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Condition des femmes en Indonésie

La condition des femmes en Indonésie diffÚre sensiblement selon les régions et la période historique que l'on traite. Le statut juridique le plus favorable aux femmes est traditionnellement celui du pays Minangkabau, tandis que le statut personnel le plus strict est celui du pays d'Aceh qui suit le droit pénal musulman depuis 2001. Ces différences dépendent, en réalité, de nombreuses variables : statut personnel selon la religion, autorités d'occupation, évolution récente de la législation musulmane.

Jeune femme makassar du sud de Sulawesi en costume de cérémonie

Les femmes en Aceh

Femme de l'aristocratie en Aceh (vers 1900)

Des femmes ont joué un rÎle important dans l'histoire de l'ancien sultanat d'Aceh dans le nord de Sumatra. Aceh a eu quatre reines entre 1641 et 1699, dont Tajul Alam (rÚgne 1641-75). Deux femmes de la noblesse d'Aceh tiennent une place de premier rang dans cette lutte contre l'envahisseur hollandais : Cut Nyak Dhien et Cut Meutia.

Selon le Qanun Jinayat (droit pénal musulman) introduit en 2001 dans le cadre d'une loi d'autonomie spéciale, les femmes n'ont désormais plus le droit de sortir aprÚs 22 heures si elles ne sont pas accompagnées, les couples doivent présenter un certificat de mariage pour aller dans un hÎtel et les jeunes filles ne peuvent pas s'asseoir à califourchon sur le tan-sad d'une moto ni porter de pantalon moulant. Les femmes sont tenues de porter en public le jilbab (voile musulman). Une police de la charia (polisi syariah) est créée[1].

L'histoire d'Aceh depuis le XIXe siĂšcle donne le contexte de cette situation. Le sultanat d'Aceh Ă©tait un État alors assez prospĂšre grĂące Ă  la culture du poivre, dont il est alors le plus gros producteur mondial. Mais sa situation Ă  l'entrĂ©e nord du dĂ©troit de Malacca, dont l'Angleterre, qui occupe Singapour, contrĂŽle l'entrĂ©e sud, suscite l'intĂ©rĂȘt de cette derniĂšre et de son rival, le royaume des Pays-Bas, qui contrĂŽle dĂ©jĂ  une partie de Sumatra. Toutefois, le traitĂ© de Londres de 1824 entre les deux puissance garantit l'indĂ©pendance d’Aceh. Mais en 1873 les NĂ©erlandais, qui craignent un rapprochement entre Aceh et les ÉÈtats-Unis, dĂ©cident de lancer une expĂ©dition contre le sultanat. Ils prennent rapidement le contrĂŽle de la cĂŽte mais dans l’intĂ©rieur, les chefs religieux prennent la tĂȘte de la rĂ©sistance. Le sultan et son chef militaire se rendent en 1903 mais les chefs religieux poursuivent la lutte. Plusieurs d’entre eux seront tuĂ©s dans les annĂ©es 1910-1912, mais aucun traitĂ© ne sera signĂ© entre les NĂ©erlandais et la rĂ©sistance.

L'IndonĂ©sie indĂ©pendante sera contrainte de reconnaĂźtre la spĂ©cificitĂ© d'Aceh en lui accordant en 1959 le statut de "rĂ©gion spĂ©ciale". Le centralisme brutal du rĂ©gime Soeharto vide ce statut de son sens. En 1976 est fondĂ© le Gerakan Aceh Merdeka (Mouvement pour un Aceh libre) ou GAM, qui dĂ©clare l'indĂ©pendance de la province. C'est le dĂ©but d'un conflit que le successeur de Soeharto, B. J. Habibie, espĂšre rĂ©soudre en promulguant en 1999 une loi d'autonomie rĂ©gionale qui accorde une grande autonomie aux kabupaten (dĂ©partements). Le Qanun Jinayat est introduit en 2001 comme nous l'avons dit. Toutefois, dans les faits, en raison du statut de Daerah Operasi Militer qui frappe alors la province, et qui est une loi martiale de fait, ce droit islamique n'est pas appliquĂ©. Le conflit prend vĂ©ritablement fin avec un accord signĂ© en 2005 Ă  Helsinki. Des Ă©lections dĂ©signe comme gouverneur un membre du GAM. Le Qanun Jinayat commence Ă  ĂȘtre appliquĂ©.

