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Concorde civile

Concorde civile (en arabe : Ű§Ù„ÙˆŰŠŰ§Ù… Ű§Ù„Ù…ŰŻÙ†ÙŠ, prononcĂ© al-oui'am al-madani), est une loi de « grĂące amnistiante » qui a Ă©tĂ© soumise par le prĂ©sident Abdelaziz Bouteflika avec l'assentiment de l'armĂ©e au parlement, qui l'adopte le 8 juillet 1999. Cette loi vise au dĂ©but Ă  rĂ©intĂ©grer dans la vie civile ceux qui ont manifestĂ© leur volontĂ© de renoncer Ă  la violence armĂ©e et Ă  amnistier ceux qui ont Ă©tĂ© impliquĂ©s dans les rĂ©seaux de soutien aux groupes terroristes durant la tragĂ©die nationale de la dĂ©cennie noire.

Les partis de l'opposition, embarrassĂ©s Ă  l'idĂ©e d’appeler Ă  voter « contre la paix », ne donnent pas de consignes Ă  leurs sympathisants. Le projet de loi pour « la Concorde civile » est plĂ©biscitĂ© par voie rĂ©fĂ©rendaire Ă  90 % de votants, le 16 septembre 1999.

Le 15 aoĂ»t 2005, le prĂ©sident Bouteflika annonce un nouveau rĂ©fĂ©rendum sur la « Charte pour la paix et la rĂ©conciliation nationale » six ans aprĂšs l’adoption de la loi sur la « Concorde civile » qui prĂ©voyait dĂ©jĂ  l’abandon dĂ©finitive des poursuites judiciaires contre les islamistes qui dĂ©poseraient les armes et qui sont non coupables de crimes de sang, de viols et d'attentats Ă  l'explosif dans les lieux publics. Plus de 6 000 islamistes descendent du maquis et regagnent leurs foyers.

Histoire

Abdelaziz Bouteflika, revenu d'un long exil en Moyen-Orient fut considéré par les chefs militaires comme le meilleur candidat à la présidence pour assurer le retour à la paix aprÚs une longue et terrible guerre civile connue sous le nom « décennie noire » et qui a fait plus de cent cinquante mille morts, des milliers de disparus, un million de personnes déplacées, des dizaines de milliers d'exilés et plus de vingt milliards de dollars de dégùts[1] - [2].

Abdelaziz Bouteflika remporta quatre élections présidentielles successives en 1999, en 2004, en 2009 et en 2014 avec des pourcentages croissants et contestés par l'opposition, mais en bénéficiant d'une volonté presque générale de retour à la paix.

Ainsi le prĂ©sident rĂ©ussit Ă  consolider son pouvoir sans faire disparaĂźtre pour autant de nombreuses manifestations de mĂ©contentement. Son grand Ɠuvre fut la loi sur la concorde civile, qui prenait la suite de l’ordonnance du 25 fĂ©vrier 1995 initiĂ©e par l'ancien prĂ©sident Liamine Zeroual, et qui fut adoptĂ©e par le parlement le , puis massivement approuvĂ©e par plus de 90% de votants le 16 septembre 1999. Cette loi prĂ©voyait « l’amnistie de ceux qui avaient Ă©tĂ© impliquĂ©s dans les rĂ©seaux de soutien aux groupes armĂ©es et autres destructions de biens et d’équipements.»

