le résultat de son échec politique et économique et de la situation de répression sécuritaire et des libertés en Cisjordanie »[7].

Références

  1. « lorientlejour.com/numero/5015/… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  2. Hossam Ezzedine (AFP)
  3. « Face à la hausse des prix, les Palestiniens disent "Dégage !" au Premier ministre », sur france24.com, (consulté le ).
  4. Avi Issacharoff, « Palestinian cost-of-living protesters just want to see some heads roll », Haaretz,‎ (lire en ligne Accès payant, consulté le ).
  5. (en) Joshua Mitnick, « Palestinian Protests Fan Fears Of a Broader Popular Revolt » Accès payant, sur wsj.com, The Wall Street Journal, (consulté le ).
  6. « tempsreel.nouvelobs.com/monde/… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  7. L'Obs, « L'Autorité palestinienne se débat face à une colère sociale grandissante », L'Obs,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le ).
  8. Palestinian leaders seek economic solutions after protests, 11 septembre 2012, The Chicago Tribune
  9. « Palestinians vow to continue cost-of-living protest », sur The Jerusalem Post (consulté le ).
  10. « cnbc.com/id/48985122 »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).

Articles connexes

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