Aceh a oublié ses traditions.

Les femmes en pays bugis

La princesse Pancana We Tenriolle de Tanete (vers 1920).

Les Bugis du sud de l'ßle de Sulawesi ne considÚrent pas que l'homme ou la femme doive dominer l'un par rapport à l'autre. Ils appliquent l'égalité des sexes dans leur systÚme de famille bilatéral, dans lequel la mÚre et le pÚre jouent un rÎle égal dans la définition de la parenté.

La libertĂ© des femmes bugis Ă©tait dĂ©jĂ  l'objet d'admiration de la part d'observateurs occidentaux au dĂ©but du XIXe siĂšcle. Ainsi Raffles, le fondateur de Singapour, note en 1817 dans son History of Java que les femmes "paraissent plus respectĂ©es que ce Ă  quoi on pourrait s'attendre du niveau d'avancement atteint par la civilisation bugis en gĂ©nĂ©ral". John Crawfurd, un mĂ©decin Ă©cossais qui servit longtemps en Asie du Sud-Est et fut notamment gouverneur de Singapour Ă  la suite de Raffles, Ă©crit dans son Descriptive Dictionary of the Indian Islands and Adjacent Countries (1856) que le fait « que les femmes apparaissent en public est une chose naturelle; elles sont actives dans tous les aspects de la vie; elles sont des partenaires de discussion des hommes dans toutes les affaires publiques, et mĂȘme il n'est pas rare qu'elles occupent le trĂŽne alors que devenir roi est dĂ©terminĂ© par un processus d'Ă©lection Â».

Les femmes en pays minangkabau

Chez les Minangkabau de l'ouest de Sumatra, la terre et les biens immobiliers et mobiliers sont la propriĂ©tĂ© des femmes. Les mĂšres les transmettent Ă  leurs filles. Les hommes n'ayant rien, ils sont contraints d'Ă©migrer (merantau) s'ils veulent faire fortune. Toutefois, leur devoir est de faire profiter le village de leur rĂ©ussite et ils s’occupent de la religion et des affaires politiques.

Les enfants portent le nom de clan (suku) de leur mÚre. L'homme qui en a la responsabilité n'est pas le pÚre, mais l'oncle maternel (mamak). Pour le mariage, c'est la famille de la fille qui vient demander la main du garçon. En cas de divorce, la femme a la garde des enfants.

Mouvements féministes

L'assimilation des fĂ©ministes aux socialistes et communistes, leur dĂ©nigrement comme « prostituĂ©es Â» ou « femmes dĂ©pravĂ©es Â» ainsi que les massacres de 1965-1966 en IndonĂ©sie ont dĂ©truit le principal mouvement fĂ©ministe du siĂšcle dernier, Gerwani[2] - [3]. En 1999, les effets des stĂ©rĂ©otypes et des campagnes de haine menĂ©es Ă  leur encontre se font encore sentir, le ministre des Affaires fĂ©minines accusant une organisation, la Coalition des femmes indonĂ©siennes, d'ĂȘtre infiltrĂ©es par Gerwani et donc d'ĂȘtre dangereuses. De plus, il existe une dĂ©fiance vis-Ă -vis des femmes occidentales, perçues comme potentiellement attentatoires Ă  la fĂ©minitĂ© indonĂ©sienne. Tous ces facteurs concourent Ă  faire du fĂ©minisme un mouvement centrĂ© sur la l'image de la maternitĂ© plus que sur l'autonomie sexuelle[2].

Bibliographie

  • Sonja van Wichelen, Religion, Politics and Gender in Indonesia : Disputing the Muslim Body, Routledge, , 184 p. (ISBN 978-1-136-96387-2, lire en ligne), p. 30

Notes et références

  1. Kamaruzzaman, "Women and syariah in Aceh", Inside Indonesia, juillet-septembre 2004.
  2. van Wichelen.
  3. Geoffrey B. Robinson, The Killing Season : A History of the Indonesian Massacres, 1965-66, Princeton University Press, , 130 ; 288.

Sources

  • Pelras, Christian, Manusia Bugis, Jakarta, 2006
  • Ricklefs, M. C., A History of Modern Indonesia since c. 1300, Stanford, 1981, 1993
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