Cette loi fut critiquĂ©e aussi bien par les islamistes qui la considĂšrent comme insuffisante que leurs adversaires les plus rĂ©solus qui la trouvĂšrent plus laxistes. Et les critiques redoublĂšrent quand le dĂ©cret prĂ©sidentiel du 13 janvier 2000 accorda une amnistie totale aux membres de l'ArmĂ©e islamique du salut (AIS), qui avaient cessĂ© le feu le 1er novembre 1997 et confirmĂ© leur dĂ©cision de rendre les armes le 4 juin 1999. En six mois environ 5 500 membres des groupes armĂ©s se seraient rendus[3], parmi lesquels 1 000 auraient bĂ©nĂ©ficiĂ© de l’amnistie prĂ©sidentielle et les autres de la loi sur la concorde civile[4], mais ces dispositions suscitĂšrent des critiques parce que le dĂ©cret prĂ©sidentiel permettait une amnistie totale de faits pour lesquels d'autres personnes avaient Ă©tĂ© jugĂ©es et condamnĂ©es, ce qui poussaient les uns Ă  refuser la trop grande indulgence du dĂ©cret prĂ©sidentiel et les autres Ă  rĂ©clamer une amnistie gĂ©nĂ©rale comme Abassi Madani dans une lettre au prĂ©sident datĂ©e de juin 1999[5].

À ces critiques s'ajoute la colĂšre des familles de disparus qui demandĂšrent, en vain une prise en compte de leurs dolĂ©ances. En septembre 2003 le prĂ©sident Bouteflika chargea le prĂ©sident de la Commission nationale consultative pour la promotion et la prĂ©vention des droits de l'homme Frouk Kesentini, de lui proposer des recommandations. Ce lui-ci remit, son rapport en octobre 2005, qui reconnaissait la disparition de 6 146 durant la « dĂ©cennie noire ».

Charte pour la paix et la réconciliation nationale

L’annĂ©e 2005 a Ă©tĂ© marquĂ©e en AlgĂ©rie par l’organisation d’un rĂ©fĂ©rendum, dĂ©cidĂ© par le prĂ©sident dans la prĂ©cipitation et visant Ă  rĂ©tablir la rĂ©conciliation nationale et mettre fin Ă  la violence en tournant la page du terrorisme. La « Charte pour la paix et la rĂ©conciliation nationale » proposĂ©e s’inscrit dans la poursuite de la loi sur la « Concorde civile ».

Ce projet de charte a Ă©tĂ© rendu public, sans dĂ©bat, moins de vingt-quatre heures seulement aprĂšs le discours prĂ©sidentiel. La Charte permet « l’absolution dĂ©finitive des islamistes non coupables, l'attĂ©nuation des peines qui Ă©carte la peine capitale et la perpĂ©tuitĂ© Ă  condition qu'ils se rendent aux autoritĂ©s dans un dĂ©lai de six mois aprĂšs la promulgation de la loi, mais interdit d’activitĂ© politique ceux qui ont utilisĂ© la religion Ă  des fins de prise du pouvoir par la violence. Sont exclues du bĂ©nĂ©fice des dispositions de la Charte les personnes dĂ©tenues condamnĂ©es dĂ©finitivement pour avoir commis ou qui ont Ă©tĂ© les complices ou les instigatrices de massacres collectifs, de viols ou d'utilisation d'explosifs dans les lieux publics »[6].

Les AlgĂ©riens Ă©taient appelĂ©s le 29 septembre 2005 Ă  voter « oui » ou « non » pour un texte qui donnait mandat au chef de l’État d’agir en leur nom pour mettre fin dĂ©finitivement Ă  la violence. Le rĂ©fĂ©rendum ratifiant les textes d’applications de la « Charte pour la paix et la rĂ©conciliation nationale » qui entrĂšrent en vigueur, le 2 mars 2006 et un nouveau dĂ©lai de six mois (jusqu’à la fin aoĂ»t 2006 fut fixĂ© pour permettre aux derniers groupes armĂ©s de se rendre Ă  fin d'en bĂ©nĂ©ficier.)

Sa mise en application en 2006 s’est traduite par la libĂ©ration de plus de 1 500 islamistes condamnĂ©s pour terrorisme dont Abdelhak Layada, l'un des 35 membres fondateurs du « Groupe islamique armĂ© » (GIA) dont il fut durant moins d'un an le chef (1992/1993) et condamnĂ© Ă  mort en 1993. La charte prĂ©cise la crĂ©ation d'une aide pour les veuves et les orphelins des membres des groupes armĂ©s tuĂ©s. Elle proposait aussi de reconnaĂźtre le droit Ă  des rĂ©parations aux familles des disparus. Ces mesures prĂ©voyaient aussi une amnistie complĂšte pour les membres des forces de sĂ©curitĂ© (tous les corps confondus) ils exonĂšrent des abus des exactions dĂ©lictueux qu'ils ont commis. AprĂšs leur l'adoption toutes plaintes contre eux seraient considĂ©rĂ©es comme irrecevables [7].

L'article 46 de l'ordonnance d'application prĂ©voyait aussi «...l'emprisonnement de trois Ă  cinq ans et d'une amende de 250 000 DA Ă  500 000 DA[8], quiconque qui, par ses dĂ©clarations, Ă©crits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragĂ©die nationale, pour porter atteinte aux institutions de la RĂ©publique algĂ©rienne dĂ©mocratique et populaire, fragiliser l'État, nuire l'honorabilitĂ© de ses agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l’AlgĂ©rie sur le plan international. Les poursuites pĂ©nales sont engagĂ©es d'office par le ministĂšre public. En cas de rĂ©cidive, la peine prĂ©vue au prĂ©sent article est portĂ©e au double. »[9].

Critiques

La charte fait l'objet d'une vive controverse et fut dĂ©noncĂ©e vigoureusement par les partis de l'opposition. D'aprĂšs les associations pour la dĂ©fense des familles de disparus, les victimes du terrorisme et les associations de dĂ©fense des victimes des agents de l'État « le principal dĂ©faut de la charte est de fermer la porte Ă  la clarification et aux procĂšs judiciaires contre les auteurs des crimes et la violation des droits de l'homme. Ce manque de transparence empĂȘche les familles d'identifier les responsables et de connaitre les circonstances des crimes commis sur leurs proches »[10]

Un sĂ©minaire intitulĂ© « Pour la vĂ©ritĂ©, la paix et la rĂ©conciliation », qui a constituĂ© 8 000 dossiers de disparus par le Collectif des familles de disparus, qui devait se tenir Ă  Alger en fĂ©vrier 2007 fut interdit au nom de l'article 46 de l'ordonnance 06-01 de mise en Ɠuvre de la Charte pour la paix et la rĂ©conciliation nationale[11].

Bilan de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale

GrĂące aux dispositions prĂ©vues dans la Charte, 6 000 islamistes descendent des maquis et regagnent leurs foyers [12] et 2 200 prisonniers accusĂ©s d'actes terroristes ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s[13]. D'aprĂšs la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) estime qu'environ 300 membres des groupes terroristes ont dĂ©posĂ© leurs armes avant la fin aoĂ»t 2006 [14]. En outre, le prĂ©sident de la CNCPPDH a dĂ©clarĂ© que sa commission a Ă©valuĂ© Ă  « 6 146 [les] cas rĂ©els de disparitions, sur la base de dossiers concrets. »[15] De plus, le prĂ©sident de la CNCPPDH a indiquĂ©, dans un article publiĂ© par le quotidien algĂ©rien La Nouvelle RĂ©publique, que les familles des disparus font face Ă  certains « problĂšmes bureaucratiques » qui entraĂźnent « d'Ă©normes difficultĂ©s en matiĂšre de dĂ©livrance des piĂšces nĂ©cessaires Ă  la constitution de leur dossier. »[16] Selon les autoritĂ©s algĂ©riennes, les dossiers d'indemnisation des 41 000 victimes de la violence terroriste sont Ă©tudiĂ©s par les autoritĂ©s responsables[17].

Par ailleurs, en septembre 2006 et dans le cadre des dispositions prévues dans la Charte, plusieurs des « chefs islamistes » en exil sont rentrés au pays[18]. De retour en Algérie, un des dirigeants de l'ex-FIS Front islamique du salut, a indiqué qu'il n'écarte pas la possibilité que son parti reprenne son combat politique[19], alors que, selon les dispositions de la Charte, toute activité politique est interdite aux « personne[s] responsable[s] de l'instrumentalisation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale »

Seul un groupe armée qui rentrait alors en dissidence vis-à-vis du Groupe islamique armé (GIA), le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) a rejeté l'offre d'amnistie proposée par le gouvernement algérien et déclare qu'il va continuer à opérer dans le pays et réitÚre son allégeance à Al-Qaïda[20]. Selon un article publié par le quotidien L'Expression, il y aurait de 600 à 900 membres de groupes terroristes encore en activité dans le maquis algérien, la majorité appartenant au GSPC, ces groupes armés sont installés « dans le maquis de Kabylie (Tizi Ouzou, Bouira, BoumerdÚs), de l'Est (Skikda, Jijel et Khenchela), de l'Ouest (Sidi Bel AbbÚs) ainsi que dans le Grand Sud »[21].

Collaboration d'anciens terroristes avec les services de sécurité

Certains anciens terroristes qui ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d'une « grĂące amnistiante » de la loi de la « concorde civile » coopĂšrent avec les services de sĂ©curitĂ© comme le cas de Hassan Hattab, un dissident du Groupe islamique armĂ© (GIA) et fondateur du GSPC. RecherchĂ© activement par les forces de l'ordre, sa tĂȘte fut mise Ă  prix 3 millions de dinars (l'Ă©quivalent de 28 000 euro), ordonnait massacres et tueries contre policiers, gendarmes, militaires et civiles, il s'est rendu aux autoritĂ©s le 22 septembre 2007 dans le cadre de la « concorde civile » et depuis lors est devenu un alliĂ© prĂ©cieux des services de sĂ©curitĂ©, avec lesquels il tente de convaincre des jihadistes de dĂ©poser les armes et il exhorte ses anciens militants du GSPC, Ă  se rendre dans le cadre de la « concorde civile ». La collaboration de cet ancien terroriste « permis d'empĂȘcher plusieurs crimes » selon Tayeb Belaiz, l'actuel ministre de l'intĂ©rieur[12].

Filmographie

Notes et références

  1. Le Monde -Dossiers & documents, sous le titre : Algérie embourbée face à l'islamisme. no 307, mars 2002, page : 1.
  2. Luis Martinez, La guerre civile en AlgĂ©rie Recherches internationales. Une collection du CERI. Éditions Karthala. 1998. (ISBN 9-782865-378326)
  3. Liberté, du 2 décembre 2000
  4. Liberté, du 2 décembre 2000
  5. Le Monde diplomatique, mensuel du mois d'avril 2001
  6. Décret présidentiel no 06-106, du 7 mars 2006. Journal officiel de la République algérienne no 14
  7. Journal officiel de la République algérienne no 11, du 28 février 2006. Art : 45, page 6. Format pdf
  8. L'Ă©quivalent de 2 800 Ă  5 000 euros Ă  peu prĂšs.
  9. Journal officiel de la République algérienne no 11, du 28 février 2006. Art : 46, page 7. Format pdf
  10. Collectif Des Familles de Disparus en Algérie (CFDA)
  11. Collectif Des Familles de Disparus en Algérie(CFDA)
  12. Algérie, les repentis, Jeune Afrique, du 23 février au 1er mars 2014.
  13. Le Nouvel Observateur, du 4 septembre 2006.
  14. L'Indépendant, du 15 septembre 2006.
  15. La Tribune du 30 septembre 2006
  16. La Nouvelle RĂ©publique 30 septembre 2006
  17. L'Expression du 18 septembre 2006
  18. La Nouvelle RĂ©publique 19 septembre 2006.
  19. La Tribune 19 septembre 2006
  20. L'Indépendant du 15 septembre 2006
  21. L'Expression du 1er août 2006

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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